Introduction
C’est un monde en polycrise que décrit Ian Kershaw. L’historien anglais énumère les risques à venir qui toucheront les pays européens. L’enjeu est d’identifier parmi des risques ceux les plus impactants pour la société dans les 5 à 10 ans à venir. Depuis 2015, le changement climatique truste ainsi la première place du classement hormis en 2020 où le risque pandémique lui a volé la vedette. Mais son livre, l’âge global, était déjà paru.
Les années 1950 à 2019 apportèrent la paix et une prospérité relative à la majeure partie de l’Europe. D’immenses progrès économiques transformèrent le continent. Le souvenir des guerres mondiales s’éloigna peu à peu, même si leur ombre a continué de planer sur les esprits. Il y eut des succès éclatants : la dissolution du bloc soviétique, la disparition des dictatures et la réunification de l’Allemagne. Mais l’accélération de la mondialisation, la dérégulation financière, la naissance d’un monde multipolaire, la révolution des technologies de l’information ont produit de nouvelles fragilités selon lui. L’enchevêtrement de crises qui ont suivi 2008 a été l’avertissement le plus clair adressé aux Européens : la paix et la stabilité ne sont aucunement garanties et le continent pourrait bien connaître de nouvelles fractures. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère d’incertitudes.
En 2021, le PIB de la France a augmenté de 7% en volume, ce qui permet à l’activité de retrouver presque son niveau de 2019. L’emploi salarié privé et public dépassait de 300.000 postes son niveau d’avant la pandémie. L’économie française serait ainsi non seulement en passe de surmonter le choc le plus violent qu’elle a subi depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais elle en sortirait renforcée. La réalité est cependant toute différente : cette reprise amplifie des faiblesses structurelles de l’économie française : dettes publiques (112% par rapport au PIB en 2022) ou privées, échanges extérieurs très dégradés surtout sur les produits industriels, etc… C’est pourquoi on la qualifie de fragile. En plus, l’inflation est apparue : +5,2% de hausse des prix en 2022. L’inflation poursuit sa décrue en novembre 2023 avec 3.7%. Mais l’alimentation reste très élevée à près de 8%, l’énergie se tempère à +5,6%. Les causes en sont multiples (forte demande puis explosion des coûts). L’inflation est une des conséquences de la guerre en Ukraine. L’inflation annuelle de la zone euro était de 10,6 % en octobre 2022 mais seulement +2,9% en 2023.
L’impression qui prédomine est de ne pas avoir de vision à long terme sur les principaux objectifs économiques de la France ou quand on en a de ne pas s’en donner les moyens. La ré-industrialisation a été clairement affichée mais rien n’est dit sur la maitrise de la chaîne de valeur des matières premières à la production des biens comme les batteries électriques. Autre constat, ces objectifs changent en permanence : un jour on est contre le nucléaire; Quelques mois après on est pour. Autrefois il y avait la planification qui fixait des objectifs à long terme. Maintenant on met des rustines en permanence dès qu’un problème économique se pose.
It is a world in polycrisis that Ian Kershaw describes. The English historian lists the future risks which will affect European countries. The challenge is to identify among the risks those that will have the most impact on society in the 5 to 10 years to come. Since 2015, climate change has taken first place in the ranking except in 2020 when the pandemic risk stole the spotlight. But his book, the global age, had already been published.
The years 1950 to 2019 brought peace and relative prosperity to most of Europe. Immense economic progress transformed the continent. The memory of the world wars gradually faded away, even if their shadow continued to hover over minds. There were resounding successes: the dissolution of the Soviet bloc, the disappearance of dictatorships and the reunification of Germany. But acceleration of globalization, financial deregulation, the birth of a multipolar world, information technology revolution have produced new fragilities according to him. The tangle of crises that followed 2008 was the clearest warning to Europeans: peace and stability are by no means guaranteed and the continent could well experience further fractures. We have entered a new era of uncertainty
In 2021, GDP increased by 7% in volume in France, allowing activity to return almost to its 2019 level. Private and public sector employment was 300,000 jobs above its pre-pandemic level. The French economy would thus not only be on the way to overcoming the most violent shock it has suffered since the Second World War, but it would also emerge stronger. The reality is however quite different: this recovery amplifies the structural weaknesses of the French economy: public debt (112% of GDP in 2022) or private debt, very degraded foreign trade, especially in industrial products, etc. This is why it is described as fragile. Moreover, inflation has appeared, +5.2% in consumer’s prices in 2022. Inflation continues to decline in November 2023 with 3.7%. But food remains very high at almost 8%, energy moderates to +5.6%. Causes are multiple (high demand then explosion of costs). Inflation is one of the consequences of war in Ukraine. Annual inflation in the euro zone was 10.6% in October 2022 but only +2.9% in 2023.
The predominant impression is of not having a long-term vision on France’s main economic objectives or, when we have them, of not giving ourselves the means. Re-industrialization has been clearly displayed but nothing is said about the control of the value chain from raw materials to the production of goods such as electric batteries. Another observation is that these objectives are constantly changing: one day we are against nuclear power; A few months later we are for it. In the past there was planning which set long-term objectives. Now we constantly put patches as soon as an economic problem arises.
«La reprise économique mondiale se poursuit, mais la route est cahoteuse. On assiste à une lente décrue de l’inflation, mais la croissance économique reste faible par rapport à ses valeurs historiques et les risques financiers se sont accrus». Perre-Olivier Gourinchas.
« Un aliéniste qui s’intéressait à ce problème (le mécontentement public) a remarqué que l’instabilité de la monnaie est, une folie sociale analogue à la folie chez l’individu. L’individu, victime d’un détraquement intérieur, ignore la cause de son mal; l’inquiétude s’empare de lui, il s’en prend à tout le monde. De même, le public, ignorant du mécanisme de l’inflation et de la déflation, s’imagine avec vivacité qu’une canaille quelconque s’enrichit à ses dépens. » Irving Fisher, L’illusion de la monnaie stable,
Sommaire
I – LA CRISE ÉCONOMIQUE ET LA REPRISE EN FRANCE
IV – UNE REPRISE INÉGALE SELON LES PAYS
V – CHÔMAGE ET SOUS-EMPLOI EN FRANCE ET DANS L’UE
VI – LE MARCHÉ DU TRAVAIL EN MUTATION
VII – SALAIRES ET COÛTS DE LA MAIN D’ŒUVRE
VIII – L’INFLATION DANS LE MONDE
IX – L’EXTRAORDINAIRE ACCUMULATION DES DETTES DANS LE MONDE
X – L’ÉVOLUTION DES TAUX D’INTÉRÊT
Introduction
° Nombre d’économistes considèrent que la crise de 2020 est passagère et universelle. Comment ne pas être étonné que ceux-ci n’aient pas vu les difficultés de l’économie française (échanges extérieurs déficitaires, endettement des agents sans précédent, retour de l’inflation, rupture des stocks d’approvisionnement,..) malgré la forte reprise en 2021? Comment s’évertuer à faire des prévisions économiques sans préciser clairement que celles-ci sont très dépendantes des variants et des confinements à répétition? La crise énergétique de 2022, liée à la guerre en Ukraine, est là pour le rappeler. Comment attendre des entreprises qu’elles investissent si elles n’anticipent pas des comportements favorables des consommateurs ? Comment espérer la fin des pénuries de matériaux dans certains secteurs ?
° L’économie française et celle de ses partenaires ont subi plusieurs secousses depuis 2020 : la pandémie de Covid 19 et ses confinements ; les tensions sur les chaînes de production et la hausse des prix de l’énergie, des matières premières et des produits agricoles, amplifiés par la guerre en Ukraine ; la diffusion de cette inflation « importée » à la plupart des prix ; enfin plus récemment les premiers effets visibles du resserrement monétaire. Ces « chocs », qui s’emboîtent et ne sont pas sans liens, s’ajoutent à une tendance de croissance économique modeste . Bien que certains éléments du paysage économique aient évolué positivement (en particulier l’emploi mais au prix de gains de productivité négatifs depuis 2020), il en résulte un sentiment répandu de stagnation des niveaux de vie, perceptible dans les enquêtes auprès des ménages(inflation ressentie), doublé d’un intérêt accru pour l’évolution de la répartition des revenus. Il peut s’y ajouter à présent, avec la remontée des taux d’intérêt, un retour des préoccupations d’ordre financier.
° Le déblocage de l’épargne des ménages, accumulée en 2020, est un élément clé de la reprise économique. Mais les ménages sont-ils prêts à dés-épargner pour consommer dans les années à venir? Le taux d’épargne en 2021 a certes diminué mais il reste bien plus élevé qu’en 2019 (voir page Ménages et ISBLSM). Le principe d’Équivalence de Ricardo n’est-il pas en partie applicable aux ménages français : ne pas puiser complétement dans leur épargne accumulée en 2020 pour pouvoir payer ces impôts futurs du fait d’un déficit de 9,2% du PIB en 2020 et d’une dette à 113,7% du PIB en 2021 (voir page Dette publique)? Dès lors que les agents économiques se comportent de manière rationnelle, une politique de relance (distribution de revenus financée par la dette publique) ne les pousserait pas à consommer, mais plutôt à épargner, en prévision de hausses d’impôts futures. Il y aurait, sous certaines conditions, équivalence entre l’augmentation de la dette publique aujourd’hui et l’augmentation des impôts requise demain pour le remboursement de cette dette et le paiement des intérêts.
1/ La crise de la production
° La croissance du PIB a été de 6,8% en 2021 (mais le niveau moyen du PIB en 2021 se situe 1,5% en deçà de son niveau moyen en 2019),
° En 2022, a production continue d’augmenter (+3,6 % en volume après +7,5 %), ainsi que les consommations intermédiaires (+4,5 % après +8,9 %). La hausse de la production des services principalement marchands reste prononcée (+6,5 % après +7,7 %) et constitue le principal moteur de cette croissance (tableau suivant). Elle est elle-même portée par l’hébergement-restauration, branche qui était encore fortement perturbée en début d’année 2021, et par les services aux entreprises qui poursuivent leur expansion.
° La production industrielle ralentit fortement (+0,5 % en 2022, après +7,1 % en 2021 et -10,5 % en 2020), pénalisée par la baisse de la production de la branche gaz – électricité, qui est affectée par les arrêts de centrales nucléaires, et par le ralentissement des branches manufacturières (à l’exception de la cokéfaction-raffinage, qui rebondit nettement). Par ailleurs, la production en construction baisse un peu à la suite de son fort rebond de 2021 (-0,8 %, après +10,6 % en 2021 et -7,3 % en 2020).
° Qu’on le veuille ou non, l’industrie continue de décroître -5.6% par rapport à 2019 dont – 27% pour les matériels de transport (tableau suivant). Or ceux-ci comprennent l’industrie automobile et aéronautique, deux des 4 « top-sectors », c’est-à-dire les secteurs d’activité qui constituent les piliers de l’économie française en référence au commerce extérieur (voir page échanges extérieurs). Le premier traverse une grave crise.
° Donc la croissance de la production en 2022 est uniquement dûe à la croissance des services dont la production, (tableau suivant) a presque retrouvé son niveau moyen de 2019. Mais la mesure-t-on toujours correctement (voir page Vers un Tableau entrées-sorties idéal et mondial)? Mais on observe que la production manufacturière avait baissée en 2009 de -11,5% soit un peu moins qu’en 2020. Aussi l’écart entre la baisse de la production globale en 2009 (-4,9%) et celle de 2020 (-8,6%) provient des services : -7,6% en 2020 contre -3,2% en 2009. En 2020, les services, notamment les services aux particuliers, n’ont pas joué le rôle d’amortisseurs des crises économiques comme en 2009 voire en 1929.
Évolution de la production par branche en volume aux prix de l’année précédente chaînés en %
Source : Insee, comptes nationaux
° Certes il y a eu des créations d emplois. et de nombreuses créations d’ entreprises (graphique suivant). D’autres résultats positifs ont été enregistrés : en 2021, les entreprises en France ont signé un total de 718.000 contrats d’apprentissage (+37%), un record après une année 2020 déjà record (+42% par rapport à 2019). Ce chiffre s’explique d’abord par les décisions gouvernementales, et par les aides accordées pendant la crise sanitaire facilitant l’emploi des jeunes.
° D’abord cette hausse des créations d’entreprises est principalement due à l’essor des immatriculations d’entreprises individuelles sous le régime du micro-entrepreneur. Celles-ci s’accroissent de 17 % en 2021, soit 93 400 immatriculations supplémentaires, et atteignent 641 500 créations. Les créations ont ainsi plus que doublé depuis 2017, année précédant le relèvement des plafonds de chiffre d’affaires ouvrant droit au régime. On peut se demander si les fortes créations de petites entreprises ne sont pas en partie liées à une progression modérée des rémunérations dans le secteur privé?
Nombre de créations d’entreprises depuis 2010
2/ Le partage du revenu disponible brut (RDB) entre les secteurs institutionnels
° Le revenu disponible national brut se décompose entre quatre catégories d’agents économiques : les ménages, les sociétés non-financières et financières, les administrations publiques (APU) et les ISBLSM. « En niveau », les ménages bénéficient de la majorité (61 % = 158,5/192,2) du revenu national disponible brut (tableau suivant). Ils ont aussi capté la grande majorité (plus de 80 %) de la hausse nominale (en euros courants) du revenu national entre 2019 et 2022 . En contrepartie ce sont plutôt les sociétés et les APU dont le revenu a pâti relativement aux autres agents ou à leur part en niveau. Mais ce résultat ne doit pas être surinterprété car les écarts à une évolution homothétique des revenus des différentes catégories d’agents sont modérés.
Principaux agrégat par secteurs institutionnels entre 2019 et 2022 en milliards d’euros
° Au niveau de la nation, la dépense (de consommation ou d’investissement) a davantage augmenté que le revenu (graphique suivant). C’est en partie le fait d’une consommation nationale plus dynamique que le revenu, ce qui se traduit par un taux d’épargne national en légère baisse par rapport à 2019 du fait surtout d’un fort investissement des sociétés, peut-être favorisé par le contexte de taux d’intérêt bas jusqu’en 2022, et par les besoins d’équipement en produits informatiques notamment. Par conséquent, le taux d’épargne financière national a davantage reculé encore.
° Du côté des ménages, le taux d’épargne s’est envolé en 2020 pendant le confinement sanitaire (20,9%), la consommation ayant été restreinte tandis que les revenus étaient généralement maintenus. Le taux d’épargne est ensuite retombé (17,4% en 2022) mais sans rejoindre le niveau d’avant-crise (15,1% en 2019) ; le constat est le même pour l’épargne financière, mais dans une moindre mesure car l’investissement en logement a été soutenu jusqu’en 2022. La situation financière des sociétés a évolué moins favorablement, compte tenu de la progression très modérée du revenu disponible et de l’expansion de l’investissement. Une part importante de la baisse de la capacité de financement des sociétés provient cependant des sociétés financières, pour lesquelles les données récentes, encore très incomplètes, doivent être prises avec beaucoup de prudence.
Utilisation de la hausse du revenu disponible brut national entre 2019 et 2022, en milliards d’euros
Source : Insee, comptes nationaux
° Dans ce contexte, la capacité de financement de la nation s’est fortement dégradée pour atteindre 3,7 points de PIB de déficit en 2022 (premier graphique suivant). L’essentiel de cette baisse reflète le repli du solde du commerce extérieur , lui-même en grande partie affecté par la hausse de la « facture énergétique » (second graphique suivant). Mais le solde des biens hors énergie a continué lui aussi de se replier, tandis que la balance des services est redevenue favorable, sous l’effet de la reprise du tourisme et d’un excédent exceptionnel du fret maritime.
° C’est du côté des APU que se situe l’essentiel de la baisse de la capacité de financement national depuis trois ans. ela s’explique notamment par une croissance de la dépense publique restée soutenue, tandis que le revenu réel national et celui des administrations publiques n’a pas progressé. La situation qui en résulte est au final celle des « déficits jumeaux », le déficit public et le déficit du commerce extérieur.
Besoin de financement de la nation et solde des échanges extérieurs, en point de produit intérieur brut (PIB)
Décomposition du solde des échanges extérieurs, en milliards d’euros
3/ Faible hausse du pouvoir d’achat
° Le pouvoir d’achat de la nation (ménages, sociétés, administration publique) a légèrement baissé, de 0,7 %, entre 2019 et 2022. Cela recouvre un double phénomène : d’abord la faible progression de l’activité productive nationale; le PIB en volume ne se situe en 2022 qu’un peu au-dessus (+0,8 %) du niveau de 2019 (graphique suivant). Certes, les effets du choc sanitaire ont surtout été temporaires, mais le rebond en 2021 et 2022 n’a pas permis de retrouver la « tendance » attendue avant la crise sanitaire. Ensuite, il y a eu la perte de revenu réel due à la dégradation des termes de l’échange international. Elle s’établit à 1,4 point de PIB en 2022, du fait de la vive hausse du prix des importations (+17 %), en particulier de produits énergétiques. Encore cette perte est-elle limitée par la hausse concomitante du prix des exportations (+13 %), certains exportateurs nationaux (dans l’agriculture, les matériels de transport, le fret maritime notamment) ayant pu écouler leurs produits à des prix réévalués.
Revenu intérieur brut , PIB et revenu disponible brut, en termes réels, en Md€ d’euros de 2014
Source : Insee, comptes nationaux
Le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages a progressé d’environ 3 % au total sur trois ans, mais de seulement 1,5 % si on le calcule par « unité de consommation » pour tenir compte de la hausse de la population (graphique suivant). Mais on vient de voir que le fait que le pouvoir d’achat stagne n’implique pas que la dépense de consommation fait de même. Les agents peuvent utiliser leur revenu pour consommer des produits, pour investir (y compris des biens immobiliers), ou pour acquérir des actifs financiers. Si la dépense de consommation courante est inférieure au revenu, on est en situation d’épargne, sinon de désépargne. Si l’investissement en capital physique est inférieur à l’épargne, on est en situation d’épargne financière (épargne – investissement – autres). Ces calculs peuvent se faire pour un agent donné, et aussi au niveau national dans la mesure où les résidents peuvent globalement acquérir des actifs nets vis-à-vis du reste du monde ou à l’inverse s’endetter.
Pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages, indice base 100 en 2014
Source : Insee, comptes nationaux
° Le taux d’épargne des ménages (épargne brute / revenu disponible brut), bien qu’en baisse en 2021, reste plus élevé qu’en 2019 dans l’UE comme en France même si il est plus faible que dans certains pays (Allemagne). Y-a-t-il un lien entre des taux d’épargne assez élevés et le vieillissement de la population ?
Taux d’épargne des ménages en % du revenu disponible brut
4/Plusieurs indicateurs ne sont guère favorables : prix, productivité, commerce extérieur, dettes,…
Taux d’inflation (%, évolution annuelle, 2022)
5/ Une crise mondiale mais variable selon les pays
° La crise est mondiale mais plus ou moins prononcée. La croissance en France est faible. La croissance chinoise s’essouffle : chute des exportations, ralentissement de la production, manque de confiance des ménages et des entreprises affectant la consommation et l’investissement, indice des prix en territoire négatif… les indicateurs de l’été 2023 ravivent les craintes.
° Ainsi la principale constatation est la divergence d’évolution du PIB en 2020 entre la Chine (+2,3%), les États-Unis (-3,5%, soit à peu près le même rythme que le PIB mondial) et la Zone Euro (-6,8%). Dans celle-ci il y a encore des divergences, la France étant assez mal placé (-8,2%). C’est au Royaume-Uni (-10%) et en Espagne (-11%) que le PIB a le plus baissé.
° La reprise mondiale en 2021 s’est essoufflée et est devenue de plus en plus déséquilibrée. Certains segments de l’économie mondiale connaissent un rapide rebond tandis que d’autres risquent d’être marginalisés, notamment les pays à faible revenu où les taux de vaccination sont bas, ainsi que les entreprises et les employés des secteurs à fortes interactions sociales, où la demande ne s’est pas encore pleinement rétablie. La dynamique insufflée par le vif rebond d’activité lié à la réouverture de l’économie perd à présent de l’élan dans de nombreux pays du fait de la persistance de perturbations au niveau de l’offre, de la hausse des coûts des intrants et des retombées toujours sensibles de la pandémie. Des tensions inflationnistes accrues et plus durables se sont fait jour dans l’ensemble des économies à un stade inhabituellement précoce du cycle, et des pénuries de main-d’œuvre apparaissent alors même que les taux d’emploi et le nombre d’heures travaillées ne se sont pas encore totalement redressés. Les coûts à revenu faible, et les prix s’inscrivent également en hausse dans les secteurs de biens durables concentrant l’essentiel des difficultés d’approvisionnement.
° Le rapport de l’OMC sur le suivi des mesures commerciales du G-20, publié le 4 juillet 2023, montre que la guerre en Ukraine, les séquelles de la pandémie de COVID-19, les phénomènes météorologiques extrêmes et les prix élevés des produits alimentaires et énergétiques continuent d’engendrer des incertitudes pour le commerce mondial. Celui-ci progresse moins vite que le PIB mondial (voir page Chaînes de valeur mondiales).
6/ Des scénarios plus que des prévisions
° Aujourd’hui, est il encore possible de faire des prévisions économiques à trois mois (crise sanitaire, guerre en Ukraine, …) ? les réponses aux conséquences du coronavirus sont déjà en place et les filets de sécurité sont certes nombreux. Au niveau national, la protection sociale est considérable, sans commune mesure avec ce qui existait en 1929, et ce qui existe encore aujourd’hui aux États-Unis.
° Aussi l’OCDE comme l’OFCE mettent en place des scénarios plus que des prévision (s’agissant par exemple de l’évolution du taux d’épargne des ménages en 2021-2022) montrant par là qu’ils subsiste de grosses incertitudes.
° D’abord, les prévisions internationales de l’OFCE et de l’OCDE sont réalisées sous l’hypothèse que la progression de l’immunité collective permettra une levée significative des contraintes dans l’ensemble des pays à partir de l’été 2021 ce qui n’est pas acquis avec l’arrivée de nouveaux variants (Delta puis Omicron).
° Quand l’OFCE fait ses prévisions au début de 2021, il table sur uen croissance mondiale sde 5,5 % en 2021, ce qui fait plus que compenser la baisse en 2020 [8]. Dans les grands pays développés, la croissance serait de 3 % en Allemagne, 4 % en Italie, 6 % au Royaume-Uni, compensant une partie de la chute d’activité observée en 2020. Les États-Unis enregistreraient quant à eux une reprise supérieure à la récession de 2020 (6 % après -3,5 %).
° Le soutien public au revenu disponible des ménages en 2020 a conduit à une forte accumulation d’épargne. Fin 2021, l’épargne additionnelle, du fait de la crise de la Covid-19, hors épargne de précaution, atteindrait 9 points de revenu disponible en Allemagne. Cette épargne se situerait autour de 12 points de revenus en Italie et en Espagne, à près de 15 points au Royaume-Uni et 16 points aux États-Unis.
° En 2022, la conjoncture mondiale dépendra fortement de l’utilisation par les ménages de cette « épargne-Covid » accumulée. Si un cinquième du surcroît d’épargne est consommé en 2022, la croissance serait de 5,5 % en Allemagne et en Italie, d’environ 8 % en Espagne et 6 % aux États-Unis. Si cette même épargne n’était pas consommée, la croissance serait alors de 4 % en Allemagne et en Italie, d’environ 6 % en Espagne et 4 % aux États-Unis. Les implications pour la dette publique sont importantes.
° Ainsi les prévisions pour 2022 dépendent de manière cruciale de l’utilisation de l’«épargne Covid» accumulée par les ménages selon l’OFCE. Dans un scénario où 20 % de ce surplus d’épargne est consommé, la croissance française serait de 6 % en 2022, le taux de chômage à 8,7 % et la dette à 115 % du PIB. Dans le cas où cette « épargne-Covid » n’est pas du tout consommée, le taux de croissance serait de 4,3 %, le taux de chômage de 9,4 % et la dette publique à 117 % du PIB en 2022
° Selon l’OCDE, le déploiement des vaccins à l’échelle mondiale demeure inégal et des restrictions subsistent dans certains pays et certains secteurs.
6/ Comment a évolué l’emploi ?
7/ Quel avenir ?
° Certains économistes ne sont guère optimistes. « La crise de 2008, ce n’était rien du tout [2] ». On commence à se rendre compte de l’ampleur de la crise du Covid puis de celle de l’énergie en 2022, grâce aux mesures prises par l’État, qui a joué son rôle d’assureur en dernier ressort et évité que les revenus des entreprises et et le pouvoir d’chat des ménages ne s’effondrent. Il faut cependant rappeler que, pour cela, l’État a emprunté et ainsi reporté le sacrifice à plus tard, car il faudra à un moment rembourser cette dette par des augmentations d’impôts. M. Friedman, prix Nobel d’économie disait » : « There is no free lunch ». Le test PCR est-il gratuit? L’installation du compteur Linky est-elle gratuite? etc…. Il y a la face cachée de la gratuité : d’une part, elle pousse à la surconsommation; d’autre part, la facture est présentée tôt ou tard, via l’impôt ou le chômage ou les prix.
° Quel sera aussi le destin de l’activité aéronautique dans les dix prochaines années, fleuron de l’industrie française ? Il est difficile de répondre. D’autant qu’il faut tenir compte dans ce secteur des questions liées au changement climatique. Si tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut baisser les émissions de CO2 dans l’aéronautique, personne ne sait vraiment le faire technologiquement. En outre, le développement des instruments de travail à distance va probablement avoir un effet négatif sur la demande de transport aérien et, en conséquence, sur le carnet de commandes d’Airbus. Certes il y a des plans de recherche et développement pour l’avion du futur. Parce qu’on va investir massivement pour trouver les technologies qui permettront à l’industrie aéronautique de rebondir. L’investissement en recherche est un moteur de l’activité économique. Il est aussi probable que le carnet de commandes d’Airbus se regarnisse quand la crise sera terminée. Il y a des inquiétudes mais aussi des raisons d’espérer.
° Quel sera l’avenir du transport aérien, du tourisme, d’autres industries comme l’automobile en partiulier de la voiture électrique produite beaucoup moins chère en Chine qu’en France ?
° Un pays peut-il sortir de la crise sans priorité industrielle quand de grands groupes industriels sont ainsi vendus à des entreprises étrangères ? Le fait que la France n’ait pas été capable de produire un vaccin efficace, le fait qu’elle n’ait pas eu de masques en mars et avril 2020 et que l’on ne sache pas comment en produire autrement qu’artisanalement, tout cela a été un choc pour les Français. Cela a rappelé crûment que le libre-échange à tous crins, sans stratégie industrielle, poserait des problèmes (voir page Désindustrialisation par pays). Faut-il que l’État repense sa façon d’investir dans des secteurs stratégiques pour assurer notre indépendance, qu’il y ait une véritable politique industrielle comme l’entendait Édith Cresson, seule Premier Ministre à s’y être intéressée ?
° Le passage sous pavillon étranger d’entreprises industrielles stratégiques françaises, victimes d’attaques prédatrices de concurrents internationaux, est un thème on ne peut plus moderne. Le groupe Lafarge-Holcim a été renommé récemment Holcim, la composante suisse du groupe. Les exemples où les groupes français sont la partie lésée du mariage sont nombreux ces dernières années. La fusion, puis la scission entre Technip et FMC initialement présentée comme un « mariage entre égaux » en est aussi un bon exemple. En 2017, le Français Technip (13,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 32.500 employés) et son concurrent américain FMC (6,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 16 500 employés), fusionnent. Mais trois ans plus tard, les deux sociétés se séparent. L’activité sous-marine, la plus rentable, est pour la partie américaine. Et l’activité déclinante d’ingénierie pour la partie française.
° Mais l’achat le plus retentissant de la dernière décennie reste l’offensive de General Electric sur Alstom Power. General Electric arrive à ses fins en septembre 2015 et prend le contrôle d’une partie d’Alstom. Alors qu’il avait promis de créer 1 000 emplois en France, le géant américain annonce en 2017 la suppression de 350 emplois à Grenoble, et de plus d’un millier à Belfort en 2019. La grande perdante est la souveraineté économique de la France en matière nucléaire (turbines d’alimentation des centrales nucléaires). À moins que l’entreprise EDF rachète d’une partie de l’activité nucléaire de GE Steam Power acquise en 2014 par General Electric ?
° La politique énergétique est d’ailleurs cruciale pour l’avenir du pays : à quel prix EDF doit vendre l’électricité ? Comment faire démarrer le fonctionnement des EPR très couteux, … (voir page Comptes de l’énergie) ?
° Faut-il plus que jamais que l’État joue son rôle en investissant dans des capacités de production de biens et services stratégiques ? Dans celui des satellites par exemple, avoir un système de GPS indépendant, c’est essentiel pour de nombreuses activités. L’État peut renforcer son rôle de stratège en investissant massivement dans des technologies prometteuses, mais sans oublier les industries de base presque à l’abandon en France : sidérurgie, industries mécaniques (biens d’équipement), électriques et électroniques, etc,… .
« Le Plan France 2030 » répondra-t-il aux grands défis de notre temps, en particulier la transition écologique, à travers un plan d’investissement massif pour faire émerger les futurs champions technologiques de demain et accompagner les transitions de nos secteurs d’excellence : énergie, automobile (!), aéronautique ou encore espace ?
1/ Les agrégats macro-économiques en 2020 et 2021
a) Le PIB et ses composantes
En 2022, le PIB croît de 2,5 % en euros constants, après le fort rebond de 2021 (+6,4 %), qui faisait suite à la chute de l’année 2020 (-7,5 % ; tableau suivant). La croissance en 2022 résulte surtout de la reprise de l’activité aux deuxième et troisième trimestres 2021 en sortie de crise sanitaire, la croissance trimestrielle ayant ensuite été nettement moins dynamique au cours de l’année 2022, dans un contexte de forte hausse des prix. En moyenne sur l’année 2022, le PIB est repassé au-dessus de son niveau de l’année 2019, mais reste bien inférieur à la prolongation de sa tendance pré-crise sanitaire.
Le commerce extérieur contribue négativement à la croissance du PIB (-0,6 point), tandis que la demande intérieure finale la tire vers le haut : la consommation effective des ménages contribue pour +1,7 point, les variations de stocks pour +0,7 point et l’investissement pour +0,5 point.
La baisse du PIB est bien plus forte en 2020 qu’en 2009 (-2,9%). Les exportations diminuent plus en 2020 (-15,8%) qu’en 2009 (-10,9%) Il reste que la crise de 2009 est d’une autre ampleur que celle de 1975, avec par exemple une baisse de la production manufacturière de 11,5% en 2009 et de la FBCF des ménages de 12,5%, évolutions presque comparables à celles de 2020.
Le PIB et les opérations sur biens et services
Contribution à la croissance du PIB en volume en %
1. Administrations publiques.
Lecture : en 2022, la croissance du PIB est de 2,5 %. L’investissement contribue pour 0,5 point à cette croissance.
Source : Insee, comptes nationaux, base 2014.
b) Les dépenses de consommation des ménages rebondissent grâce à leur consommation en services
La consommation effective des ménages croît de 2,4 % en euros constants en 2022, achevant son rebond de 2021 (+5,9 % en 2021, après -6,5 % en 2020). La partie de cette consommation prise en charge par les administrations publiques (APU) ralentit (+2,9 %, après +8,5 % en 2021 et -5,9 % en 2020) en raison de la baisse des volumes de services de santé (-2,2 %, après +12,9 % en 2021 et -4,0 % en 2020). Toutefois, les dépenses en médicaments continuent d’augmenter fortement (+12,0 % après +11,1 %) et les dépenses en services de loisirs accélèrent nettement (+36,0 %, après +17,6 % en 2021 et -35,2 % en 2020).
c) L’investissement en volume progresse modérément
À la suite du fort rebond de 2021 (+10,3 % en euros constants, après -6,8 % en 2020), l’investissement augmente de 2,2 %, soit un rythme proche de celui des années pré-crise sanitaire. Cette hausse cache une forte hétérogénéité par produit, avec d’une part, des baisses dans l’investissement en construction (-1,1 %) et dans les automobiles (-14,2 %) et d’autre part, de fortes hausses qui se poursuivent, principalement dans les machines et équipements (+11,4 %, après +13,2 % en 2021) et les services informatiques (+10,1 % après +10,5 %).
d) Le commerce extérieur contribue négativement à la croissance
En volume, les échanges extérieurs continuent en 2022 leur rebond initié en 2021 : les exportations augmentent de 7,1 % en euros constants (après +11,0 % en 2021 et -16,9 % en 2020) et les importations de 8,6 % (après +9,4 % en 2021 et -12,3 % en 2020). Ils contribuent ainsi négativement à la croissance en 2022.
Cette contribution négative tient principalement à la dégradation du solde des échanges d’énergie en volume, en lien notamment avec le rebond des imports d’hydrocarbures bruts (+17,2 % en 2022, après +8,0 % en 2021 et -25,2 % en 2020) du fait de la reprise économique et de la reconstitution des stocks de gaz. L’arrêt pour maintenance de centrales nucléaires a aussi provoqué une hausse des importations d’électricité et une baisse des exportations : la France a ainsi été importatrice nette d’électricité cette année pour la première fois depuis 40 ans.
Le déficit commercial en euros constants pour les produits manufacturés continue de se dégrader, notamment les produits chimiques, pharmaceutiques et de la métallurgie. L’excédent en matériels de transport évolue peu et reste à un niveau bas depuis 2020.
Du côté des services, il est difficile de commenter les chiffres assez peu cohérents avec ceux de la Balance des Paiements (voir page échanges extérieurs) alors que ceux-là compensent en partie le déficit des biens. Le solde deq comptes nationaux (CN) est de 41,3 Mds quand celui de la Balance des paiements est de 52 Mds. Tout au plus, on observe une hausse importante et proche de ces soldes entre 2021 et 2022 ; +17 Mds dans la BdP et +18,6 Mds dans la CN. Autre constat, ce sont les postes « voyage » et « transport « qui expliquent cette hausse.
Tout au plus, le solde des dépenses touristiques s’améliore nettement en 2022. Les consommations des étrangers en France sont en forte hausse (+52,6 %) en euros constants et se rapprochent de leur niveau de 2019, tandis que les consommations des Français à l’étranger augmentent moins (+20,7 %) et sont toujours en retrait par rapport à 2019.
d) Le besoin de financement de la Nation se creuse en 2022
En valeur, le déficit des échanges extérieurs s’accentue fortement en 2022 : il atteint 102,3 milliards d’euros (Md€), soit 55,2 Md€ de plus qu’en 2021. Cela résulte du cumul de la dégradation du solde des échanges extérieurs en euros constants (pour 14,9 Md€) et de la dégradation des termes de l’échange extérieur (pour 40,3 Md€).
De plus, le solde des opérations de répartition se dégrade de 12,3 Md€. Cette dégradation provient du solde des revenus de la propriété, plus précisément des revenus d’intérêt. Les intérêts versés aux non-résidents augmentent davantage que ceux reçus des non-résidents, en raison notamment de la forte hausse de la charge d’intérêts des administrations publiques.
Au total, le besoin de financement de la Nation se creuse de 2,5 points de PIB pour atteindre 3,7 % du PIB en 2022 (soit 97,6 Md€).
Quelques éléments du tableau économique d’ensemble, en milliards d’euros en %
2/ Comment s’est réparti le coût macroéconomique de la crise sanitaire ?
Entre 2019 et 2020, le revenu national a diminué de plus de 150 Md€, soit un recul de 6,3 %. Ce chiffre est la contrepartie en valeur monétaire du recul du PIB en volume (-7,9 %). Rapporté à la taille de la population, il correspond à un revenu monétaire amoindri de près de 2 300 euros par habitant [5].
a) La perte de revenu national entraînée par la pandémie a été supportée entre 70 % et 80 % par l’État et le reste par les entreprises
Le recul du revenu national indique la baisse des revenus tirés des productions recensées par les comptes nationaux, en tenant compte du solde des revenus et transferts effectués avec le reste du monde. Au niveau macroéconomique, il mesure la baisse du revenu disponible pour les trois grands groupes d’agents de l’économie : les entreprises, les ménages et les administrations publiques.
Une première question est de savoir qui a supporté cette baisse de revenu national. Les administrations publiques en sont le premier porteur, pour plus de 70 % du total. Dans le graphique suivant, les sociétés incluent les sociétés financières, et les ménages les entrepreneurs individuels et les institutions sans but lucratif au service des ménages. La répartition du revenu disponible reflète l’affectation « primaire » du revenu entre agents (rémunération des salariés, revenus de la propriété…) et la distribution « secondaire » de revenu induite notamment par le système « fiscalo-social ».
Évolution du revenu disponible brut – En 2020 en Md€ (Source : Insee, comptes nationaux)
Ce constat reflète l’idée déjà bien comprise que les finances publiques ont été un puissant amortisseur des revenus privés pendant la crise, tant de façon « automatique » (les prélèvements baissent mécaniquement lorsque les revenus diminuent et certaines prestations augmentent) que par le jeu des dispositifs de soutien adoptés en réponse à la pandémie.
Le reliquat de la perte de revenu national a été assumé par les entreprises, même si la perte de revenu subie par celles-ci a été nettement moindre que celle de leur production. On peut en outre noter que le partage de la perte de revenu national passe à 80 % environ pour les administrations publiques et se réduit d’autant pour les entreprises si l’on tient compte des aides publiques comptabilisées en transferts en capital (comme la fraction des reports de cotisations qui ne serait pas recouvrée), non intégrées au concept classique de revenu disponible.
Enfin, le revenu disponible des ménages a été intégralement préservé et a même globalement un peu augmenté. Toutefois, après prise en compte de l’évolution des prix et de celle de la structure des ménages, le pouvoir d’achat « par unité de consommation » est resté stable.
Naturellement, cette répartition macroéconomique entre grandes catégories d’agents masque de fortes disparités entre les agents eux-mêmes. Certaines personnes ont perdu leur emploi ou plus généralement vu leurs revenus d’activité limités du fait de la crise, notamment les artisans et commerçants, et sans doute les jeunes. Ainsi, 22 % des ménages déclarent que leurs revenus ont diminué par rapport à l’avant crise . Au niveau des entreprises, les pertes de production dans les 20 % de secteurs les plus affectés expliquent l’essentiel du recul du PIB (Insee, 2021d), et au sein même de chaque secteur existent de fortes disparités entre entreprises
b) Une perte de revenu qui a « déjà été payée » pour près de moitié par le recul de la consommation
On sait que pendant la crise sanitaire la consommation a beaucoup reculé car elle a été contrainte tout comme la production par les restrictions visant à contenir l’épidémie. Au niveau de la nation dans son ensemble donc, le choc de revenu s’est traduit environ pour un peu moins de la moitié par une baisse de la consommation, et pour le restant par un recul de l’épargne nationale, par construction puisque l’épargne est par définition l’écart entre revenu et consommation. Ainsi le coût macroéconomique de la crise, pour la seule année 2020, a été déjà pour un peu moins de moitié globalement assumé sous la forme d’une moindre consommation par les différents agents. Cela signifie donc aussi qu’une grosse moitié ne l’a pas été.
Partage du recul du revenu disponible brut national entre consommation et épargne – En 2020 en Md€ (Source : Insee, comptes nationaux)
Il apparaît aussi que la baisse de l’épargne nationale recouvre des mouvements de sens contraire : d’une part, les ménages ont dégagé un flux d’épargne positif plus élevé en 2020 qu’en 2019 (pour plus de 95 Md€), compte tenu de ce que leur revenu a été préservé tandis qu’ils ont effectivement moins consommé. D’autre part, l’épargne dégagée par les entreprises, et surtout par les administrations publiques, s’est nettement repliée. Au passage, on notera qu’on peut difficilement conclure de l’observation du seul surcroît d’épargne des ménages que ces derniers sortiraient « plus riches » de la crise. Ce surcroît est en quelque sorte la contrepartie, et seulement partiellement, de la dégradation de la situation financière des autres agents, surtout les finances publiques. Derrière les agents au sens de la comptabilité nationale se trouvent en effet toujours in fine des ménages : les entreprises sont détenues par des personnes (parfois des non-résidents) et les engagements pris par les administrations publiques reposent en fin de compte sur les capacités contributives aux charges publiques.
Évolution de l’épargne des agents – En 2020 en Md€ (Source : Insee, comptes nationaux)
3/ L’impact de la crise sanitaire sur l’organisation et l’activité des entreprises
Le premier confinement lié à l’épidémie de Covid-19 au printemps 2020 a provoqué un recul historique de l’activité : 73 % des sociétés déclarent une baisse de leurs ventes supérieure à 10 %, et 35 % une baisse supérieure à 50 % durant cette période. Un tiers des sociétés ont fermé pour une durée moyenne de 57 jours, le plus souvent à la suite de restrictions administratives d’accueil du public (65 %), mais aussi pour des questions d’approvisionnement (8 %) ou de débouchés (7 %) [8]. Cette suspension d’activité a touché en priorité les activités les plus étroitement en contact avec le public : la restauration, l’hébergement, les services à la personne ou les activités culturelles et récréatives, mais aussi les transports aériens. En septembre 2020, 1 % des sociétés sont encore fermées.
Au total, la pandémie de Covid‑19 et les mesures de restrictions sanitaires, concrétisées en France par plusieurs périodes de confinement et déconfinement progressif et par un ensemble de mesures évolutives comme les couvre‑feux et les restrictions de déplacement, ont provoqué un ralentissement brutal de l’activité économique. Sur l’ensemble de l’année 2020, en France, le PIB a diminué de 7,9 % et la valeur ajoutée des entreprises de 8,1 %. Ces évolutions globales masquent l’hétérogénéité des situations individuelles des entreprises, y compris au sein d’un même secteur d’activité.
Pour faire face à la chute brutale de l’activité, plus de quatre sociétés sur cinq ont fait appel aux aides mises en place par les pouvoirs publics : chômage partiel (70 % des sociétés), report des échéances sociales (53 %), prêt garanti par l’État (41 %). Le recours à ces mesures a été particulièrement fréquent dans la restauration (97 %), le commerce et la réparation automobiles (96 %) ou l’hébergement (95 %). Par exemple en cas d’activité partielle, les salariés ayant une perte de salaire, en raison de la réduction de leur temps de travail, sont indemnisés par l’employeur. En contrepartie, celui-ci perçoit une allocation d’activité partielle cofinancée par l’État et l’Unédic (chômage partiel).
Parallèlement, les entreprises se sont adaptées à ce nouvel environnement en modifiant leur offre (20 %) et en proposant de nouveaux produits ou services (10 %), en réorganisant leur logistique (52 %), en mettant en place de nouveaux partenariats (7 %). Elles ont également mis en œuvre les gestes barrières pour un coût allant jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires selon l’activité. Enfin, le télétravail a permis à 40 % des sociétés restées ouvertes durant le confinement de poursuivre leur activité : en septembre 2020, 26 % des sociétés envisagent d’y recourir plus souvent de façon transitoire ou définitive.
a) 57 jours de fermeture en moyenne
Pendant le premier confinement, au printemps 2020, 34 % des sociétés ont suspendu leur activité. Une minorité de sociétés (19 %) a alterné périodes d’ouverture et de fermeture. Les arrêts ont affecté les sociétés de moins de 50 salariés plus fréquemment que les autres (36 %, contre 20 % pour celles de 50 salariés ou plus), les sociétés de 250 salariés ou plus ayant été plus rarement concernées (13 %). Les secteurs les plus touchés sont ceux frappés par une mesure d’ordre administratif (interdictions ou restrictions d’accueil du public), du fait des contacts avec la clientèle : la restauration (87 % des sociétés à l’arrêt, au moins temporairement), l’hébergement (68 %), les services à la personne (56 %) ou les activités culturelles et récréatives (56 %). Le commerce de détail, dans son ensemble, a été moins affecté (35 %), même si de nombreux magasins ont dû aussi fermer temporairement. Les interruptions ont été plus rares dans l’industrie (26 %) et les transports (19 %), mais pas dans la construction (52 %), qui a dû revoir son organisation pour mettre en place les gestes barrières.
En moyenne, la fermeture a duré 57 jours, ce qui correspond à la période du confinement (graphique suivant). Mais cette phase a été plus longue dans les activités soumises à une restriction d’accueil du public prolongée (78 jours, soit jusqu’à fin mai, dans la restauration, 98 jours, soit jusqu’à mi-juin, dans les arts, spectacles et activités récréatives) ou indirectement affectées par les mesures de confinement (95 jours, soit jusqu’à mi-juin, dans l’hébergement).
En septembre 2020, presque toutes les sociétés ont repris leur activité : 1 % sont toujours fermées. Ces sociétés encore fermées sont principalement dans la restauration (20 % des sociétés encore fermées), le commerce de détail (14 %), l’hébergement (13 %) et les travaux de construction spécialisés (11 %). Près de neuf sur dix ont moins de 50 salariés.
Ce qui frappe le plus c’est que ce sont les entreprises de services qui sont les plus affectées. On ne trouve qu’en douzième position le premier secteur de l’industrie affecté par les fermetures, celui des industrie agro-alimentaires. Puis vient celui de l’industrie automobile. Jamais, une crise économique n’a autant affecté les services (voir page Diversité tertiaire).
Nombre moyen de jours de fermeture par secteur d’activité depuis le début de la crise sanitaire
b) Un recul historique de l’activité au printemps 2020 lors du premier confinement
Lors du premier confinement, plus de quatre sociétés sur cinq estiment avoir subi une baisse de leur activité, comprise entre 10 et 50 % par rapport à la même période en 2019 pour un tiers des sociétés et supérieure à 50 % pour un autre tiers (graphique suivant). Les sociétés de 10 à 49 salariés sont les plus touchées par cet effondrement de l’activité (36 % ont connu une baisse supérieure à 50 %, contre 28 % pour celles de 250 salariés ou plus). De même, certaines activités ont été plus touchées que d’autres : l’hébergement et les activités culturelles (avec une perte d’activité de plus de 50 % pour plus de 7 sociétés sur 10), de même que la restauration (6 sociétés sur 10 dans ce cas). À l’autre bout du spectre, 6 % des sociétés ont vu leur activité augmenter pendant le confinement. Les secteurs qui engrangent les résultats les plus positifs sont le commerce de détail (11 % des sociétés ont enregistré une croissance de plus de 10 %) ou l’industrie pharmaceutique (7 %). Sur le premier semestre 2020, l’activité baisse de 17 % en moyenne, mais un quart des sociétés affichent une diminution supérieure ou égale à 30 % . Cette situation perdure à la sortie de l’été, puisque le niveau d’activité sur la première quinzaine de septembre est en baisse de 13 % en moyenne par rapport à la même quinzaine en 2019, la moitié des sociétés estimant cependant une réduction inférieure ou égale à 5 % entre le second semestre 2019 et le second semestre 2020. Les secteurs les plus touchés en septembre sont les mêmes qu’au premier semestre, avec un recul de l’activité de plus de 30 % dans l’hébergement ou les activités culturelles et de plus de 25 % dans la restauration. Avant même les annonces d’un deuxième confinement, les perspectives n’étaient guère optimistes avec une baisse prévue de + 10 % du chiffre d’affaires en moyenne sur le second semestre 2020 (– 40 % dans l’hébergement, – 30 % dans les activités culturelles et – 23 % dans la restauration).
Évolution de l’activité pendant le premier confinement de 2020 par rapport à la même période en 2019, par taille de sociétés
c) Un choc d’activité brutal d’ampleur variable selon le secteur
Pour chaque entreprise et secteur, il est possible de simuler l‘évolution de son chiffre d’affaires sur l’année 2020 dans un scénario où la pandémie ne serait pas survenue. Les chocs d’activité de chaque entreprise sont ainsi estimés par la différence entre le chiffre d’affaires observé et le chiffre d’affaires qui aurait prévalu en l’absence de crise, ou chiffre d’affaires contrefactuel. C. Cette situation contrefactuelle est ensuite comparée au chiffre d’affaires réellement observé. Cette méthode permet de quantifier le manque à gagner économique attribuable à la crise et d’analyser l’hétérogénéité des chocs au niveau individuel.
L’activité économique totale a été très ralentie pendant le premier confinement de 2020. Entre mars et mai, son niveau se situe 27 % en dessous de son niveau estimé en l’absence de crise sanitaire (graphique suivant). Sur le seul mois d’avril, cet écart est de – 35 %. L’activité économique a ensuite rebondi entre juin et septembre, tout en restant 10 % en dessous de son niveau attendu hors crise. La perte d’activité du printemps n’a donc pas été compensée par une activité plus élevée en été ou au début de l’automne. Au quatrième trimestre, qui inclut le deuxième confinement, la perte d’activité est estimée à environ 10 %. D’une part, le deuxième confinement a été plus court et moins contraignant que le premier. D’autre part, les entreprises ont pu davantage adapter leur stratégie et leur organisation qu’au début de la crise.
Évolution du choc d’activité économique agrégé au cours de l’année 2020
Le premier confinement a constitué un choc pour tous les secteurs, mais d’ampleur variable. L’hébergement‑restauration, la fabrication de matériels de transport et les « autres services » sont les trois secteurs dont l’activité économique a été la plus déprimée, avec une perte d’activité estimée respectivement à – 71 %,– 54 % et – 47 % entre mars et mai. Les secteurs de l’information et de la communication, de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont mieux résisté (respectivement – 13 %, – 11 % et – 9 %). Au contraire, lors du deuxième confinement, seuls certains secteurs ont vu leur activité se dégrader à nouveau de manière significative après la reprise modérée de la période estivale : hébergement‑restauration (– 54 %) et les « autres services » (– 33 %). Pour l’essentiel des autres secteurs, l’activité a baissé de façon plus limitée. Le secteur cokéfaction‑raffinage a également connu un choc important par rapport à son niveau d’activité attendu, mais une partie de cet écart est attribuable à des chocs exogènes intervenus juste avant le début de la crise, comme la fermeture des raffineries.
Dans plusieurs secteurs industriels, comme l’électronique et les autres produits industriels, l’activité économique a rebondi entre les deux confinements et s’est presque rétablie au niveau attendu lors du second (– 3 % et – 5 % respectivement).
Ventilation par secteur et taille du choc d’activité économique entre mars et décembre 2020
d) Baisse de la demande et ruptures d’approvisionnement
D’autres facteurs que les interdictions d’accueil du public ont également pesé sur l’évolution de l’activité : la baisse de la demande en France, soulignée par 66 % des sociétés, les problèmes d’approvisionnement (58 %), les difficultés logistiques de transport et de livraison (50 %), les questions financières, dont des problèmes de trésorerie (34 %). En revanche, la disponibilité de la main-d’œuvre en France et la fermeture des frontières n’ont été un problème que pour un quart des sociétés (respectivement 22 % et 27 %). La taille des entreprises est peu discriminante, sauf en ce qui concerne l’international et les questions financières. 33 % des sociétés de 250 salariés ou plus ont été touchées par l’évolution de la demande étrangère contre 17 % des sociétés de 10 à 49 salariés (6 % pour celles de 5 à 9 salariés du commerce de détail). À l’inverse, les plus petites entreprises, disposant de réserves moins solides pour affronter une situation inédite, ont été plus concernées par des problèmes financiers (43 % des entreprises de 10 à 49 salariés, contre 28 % de celles de 250 salariés ou plus).
e) Un recours massif au chômage partiel et au rééchelonnement des cotisations sociales
Dès le mois de mars, pour faire face à la chute d’activité engendrée par le confinement et donc à celle des recettes, le gouvernement a mis en place diverses aides aux entreprises, comme le prêt garanti par l’État (PGE) ou un moratoire des échéances sociales ou fiscales. Les organismes publics ou privés ont également été encouragés à reporter les échéances des loyers et des factures d’énergie (eau, gaz, électricité) ou à rééchelonner les dettes.
Plus de quatre sociétés sur cinq (84 %) déclarent avoir fait appel à une ou plusieurs de ces mesures d’urgence. Quelle que soit l’activité, au moins les deux tiers des sociétés y ont recouru, avec un pic pour la restauration (97 %), le commerce et la réparation automobiles (96 %), l’hébergement (95 %) et les activités culturelles et récréatives (94 %) ; seule l’énergie fait exception (36 %). Cela ne signifie pas pour autant qu’elles en ont toutes bénéficié, leurs demandes ayant pu être refusées. La mesure la plus sollicitée au cours du premier confinement a été le recours au chômage partiel (70 % des sociétés). Ont été également très demandés le report des échéances sociales (53 % des sociétés), notamment Urssaf, et le PGE (41 %) (graphique suivant).
Les sociétés de 10 à 249 salariés ont eu plus fréquemment recours aux mesures d’urgence que leurs homologues de 250 salariés ou plus (86 %, contre 79 %). Les sociétés de 5 à 9 salariés du commerce de détail ont fait, très logiquement, plus souvent appel à l’aide de 1 500 euros en faveur des TPE (22 %).
Recours aux différentes mesures d’aides pendant le premier confinement
La reprise en 2021 est ainsi loin d’être acquise à moins d’un retour à la normale inespéré. La crise économique actuelle n’aurait rien à voir avec les précédentes. Cette crise aurait une dimension environnementale, démographique, sanitaire aussi bien qu’économique (voir encadré ci-dessous).
S’agissant de l’économie, la crise a de multiples facettes passées, présentes ou futures :
En outre la crise actuelle est certes universelle mais elle affecte plus ou moins les pays. Il en va de même pour la reprise économique. De même que les entreprises productives s’en sortent mieux que celles moins productives, on a l’impression que les États « forts » (commerce extérieur excédentaire, déficit public limité, chômage limité, industrie florissante, etc…) avant la crise le redeviennent après : Allemagne, Chine, pays du Nord de l’Europe et dans une certaine mesure les États-Unis. Alors que les autres pays « plus faibles », dont probablement la France, ont plus de mal à remonter la pente malgré la forte reprise en 2021.
En ce sens la crise actuelle rappelle en partie celle de 1929 par son ampleur, sa divergence selon les pays, sa difficulté à la résoudre au niveau mondial avec la montée des nationalismes, et plus probablement sa durée (si on admet qu’elle n’est pas terminée). Elle n’a rien à voir avec le premier choc pétrolier de 1973 (baisse du PIB en 1975), ni avec la crise financière de 2007 des subprimes puis des dettes publiques, même si celle-ci a entraîné un net ralentissement de la croissance des échanges mondiaux depuis 2009 (voir page chaînes de valeur mondiales). Tout au plus la crise économique de 2020 est lié à un choc exogène contrairement aux crises de 1929 et de 2009 où les aspects financiers et monétaires sont primordiaux. Mais il y a bien des gagnants et des perdants.
Pour compléter ce tableau, la crise du coronavirus ne frappe pas une économie en parfaite santé même si la période 2015-2019 a été une période de regain des marges des entreprises [6] :
On note aussi que la crise de 1929 survient 10 ans après la grippe espagnole, une pandémie qui a fait des ravages bien plus considérables en terme de décès que le Covid 19 ( 2,5 % à 5% de la population mondiale). Et la grippe de Hong-Kong qui a fait près d’un million de décès dans le monde entre 1968 et 1970 n’a pas été vraiment commenté par les médias malgré quelques arrêts importants dans l’économie. La santé humaine liée à une pandémie ou à une crise écologique devient ainsi prioritaire même si la pandémie du Covid 19 aurait et a provoqué bien plus de décès que la grippe de Hong-Kong et qu’il fallait trouver des vaccins à tout prix.
On se reportera aux diverses pages pour l’analyse de la conjoncture de certaines activités en 2020 (pages Comptes de l’industrie, Comptes des services,…) ou pour des aspects des finances publiques (pages Dette publique, Dépense Publique).
À partir de plusieurs travaux, on propose dix caractéristiques de la crise de 2020, notamment en France.
Si il y avait un graphique (parmi d’autres) à retenir de la crise de 2020, ce se serait le suivant : jamais depuis les crises du dix-neuvième siècles, une crise économique n’avait autant sinon plus affecté les services que l’industrie (caractéristique n°6), et ce même si certains secteurs comme ‘l’automobile et l’aéronautique sont très affectés.
La pandémie a déclenché un déplacement de la consommation des services vers les biens, en particulier aux États-Unis [7]
1/ L’activité et les échanges mondiaux
a) Une récession inédite en 2020
Un an après le début de la crise de la Covid-19, le premier bilan d’un choc sanitaire aux conséquences économiques sans équivalent dans l’histoire contemporaine peut être dressé selon l’OFCE. Aucune région du monde n’a été épargnée par la récession en 2020 et rares sont les pays qui affichent des pertes d’activité inférieures à 4 % en moyenne annuelle par rapport à la trajectoire qui aurait pu être suivie en l’absence de pandémie (graphique suivant). Les rythmes de baisse de l’activité varient toutefois très fortement d’un pays à l’autre (voir ci-dessous)
La trajectoire de référence considérée est celle résultant des prévisions du FMI publiées à l’automne 2019, car ces dernières sont exhaustives pour les pays considérés ici. Il convient en effet pour cet exercice d’homogénéiser les biais de prévision. L’écart entre le PIB effectif et le PIB prévu est dénommé « écart d’activité ».
Écart d’activité en 2020 en %
La trajectoire des économies au cours de l’année 2020 a été séquencée en trois phases. Au premier semestre, face à l’expansion de la pandémie à partir de mars, les gouvernements ont mis en place des mesures de confinement des populations particulièrement restrictives. Ces mesures ont précipité les pays dans une violente récession. Au troisième trimestre, l’activité a pu profiter d’un rattrapage partiel, à la faveur d’une levée partielle des restrictions induite par le ralentissement prononcé des contaminations durant l’été. Enfin, la résurgence de l’épidémie, tout particulièrement en Europe, à l’automne a déclenché une nouvelle vague de restrictions. Le rebond d’activité du troisième trimestre 2020 n’a donc été que temporaire, et au quatrième trimestre, l’activité s’est contractée à nouveau, avec soit des croissances faibles, comme en Allemagne et aux États-Unis avec respectivement 0,3 et 1,1 %, soit négatives, comme en France et en Italie avec respectivement -1,9 et -1,4 %. Finalement, même si ce durcissement des restrictions a provoqué une chute d’activité bien moindre que dans la première moitié de l’année 2020, les évolutions économiques sont restées tributaires de l’évolution de l’épidémie et des mesures prises par les gouvernements pour la freiner. Ainsi, les pays qui ont pris les mesures sanitaires les plus restrictives sont aussi ceux qui ont affiché les moins bonnes performances de croissance au quatrième trimestre.
Selon l’OCDE, la production mondiale est restée inférieure d’environ 1 % à son niveau d’avant la pandémie, avec des différences marquées du rythme de la reprise selon les économies (graphique suivant). La croissance s’est ainsi poursuivie au quatrième trimestre 2020, mais des divergences de plus en plus marquées apparaissent.
Croissance du PIB selon les pays en %
Le rebond a été relativement rapide dans plusieurs grandes économies de marché émergentes. L’activité a dépassé ses niveaux d’avant la pandémie en Chine, en Inde et en Turquie, dopée par de vigoureuses mesures budgétaires et quasi-budgétaires ainsi que par le redémarrage de l’activité dans l’industrie manufacturière et la construction. Les déficits de production sont restés relativement modérés dans de nombreuses économies de la région Asie-Pacifique, dont l’Australie, le Japon et la Corée, grâce à l’efficacité des mesures d’endiguement rigoureuses adoptées, aux aides publiques et au redémarrage plus large du secteur manufacturier au niveau régional. Des mesures de relance vigoureuses et une amélioration des conditions financières ont permis de stimuler aussi l’activité aux États-Unis, même si la dynamique a faibli fin 2020.
Dans les grandes économies européennes avancées, la reprise a été moins rapide à cause des perturbations massives provoquées par de nouvelles vagues de contaminations et par la réduction des heures de travail qui s’en est suivie dans de nombreux secteurs de services. Les différences de spécialisation sectorielle ont aussi un impact sur la croissance, les économies les plus dépendantes du tourisme et des déplacements internationaux étant généralement celles où le PIB a le plus reculé en 2020.
Il semble que les mesures d’endiguement et la diminution de la mobilité qu’elles entraînent aient désormais un impact négatif sur l’activité plus limité qu’aux premiers stades de la pandémie. Cette évolution résulte peut-être en partie d’un ciblage plus judicieux des mesures de santé publique et des aides au revenu. De plus, les restrictions récentes visent principalement les secteurs de services impliquant une forte proximité physique entre les fournisseurs et les clients, l’activité n’étant généralement moins touchée dans le secteur manufacturier et celui de la construction. Les entreprises et les consommateurs se sont aussi adaptés à l’évolution des dispositions concernant le travail et les restrictions sanitaires. Si ces facteurs contribuent à limiter le coût économique des mesures d’endiguement actuelles par rapport au printemps 2020, on peut aussi penser que le rebond économique qui suivra la levée des restrictions sera peut-être également plus modeste que généralement attendu.
b) Les mesures de restriction freinent toujours la croissance
Établir un lien entre l’activité et l’intensité des mesures de confinement prises pour endiguer l’épidémie suppose de pouvoir quantifier ces dernières. La multiplicité des mesures possibles et leur nature qualitative rend cette quantification difficile. Les chercheurs de l’Université d’Oxford et de la Blavatnik School of Government ont construit un indicateur mesurant la rigueur des réponses gouvernementales pour 185 pays. Partant de ces indicateurs, il est possible de mesurer la sévérité du dispositif global de restrictions mis en place dans les pays et de le rapprocher de la croissance du PIB au quatrième trimestre 2020. On constate que les différences de croissance sont globalement corrélées à l’intensité des confinements (graphique suivant). Les pays qui ont le plus reconfiné au dernier trimestre 2020 (Autriche, Italie, France) sont aussi ceux dont le PIB s’est à nouveau contracté, même si c’est dans une moindre mesure qu’au printemps 2020. À l’inverse, les pays qui ont le plus relâché les mesures de restriction ont connu un rebond de l’activité, comme le Brésil ou les Philippines, et de manière particulièrement marquée l’Inde.
Corrélation entre le taux de variation du PIB et l’évolution des indices de restriction*
La dispersion des pays autour de ce schéma général reste forte car d’autres facteurs affectent l’activité. Cette dernière dépend en premier lieu de la structure de la valeur ajoutée nationale et notamment du poids des services marchands, particulièrement touchés par le confinement. Elle s’explique aussi par le degré d’ouverture des pays et leur exposition aux chocs subis par leurs partenaires commerciaux ainsi que par le poids du tourisme dans l’économie. Cette dispersion résulte enfin très vraisemblablement des difficultés d’élaboration des comptes trimestriels dans le contexte de la crise de la Covid-19 et de la manière dont les instituts statistiques ont remédié aux problèmes créés par cette situation inédite, en particulier la comptabilisation de la production non marchande. Les révisions ultérieures pourront changer le tableau dépeint à l’heure actuelle par les comptes nationaux. D’autres facteurs, en plus des mesures obligatoires, ont également affecté le comportement des agents économiques : la crainte de la contamination a pu provoquer un report d’achats impliquant des contacts sociaux, même en l’absence de contraintes légales, ou le caractère anxiogène de la crise inégalement ressenti par les populations a pu susciter des comportements d’épargne de précaution s’ajoutant à la sur-épargne « Covid ».
c) production industrielle et échanges commerciaux
La production industrielle mondiale a continué de se redresser ces derniers mois, et les échanges mondiaux de marchandises ont maintenant retrouvé leurs niveaux d’avant la pandémie (graphique suivant), grâce à la forte demande de matériel informatique et de fournitures médicales. L’investissement des entreprises est lui aussi fortement reparti à la hausse, malgré la persistance des incertitudes à court terme et le niveau élevé de l’endettement des entreprises. Cela étant, la dynamique s’est essoufflée vers la fin 2020 dans les économies pour lesquelles on dispose de mesures mensuelles de la production ou du PIB, en raison de l’activité contenue dans les secteurs de services. Au total, l’activité industrielle et les échanges redémarrent, mais la dynamique s’essouffle dans les secteurs de service.
Indicateurs d’activité mondiale (décembre 2019 =100)
Commerce mondial (variation en glissement annuel)
2/La crise du Covid affecte presque autant les services que l’industrie
a) L’évolution de la production des services dans l’UE
Au cours des années qui ont suivi la crise financière et économique, la production de services a augmenté de manière relativement stable (graphique suivant). Au cours des premiers mois de 2020, la crise de la COVID-19 et les mesures de confinement prises par les gouvernements ont eu un effet dramatique sur la production de services. En seulement deux mois, entre février 2020 et avril 2020, la production de services en Europe a chuté de près de 17 %.
Indice de la production de services pour les principales industries de services, données mensuelles, corrigé des variations saisonnières (2015 = 100)
Le développement a été assez hétérogène selon la branche des services (graphique suivant). Les services de transport ont diminué d’environ 19 %, en particulier le transport aérien a été gravement touché. Le transport d’eau, d’autre part, a été beaucoup moins affecté.
La production de services d’information a chuté de près de 4 %, en particulier la production de films, d’émissions de télévision, etc. a ressenti les effets de la pandémie. Les services professionnels et techniques ont diminué de plus de 8 %, les services administratifs et de soutien de plus de 15 %, même les activités immobilières ont diminué de 12 %.
Les plus touchés étaient l’hébergement et les services de restauration (principalement des hôtels et des restaurants). En raison du confinement, des mesures de distanciation sociale, et probablement d’une demande réduite, leur production a chuté de plus de 75 % (pour en savoir plus sur les effets de la pandémie de COVID-19, voir ci-dessous).
En mai et juin 2020, la situation a commencé à s’améliorer pour presque toutes les industries de services et a commencé à se développer d’une manière largement comparable à celle de 2015 à 2020. À l’été et à l’automne 2021, la plupart des industries avaient retrouvé le niveau d’avant la crise.
En décembre 2022, le total des services était de près de 11 % supérieur à celui de février 2020. La seule exception à cette tendance positive a été les services hôteliers et d’hébergement qui étaient encore inférieurs de 5 % à ce qu’ils étaient avant la pandémie de COVID-19. (Pour les services immobiliers, le développement est quelque peu différent des autres secteurs de services puisqu’une baisse importante a déjà eu lieu en janvier 2020.)
Indice de la production de services pour les principales industries de services, données mensuelles, corrigé des variations saisonnières (2015 = 100)
Si l’on regarde plus en détail, à savoir les divisions de services non financiers, plusieurs activités ont connu une forte baisse de production au début de la pandémie.
Pour le transport par eau, une volatilité relativement importante peut être observée. Dans une certaine mesure, cela semble être le résultat d’une forte évolution des prix de ces services. En outre, les chiffres sont largement dominés par les données d’un pays. L’indice des services de transport aérien montre également une certaine volatilité. En outre, cet indice a chuté de façon spectaculaire en raison de la crise de la COVID-19 (-78 % entre février et avril 2020).
L’indice des services de transport terrestre s’est développé de manière assez stable depuis 2015, on peut en dire autant pour les services de soutien aux entrepôts et aux transports. Bien que ces industries aient connu un déclin au cours de la première vague de la pandémie, elles se sont complètement rétablies depuis.
Indice de la production de services pour le transport, le stockage et les services postaux, données mensuelles, corrigées des variations saisonnières (2015=100).
En général, le développement des services d’hébergement (principalement des hôtels) et des services de restauration et de boissons (principalement des restaurants) été très similaire. Pendant la pandémie de COVID-19, de nombreux hôtels et restaurants ont été fermés, ce qui a entraîné une baisse sans précédent de la production dans ces zones de services en mars et avril 2020. Au cours de l’été 2020, la situation s’est quelque peu améliorée, mais avec la vague suivante de la pandémie, les niveaux de production de ces deux services ont de nouveau chuté et sont ensuite restés à un niveau bas pendant six mois. Au printemps et à l’été 2021, les activités ont de nouveau augmenté, mais ont de nouveau diminué en hiver. Les niveaux de production antérieurs ont été brièvement repris au printemps 2022, mais depuis lors, la production a à nouveau diminué.
Indice de la production de services pour l’hébergement et les services alimentaires, données mensuelles, corrigée des variations saisonnières, partiellement estimée (2015=100).
Plusieurs services d’information tels que le traitement des données, l’hébergement de données, les portails web et des activités similaires montrent un développement relativement dynamique depuis 2016, ces services n’ont pas non plus été affectés par la crise de la COVID-19 et les mesures de confinement (graphique suivant). La programmation informatique et les services de conseil connexes ont également affiché une croissance très régulière et seulement des effets mineurs de la pandémie. Les services de télécommunications (câblés et sans fil, services de télécommunication par satellite, etc.) ont affiché une croissance très régulière mais modérée pendant la période d’observation. D’une manière générale, les services d’information et de communication ont été relativement moins touchés par la crise de la COVID-19, à l’exception de la production cinématographique, de la production télévisuelle, de l’enregistrement sonore et d’activités similaires.
Indice de la production de services pour les services d’information et de communication, données mensuelles, corrigé des variations saisonnières (2015=100).
En général, l’indice de production des activités immobilières s’est développé de manière assez stable mais peu dynamique depuis 2015 (figure 6). Déjà en janvier 2020, c’est-à-dire quelques semaines avant le principal foyer de la pandémie de COVID-19 en Europe, l’indice a chuté de plus de 10 points. Une baisse similaire s’est produite deux mois plus tard en mars, puis en avril, c’est-à-dire plus tard que les autres industries de services. En décembre 2022, l’indice était d’environ 5 % inférieur à son niveau élevé d’avant la crise en décembre 2019.
Indice de la production de services pour les activités immobilières, données mensuelles, corrigé des variations saisonnières (2015=100).
Le graphique suivant résume le développement de diverses branches qui fournissent des services professionnels, scientifiques et techniques (en grande partie à d’autres entreprises). La plupart de ces services présentent un schéma de développement relativement stable. La seule exception à cela est «d’autres services professionnels, scientifiques et techniques», tels que le design spécialisé, la photographie , qui, cependant, a une influence relativement faible sur les résultats globaux pour cette branche d’activités. La crise de la COVID-19 a frappé, en particulier, la publicité et des études de marché. Les services juridiques et comptables ainsi que les services architecturaux et techniques ont principalement diminué en mars et avril, mais ont connu une croissance relativement stable, bien que modérée, et ont dépassé le niveau d’avant la crise.
Indice de la production de services pour les services professionnels, scientifiques et techniques, données mensuelles, corrigé des variations saisonnières (2015=100).
Le graphique suivant montre l’évolution de la production dans les services aux entreprises typiques. Les services de sécurité ainsi que les services aux bâtiments (tels que le nettoyage) et les paysages se sont développés de manière très stable — de toute évidence, la demande de ces services n’est pas beaucoup influencée par le climat économique général. Au cours de la crise de la COVID-19, les services tels que les agences de voyages, les voyagistes et les services de réservation similaires ont connu une baisse importante dont ils ne se sont pas encore remis. Les activités d’emploi ont également connu une réduction significative, mais ont déjà dépassé le niveau d’avant la crise au début de 2022.
Indice de la production de services pour les services administratifs et de soutien, données mensuelles, corrigé des variations saisonnières (2015=100).
On présente les branches les plus touchées par la pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement qui ont suivi.Alors que l’indice de la production de services a chuté de 19 points d’indice entre février et avril 2020; les services d’alimentation et de boissons ont chuté de plus de 80 points. Au cours de l’été 2020, la production de ces services a de nouveau augmenté, mais a diminué à nouveau au second semestre de l’année et est restée à un niveau extrêmement bas. À l’été 2021, la situation s’est quelque peu améliorée mais bientôt une nouvelle baisse s’est amorcée. Les données les plus récentes montrent que l’indice des services d’hébergement ne s’est pas encore remis des effets de la pandémie. Les services d’hébergement affichent, dans l’ensemble, le même schéma de développement que les services d’alimentation et de boissons. Les services de transport aérien ont également enregistré une réduction massive de la première vague de la pandémie (-86 points d’indice entre février et avril 2020), mais leur reprise a été plus stable que celle des hôtels et des restaurants. Les agences de voyages, les voyagistes et les prestataires de services similaires ont eu les effets les plus néfastes de la pandémie de COVID-19. L’indice de leur production a chuté de plus de 90 points lors de la première vague de la pandémie et a depuis augmenté très lentement, au cours des derniers mois, il y a même eu une stagnation et une légère baisse. Les données les plus récentes montrent que la production de cette branche est encore bien inférieure au niveau de février 2020.
Indice de la production de services pour les services touchés par la pandémie de COVID-19, données mensuelles, corrigé des variations saisonnières (2015=100).
b) L’évolution de la production dans l’industrie et la construction
Dans l’ensemble de l’UE, les activités industrielles qui ont subi les plus grands impact pendant la première vague de la pandémie COVID-19 en mars et avril mars et avril 2020 ont été les suivantes : fabrication de véhicules à moteur, de remorques et de semi-remorques, de cuir, d’habillement ; de meubles et de textiles. Toutefois, la production de ces activités a fortement rebondi en mai et juin 2020.
En ce qui concerne la fabrication de meubles, de textiles et de cuir, des informations plus récentes montrent une évolution relativement stable de la production depuis l’automne ou le début de l’hiver 2020.
En revanche, la production industrielle pour la fabrication d’articles d’habillement a retrouvé son niveau de février 2020 en août 2020, mais la production a chuté assez fortement pendant la plupart des mois restants de 2020 avant de se stabiliser en 2021.Une certaine volatilité est réapparue au cours des deux premiers mois de 2022.
La reprise dans la construction de véhicules automobiles, de remorques et de semi-remorques s’est poursuivie pendant quelques mois. En octobre 2020, la production a atteint un niveau inférieur d’à peine 2 % à celui observé en février 2020. Par la suite, la production a diminué la plupart des mois, chutant de 32 % au total entre octobre 2020 et septembre 2021.La production a quelque peu augmenté au cours des derniers mois de 2021, Mais la volatilité est revenue au cours des premiers mois de 2022.
Indices de production industrielle pour les cinq divisions manufacturières les plus touchées lors de la pandémie COVID-19 (%, variation par rapport au mois précédent, UE, janvier 2019-avril 2022)
Source : Eurostat
Laa production de la construction dans l’UE en avril 2020 était inférieure de 26 % à celle de février 2020. Une croissance de 32 % de la production entre avril et août 2020 a porté la la production de la construction en août 2020 à un niveau inférieur de 2 % à celui de février. Depuis lors, la production a été assez stable, avec une croissance légèrement plus forte enregistrée en mars 2021 (+ 3,7 %) et en janvier 2022 (+ 3,2 %). En avril 2022, la production dans la construction était supérieure de 1,8 % à celle d’avant la pandémie. pour le bâtiment, le niveau était supérieur de 3,1 % ; pour le génie civil, il était inférieur de 3,3 %.
Indices de la production dans le secteur de la construction (%, variation par rapport au mois précédent, UE, janvier 2019-avril 2022)
Source : Eurostat
c) Le PIB chute dans les pays touristiques
Alors que le nombre d’arrivées d’hébergements touristiques dans l’UE en janvier et février 2020 était proche de ceux de janvier et février 2019, la pandémie et les mesures connexes ont entraîné une baisse considérable en mars et avril 2020. Cette baisse a été suivie d’une modeste augmentation du nombre d’arrivées en mai, tandis que la courbe s’est accélérée – sans toutefois se rétablir complètement – au début de l’été 2020. Pendant le reste de l’été et de l’été et de l’automne, l’évolution l’automne, l’évolution a été similaire en 2020 à celle de 2019, mais avec environ 39 à 48 millions d’arrivées en moins chaque mois de juillet à décembre 2020 par rapport aux mois équivalents.
La situation observée au cours du second semestre de 2020 s’est poursuivie au cours du premier semestre 2021, avec 38-63 millions d’arrivées en moins dans les hébergements touristiques de l’UE chaque mois de janvier à juin 2021 correspondant au mois équivalents de 2019. Par la suite, le nombre d’arrivées a fortement augmenté. Néanmoins, de juillet à décembre 2021, le nombre d’arrivées a diminué de 12 à 25 millions chaque mois que pendant les mois équivalents de 2019.
Si l’on compare directement 2021 avec 2020 (en laissant de côté les mois pré-pandémiques de janvier et de février 2020 2020 et le mois de transition de mars 2020), il y avait chaque mois de 2021, plus d’arrivées que le mois mois équivalent de 2020. Par exemple, de mai à décembre 2021, il y a eu au moins 19 millions d’arrivées supplémentaires arrivées de plus chaque mois que pour chaque mois équivalent de 2020. Cette reprise s’est poursuivie au cours des trois premiers de 2022, avec plus d’arrivées en janvier, février et mars 2022 qu’un an plus tôt,
Arrivées dans les hébergements touristiques (millions d’arrivées, UE, janvier 2019-mars 2022)
Source : Eurostat
La pandémie liée au coronavirus (COVID-19) a ainsi précipité l’économie du tourisme dans une crise sans précédent, sous l’effet du choc brutal et immense qu’elle a provoqué pour ce secteur. D’après des estimations révisées de l’OCDE, le COVID-19 a entraîné un repli de 60 % du tourisme international en 2020. On a observé que le tourisme international a rebondi d’abord au sein de zones géographiques spécifiques (l’Union européenne, voir ci-dessus).
Le tourisme intérieur, qui représente environ 75 % de l’économie du tourisme dans les pays de l’OCDE, devait se rétablir plus rapidement. C’est le principal levier pouvant être actionné pour favoriser une relance, surtout dans les pays, les régions et les villes où le secteur du tourisme représente beaucoup d’emplois et d’entreprises.
Les répercussions de la crise se font sentir dans l’ensemble de l’écosystème du tourisme et, pour rouvrir et adapter les destinations, une démarche conjointe (État-entreprises) sera nécessaire. Les entreprises et les travailleurs du secteur du tourisme ont bénéficié des mesures d’aide adoptées pour l’ensemble de l’économie, et de nombreux pays sont également en train d’instaurer des mesures de soutien propres au tourisme.
Il existe plus ou moins une corrélation entre la baisse du PIB en 2020 et la part du tourisme dans l’économie (Espagne, Italie, France, Portugal,…).
Les pays dont les secteurs des voyages et du tourisme sont plus importants ont enregistré des baisses plus marquées de leur PIB.
Emploi dans le tourisme (en % de l’emploi total) en 2018 ou dernière année disponible.
d) La consommation des ménages
Les dépenses de consommation ont alimenté le rebond initial de l’activité à la réouverture des économies l’été 2020, mais sont restées globalement faibles pendant le quatrième trimestre, bridées par la résurgence des inquiétudes sanitaires et l’effet des nouvelles mesures d’endiguement sur les dépenses dans les secteurs du commerce et des loisirs. Les échanges internationaux de services sont aussi restés atones. Au quatrième trimestre 2020, le taux d’épargne des ménages était encore bien supérieur à ses niveaux d’avant la pandémie, laissant entrevoir des perspectives de dépenses futures, mais il faut encore que la confiance des consommateurs s’affermisse dans la plupart des pays (graphique suivant).
L’épargne des ménages pourrait permettre de libérer une partie de la demande contenue, mais la confiance reste faible
Le scénario « central » de l’OCDE prévoit une poursuite de la reprise mondiale, avec un monde mieux armé face à la pandémie et des politiques monétaire et budgétaire généralement en soutien tout au long de l’année 2022. Après un rebond de 5.6 % en 2021, la croissance mondiale devrait progresser au rythme soutenu de 4.5 % en 2022, avant de ralentir pour s’établir à 3.2 % en 2023 (tableau suivant). Mais des déséquilibres inquiétants ont vu le jour.
– Premièrement, la reprise est très variable d’un pays à l’autre, reflet des différences de situation sanitaire, de politiques publiques et de composition sectorielle.
– Deuxièmement, des pénuries aiguës de main-d’œuvre sont apparues dans certains secteurs, alors même que l’emploi et le nombre d’heures travaillées n’ont pas encore pleinement retrouvé leur niveau pré-pandémie.
– Troisièmement, l’écart persistant entre l’offre et la demande de certains biens, conjugué à l’envolée des coûts des produits alimentaires et de l’énergie, a provoqué des hausses de prix plus fortes et plus durables que prévu.
Évolutions des principaux agrégats macro-économiques du Monde
Des risques importants continuent de peser sur les projections. De nouveaux variants plus contagieux du COVID-19 apparaissent fin 2021 et pourraient continuer d’apparaître, en particulier si le rythme des campagnes de vaccination et l’efficacité des vaccins existants diminuaient, ce qui compromettrait les perspectives de croissance. Les performances de la Chine pourraient par ailleurs décevoir en cas de persistance ou d’intensification des difficultés du secteur immobilier et des problèmes d’approvisionnement en électricité, ce qui affecterait d’autres économies, notamment les exportateurs de matières premières et l’Asie. L’inflation pourrait continuer de surprendre à la hausse, en raison de tensions plus durables que prévu dans l’offre ou d’une poussée plus forte et soutenue des coûts de l’énergie, entraînant des ajustements sur les marchés financiers en perspective de futures décisions de politique monétaire. De tels ajustements pourraient mettre au jour des vulnérabilités persistantes liées au niveau élevé de la dette, aux valorisations tendues des actifs sur certains marchés et à la fragilité de la reprise dans de nombreux pays émergents et économies à revenu faible. À l’inverse, un déploiement plus rapide des vaccins, ou une diminution plus importante de l’épargne des ménages et de la trésorerie des entreprises accumulées durant la pandémie, stimuleraient les dépenses et les capacités productives et accéléreraient le rythme de la reprise.
La reprise devrait rester inégale selon les pays. La plupart des économies avancées devraient retrouver d’ici à 2023 la trajectoire de production qu’’elles suivaient avant la pandémie, mais avec une dette plus élevée et un potentiel de croissance sous-jacent encore atone. Dans de nombreux pays, l’inflation devrait également être supérieure à son niveau pré-pandémie, tout en restant cependant conforme aux objectifs des banques centrales. Si quelques économies de marché émergentes devraient connaître une reprise complète, la plupart semble appelée à enregistrer une production inférieure aux projections antérieures à la pandémie, notamment dans les pays à revenu faible, la crise laissant des traces profondes et durables en matière de revenu.
L’inflation mesurée par les prix à la consommation devrait atteindre son point culminant d’ici à la fin de 2021, avant de s’atténuer et de retrouver des niveaux conformes aux tensions sous-jacentes alimentées par une lente augmentation des coûts du travail et une réduction des capacités inutilisées dans le monde. Dans l’ensemble de la zone OCDE, l’inflation annuelle mesurée par les prix à la consommation devrait ralentir à 3 ½ pour cent environ d’ici à la fin de 2022, contre près de 5 % fin 2021, et reculer pour s’établir à 3 % en 2023. Les taux d’emploi et d’activité devraient se redresser progressivement en 2022 et 2023, à des rythmes néanmoins variables selon les pays, le taux de chômage de la zone OCDE reculant pour atteindre un peu plus de 5 %, soit un taux inférieur au niveau pré-pandémique.
1/ Une reprise en 2021 attendue mais inégale selon les pays et les secteurs
L’activité mondiale est maintenant supérieure à son niveau d’avant la pandémie, mais la reprise est incomplète. Le redressement de l’activité économique mondiale depuis la mi-2020 est plus vigoureux qu’on ne s’y attendait (graphique 1.1), la production étant maintenant proche de son niveau d’avant la pandémie ou supérieure dans la plupart des pays de l’OCDE. Cela tient au soutien rapide et massif apporté par les pouvoirs publics aux entreprises et aux ménages dès le début de la crise, y compris aux mesures complémentaires annoncées cette année, à l’efficacité des mesures de santé publique prises pour limiter la transmission du virus du COVID-19 et, surtout, au déploiement rapide de vaccins efficaces.
a) Les signes de divergence entre les pays et les secteurs se multiplient.
Ce rebond vigoureux n’a pas encore permis d’estomper totalement les effets de la pandémie sur l’économie mondiale. Au niveau mondial, il reste un déficit de croissance au regard de celle qui aurait dû avoir lieu en 2020 et au premier semestre de 2021 ; à la mi-2021, le PIB mondial était encore inférieur de 3 ½ pour cent au niveau prévu avant la pandémie (graphique suivant). En outre, jusqu’’ici, ce déficit de croissance n’a pas été réparti également : il a été proportionnellement plus important pour les économies de marché émergentes à revenu intermédiaire, considérées dans leur ensemble, que pour les économies avancées, et encore plus important pour les pays en développement à faible revenu.
Il y avait d’ailleurs eu divergence des évolutions entre la Chine, les États-Unis et la Zone Euro pendant l’année 2020. Les économies chinoises et américaines ont repris bien avant celle de l’Europe : au deuxième trimestre 2020 pour la Chine, quand l’Europe se confinait, et fin 2020 pour les États-Unis. Ainsi la Chine est le seul grand pays à avoir été en croissance en 2020, de 2,3 %, et les États-Unis n’ont perdu « que » 3,5 % de PIB. Pendant ce temps, le PIB de la zone euro plongeait de 6,8 % en 2020 et baissait encore de 0,3 % au premier trimestre.
Les États-Unis et la Chine ont dépassé le niveau économique qui était le leur avant la crise, contrairement à l’Europe : « En 2021, le PIB des USA sera plus élevé d’environ 3,5 % que son niveau de 2019, celui de la Chine d’environ 10,5 %, celui de la zone euro plus bas de 2 % ».
La reprise mondiale se poursuit mais reste déséquilibrée
Les secteurs nécessitant une présence physique et les ménages modestes ont aussi été particulièrement touchés d’où, en partie, le redressement incomplet des marchés du travail. Dans les pays de l’OCDE, le nombre d’actifs occupés a reculé d’environ 7½ millions entre le quatrième trimestre 2019 et le troisième trimestre 2021. De nombreuses économies émergentes et en développement ont également connu un recul de l’emploi pendant la pandémie et la pauvreté a augmenté. Même dans les économies où la population active occupée à la mi-2021 était proche de son niveau d’avant la pandémie, voire supérieure, le nombre total d’heures travaillées était souvent plus faible qu’’à la fin de 2019 (graphique suivant).
Dans la plupart des pays, le redressement du marché du travail n’est que partiel
Ainsi la crise de 2020 confirme des divergences observées entre les crises de 200-2009 et celle de de 2020 par exemple entre la croissance du PIB par habitant aux États-Unis et dans la zone euro (graphique suivant).
L’impact de ces chocs nationaux sur le PIB dépend aussi de la position des pays dans les chaînes de production mondiale, c’est-à-dire de leurs positionnements sectoriels et géographiques (voir page Chaînes de valeur mondiales). Le calibrage du choc de demande propre à chaque pays et à son calendrier sanitaire permet alors de déduire la valeur ajoutée par produit et par pays.
L’intégration de ces chocs dans le tableau entrées-sorties mondial indique que sur l’ensemble de l’année la valeur ajoutée (VA) mondiale avait légèrement le pas en début d’année 2021 en lien avec les restrictions imposées dans de nombreux pays. La dynamique deviendrait bien plus favorable à partir du troisième trimestre. En fin d’année 2021, le niveau de valeur ajoutée mondiale serait 2,9 % supérieur à ce qu’il était fin 2019. La dynamique de la valeur ajoutée par pays serait conforme à la hiérarchie observée pour l’évolution de la demande. L’écart de valeur ajoutée serait cependant moindre que l’écart de demande. En Allemagne, même si l’écart de demande restait très légèrement négatif, la valeur ajoutée pourrait dépasser fin 2021 le niveau de fin 2019 de 0,3 point. La valeur ajoutée dépend en effet à la fois d’une composante domestique et d’une composante liée au commerce extérieur.
D’importants risques subsistaient ainsi comme en Inde au printemps 2021 du fait du variant Delta. Une accélération des campagnes de vaccination dans le monde permettrait une levée plus rapide des restrictions et stimulerait la confiance et les dépenses. En revanche, la lenteur de la vaccination et l’arrivée de nouveaux variants du virus résistants aux vaccins actuels affaibliraient la reprise et provoqueraient des pertes d’emploi et des défaillances d’entreprises en plus grand nombre.
b) Les perturbations de l’offre et les pénuries de main-d’œuvre freinent la reprise
La croissance trimestrielle du PIB mondial est restée globalement stable au troisième trimestre 2021, les tassements observés en Chine et aux États-Unis ayant été compensés par une croissance soutenue dans la zone euro, ainsi qu’’un rebond en Inde et dans plusieurs autres économies exportatrices d’énergie. Au troisième trimestre, la production a été particulièrement faible dans un certain nombre d’économies d’Asie-Pacifique, telles que le Japon et l’Indonésie, sous l’effet du ralentissement de L’activité dû au variant Delta et aux contraintes d’offre. De récents indicateurs à haute fréquence semblent globalement indiquer que la reprise a pu s’essouffler (graphique suivant). Les indicateurs de mobilité fondés sur des données de géolocalisation ont continué de s’améliorer dans les économies de marché émergentes, mais ont commencé à reculer dans les économies avancées, particulièrement dans certains pays européens. Les mesures de la production et des nouvelles commandes établies à partir d’enquêtes auprès des entreprises sont également inférieures aux pics qu’’elles avaient atteints plus tôt dans l’année, et la confiance des consommateurs a reculé au cours des derniers mois dans de nombreux pays. La production industrielle mondiale et les dépenses de consommation correspondant aux ventes au détail sont supérieures à leur niveau de 2019, mais le rythme de leur progression a ralenti. Le secteur automobile a été particulièrement affecté par les perturbations de l’offre, et la production et les ventes ont fortement diminué ces derniers mois, freinant la reprise globale.
Le rythme de la reprise s’est ralenti
La conjonction d’un redémarrage rapide de la demande mondiale au cours de l’année 2020 et d’un redressement plus lent des capacités de production dans certains secteurs s’est traduite par des pénuries. Si les nouveaux cas de COVID-19 et les décès dus au coronavirus ont nettement reculé dans de nombreuses économies avancées, de nouvelles vagues continuent de frapper certaines parties du monde, notamment plusieurs économies européennes au cours des dernières semaines, ce qui amplifie certaines contraintes d’offre et en crée de nouvelles. De telles contraintes semblent expliquer en partie la baisse de régime mise en évidence par des indicateurs économiques récents. Les fermetures d’activités et autres restrictions sanitaires liées à la poursuite de la propagation du COVID-19 dans le monde cette année ont contribué à causer des perturbations persistantes des approvisionnements qui brident la reprise (premier graphiques suivant) et exercent de fortes tensions à la hausse sur certains prix. Les indicateurs des délais de livraison des fournisseurs établis à partir d’enquêtes se sont hissés à des niveaux très élevés dans de nombreuses économies avancées second (graphique suivant, partie A), en particulier en Europe et en Amérique du Nord, et les stocks ont nettement baissé dans de nombreux secteurs. Selon plusieurs enquêtes menées auprès des entreprises, la plupart d’entre elles n’anticipent pas une résolution des perturbations de l’approvisionnement avant le dernier semestre 2022 . Les vagues d’infections par le COVID-19 ont entraîné la fermeture de ports essentiels, tels que Shenzhen et Ningbo en Chine, créant des perturbations du transport maritime à l’échelle mondiale et ralentissant le trafic de conteneurs (second graphique suivant, partie B). La pandémie a également été l’un des facteurs à l’origine de la fermeture d’usines de puces électroniques, qui a pesé sur la production de biens intégrant ces puces, notamment en particulier les automobiles.
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement affectent les entreprises et devraient perdurer
Les contraintes d’offre ont allongé les délais de livraison et ralenti le commerce mondial
Le secteur automobile est en effet durement touché par des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Les pénuries de semi-conducteurs et d’autres biens intermédiaires, les retards de livraison des fournisseurs et les perturbations du transport maritime ont nui à la production dans de nombreux secteurs d’activité. Les modèles d’automobiles récents contiennent généralement plus d’un millier de puces électroniques contrôlant toute une série d’opérations essentielles (telles que le refroidissement du moteur, la gestion de la batterie, la surveillance de la pression des pneus, l’éclairage intérieur ou le freinage d’urgence). En conséquence, l’industrie automobile a été particulièrement touchée par ces perturbations,ce qui s’est traduit par des baisses sensibles de production, malgré la vigueur de la demande mondiale. La construction automobile revêt un intérêt tout particulier, car elle joue un rôle majeur dans le secteur manufacturier de nombreux pays et représente une part importante du PIB. Avant la pandémie, la production de véhicules à moteur représentait 2 % du PIB dans la zone euro, 4.7 % en Allemagne, 0.75 % aux États-Unis et 3 % au Japon. Au cours des neuf premiers mois de 2021, la production de véhicules à moteur a été inférieure à son niveau sur la même période de 2019 de 26 % dans la zone euro, de 30 % en Allemagne, de 10 % aux États-Unis et de 23 % au Japon (graphique suivant, partie A). L’offre réduite de véhicules neufs et le faible niveau des stocks se sont également répercutés sur les ventes mondiales d’automobiles, qui ont reculé de 40 % au Japon comme aux États-Unis entre avril et Septembre, et de 16 % en Allemagne (graphique suivant, partie B). Les ventes mondiales d’automobiles ont diminué de plus de 20 % au cours de la même période, soit un rythme de baisse observé dans le passé uniquement lors de graves récessions, comme la première phase de la pandémie l’année dernière. La conjonction d’une demande vigoureuse et d’une réduction de l’offre a tiré les prix vers le haut. Les prix des véhicules automobiles neufs et d’occasion ont sensiblement augmenté cette année dans plusieurs pays, en particulier aux États-Unis.
Compte tenu de la part importante de la production de l’ensemble du secteur du matériel de transport qui est liée au commerce international1, les récentes perturbations des approvisionnements ont joué un rôle crucial dans le recul considérable de ce secteur observé dans le monde entier. La production du secteur du matériel de transport se caractérise par des liens internationaux forts fondés sur les chaînes de valeur mondiales, en particulier en Europe. En 2019, plus de 80 % de la production réalisée en Hongrie, en République slovaque et en Slovénie faisait appel à des biens traversant au moins deux frontières au cours du processus de production, et cette proportion était supérieure à 50 % pour la plupart des pays européens.
La production comme les ventes d’automobiles se contractent
Sur les marchés du travail, des signes de pénurie de main-d’œuvre sont également apparus (graphique suivant), même si le taux d’emploi total n’a pas encore retrouvé son niveau pré-pandémie. Cela peut tenir en partie à des changements de localisation des activités, à l’évolution de l’éventail des compétences requises dans le contexte de la pandémie (due notamment au déplacement soudain de la consommation des services vers les biens, observé dans de nombreuses économies et à l’importance de plus en plus grande des ventes en ligne) ou à des variations de l’efficience de l’appariement entre offres et demandes d’emploi. Cela transparaît également dans l’évolution défavorable de la relation entre les emplois vacants et le chômage – représentée par la courbe de Beveridge – dans certaines économies, telles que les États-Unis et l’Australie. En revanche, dans des économies comme l’Allemagne et la France, où ont été mis en œuvre des dispositifs de maintien dans l’emploi de portée relativement vaste et où l’appariement entre employeurs et salariés a été préservé, la courbe de Beveridge semble n’avoir guère changé.
Des pénuries de main-d’œuvre sont apparues dès le début de la reprise
2/ La reprise en 2021 devait probablement se poursuivre tout en étant inégale mais reste entourée de risques considérables …
Les prévisions économiques ne deviennent plus possibles dans un monde incertain.
a) La reprise en 2021 restait marquée par une divergence entre économies
Maintenant que la plupart des économies avancées se rapprochent de la vaccination complète de leur population éligible, la menace de nouvelles vagues majeures d’hospitalisations et de décès s’atténue, même si les taux de contagion demeurent élevés dans certains cas, et les pays dont les taux de vaccination sont moins élevés restent exposés au risque de nouvelles résurgences fulgurantes de la pandémie. Dans une grande partie du reste du monde, les taux de vaccination demeurent faibles mais l’approvisionnement en vaccins des économies émergentes et en développement devrait s’améliorer régulièrement en 2022 et 2023. En conséquence, à moins que de nouveaux variants du virus, plus dangereux, fassent leur apparition, l’influence exercée par le COVID-19 sur l’économie mondiale devrait donc progressivement diminuer au cours des années à venir. Cela aurait pour conséquence importante une atténuation de certaines des perturbations des approvisionnements associées à la pandémie depuis 18 mois, même si elle est non linéaire et avec un rythme variable. Un recul de la pandémie favoriserait également la normalisation de la structure de la demande entre les biens et les services. Parallèlement à l’amélioration des perturbations des approvisionnements, cette évolution faciliterait la poursuite de la reprise économique mondiale et résorberait une partie des tensions inflationnistes, sans rendre nécessairement la reprise plus équilibrée.
Les projections supposent que la production des pays avancés considérés dans leur ensemble devrait converger vers la trajectoire qui était anticipée avant la pandémie (graphique suivant), tandis que les pays à faible revenu devraient rester nettement en deçà de la trajectoire sur laquelle ils se trouvaient avant la pandémie. Toutefois les risques d’un ralentissement sensible de l’activité en Chine se sont multipliés. Un ralentissement marqué de l’activité en Chine serait préjudiciable à la croissance et aux échanges à l’échelle mondiale. Et bien d’autres évolutions restent fragiles et imprévisibles.
Prévisions de croissance de l’OCDE dans les différentes régions du monde
Un autre facteur essentiel à l’origine du fort rebond initial de l’activité et qui entretient encore la dynamique de la reprise réside dans l’orientation accommodante des politiques budgétaires et monétaires ainsi que des conditions financières porteuses. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les pouvoirs publics ont commencé à lever progressivement les mesures de soutien à l’économie tandis que l’activité se normalise dans le secteur privé, que les tensions inflationnistes à moyen terme s’accentuent et que les écarts de production se résorbent. Les projections reposent sur l’hypothèse que les pouvoirs publics réussissent à concilier la nécessité de ne pas maintenir trop longtemps les dispositifs de relance en place et celle de ne pas les retirer trop rapidement. Une question essentielle sera de savoir dans quelle mesure les ménages et les entreprises soutiendront la demande en compensant la suppression des mesures de relance par une hausse des dépenses et une baisse de l’épargne (graphique suivant, partie A). Les ménages et les entreprises pourraient aussi en compenser les effets en puisant dans l’épargne supplémentaire accumulée pendant la pandémie (graphique 1.18, partie B), mais on ne peut savoir dans quelle mesure ils le feront. On pourrait aussi observer une période prolongée de formation de stocks avec la fin des problèmes de perturbation des approvisionnements, ce qui renforcerait la demande intérieure.
Les taux d’épargne des ménages devraient revenir à la normale mais l’« excès d’épargne » accumulé ne devrait pas diminuer
Sur la base de ces hypothèses, la reprise mondiale devrait se poursuivre – tout en restant inégale et en ralentissant – au cours des deux prochaines années. Après un rebond projeté à 5.6 ½ % pour cent en 2021, consécutif au recul de 3.4 % enregistré en 2020, le PIB mondial devrait augmenter de 4 ½ pour cent en 2022 et de 3 ¼ en 2023 (voir ci-dessus). La croissance du PIB de la zone OCDE devrait suivre une trajectoire similaire, le ralentissement de la reprise se traduisant par une croissance passant de 5.3 % en 2021 à 4 % en 2022 puis à 2 ½ pour cent en 2023, après le recul du PIB de près de 5 % observé en 2020.
Après avoir vivement rebondi au premier semestre 2021, le volume des échanges mondiaux de biens et de services devrait atteindre son niveau d’avant la pandémie fin 20213. Globalement, le volume des échanges mondiaux devrait être supérieur de 9.3 % en 2021 à son niveau de 2020. Ce rythme de progression devrait diminuer en 2022 et 2023, où le volume des échanges devrait augmenter respectivement de 5 et 4 ½ pour cent, compte tenu de la modération de l’activité mondiale. Cela implique que les échanges commerciaux retrouveront la trajectoire qui avait été projetée avant la pandémie fin 2022 (graphique suivant, partie A).
Divers obstacles du côté de l’offre – des phénomènes météorologiques extrêmes, des pénuries d’intrants tels que les semi-conducteurs et des retards de livraison – limitent la production dans certains secteurs et entravent la croissance des échanges de marchandises à court terme. La croissance des importations en Chine a également ralenti. Néanmoins, de nombreuses perturbations devraient disparaître peu à peu d’ici la fin de l’année prochaine, à mesure que de nouvelles capacités commenceront à être déployées, les commandes en attente seront absorbées et la demande se rééquilibrera vers les biens non durables et les services. Bien que de nombreux pays rouvrent progressivement leurs frontières et allègent les restrictions de déplacement, une forte incertitude et une confiance dégradée pourraient continuer à peser sur le tourisme et les voyages d’affaires pendant un certain temps, ralentissant le redressement des échanges de services. Les économies de marché émergentes et en développement, où les taux de vaccination restent bas, pourraient pâtir de la faiblesse de leurs recettes touristiques au moins jusqu’en 2023. En revanche, les échanges de services sont déjà en train de rebondir dans certaines économies avancées.
Le commerce mondial rebondit rapidement, soutenu par la croissance vigoureuse des échanges asiatiques
Un chômeur au sens du Bureau international du travail (BIT) est une personne âgée de 15 ans ou plus qui est sans emploi la semaine de référence ; disponible pour travailler dans les deux semaines à venir ; ayant effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou ayant trouvé un emploi qui commence dans les trois mois. Les démarches actives considérées sont variées : étudier des annonces d’offres d’emploi, se rendre à un salon professionnel, mobiliser son réseau social ou prendre des conseils auprès de Pôle emploi, etc. Un chômeur perçoit des allocations chômage.
L’emploi au sens du BIT inclut les personnes ayant effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence ou absentes de leur emploi sous certaines conditions de motif (congés annuels, maladie, maternité, etc.) et de durée. En particulier, les personnes ayant un emploi mais n’ayant pas travaillé pendant la semaine de référence pour cause de congés, de congés maladie ou de chômage partiel sont considérées comme en emploi.
Le taux de chômage est le nombre de chômeurs en pourcentage de la population active (personnes en emploi et chômeurs).
Selon l’Insee, le halo autour du chômage est mesurée par somme de 3 composantes : (1) personne sans emploi qui soit a recherché un emploi, mais n’est pas disponible pour travailler, (2) soit n’a pas recherché d’emploi, mais souhaite travailler et est disponible pour travailler, (3) soit souhaite travailler, mais n’a pas recherché un emploi et n’est pas disponible pour travailler. À partir de 2014, l’Insee a harmonisé le mode de calcul de ses composantes 1 et 2 avec les principes retenus au niveau européen. Ces deux composantes représentent ce qu’Eurostat désigne par la « force de travail potentielle supplémentaire ». L’Insee a néanmoins conservé dans sa définition du halo la composante 3, non prise en compte au niveau européen.
Classement en catégories d’activité : schéma simplifié des concepts au sens du BIT
Le chômage et le halo autour du chômage n’évoluent pas de la même façon. Ainsi en 2020, le taux de chômage recule de 0,4 point en France. Toutefois, en cumulant chômage et halo autour du chômage, la part des personnes de 15 à 64 ans, sans emploi et souhaitant travailler, augmente en 2020 de 0,4 point et atteint 10,3 %.
L’Insee retient aussi le concept de sous‑emploi au sens du BIT. Il recouvre les personnes ayant un emploi à temps partiel qui souhaitent travailler plus d’heures et qui sont disponibles pour le faire, qu’elles recherchent ou non un emploi. Sont également incluses les personnes ayant involontairement travaillé moins que d’habitude, pour cause de chômage partiel par exemple, qu’elles travaillent à temps plein ou à temps partiel.
Le concept européen retient la notion de sous-emploi du marché du travail. Il comprend le chômage selon la définition de OIT ainsi que 3 indicateurs supplémentaires. En fait, le terme de sous-emploi du marché du travail fait référence à tous les besoins d’emploi non satisfaits. Les définitions exactes de ces 3 indicateurs sont les suivantes :
Les 2 derniers groupes sont désignés conjointement comme la main-d’œuvre supplémentaire potentielle. Les 3 groupes réunis sont appelés indicateurs supplémentaires du chômage. Ces 3 groupes ne remplissent pas tous les critères de la définition du chômage de l’OIT, c’est-à-dire être sans travail, chercher activement du travail et être disponible pour travailler. Cependant, même s’ils ne sont pas saisis par le taux de chômage. , ces groupes pourraient tout de même représenter une forme de demande d’emploi.
On présente les données d’Eurostat puis celles de l’Insee. Quelque soient les définitions retenues, il y a baisse du taux de chômage dans l’UE et même en France depuis 2013. Mais le sous-emploi hors chômage ne diminue pas. En France, l’emploi à temps partiel est important. On observe aussi que le nombre d’emplois offerts non pourvus est en forte augmentation.
Il faut noter que les ratios selon la définition d’Eurostat et de l’Insee sont différents du fait même des définitions du numérateur. En France, la somme des 3 composantes ci-dessus était de 8,4% en 2020 selon l’approche d’Eurostat, quand la part du halo autour du chômage était de 4,6 % et que la part de personnes en situation de sous-emploi parmi les personnes en emploi était de 11% sous l’effet de la crise sanitaire : le chômage partiel ou technique augmente très fortement et concerne 6,2 % des personnes en emploi. D’autres différences expliquent les écarts : en France, on s’intéresse aux personnes de 15 à 64 ans quand Eurostat retient une population de 15 à 74 ans.
1/Le sous-emploi du marché du travail selon Eurostat [9]
Les 2 derniers groupes ci-dessus sont désignés conjointement comme la main-d’œuvre supplémentaire potentielle. Les 3 groupes réunis sont appelés indicateurs supplémentaires du chômage. Ces 3 groupes ne remplissent pas tous les critères de la définition du chômage de l’OIT, c’est-à-dire être sans travail, chercher activement du travail et être disponible pour travailler. Cependant, même s’ils ne sont pas saisis par le taux de chômage, ces groupes pourraient tout de même représenter une forme de demande d’emploi.
Ces indicateurs supplémentaires complètent les données sur le chômage et donnent une image plus complète du marché du travail. Le graphique suivant peut aider à mieux comprendre les différentes catégories de sous-emploi du marché du travail et le marché du travail en général.
Pour permettre des comparaisons entre ces 4 groupes dont les chômeurs, qui n’appartiennent pas tous à la population active, le concept de « population active élargie » est utilisé. Il comprend des personnes :
Le ralentissement total du marché du travail est généralement exprimé en pourcentage de cette main-d’œuvre élargie , et la taille relative de chaque composante du ralentissement du marché du travail peut être comparée en utilisant la main-d’œuvre élargie comme dénominateur.
Population par sexe et statut professionnel, UE, 2022 (en % de la population totale âgée de 15 à 74 ans)
a) Vue d’ensemble du sous-emploi du marché du travail dans l’UE et ses pays membres
À la suite des lourdes répercussions de la crise de la COVID-19 sur le marché du travail de l’UE en 2020 et, dans une moindre mesure, en 2021, en 2022, un retour perceptible au travail a été observé: la population active de l’UE (pour les personnes âgées de 20 à 64 ans) a augmenté de 1,1 % par rapport à un an auparavant. Le nombre de personnes occupées a augmenté de 2,0 %, tandis que de nouvelles hausses ont également été observées dans le nombre de travailleurs à temps partiel (+ 1,0 %) et dans le nombre de personnes employées sous contrat temporaire (+ 1,2 %). En revanche, le nombre de chômeurs a chuté de 12,2 % (premier graphique).
En 2022, les personnes en âge de travailler (âgées de 25 à 54 ans) représentait près de trois quarts (72,0 %) de la population active de l’UE (personnes occupées et au chômage) et une part légèrement plus élevée du nombre total de personnes occupées (72,5 %).
Les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) sont beaucoup plus à risque que les personnes plus âgées d’exercer un emploi précaire, tel qu’un emploi intérimaire, temporaire, saisonnier ou occasionnel, ou un emploi à temps partiel. Si les jeunes représentaient 8,2 % du nombre total de personnes occupées dans l’UE en 2022, les parts de ceux-ci dans l’emploi à temps partiel (15,2 %) et dans l’emploi sous contrat temporaire (29,6 %) étaient considérablement supérieures (second graphique).
1 – Taus d’emploi
Le taux d’emploi au sein de l’UE – qui mesure la part de la population âgée de 20 à 64 ans occupant un emploi – s’élevait à 74,6 % en 2022 (à peu près comme en France). Dans huit États membres de l’UE, au moins 80,0 % des adultes âgés de 20 à 64 ans exerçaient un emploi: les taux les plus élevés ont été enregistrés aux Pays-Bas (82,9 %), en Suède (82,2 %) et en Estonie (81,9 %). À l’autre extrémité, moins de 70,0 % des adultes âgés de 20 à 64 ans avaient un emploi en Croatie (69,7 %), en Espagne (69,5 %), en Roumanie (68,5 %), en Grèce (66,3 %) et en Italie (64,8 %). En 2022, les taux d’emploi dans l’ensemble des États membres de l’UE étaient plus élevés qu’en 2019, avant la crise de la COVID-19. Entre 2021 et 2022, le taux d’emploi des 20-64 ans a augmenté dans tous les États membres de l’Union. La France et le Luxembourg étaient les seuls États membres dans lesquels le taux d’emploi n’avait pas augmenté d’au moins 1,0 point de pourcentage.
En 2022, parmi les États membres de l’UE, les taux de chômage les plus élevés chez les personnes âgées de 15 à 74 ans ont été enregistrés en Espagne (12,9 %) et en Grèce (12,5 %). Aucun des autres États membres n’enregistrait de taux à deux chiffres. Des taux de chômage relativement bas – près de 3,0 % – ont été enregistrés en Allemagne, à Malte et en Pologne, tandis que le taux le plus bas a été observé en Tchéquie (2,2%).
Taux d’emploi (part en pourcentage de la population âgée de 20 à 64 ans, 2022
Source : Eurostat
En 2023, en France (hors Mayotte), 73,9 % des personnes âgées de 15 à 64 ans sont actives, c’est-à-dire en emploi ou au chômage selon l’Insee. Ce taux d’activité moyen diffère selon l’âge : 42,5 % pour les 15 à 24 ans ; 88,5 % pour les 25 à 49 ans et 70,5 % chez les 50 à 64 ans.
Le taux d’activité des jeunes a baissé depuis 1975, en lien avec l’allongement de la durée des études. Celui des seniors (50 à 64 ans) s’est redressé depuis le milieu des années 90, sous l’effet du recul de l’âge de départ à la retraite. En 45 ans, le taux d’activité des femmes s’est rapproché de celui des hommes.
Taux d’activité selon l’âge en France
Source : Insee
Les fluctuations du taux d’activité sont liées à celles du taux d’emploi : 35,2 % des jeunes sont en emploi en 2023 contre 53,8 % en 1975. À l’inverse, le taux d’emploi des seniors et celui des femmes ont progressé. Fin 2022, 30,2 millions de personnes occupent un emploi. Le taux d’emploi des personnes âgées de 15 à 64 ans est de 68,4% L’emploi a augmenté de 444 100 par rapport à fin 2021, soit + 1,5 %. L’emploi salarié privé, et, en son sein, le secteur tertiaire marchand, sont les principales composantes des fluctuations d’ensemble.
La grande majorité des personnes en emploi sont salariées (87,1 % en 2023) avec un contrat à durée indéterminée ou fonctionnaires (73,0 % des personnes en emploi). La composition par statut d’emploi, type de contrat ou catégorie socioprofessionnelle diffère selon l’âge.
Taux d’emploi selon l’âge en France
Source : Insee
2 – Sous emploi
En 2022, un peu plus d’1 personne sur 8 dans la population active élargie de l’UE avait un besoin d’emploi non satisfait
Dans l’UE, le sous-emploi des personnes âgées de 15 à 74 ans représentait 12,3 % de la population active élargie, ce qui correspond à 27,5 millions de personnes confrontées à un besoin d’emploi non satisfait en 2022.
Au niveau de l’UE, de 2009 à 2019, la tendance au sous-emploi du marché du travail a suivi et accentué la tendance du chômage, qui en est l’une des composantes (voir graphique 2). Les trois autres composantes, bien qu’elles soient également liées à la situation économique, ont été un peu plus stables au fil du temps. En 2009, 16,3 % de la population active élargie étaient confrontés à un besoin potentiel d’emploi. En 2013, le fléchissement est passé à 19,6 %. Ensuite, il a diminué régulièrement pour atteindre 13,6 % en 2019, a de nouveau augmenté lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé le marché du travail en 2020 (14,9 %) et a entamé une tendance à la baisse à 12,3 % en 2022.
Contrairement aux années précédentes, la variation de la sous-utilisation du marché du travail qui s’est produite en 2020 n’était principalement pas due à une augmentation du chômage, mais plutôt à l’augmentation du nombre de personnes disponibles pour travailler mais n’en recherchant pas. Cela pourrait s’expliquer par la durée et la répétition des confinements ainsi que d’autres mesures sanitaires qui signifiaient que les personnes à la recherche d’un emploi ne pouvaient pas s’attendre à des résultats positifs. Certaines personnes mettent définitivement leur recherche d’emploi en attente.
Les composantes du sous-emploi du marché du travail dans l’UE en 2022 étaient les suivantes :
En 2022, la sous-utilisation du marché du travail était la plus élevée en Espagne (21,3 % de la population active élargie), suivie de l’Italie (19,5 %), de la Grèce (18,5 %), de la Suède (16,1 %) et de la Finlande (15,1 %). En revanche, la Tchéquie (3,0 %), Malte (4,4 %) et la Pologne (4,9 %) ont enregistré les niveaux les plus faibles de sous-emploi du marché du travail (graphique suivant).
Sous-emploi du marché du travail par pays et composantes, 2022, (% de la population active élargie, personnes âgées de 15 à 74 ans)
Il est intéressant de comparer l’évolution du taux d’emploi et du taux des actifs en sous-emploi. Au troisième trimestre 2022, 193,6 millions de personnes dans l’UE avaient un emploi. Le taux d’emploi corrigé des variations saisonnières de l’UE pour les personnes âgées de 20 à 64 ans s’est établi à 74,7 %, stable par rapport au deuxième trimestre 2022 (graphique suivant).
Dans le même temps, le sous-emploi total corrigé des variations saisonnières du marché du travail dans l’UE, composé de besoins de travail non satisfaits, s’élevait à 24,6 millions de personnes, ce qui représentait 11,5 % de la population active élargie au deuxième trimestre 2022, également stable par rapport au deuxième trimestre 2022. En ce qui concerne sa principale composante, le chômage, 12,2 millions de personnes étaient au chômage au troisième trimestre 2022 et le taux de chômage corrigé des variations saisonnières de l’UE était de 5,9 %, également stable par rapport au deuxième trimestre 2022. Les travailleurs à temps partiel sous-employés étaient de 2,5 %, ceux en recherche active d’emploi mais non disponibles pour prendre un emploi étaient de 0,7 %, (tous deux stables par rapport au deuxième trimestre 2022) et ceux disponibles pour un emploi mais non en recherche d’emploi étaient de 2,7 %. Tous ces ratios sont toutefois en baisse par rapport à 2021.
Taux d’emploi et sous-emploi du marché du travail (groupe d’âge 20-64 ans, données corrigées des variations saisonnières), UE, 2009T1-2022T3, (%)
b) Les composantes et les disparités nationales
Moins de la moitié des personnes dans l’UE ayant une demande d’emploi non satisfaite étaient au chômage. La demande d’emploi non satisfaite comporte plusieurs composantes différentes, plus ou moins importantes selon les pays. Comme déjà dit, se référer uniquement au chômage pour saisir la demande d’emploi non satisfaite n’est pas suffisant.
Le poids du chômage dans le ralentissement total du marché du travail de l’UE était de 48,3 % mais varie considérablement d’un pays à l’autre. Il existe clairement un modèle géographique comme le montre la carte suivante. Les pays de l’Est et du Sud (à l’exception de l’Italie) se caractérisent par une part plus élevée de chômage dans leur marché du travail que les pays de l’Ouest et du Nord.
Part du chômage dans le sous-emploi du marché du travail (en % des personnes âgées de 15 à 74 ans)
Source : Eurostat
En Slovaquie, en Tchéquie, en Lituanie, à Malte et en Grèce, plus de 6 personnes sur 10 en situation de sous-emploi sont au chômage selon l’OIT en 2021. Cette part atteint même 75,5 % et 72,1 % en Slovaquie et en Tchéquie, suivis par la Lituanie (67,7 %), Malte (66,7 %) et Grèce (63,4 %). En revanche, moins de 4 personnes sur 10 confrontées à une demande d’emploi non satisfaite étaient au chômage aux Pays-Bas (30,9 %), en Irlande (36,8 %), en Italie (37,1 %) et au Luxembourg (38,6 %).
En 2022, les personnes disponibles pour travailler mais ne recherchant pas d’emploi représentaient 24,3 % de l’UE, mais plus de 27 % en Italie (45,5 %), en Bulgarie (35,9 %), en Estonie (32,5 %) et 28,4 % en Allemagne et en Hongrie (voir carte 2). Les parts les plus faibles ont été signalées par Malte (7,7 %), la Tchéquie (8,9 %), mais aussi la Lituanie (10,7 %), Chypre (11,3 %), la Slovaquie (12,3 %), la Finlande (13,4 %) et la Grèce (14,6 %). Pour cette catégorie, il n’y a pas de schéma géographique clair comme pour la catégorie précédente et la suivante.
En outre, les travailleurs à temps partiel sous-employés expliquaient 20,8 % des besoins d’emploi non satisfaits dans l’UE, mais plus de 29 % (voir carte 3) aux Pays-Bas (43,8 %), en Irlande (35,3 %), à Chypre (30,6 %) et en Belgique (29,7 %). Cette part est tombée en dessous de 14 % en Bulgarie, en Slovaquie, en Hongrie, en Estonie, en Tchéquie et en Lettonie. En général, par rapport aux pays de l’Est, les pays de l’Ouest se caractérisent par une part plus importante de travailleurs à temps partiel sous-employés dans le total des personnes ayant un besoin d’emploi non satisfait.
Où se trouvent les emplois à temps partiel ? En France, ils sont plus fréquents pour les salariés les plus âgés et les plus jeunes (hors apprentis). Ainsi, en 2020, 19,4 % des salariés de 50 à 64 ans et 25,2 % des moins de 25 ans occupent un emploi à temps partiel. Les catégories socioprofessionnelles les plus concernées par le temps partiel sont les plus féminisées. Ainsi, parmi les employés, qui comptent 75,3 % de femmes, le taux de temps partiel est de 31,0 %. Neuf salariés à temps partiel sur dix travaillent dans le tertiaire. Dans ce secteur, le temps partiel concerne 20,2 % des emplois salariés, contre 6,0 % dans l’industrie et 6,2 % dans la construction. Dans les activités de services, ce type d’emploi est le plus fréquent dans les activités de nettoyage, l’hébergement‑restauration, l’éducation, la santé et l’action sociale. Les femmes à temps partiel sont surreprésentées dans ces secteurs d’activité, en particulier dans le secteur public.
En 2022, parmi les États membres de l’UE, les taux de chômage les plus élevés chez les personnes âgées de 15 à 74 ans ont été enregistrés en Espagne (12,9 %) et en Grèce (12,5 %). Aucun des autres États membres n’enregistrait de taux à deux chiffres. Des taux de chômage relativement bas – près de 3,0 % – ont été enregistrés en Allemagne, à Malte et en Pologne, tandis que le taux le plus bas a été observé en Tchéquie (2,2 %). Le taux de l’UE était de 6,2%, celui de la France de 7,3%.
Par rapport à 2021, le taux de chômage des personnes âgées de 15 à 74 ans en Roumanie est resté inchangé en 2022; il a chuté dans tous les autres États membres de l’UE. Les baisses. les plus importantes ont été enregistrées en Grèce (– 2,2 points de pourcentage), en Espagne (– 1,9 point) et en Irlande (– 1,7 point).
Taux de chômage, (points de pourcentage sur la base de la part de la population active âgée de 15 à 74 ans, 2022)
d) Emploi et sous-emploi : relation par pays
Le graphique suivant présente la population âgée de 15 à 74 ans par pays et statut d’activité en 2022. La relation entre la part des personnes en emploi et le ralentissement du marché du travail n’apparaît pas clairement. On peut s’attendre à ce que plus le taux d’emploi soit faible, plus le ralentissement du marché du travail est important. Cependant, il existe plusieurs exceptions à cette déclaration. Par exemple, les Pays-Bas et la Suède avaient un niveau d’emploi relativement élevé chez les personnes âgées de 15 à 74 ans en 2022 (66,2 % aux Pays-Bas et 61,7 % en Suède) ainsi qu’une part relativement élevée de personnes confrontées à un besoin d’emploi non satisfait, le ralentissement du marché du travail affectant respectivement 8,6 % et 12,8 % de la population totale. En revanche, la Roumanie affichait l’un des plus faibles retards sur le marché du travail (5,5 %), tandis que son niveau d’emploi était également nettement inférieur à la moyenne de l’UE.
On note également la pertinence d’examiner la catégorie des personnes hors de la population active élargie pour fournir une image complète du marché du travail. Cette catégorie comprend les personnes qui ne sont ni employées, ni disponibles pour travailler ni à la recherche (par exemple, les étudiants à temps plein, les personnes à la retraite complète, les aidants, par exemple pour les enfants ou les personnes âgées). La pandémie de COVID-19 a également souligné la nécessité de se pencher sur cette catégorie. Les pertes d’emplois ont été compensées dans de nombreux pays par une augmentation de la sous-utilisation du marché du travail, mais aussi dans la catégorie des personnes en dehors de la population active élargie.
Population par pays et statut professionnel, 2022 (en % de la population totale âgée de 15 à 74 ans)
e) L’emploi précaire
Le graphique suivant porte sur une année ancienne. En 2018, 2,1 % des hommes et des femmes âgés de 20 à 64 ans dans l’UE-28 avaient une situation d’emploi précaire (avec un contrat de travail d’une durée maximale de trois mois). La proportion globale de personnes en situation d’emploi précaire était la plus élevée en Croatie, en Espagne, en France, en Italie et en Slovénie. L’écart entre les hommes et les femmes était inférieur à 1 point de pourcentage dans tous les pays, sauf en Finlande (1,1 p.p.), en Serbie (1,3 p.p.) et en Turquie (2,0 p.p.). Dans la moitié des États membres de l’Union, la tendance à occuper un emploi précaire était légèrement plus marquée pour les femmes que pour les hommes.
Emploi précaire, par sexe, 2018, (en % des personnes occupées âgées de 20 à 64 ans)
Source : Eurostat
2/ Le halo autour du chômage et le sous-emploi en France
a) Le sous-emploi
Le sous‑emploi inclut des personnes à temps partiel, souhaitant travailler davantage, disponibles pour le faire et recherchant un emploi (composante 1) ou n’en recherchant pas (composante 2), mais aussi des personnes se déclarant au chômage partiel ou technique (composante 3) (voir ci-dessus). En 2020, 3,0 millions de personnes étaient en situation de sous‑emploi (graphique suivant gauche), soit presque 11,0 % des personnes en emploi, un niveau jamais atteint (graphique suivant droite). Jusqu’en 2019, les deux premières composantes étaient très largement majoritaires. Mais en 2020, le chômage partiel ou technique a augmenté très fortement : il concernait 6,2 % des personnes en emploi en moyenne sur l’année, soit plus de la moitié du sous‑emploi.
Personnes en situation de sous-emploi par composante de 2003 à 2020 en France
En 2021, 6,4 % des personnes en emploi sont en situation de sous‑emploi, soit 3,1 points de moins par rapport à 2020, mais 0,6 point de plus qu’en 2019, ce qui traduit l’idée que le taux de chômage est en baisse mais pas le taux de sous-emploi : le taux de chômage diminuerait de 8,4% en 2019 à 7,9% en 2021. En 2021, le sous‑emploi concerne davantage les employés peu qualifiés (17,1 %), les jeunes (10,4 %) et deux fois plus les femmes que les hommes (8,6 % contre 4,3 %). Le sous‑emploi concerne davantage les employés peu qualifiés (17,1 %), les jeunes (10,4 %) et deux fois plus les femmes que les hommes (8,6 % contre 4,3 %).
Temps partiel et sous-emploi en 2021 en %
b) Le halo autour du chômage
En moyenne en 2020, 1,9 million de personnes appartiennent au halo autour du chômage (graphique suivant). Ces personnes sont inactives au sens du Bureau international du travail (BIT). Elles ne sont pas considérées comme étant au chômage au sens du BIT, même si leur situation en est proche. Le halo autour du chômage se composait alors de personnes sans emploi qui soit ont recherché un emploi, mais ne sont pas disponibles pour travailler (composante 1 ; 365 000 personnes) ; soit n’ont pas recherché d’emploi, mais sont disponibles pour travailler et souhaitent travailler (composante 2 ; 933 000 personnes) ; soit n’ont pas recherché un emploi et ne sont pas disponibles pour travailler, mais souhaitent travailler (composante 3 ; 629 000 personnes).
En 2020, la part du halo autour du chômage parmi les 15‑64 ans augmente de 0,8 point, pour atteindre 4,6 % (graphique suivant droite), soit la part la plus élevée depuis 2003. De nouveau, on obsderve que le taux de chômage baisse depuis 2015 mais pas a part du halo autour du chômage. Toutefois l’année 2020 a été particulière. Le halo autour du chômage avait nettement augmenté en 2020 (+ 0,8 point sur l’année). En effet, en raison des difficultés pour rechercher un emploi durant le premier confinement du printemps, une part importante de personnes qui auraient été considérées comme chômeuses au sens du BIT ont de fait basculé dans le halo autour du chômage.
Personnes appartenant au halo autour du chômage de 2003 à 2020 en France
En moyenne en 2021, 4,6 % des personnes âgées de 15 à 64 ans appartiennent au halo autour du chômage. En baisse de 0,7 point sur un an, cette part retrouve quasiment son niveau d’avant‑crise sanitaire (4,5 % en moyenne en 2019).
Bien qu’elle diminue de 0,5 point par rapport à 2020, la part de femmes de 15 à 64 ans relevant du halo en 2021 reste supérieure à son niveau de 2019 (5,2 % contre 4,9 %). Il en est de même pour les jeunes : 6,6 % des 15‑24 ans sont dans le halo autour du chômage en 2021, soit 0,4 point de moins qu’en 2020, mais 0,8 point de plus qu’en 2019.
Au total, en cumulant chômage et halo autour du chômage en moyenne sur l’année 2021, 10,4 % des 15‑64 ans sont sans emploi et souhaitent travailler. Cette proportion diminue de 0,8 point en moyenne sur un an, après une hausse de 0,5 point en 2020. Pour les 25‑49 ans et les 50‑64 ans, la part des personnes sans emploi et souhaitant travailler est inférieure à son niveau d’avant‑crise. À l’inverse, 14,1 % des 15‑24 ans sont au chômage ou dans son halo en 2021, soit 0,4 point de plus qu’en 2019.
Halo, chômage et halo autour du chômage depuis 2019 en %
3/ Postes vacants et taux de chômage – Courbe de Beveridge
La courbe de Beveridge reflète la relation négative entre les postes vacants et le chômage. Les fluctuations de la demande globale génèrent des mouvements le long de la courbe. Pendant les contractions de l’économie, il y a peu de postes vacants et un chômage élevé, tandis que pendant les expansions, il y a plus de postes vacants et le taux de chômage est faible.
Les changements structurels de l’économie peuvent également générer des déplacements vers l’extérieur ou vers l’intérieur de la courbe de Beveridge. Dans le premier cas, des augmentations simultanées des taux de vacance et de chômage peuvent être identifiées en période de croissance inégale entre les régions ou les industries lorsque l’efficacité de l’appariement entre l’offre et la demande de main-d’œuvre diminue. Dans le cas des déplacements vers l’intérieur, des diminutions simultanées des taux de vacance et de chômage peuvent être observées lorsque l’efficacité d’appariement du marché du travail s’améliore; cela pourrait être dû, par exemple, à une meilleure circulation de l’information sur les offres d’emploi grâce à Internet.
a) Les courbes de Beveridge pour la zone euro et l’UE
Le graphique 1 montre les courbes de Beveridges pour la zone euro et l’UE. La récession mondiale de 2008-2009 et la crise de la dette souveraine qui a suivi ont eu un impact majeur sur les marchés du travail de l’UE. Ceci s’est manifesté par la montée en flèche du taux de chômage et la chute des postes vacants en même temps. De 2010 à 2013, et plus particulièrement au cours de la période 2010-2011, il y a eu un déplacement vers l’extérieur significatif des courbes de Beveridge qui peut refléter des disparités entre les États membres de l’UE : la plupart des postes vacants ont été créés dans des pays où le taux de chômage est relativement faible. À partir de 2014, nous pouvons observer des mouvements le long de la courbe de Beveridge causés par une augmentation des taux de vacance d’emploi dans la zone euro et l’UE, accompagnée d’une diminution des taux de chômage dans les deux zones. Dès le premier trimestre 2020, la crise du COVID-19 s’est traduite par une baisse marquée des taux de vacance d’emploi avec un impact réduit sur les taux de chômage, probablement parce que les secteurs les plus touchés par la crise (par exemple NACE révision 2. 2 section I : « Activités d’hébergement et de restauration ») sont également ceux qui ont le plus de difficultés à recruter. Cette tendance s’est poursuivie jusqu’au quatrième trimestre 2020, lorsque les taux de postes vacants ont recommencé à augmenter. Cette hausse s’est poursuivie jusqu’au deuxième trimestre de 2021, qui a bouclé la boucle causée par la crise du COVID-19, les taux de vacance d’emploi et de chômage atteignant leurs niveaux d’avant la pandémie. Cela indiquerait que les marchés du travail se sont rapidement remis de la crise de la COVID-19 sans impact sur l’adéquation globale entre l’offre et la demande de main-d’œuvre. A partir du T3 2021, on observe une nouvelle hausse des taux de vacance d’emploi mais avec un appariement moins bon (déplacement de la courbe vers l’extérieur).
Courbe de Beveridge, 2006T4 à 2022T2 (taux moyens sur quatre trimestres)
Source : Eurostat
b) « Points » de ski de fond de Beveridge
Comme étape supplémentaire dans l’analyse, on peut tracer le taux d’emploi vacant (JVR) et le taux de chômage (UR) d’un pays donné à un moment donné dans le temps. Cela donne une indication de la situation de l’appariement des emplois sur les marchés du travail nationaux. Comme le montre le graphique suivant, les pays se regroupent en différents groupes. À l’extrémité supérieure de la courbe de régression se trouvent la Tchéquie, l’Allemagne et les Pays-Bas avec un chômage plutôt faible et des taux de vacance élevés, tandis qu’à l’extrémité inférieure de la courbe se trouvent la Grèce et l’Espagne avec un chômage élevé et de faibles taux de vacance. Les pays au-dessus de la courbe peuvent avoir une efficacité d’appariement comparativement plus faible que les pays situés en dessous.
Points de Beveridge, moyenne 2021T3-2022T2
Source : Eurostat
c) Les emplois vacants en France
Au 3e trimestre 2022, dans les entreprises de 10 salariés ou plus du champ de l’enquête Acemo, le taux d’emplois vacants s’élève à 2,47 %. Il progresse de 0,06 point sur le trimestre et de presque 0,5 point sur un an.
Entre le 2e trimestre 2022 et le 3e trimestre 2022, le taux d’emplois vacants augmente dans le tertiaire marchand aussi dans la construction. En revanche, il recule dans l’industrie.
Au total, on compte 372 000 emplois vacants (cvs) au 3e trimestre 2022. Ce nombre augmente de 2,6 % par rapport au 2e trimestre 2022. Cette hausse est portée par le tertiaire marchand, (+6 %) et dans une mondre mesure dans la construction. En revanche, le nombre d’emplois vacants recule da ns l’industrie (-6,5%).
Par rapport à la situation prévalant avant la crise sanitaire, le nombre d’emplois vacants augmente fortement (+ 77 % par rapport au 4e trimestre 2019) et de façon généralisée dans tous les grands secteurs : +84 % dans le tertiaire non marchand, +79 % dans l’industrie, +77 % dans le tertiaire marchand et +53 % dans la construction.
Ainsi, on ne trouve pas assez de professionnels de santé, d’éducation (tertiaire non marchand), probablement aussi dans les transports (conducteurs de bus, métro, train,etc…) pour faire fonctionner ces services.
Taux d’emplois vacants (cvs) en %
d) Les emplois vacants en Europe
Le taux de vacance d’emploi (non corrigé des variations saisonnières) dans la zone euro s’est établi à 3,1 % au troisième trimestre 2022, contre 3,2 % au trimestre précédent et en hausse par rapport à 2,6 % au troisième trimestre 2021. Dans l’UE , le taux de vacance d’emploi était de 2,9 % au troisième trimestre 2022, contre 3,0 % au trimestre précédent et en hausse par rapport à 2,4 % au troisième trimestre 2021, comme le montrent le tableau suivant et le graphique suivant.
Parmi les États membres de l’UE, les taux de postes vacants les plus élevés au troisième trimestre 2022 ont été enregistrés en Autriche (5,0 %), en Belgique et aux Pays-Bas (4,9 % chacun). En revanche, les taux les plus bas ont été observés en Bulgarie, en Espagne et en Roumanie (0,9 % chacun).
Taux de vacance d’emploi trimestriels non corrigés des variations saisonnières, T3-2022 – T3-2022
Taux de postes vacants non corrigés des variations saisonnières, troisième trimestre 2022, (%)
Par rapport au même trimestre de l’année précédente, le taux de postes vacants a augmenté dans dix-sept États membres de l’UE, est resté stable en Bulgarie ainsi qu’en Irlande et a diminué dans sept États membres. Les plus fortes hausses ont été observées en Autriche (+1,2 point de pourcentage (pp)), en Allemagne (+1,0 pp), aux Pays-Bas (+0,7 pp) et au Luxembourg (+0,6 pp). Les baisses les plus importantes ont été enregistrées en Tchéquie (-0,6 pp), en Croatie et en Finlande (-0,3 pp chacune).
Il y a une tendance à la baisse des taux de vacance d’emploi dans tous les États membres de l’UE en 2020 et une nette reprise en 2021. Dans la plupart des États membres, le taux annuel de vacance d’emploi était plus élevé en 2021 que le niveau pré-pandémique de 2019. En France, le taux augmente de 0,5 point de pourcentage (pp).
Taux annuels de postes vacants, 2019, 2020 et 2021, (%)
Dans l’UE, la pandémie de Covid-19 a eu un impact sur le taux de vacance d’emploi enregistré en 2020 similaire à la récession économique de 2009 (voir figure 3) mais avec une reprise plus rapide. Au plus fort de la crise en 2009, le taux de vacance d’emploi dans l’UE a baissé de 0,3 pp par rapport à l’année précédente, est resté inchangé en 2010 avant d’augmenter de 0,3 pp en 2011, ce qui a compensé l’impact de la grande récession. En comparaison, il y a eu une diminution de 0,4 pp en 2020 en raison des effets de la pandémie de Covid-19 avec une reprise ultérieure de 0,5 pp en 2021.
Dans la zone euro, la pandémie de Covid-19 a eu un impact plus prononcé sur le taux de vacance d’emploi enregistré en 2020 que la récession économique en 2009, avec une reprise rapide dans les deux cas. En 2009, le taux de vacance d’emploi de la zone euro a légèrement diminué par rapport à l’année précédente (de 0,1 pp contre 0,3 pp pour l’UE) et a remonté à son niveau initial en 2010 déjà. En 2020, le taux de vacance d’emploi a baissé de 0,4 pp (comme ce fut le cas dans l’UE) avec une reprise de 0,6 pp en 2021.
Évolution annuelle des taux de vacance d’emploi, 2009-2021, (points de pourcentage)
4/ Le marché du travail dans l’UE
Sur toutes les personnes de l’Union européenne (UE) qui étaient au chômage en 2021, 37,0 % sont restées au chômage en 2022, 38,5 % ont trouvé un emploi et 24,5 % ont quitté la population active. De toutes les personnes initialement occupées, 94,0 % sont restées en emploi, tandis que 1,7 % des personnes occupées en 2021 étaient au chômage en 2022 et 4,3 % ont quitté la population active. La matrice du tableau suivant montre le pourcentage de transitions depuis l’état initial.
TTransitions dans la situation sur le marché du travail dans l’UE, 2021-2022 (en % de la population de statut initial âgée de 15 à 74 ans)
Source : Eurostat
Les données au niveau national sont présentées au graphique suivant. Pour permettre une comparaison, l’accent est mis sur les sorties de chômage de 2021 à 2022. Ce n’est qu’au Danemark, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Estonie que les sorties du chômage vers l’emploi ont atteint au moins 50 %. En Bulgarie, en Grèce, en Slovaquie et en Roumanie, moins de 25 % des chômeurs en 2021 ont trouvé un emploi en 2022. Les transitions entre le chômage et la main-d’œuvre ont été particulièrement élevées en Italie (36 %) et ont également dépassé 30 % en Pologne, en Belgique et en Estonie.
Transitions hors du chômage dans l’UE, 2021-2022 (en % de la population de statut initial âgée de 15 à 74 ans)
Source : Eurostat
Le marché du travail se redresse lentement en 2020, grâce aux dispositifs de maintien dans l’emploi comme le chômage partiel ou les subventions salariales qui aident toujours à préserver l’emploi en Europe et au Japon. Cependant, dans les économies de l’OCDE, on compte près de 10 millions de chômeurs de plus qu’avant la crise, les taux d’inactivité ont augmenté et les taux d’emploi diminué. Dans les pays en développement, les pertes d’emploi ont été considérables, aggravant la pauvreté et le dénuement pour des millions de travailleurs. Le total des heures travaillées reste inférieur de quelque 5 % en moyenne à son niveau d’avant la pandémie dans les grandes économies avancées (graphique suivant, partie A), avec des différences marquées entre les secteurs. Les déficits sont largement concentrés dans les activités de services à forte intensité d’emploi où la proximité physique est importante (graphique suivant, partie B) comme les loisirs, l’hébergement, le transport et le commerce de détail et de gros. À eux tous, ces secteurs représentent entre 20 et 30 % de l’emploi dans la plupart des économies, et beaucoup de ces emplois resteront précaires tant que les vaccins n’auront pas été déployés massivement et que les mesures d’endiguement ne seront pas considérablement allégées. Les femmes, les jeunes et les travailleurs à faible revenu sont particulièrement exposés à ces risques étant donné l’importance relative de ces secteurs pour leurs emplois.
La France a été particulièrement impactée. Au quatrième trimestre 2020, les heures travaillées étaient inférieures de 16% à ce qu’elles étaient deux ans auparavant soit dans les secteurs à fortes interactions sociales, soit ceux où les interactions sociales sont nombreuses entre les fournisseurs et les clients, à savoir le commerce de gros et de détail, les activités d’hébergement et de restauration, le transport et l’entreposage, les arts, spectacles et loisirs, et les autres services aux personnes
1/ L’emploi dans l’UE dans les comptes nationaux
Au cours de l’année 2022, l’emploi total a augmenté de 2,3 % dans la zone Euro et de 2,0 % dans l’UE . En comparaison, le taux de croissance annuel pour 2021 était de 1,4 % dans la zone euro et de 1,5 % dans l’UE. Dans l’ensemble, l’emploi total des personnes est désormais supérieur aux niveaux de 2019 avant la pandémie de COVID-19 (+2,1 % pour la zone euro et +2,0 % pour l’UE).
L’emploi total peut être divisé en « nombre de salariés » et « nombre de travailleurs indépendants ». Le nombre de salariés a augmenté en 2022 (2,5 % pour la zone euro et 2,3 % pour l’UE), et le nombre de travailleurs indépendants a augmenté de 0,9 % dans la zone euro et de 0,6 % dans l’UE. (graphique suivant).
Taux de croissance annuels de l’emploi total, salariés et indépendants, 2012-2022
a) Variations entre les États membres
Sur la base de données annuelles, le niveau d’emploi dans un État membre de l’UE était inférieur à son niveau de 2012 (Roumanie, -0,1 %). Les augmentations les plus importantes ont été observées en Irlande (+35,6 %) et au Luxembourg (+32,7 %). Par rapport aux niveaux de 2019 avant la pandémie de COVID-19, presque tous les États membres avaient des niveaux d’emploi plus élevés en 2022, à l’exception de la Lettonie (-2,2 %), de la Bulgarie (-0,9 %), de la Slovaquie (-0,7 %) et de la Roumanie (-0,2 % ). Le nombre total d’heures travaillées a fortement chuté en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19, mais en comparant 2022 à 2019, dix-sept États membres ont enregistré une augmentation du nombre d’heures travaillées. Par rapport à 2012, le nombre d’heures travaillées était plus élevé dans tous les États membres sauf trois (tableau suivant).
Emploi total par nombre de personnes et d’heures travaillées, 2012 – 2022, variation en %
b) Les non-salariés
L’emploi total dans l’UE peut être divisé entre les salariés et les travailleurs indépendants, qui représentaient respectivement 85,8 % et 14,2 % de l’emploi total des personnes et 82,2 % et 17,8 % respectivement des heures travaillées dans l’UE en 2022. Cependant, l’importance de travailleurs indépendants varie encore d’un État membre à l’autre. En 2022, leur part était la plus élevée en Grèce (25,9 %), en Bulgarie (25,2 %), en Italie (22,2 %) et la plus faible en Suède (3,4 %), au Danemark (5,6 %), ainsi qu’au Luxembourg (5,8 %) .
Les changements entre 2012 et 2022 ont varié de manière significative. La part des travailleurs indépendants a diminué tant dans l’UE que dans la zone euro (respectivement -2,1 % et -1,6 %), tout comme leur part dans le nombre total d’heures travaillées (respectivement -2,7 % et -2,4 %). Les plus fortes baisses du nombre de travailleurs indépendants ont été observées en Roumanie (-10,5 %) et en Grèce (-8,2 %) et la plus forte augmentation en Lettonie (+1,7 %). Pour les variations des heures travaillées, les plus fortes baisses ont été observées en Roumanie (-10,1 %) et en Grèce (-9,3 %) et la plus forte augmentation à Malte (+1,9 %).
c) Évolution par secteur d’activité
Les tendances de l’emploi peuvent également être décomposées par secteur. Le graphique suivant montre l’évolution de l’emploi par secteur entre 2012-2022 et entre 2019-2022. Il indique qu’il y a eu un déplacement de l’emploi dans tous les secteurs de l’économie. Les pertes d’emplois les plus importantes sur l’ensemble de la période ont été enregistrées dans l’agriculture et les activités financières et d’assurance. Le secteur de l’industrie affiche une baisse depuis 2019, mais il a augmenté sur une période plus longue depuis 2012. Les secteurs de l’information et de la communication et des activités professionnelles, scientifiques et techniques ont affiché la plus forte croissance en termes d’emploi sur l’ensemble de la période.
Évolution de l’emploi par secteur 2012-2022 et 2019-2022, milliers de personnes dans l’UE
2/ L’emploi basé sur l’enquête sur les forces de travail de l’UE
a) Le taux d’emploi
Les taux d’emploi dans cinq États membres de l’UE ont dépassé 81 % – les Pays-Bas en tête avec 82,9 %, suivis de la Suède (82,2 %), de l’Estonie (81,9 %), de la Tchéquie (81,3 %) et de Malte (81,1 %). En revanche, la Belgique (71,9%), Croatie (69,7 %), l’Espagne (69,5 %), la Roumanie (68,5 %), la Grèce (66,3 %) et l’Italie (64,8 %) affichaient des taux d’emploi inférieurs à 70 %. Ce taux est de 74% en France.
Taux d’emploi, 2022
Source : Eurostat
Le graphique suivant présente la variation annuelle des taux d’emploi de 2020 à 2022, en comparant chaque année à la précédente. En 2020, la pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse des taux d’emploi nationaux pour 23 des États membres de l’UE, par rapport à l’année précédente 2019. L’année suivante 2021, il y a eu une amélioration, car presque tous les États membres de l’UE ont connu une augmentation par rapport à 2020. Cette tendance s’est poursuivie en 2022, tous les États membres de l’UE enregistrant des taux d’emploi plus élevés que l’année précédente. La Grèce a connu la plus forte augmentation entre 2021 et 2022 avec une hausse de 3,7% de pp , suivie de l’Irlande avec 3,3 pp, de l’Estonie avec 2,6 pp et de la Bulgarie avec 2,5 pp.
Évolution annuelle du taux d’emploi, 2020-2022
Neuf États membres de l’UE présentent des écarts d’emploi entre les sexes plus importants que l’écart pour l’UE dans son ensemble. Ces pays comprennent l’Espagne, l’Irlande, Chypre, la Pologne, Malte, la Tchéquie, la Roumanie, l’Italie et la Grèce. Les écarts d’emploi entre les sexes les plus importants ont été observés en Italie et en Grèce, où un peu plus de la moitié de la population féminine avait un emploi (55,0 % et 55,9 %, respectivement), contre environ les trois quarts de la population masculine (74,7 % et 76,9 %, respectivement). .
Globalement, dans tous les États membres de l’UE, le taux d’emploi des hommes est supérieur à celui des femmes. Cependant, l’écart d’emploi entre les sexes était relativement faible dans les pays baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) et en Finlande, avec des écarts d’environ 3 pp ou moins.
b) Emploi des seniors versus des jeunes
Le graphique suivant illustre l’évolution du taux d’emploi selon le groupe d’âge et le sexe. Les données de 2022 indiquent que dans l’UE, les jeunes hommes âgés de 15 à 24 ans avaient un taux d’emploi plus élevé (37,0 %) que leurs homologues féminins (32,3 %). La même année, 87,0 % des hommes âgés de 25 à 54 ans avaient un emploi, alors que le taux pour les femmes de la même tranche d’âge était de 76,5 %. Pour les 55-64 ans, le taux d’emploi était de 68,7 % pour les hommes et de 56,2 % pour les femmes. Cela met en évidence l’élargissement de l’écart d’emploi entre les sexes avec l’âge : 4,7 pp pour le groupe d’âge 15-24 ans, 10,5 pp pour les 25-54 ans et 12,5 pp pour les 55-64 ans.
La tendance à long terme montre que le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans suit une trajectoire ascendante et est moins sujet aux fluctuations, même pendant la pandémie de COVID-19. Entre 2009 et 2022, il y a eu une augmentation significative de 21,1 pp du taux d’emploi des femmes âgées de 55 à 64 ans, tandis que les hommes du même groupe d’âge ont connu une augmentation de 16,9 pp. Pour les 25-54 ans, le taux d’emploi augmenté de 6,3 pp pour les femmes et de 3,8 pp pour les hommes. Les plus faibles augmentations ont été observées chez les jeunes hommes et femmes, qui ont tous deux enregistré une augmentation de 2,2 pp du taux d’emploi.
Taux d’emploi par groupe d’âge et sexe, 2009-2022, UE
Au cours des 13 années entre 2009 et 2022, la structure par âge de l’emploi dans l’UE a subi un changement significatif, avec une part croissante de personnes occupées âgées de 55 à 64 ans et une part décroissante de personnes âgées de 15 à 24 ans (graphique suivant). . En 2009, les hommes âgés de 55 à 64 ans représentaient 13,2 % de l’ensemble des hommes actifs âgés de 15 à 64 ans, passant à 19,3 % en 2022 (+6,1 pp). L’évolution pour les femmes de 55-64 ans sur la même période est encore plus forte : elles représentent 11,6 % de l’ensemble des femmes actives de 15-64 ans en 2009, passant à 19,2 % en 2022 (+7,6 pp). À l’inverse, la part des actifs occupés âgés de 15 à 24 ans parmi l’ensemble des actifs occupés âgés de 15 à 64 ans est passée de 9,1 % pour les hommes et 9,3 % pour les femmes en 2009 à 8,4 % pour les hommes et 8,0 % pour les femmes en 2022.
Part des personnes occupées par groupe d’âge et sexe, 2009-2022, UE
c) Emploi par niveau d’éducation
Le niveau d’instruction a un impact significatif sur le taux d’emploi (graphque suivant). En 2022, dans l’UE, le taux d’emploi des personnes âgées de 20 à 64 ans ayant atteint un niveau d’études élevé était de 86,0 %, bien supérieur à celui des personnes n’ayant achevé qu’un faible niveau d’études, qui était de 57,2 %. . Il convient de noter qu’un niveau d’éducation élevé fait référence à l’enseignement supérieur, couvrant les niveaux tertiaire de cycle court, licence, master ou doctorat (ou équivalents ; CITE niveaux 5-8), tandis qu’un niveau bas fait référence (au maximum) à l’enseignement primaire ou secondaire inférieur (niveaux 0-2 de la CITE). Le taux d’emploi dans l’UE des personnes ayant terminé leurs études à un niveau moyen, c’est-à-dire le deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou post-secondaire non supérieur (niveaux 3-4 de la CITE), se situait entre les deux taux précédents en 2022, à 74,2 %.
Un autre aspect à considérer est l’écart d’emploi entre les sexes selon le niveau d’éducation. L’écart d’emploi entre les hommes et les femmes s’élargit à mesure que le niveau d’instruction diminue. En 2022, parmi les personnes ayant un niveau d’éducation élevé, l’écart d’emploi entre les sexes était de 5,3 pp. Cependant, il était de 11,9 pp pour les personnes ayant un niveau d’éducation moyen et de 22,1 pp pour celles ayant un faible niveau d’éducation.
Taux d’emploi par niveau d’études et sexe, UE, 2022
Le graphique suivant présente des informations au niveau national sur la proportion de personnes occupées diplômées de l’enseignement supérieur parmi l’ensemble des personnes occupées, tranche d’âge 25-64 ans. Les données sont ventilées selon les différents niveaux de l’enseignement supérieur. C’est en Irlande (58,9 %), au Luxembourg (57,8 %) et en Belgique (53,2 %) qu’ont été enregistrées les proportions les plus élevées de personnes en emploi titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur (tous niveaux confondus) dans l’UE. Les plus bas ont été trouvés en Tchéquie (27,6 %), en Italie (25,1 %) et en Roumanie (25,0 %).
Si l’on compare différents niveaux d’enseignement supérieur dans 12 États membres de l’UE, la proportion la plus élevée concerne le niveau licence ou équivalent. Dans 14 États membres de l’UE, la proportion la plus élevée concerne le niveau master ou équivalent. Il n’y a qu’en Autriche que le pourcentage le plus élevé concerne les diplômés de l’enseignement supérieur de cycle court.
Part des personnes occupées ayant fait des études supérieures par niveau d’éducation, 2022
d) Le taux de surqualification
Le taux de surqualification est calculé pour les personnes occupées ayant un niveau d’études supérieur ( niveaux 5 à 8de la CITE). Le taux montre quelle proportion de ces personnes sont employées dans des professions pour lesquelles un niveau d’éducation tertiaire n’est pas requis (équivalent aux grands groupes 4 à 9 de la CITP).
Le taux de surqualification dans l’UE était de 22,2 % en 2022, avec 21,4 % pour les hommes et 22,9 % pour les femmesse référant au groupe d’âge 20-64 ans). Les pourcentages sont un peu plus faibles en France.
Parmi les États membres de l’UE, le taux de surqualification variait d’environ un tiers à Chypre (31,8 %), en Grèce (32,4 %) et en Espagne (35,9 %), à moins de 15 % au Portugal, en Tchéquie, en Hongrie et au Danemark , et la Suède, atteignant sa valeur la plus basse au Luxembourg avec 6,8 %.
Dans 19 des 27 États membres de l’UE, le taux de surqualification était plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Les écarts les plus importants entre ces pays ont été observés en Italie, à Chypre et à Malte, les taux de surqualification des femmes étant respectivement supérieurs de 7,2 pp, 8,0 pp et 10,8 pp à ceux des hommes. Dans huit États membres de l’UE, la situation était inverse – des taux de surqualification plus élevés pour les hommes que pour les femmes.
Taux de surqualification par sexe, 2022
3/ Le développement du télé-travail dans les services
Certains secteurs touchés de plein fouet par les exigences de distanciation physique et l’évolution connexe des préférences des consommateurs pourraient ne jamais retrouver leur taille initiale après la crise. Le passage durable au télétravail, la réduction des déplacements professionnels et l’essor des services par voie numérique (commerce en ligne par exemple) pourraient également modifier la structure des emplois et l’emplacement des lieux de travail dans de nombreux cas (graphique suivant). Ces changements potentiels exacerberaient plusieurs problèmes largement antérieurs à l’apparition de la pandémie, résultant d’une longue période de faible croissance, ainsi que l’accroissement des inégalités face aux situations et à la nécessité de s’adapter à la transformation numérique et au changement climatique.
La pandémie a entraîné des changements profonds sur les marchés de produits et les marchés du travail
3/ L’importance de la formation professionnelle
Pour faciliter le redéploiement des ressources en main-d’œuvre, les dispositifs mis en place au plus fort de la pandémie pour soutenir les emplois et les revenus devaient devenir plus ciblés et de plus en plus axés sur les personnes plutôt que sur les emplois, et s’accompagner de mesures structurelles visant à améliorer la formation et à aider à la recherche d’emploi et au placement.
Des emplois font toujours défaut dans certains secteurs
1/ Composantes du coût de la main d’œuvre
Pour les salariés, la rémunération perçue pour leur travail, plus communément appelée salaire ou gain, représente généralement leur principale source de revenus et a donc un impact majeur sur leur capacité à dépenser et/ou épargner. Alors que le salaire brut inclut les cotisations sociales payables par le salarié, le salaire net est calculé après déduction de ces cotisations et de tout montant dû à l’État, comme l’impôt sur le revenu. Le montant des impôts dépendant généralement de la situation du ménage en termes de revenus et de composition, les revenus nets sont calculés pour plusieurs situations typiques de ménages (voir encadré).
Composantes du coût de la main d’œuvre
2/ Les coûts de main-d’œuvre dans l’UE
a) Composantes du coût de la main d’œuvre
Le coût horaire moyen de la main-d’œuvre en 2023 était estimé à 31,8 € dans l’UE et à 35,6 € dans la zone euro. Cette moyenne masque toutefois des différences significatives entre les États membres de l’UE, avec des coûts horaires de main-d’œuvre compris entre 9,3 € en Bulgarie et 53,9 € au Luxembourg (carte suivante ).
Les coûts de main-d’œuvre comprennent les coûts des salaires et des traitements ainsi que les coûts non salariaux tels que les cotisations sociales des employeurs. En 2023, la part des coûts non salariaux dans le coût total du travail, pour l’ensemble de l’économie, était de 24,7 % dans l’UE contre 25,5 % dans la zone euro. La part des coûts non salariaux varie également considérablement selon les États membres de l’UE : les parts les plus élevées des coûts non salariaux ont été enregistrées en Suède (32,2 %) et en France (32 %), tandis que les parts les plus faibles ont été enregistrées à Malte (1,4 %). Roumanie (5,0 %) et Lituanie (5,4 %) (graphique suivant).
Coûts horaires de main-d’œuvre estimés, 2023 (€)
Coûts horaires de main-d’œuvre estimés (décomposition), 2023 (€)
b) Salaires/gains bruts
Les revenus bruts représentent la plus grande partie des coûts de main-d’œuvre. En 2018, les salaires horaires bruts médians en euros les plus élevés ont été enregistrés au Danemark (27,2 €), au Luxembourg (19,6 €) et en Suède (18,2 €). En revanche, les salaires horaires bruts médians en euros les plus bas ont été enregistrés en Hongrie (4,4 €). ), la Roumanie (3,7 €) et la Bulgarie (2,4 €). En d’autres termes, dans les États membres de l’UE, les salaires horaires bruts médians nationaux les plus élevés étaient 11 fois plus élevés que les plus bas lorsqu’ils étaient exprimés en euros ; une fois ajustée aux niveaux de prix (par conversion en standards de pouvoir d’achat (SPA) ), la moyenne la plus élevée était quatre fois plus élevée que la moyenne la plus basse, le Danemark et la Bulgarie représentant à nouveau les extrêmes aux deux extrémités de la fourchette.
Salaire horaire brut médian, tous salariés (hors apprentis), 2018
Les salariés à bas salaire sont définis comme les salariés qui gagnent les deux tiers ou moins du salaire horaire brut médian national. En 2018, 15,3 % des salariés étaient des salariés à bas salaire dans l’UE, contre 16,4 % en 2014. En 2018, la proportion de salariés à bas salaire était de 15,1 % dans la zone euro, contre 15,9 % en 2014. Cette proportion variait significativement entre les États membres de l’UE : en 2018, les proportions les plus élevées ont été observées en Lettonie (23,5 %), en Lituanie (22,3 %) et en Estonie (22,0 %). En revanche, moins de 10 % des salariés étaient des salariés à faible salaire au Danemark (8,7 %), en France (8,6 %), en Italie (8,5 %), en Finlande (5,0 %), au Portugal (4,0 %) et en Suède (3,6 %).
Salariés à bas salaires — salariés (hors apprentis) gagnant deux tiers ou moins du salaire horaire brut médian, 2018 (% des salariés)
2/ Frais de personnel par secteur d’activité exposé à la concurrence
Trois grands secteurs d’activité font l’objet d’une forte concurrence ou bien d’implantations de sociétés à l’étranger : l’industrie, le commerce et les services. En 2020, les coûts moyens de personnel dans les quatre sections de l’économie industrielle de l’UE varient de 61 900 euros par employé pour l’électricité, le gaz, la vapeur et le gaz naturel. s’échelonnaient entre 61 900 euros par salarié pour l’électricité, le gaz, la vapeur et l’air conditionné à 36 800 euros par salarié pour l’approvisionnement en eau, la gestion des déchets et les activités d’assainissement. Dans la grande majorité des États membres de l’UE, les coûts moyens de personnel les plus élevés pour l’ensemble des activités industrielles ont été enregistrés pour l’électricité, le gaz, la vapeur et d’air conditionné. Les seules exceptions en 2020 étaient le Danemark, les Pays-Bas, la Pologne et la Suède : dans les quatre cas, les coûts moyens de personnel étaient plus élevés dans l’industrie minière et les carrières.
En règle générale, les coûts moyens de personnel les plus bas sont souvent observés dans les secteurs où le travail à temps partiel et le travail saisonnier sont fréquents, comme dans le commerce de détail. une forte incidence du travail à temps partiel et saisonnier, comme le commerce de détail. Dans l’UE, les coûts moyens de personnel en 2020 s’échelonnaient entre un maximum de 41 800 € par salarié pour le commerce de gros à 23 800 € par salarié pour le commerce de détail. En 2020, le Danemark a enregistré les coûts moyens de personnel les plus élevés parmi les États membres de l’UE pour le commerce de gros (71 800. La Belgique avait les frais de personnel moyens les plus élevés pour le commerce automobile (58 000 euros par salarié) tandis que la Suède avait les frais de personnel moyens les plus élevés pour le commerce de détail (51 300 € par salarié). À l’autre extrémité de l’échelle, les coûts moyens de personnel les plus bas pour les trois divisions du ont été enregistrés en Lettonie, en Roumanie et en Bulgarie.
En règle générale, les coûts moyens de personnel les plus bas dans l’UE peuvent être observés dans les activités à forte incidence de travail à temps partiel et saisonnier, telles que l’hébergement et la restauration (15 800 € par salarié) ou les activités de administratifs et de soutien (25 700 euros par salarié), tandis que les ratios les plus élevés sont observés dans les activités professionnelles, scientifiques et techniques (49 100 € par employés) ou les services d’information et de communication (57 100 € par employé).
Coûts moyens de personnel à l’intérieur des sous-secteurs industriels
Coûts moyens de personnel à l’intérieur des sous-secteurs du commerce
Coûts moyens de personnel à l’intérieur des sous-secteurs des services
Source : Eurostat
1/ Des signes d’inflation ont commencé à apparaître en 2021
a) des anticipations d’inflation en hausse
Pour faciliter le redéploiement des ressources en main-d’œuvre, les dispositifs mis en place au plus fort de la pandémie pour soutenir les emplois et les revenus doivent devenir plus ciblés et de plus en plus axés sur les personnes plutôt que sur les emplois, et s’accompagner de mesures structurelles visant à améliorer la formation et à aider à la recherche d’emploi et au placement. La définition de critères précis liés à l’évolution de la situation pour l’octroi de ces aides, conditionnant, par exemple, les ressources utilisées à l’évolution des conditions du marché du travail, pourrait être un moyen d’amplifier l’efficacité des réformes.
Les perspectives d’une reprise mondiale soutenue se sont traduites par des anticipations d’inflation en hausse, en particulier sur les marchés financiers. L’inflation globale a augmenté récemment dans de nombreuses économies avancées et reste élevée dans certaines économies de marché émergentes, en partie à cause d’une forte hausse des cours des produits de base et d’épisodes antérieurs de dépréciation monétaire. Un redressement plus rapide que prévu de la demande, notamment de la demande chinoise, conjugué à des difficultés d’approvisionnement, a fortement tiré vers le haut les prix des denrées alimentaires et des métaux tandis que les prix du pétrole ont rebondi pour renouer avec leur niveau moyen de 2019 (graphique suivant, partie A). Les pénuries temporaires d’offre dans certains secteurs, comme les semi-conducteurs et le transport maritime, alimentent également des tensions sur les coûts des intrants, visibles dans les enquêtes auprès des entreprises (graphique suivant, partie B).
Les tensions sous-jacentes sur les prix demeurent généralement modérées dans les économies avancées, en raison de l’importance du volant de capacités inutilisées et du manque de vitalité persistant des marchés du travail même si des facteurs ponctuels, comme la réouverture de secteurs jusque-là soumis à des mesures d’endiguement ainsi que des modifications de la fiscalité indirecte, contribuent actuellement à l’inflation. Dans les grandes économies de marché émergentes, l’inflation pourrait être supérieure qu’escomptée si les monnaies locales continuaient de se déprécier en raison de la hausse des rendements relatifs aux États-Unis. Le renchérissement des produits de base aura également pour effet de doper davantage l’inflation dans les pays importateurs nets, comme l’Inde et la Turquie, par rapport aux pays exportateurs de produits de base.
Les tensions sur les coûts commencent à s’intensifier
b) Des difficultés d’approvisionnement
Ce phénomène apparaît fin 2020 et s’affirme en 2021.
En mars 2021, le porte-conteneurs géant Ever Given bloque le canal de Suez et 10% du commerce mondial. Après les masques de 2020, la chaîne logistique mondiale connaît des difficultés. Retard de production des vaccins Astra Zeneca, arrêt de l’usine Stellantis (ex PSA) de Sochaux faute de composants électroniques, rupture mondiale de la console de jeux PS5, pénurie de matériaux dans le bâtiment ou de vélos, difficultés d’approvisionnement dans la pétrochimie suite à une vague de froid au Texas, les exemples de rupture de stock se multiplient. Cette tension sur les matières premières risque de réserver quelques mauvaises surprises dans les semaines à venir et pourrait rendre chaotique le redémarrage post-Covid.
Le transport maritime représente 90% du commerce mondial en volume et 80% en valeur. Le volume transporté a été multiplié par 4 depuis 30 ans. Il faut noter que, jusqu’à présent, le transport maritime n’était pas cher. Il fallait compter 2500$ pour un container de 40 pieds entre la Chine et l’Europe. Par exemple un téléviseur de 700 € coûtait 10€ à transporter en bateau. Produire à l’autre bout du monde devenait ainsi compétitif. Avec le développement des navires géants, le prix du fret maritime avait été divisé par 2 entre 2010 et 2020.
Mais le Covid a tout bouleversé. Avec l’épidémie, bateaux et containers se sont retrouvés bloqués dans les ports. Pendant les confinements de 2020, les compagnies maritimes ont fortement réduit leur activité, supprimant 25% de leurs rotations au départ de l’Asie. Elles n’ont pas anticipé un redémarrage aussi fort dès l’été dernier. Dans un marché oligopolistique, elles ont privilégié l’augmentation des prix. Le prix d’un container au départ de la Chine est passé de 2.500$ à 10.000$ en quelques mois et les délais ont explosé : 4 à 6 semaines en temps normal, 10 à 25 semaines en ce moment. Dès lors il pouvait y avoir des risques de pénurie mondiale de certains produits, faute de cargos pour les transporter. Une explosion du prix du fret maritime rend en tout cas peu pertinent de fabriquer certains produits volumineux et peu chers à l’autre bout du monde.
Autre conséquence du Covid, certains marchés ont explosé provoquant des déséquilibres. C’est le cas du marché des semi-conducteurs. Fin mars 2021, l’usine Stellantis de Sochaux se retrouve à l’arrêt, manquant de puces et de composants électroniques. C’est la deuxième fois depuis début 2021.
Avec le confinement, le monde entier s’est mis à acheter ordinateurs, consoles, smartphones quand le marché automobile chutait. TSMC le taïwanais leader mondial des semi-conducteurs (avec près de 30% de part de marché mondial) s’est naturellement orienté vers ces marchés plus rémunérateurs. Et malgré des usines tournant à plein régime, TSMC n’arrive pas à répondre à la demande. Le fabricant ne prévoit de retour à la normale avant 2023.
Même phénomène sur le marché du vélo. Le marché du cycle post-confinement a lui aussi été ultra-dynamique. Des magasins de cycles spécialisés aux grandes surfaces comme Décathlon, les ruptures de stock s’y multiplient. Des fabricants de pièces clés aux usines saturées comme le fabricant japonais de dérailleurs Shimano ne peuvent approvisionner certaines entreprises.
Le secteur du bâtiment. semble cumuler toutes ces difficultés. La reprise y a été vive après le confinement, portée par les besoins de rénovation. Mais c’est aujourd’hui l’approvisionnement des matériaux qui pose problème. Bois de construction, acier, plastiques, peinture, plaques de plâtre, polyuréthane, polystyrène…, les délais et les prix des matériaux de construction s’envolent.
2/ Le retour de l’inflation en 2021
Les perturbations des approvisionnements liées au COVID-19 et d’autres encore ont contribué à tirer vers le haut les prix des matières premières en 2021, alors que la demande de ces produits, quoi qu’en augmentation rapide, restait inférieure en volume à son niveau d’avant la pandémie. Les cours du pétrole ont été multipliés par plus de deux entre juin 2020 et novembre 2021, période pendant laquelle la production mondiale a été constamment inférieure à son niveau de 2019. Des évolutions similaires ont pu être observées pour le charbon, certains métaux, ainsi que divers produits de base agricoles et industriels. Les prix du gaz et de l’électricité ont également grimpé en flèche. La flambée des prix de l’énergie de ces derniers mois, qui résulte d’une conjonction complexe de facteurs est directement ressentie par les ménages, ce qui explique en partie pourquoi leurs anticipations d’inflation à court terme ont fortement augmenté dans de nombreux pays.
Le redressement des prix de l’énergie en 2021 – après que les cours de certains contrats à terme sur le pétrole et le gaz naturel furent devenus négatifs au cours de la première vague pandémique – a été spectaculaire. Les prix du pétrole, du gaz et de l’électricité ont crû partout dans le monde. Le prix au comptant du pétrole brut de référence Brent a doublé entre juin 2020, et novembre 2021 tandis que les prix du charbon et surtout du gaz naturel ont enregistré des augmentations beaucoup plus importantes encore, puisqu’ils ont été environ multipliés par 8 et par 18 respectivement à leurs points culminants d’octobre 2021, perdant quelques points depuis (graphique suivant, partie A). Ce mouvement de hausse a eu lieu essentiellement depuis le début de l’année 2021.
Les prix des combustibles fossiles se sont envolés, tirant vers le haut les coûts de production de l’électricité
L’inflation globale mesurée par les prix à la consommation a sensiblement augmenté dans la plupart des pays en 2021. Parmi les grandes économies avancées, cela vaut tout particulièrement pour les États-Unis (+7% en décembre 2021 comparé à décembre 2020) et, dans une moindre mesure, pour le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada. Les prix des matières premières ont enregistré des hausses particulièrement fortes, de même que ceux de nombreux biens durables, notamment aux États-Unis où le déplacement de la demande des services vers les biens durables a été particulièrement marqué.
Il y aurait eu trois raisons principales à cela : la réouverture rapide de l’économie, l’augmentation des prix de l’énergie, qui pousse l’inflation à la hausse, et un facteur que les statisticiens appellent « effet de base ».
a) Réouverture rapide de l’économie
Avec la levée de toujours plus de restrictions, la réouverture de l’économie s’effectue à une cadence soutenue. Les gens ont recommencé à voyager et à aller au restaurant. Ils achètent davantage et dépensent ainsi une partie des économies qu’ils avaient été contraints de faire pendant les confinements. En période de croissance de l’économie, il est plus facile pour les entreprises d’augmenter leurs prix sans perdre de clients. Mais tout n’évolue pas au même rythme. Les entreprises peinent à répondre à la rapide augmentation de la demande, car elles rétablissent leurs chaînes d’approvisionnement, durement touchées par la pandémie. Des difficultés telle que la pénurie de conteneurs de transport ont rendu l’acheminement des marchandises plus complexe et plus onéreux. La pandémie a également modifié nos modes de vie et de travail et, par conséquent, nos besoins. Les consommateurs achètent certains produits, comme les biens électroniques et le matériel d’amélioration de l’habitat, dans des quantités que n’avaient pas prévues les fabricants. Des composants essentiels tels que les semi-conducteurs sont brusquement en rupture de stock. Lorsque les entreprises ne parviennent pas à suivre le rythme auquel les consommateurs souhaiteraient effectuer des achats, les prix augmentent.
b) L’augmentation des prix de l’énergie pousse l’inflation à la hausse
Les déterminants communs de la hausse des cours de différents produits énergétiques résident dans une limitation de l’offre et un regain de la demande parallèlement au redémarrage progressif des activités économiques. Les prix de l’énergie dépendent de nombreux facteurs : ainsi, un manque de vent au Royaume-Uni a eu pour conséquence un arrêt des éoliennes ; la sécheresse au Brésil a engendré une moindre production d’énergie hydroélectrique ; et l’hiver froid de l’an dernier a entamé les réserves de pétrole et de gaz. Conjugués à la demande croissante, ces facteurs ont entraîné une progression rapide des prix. Une majeure partie des coûts supportés par les entreprises et les ménages étant liés à l’énergie, les prix du pétrole, du gaz et de l’électricité ont une incidence déterminante sur l’inflation globale : l’accélération de l’inflation en 2021 est attribuable pour moitié à la hausse des prix de l’énergie.
c) Si l’inflation est forte en 2021, c’est qu’elle était particulièrement faible en 2020
Sur la dernière décennie, dans la zone euro, l’inflation est restée trop basse : +1,3 % en moyenne entre 2011 et 2019. Cette faiblesse de l’inflation, que l’on retrouve dans la plupart des économies avancées, a relancé le débat sur l’objectif de 2 % dans la zone Euro. Pour mesurer l’inflation, nous comparons les variations des prix d’une année sur l’autre. Au plus fort de la pandémie en 2020, les prix étaient exceptionnellement bas, en raison, notamment, de la réduction de la TVA en Allemagne. Les différences résultant de la comparaison de ces prix à ceux, élevés en 2021, peuvent sembler importantes. Ce phénomène, appelé « effet de base », devait estomper assez rapidement.
3/ L’inflation très forte en 2022 et 2023
a) L’accélération de l’inflation en 2022
Tout a été ensuite très vite avec une nouvelle donne, la guerre en Ukraine, après la pandémie et les pénuries qui s’en sont suivies avec la forte reprise. D’une inflation par la demande comme aux États-Unis en 2021-2022, on est passé à une inflation par les coûts en 2022 comme en Europe. Pourtant certains économistes estiment que l’inflation n’existe pas : d’une part elle ne concerne que certains produits (énergie, matières premières, alimentation,…). D’autre part il n’y aurait pas de spirale prix-salaires. Ils prévoient un retour à la stabilité des prix dans un avenir assez proche.
Il reste que l’inflation est de +8,7% en 2022 dans le monde soit bien au dessous des taux du début des années 1990 qui ont vite baisser (autour de +4% par an entre 1998 et 2020 et taux presque deux fois plus faibles dans l’U.E. sur la même période) avec la mondialisation de l’économie (graphique suivant).
Taux de hausse des prix à la consommation dans le monde par rapport à l’anne précédente en %
Taux de hausse des prix à la consommation dans l’UE des 27 pays par rapport à l’anne précédente en %
L’inflation a atteint 8,2 % en septembre sur un an. Beaucoup espéraient que les hausses des taux d’intérêt, qui avaient commencé en mars 2022, auraient un effet plus visible sur la demande et donc sur l’indice des prix à la consommation. Mais s’affichant à 7,7% en octobre, l’inflation a progressé moins fortement que prévu aux États-Unis. Ce qui laisse à penser qu’elle a atteint un pic et que les mesures prises par la Banque Fédérale (hausse des taux d’intérêt) pour la stopper commencent à fonctionner, même si elle reste élevée. En un mois les prix ont augmenté de 0,4%. Les analystes s’attendaient à une nouvelle accélération, et tablaient sur +0,6%. Le logement compte pour une part importante de cette inflation, tant à la location qu’à l’achat. Les prix de l’immobilier ont flambé pendant la pandémie, alimentés par les taux historiquement bas et par l’éloignement des villes permis par le télétravail.
Inflation annuelle de la zone euro et ses principales composantes, septembre 2013 – septembre 2023
Inflation annuelle dans la zone euro et ses principales composantes, septembre 2021 – septembre 2023
Source : Eurostat
Chacune des principales composantes contribue à des degrés divers à l’inflation globale dans la zone euro. En termes de pondérations pour 2023, avec 100 % pour l’IPCH global, les services constituent la composante la plus importante, représentant environ 43,5 % des dépenses de consommation monétaire finale des ménages dans la zone euro. Viennent ensuite les biens industriels non énergétiques avec environ 26,3 %.
L’alimentation, l’alcool et le tabac et l’énergie représentent respectivement environ 20,0 % et 10,2 %. Ensemble, ils représentent moins d’un tiers des dépenses de la zone euro, mais ils peuvent avoir un impact significatif sur l’inflation globale dans la mesure où leurs prix ont tendance à fluctuer beaucoup plus que les autres composantes. Les pondérations des principales composantes de la zone euro pour 2023 sont présentées au graphique suivant.
Pondérations des principales composantes de l’IPCH de la zone euro – 2023
Source : Eurostat
b) L’année 2022 est marquée par la résurgence de l’inflation en France
En 2022, le déflateur de la dépense de consommation des ménages augmente de 4,8 %, soit une moindre hausse que la moyenne annuelle de l’IPC (+5,2 % voir page Mesure des volumes et des prix), du fait notamment de la prise en compte des loyers imputés des ménages propriétaires dans les comptes nationaux. La hausse des prix a été particulièrement marquée sur les biens, en particulier sur les produits alimentaires (+6,1 %) et l’énergie (+16,5 %), et plus limitée sur les services (+3,1 %). Les prix de l’investissement sont aussi en forte hausse, de 6,3 %. Le déflateur de la consommation des APU augmente moins (+1,2 %), même s’il est tiré par la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires. Au total, le déflateur de la demande intérieure finale augmente de 4,4 %, sa plus forte hausse depuis 1985.
Les prix du commerce extérieur croissent encore plus vivement : le déflateur des importations augmente de 17,4 %, tirée notamment par les prix de l’énergie, tandis que celui des exportations progresse de 13,7 %, soutenu notamment par les hausses des prix dans le transport maritime, les produits agricoles et les matériels de transport. Les termes de l’échange extérieur, qui rapportent le prix des exportations à celui des importations, se dégradent sensiblement.
La hausse des prix de production (+8,5 %) a été inférieure à celle du prix des intrants (+13,1 %), mais suffisante pour se traduire par une hausse du prix de la valeur ajoutée (+3,7 %). Le déflateur du PIB, mesuré aux prix d’acquisition, augmente de 2,9 %. Relativement au prix de la valeur ajoutée, son augmentation est limitée par la mise en place du bouclier tarifaire sur l’énergie (gaz et électricité) et de la remise à la pompe.
Le 15 septembre 2008, Lehman Brothers, grande banque new-yorkaise, faisait faillite, déclenchant une crise mondiale. Par la suite, les faillites à Wall Street se sont alors multipliées, dans une sorte d’effet domino. Quelques jours plus tard, les gouvernements du monde entier étaient contraints de garantir les dépôts bancaires, de façon à éviter une panique comme dans les années 1930 (voir page Crises économiques et comptabilité nationale). L’Europe a mis des années à se remettre de la crise économique qui a suivi. Aujourd’hui, sommes-nous vraiment à l’abri d’une nouvelle crise financière ?
Un fait marquant de la crise de 2020, c’est l’extraordinaire accumulation de dette dans le monde, qui supposerait une croissance forte dans les années qui viennent pour être remboursées, alors que la planète vieillit et que le changement climatique peut obliger à réviser la façon de produire, de consommer. Il y a là, une contradiction. Ces dettes, ce sont celles des états et à l’intérieur de ceux-ci des administrations publiques des sociétés non financières et dans une moindre mesure des ménages.
À cause de la crise sanitaire, les états ont dépensé 15 à 20 000 milliards d’euros, soit 8 fois le PIB annuel de la France. Ces dettes sont aussi dans l‘immobilier chinois, qui commence à montrer des signes de fragilité. Des épargnants ruinés ont manifesté à Shenzhen, dans le sud de la Chine, à cause de la faillite d’un gigantesque promoteur surendetté.
La charge de la dette mondiale a reculé pour la deuxième année consécutive, même si elle reste supérieure à son niveau déjà élevé d’avant la pandémie, selon la FMI. Elle pourrair retrouver sa tendance à la hausse à long terme. La dette totale représenteaait 238 % du PIB mondial en2022, soit 9 points de pourcentage de plus qu’en 2019. En dollars américains, la dette s’élevait à 235 000 milliards de dollars, soit 200 milliards de dollars de plus qu’en 2021.
Dette mondiale (privée et publique) en % du PIB mondial
Note : les estimations des ratios dettes/PIB dans le monde sont pondérés par le PIB de chaque pays en dollars
Malgré le rebond de la croissance à partir de 2020 et une inflation largement supérieure aux prévisions, la dette publique est restée obstinément élevée. Les déficits budgétaires en sont notamment responsables, car de nombreux pays ont dépensé plus pour stimuler la croissance et répondre à la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, alors même qu’ils mettaient fin au soutien budgétaire lié à la pandémie.
C’est pourquoi la dette publique n’aurait diminué que de 8 points de pourcentage du PIB au cours années 2021 et 2022, ce qui n’a compensé que la moitié environ de l’augmentation liée à la pandémie. La dette privée, qui comprend la dette des ménages et des sociétés non financières, a diminué plus rapidement, de 12 points de pourcentage du PIB. Mais cette baisse n’a pas suffi à neutraliser l’augmentation due à la pandémie.
Avant la pandémie, les ratios dette mondiale/PIB avaient suivi une trajectoire ascendante pendant des décennies. La dette publique mondiale a triplé depuis le milieu des années 1970 pour atteindre 92 % du PIB (soit un peu plus de 91 000 milliards de dollars) à la fin de 2022. La dette privée a elle aussi triplé pour atteindre 146 % du PIB (soit près de 144 000 milliards de dollars), mais sur une période plus longue, entre 1960 et 2022.
Dettes publique et privée mondiales en % du PIB mondial
Note : les estimations des ratios dettes/PIB dans le monde sont pondérés par le PIB de chaque pays en dollars
L’augmentation de la dette mondiale ces dernières décennies est en grande partie imputable à la Chine, car le volume des emprunts a surpassé la croissance économique. Le niveau d’endettement de la Chine, en part du PIB, a quasiment rejoint celui des États-Unis, alors qu’en dollars, sa dette totale est encore nettement inférieure (47 500 milliards de dollars contre près de 70 000 milliards de dollars). En ce qui concerne la dette des sociétés non financières, la part de la Chine (28 %) est la plus importante au monde.
La dette des pays en développement à faible revenu a également considérablement augmenté ces vingt dernières années, bien qu’en partant d’un niveau plus bas initialement. Même si la dette de ces pays, en particulier la dette privée, reste en moyenne relativement faible comparée à celle des pays avancés et émergents, son augmentation rapide depuis la crise financière mondiale engendre des difficultés et des facteurs de vulnérabilité. Plus de la moitié des pays en développement à faible revenu sont en situation de surendettement ou présentent un risque élevé de surendettement, et environ un cinquième des pays émergents ont émis des obligations souveraines qui s’échangent à des prix fortement décotés.
Ainsi, les dettes sont partout. Mais dans les entreprises, il convient de distinguer les dettes des petites entreprises et des entreprises multinationales qui n’ont pas la même explication. Le niveau élevé de la dette, en particulier de la dette des entreprises, est un vaste sujet de préoccupation pour toutes les économies, le poids du service de la dette du secteur privé s’établissant au même niveau que pendant la crise financière mondiale de 2009 en dépit de taux d’intérêt nominaux historiquement bas.
1/ L’endettement des secteurs non financiers en légère baisse en France mais moins que dans les autres pays
La Banque de France mesure l’endettement pour chacun des secteurs institutionnels. Il comprend les crédits obtenus des intermédiaires financiers résidents et non-résidents (donc à l’exception des crédits intra-groupes et inter-entreprises ainsi que des crédits commerciaux) et les encours de titres émis en valeur nominale. Pour les autres pays, dont les données sont moins détaillées, l’endettement des SNF sous forme de crédits est calculé en retirant du total des crédits reçus le montant des financements apportés sous forme d’opérations de prêts, essentiellement à des entreprises affiliées résidentes et non-résidentes (voir page Financiarisation).
Mais on dispose aussi de la base de données d’Eurostat. Les deux sources ne donnent pas les mêmes ratios pour les sociétés non financières. La dette des entreprises est égale à la somme des engagements de titres de créances (F3) et de crédits (F4) des sociétés non financières (S11).
Les données de la Banque de France sont utiles pour les comparaisons mondiales, celles d’Eurostat pour les comparaisons dans l’UE.
En France, on mesure la dette des SNF et des APU à partir des comptes de patrimoine de l’Insee (tableau suivant) : +4,4% pour l’endettement des ménages en 2020 mais +12,3% pour les sociétés non-financières et +11,4% pour les APU. L’endettement des agents non financiers est défini comme la somme des titres de créance (PF3) et des crédits (PF4) au passif des comptes de patrimoine moins les titres de créance (AF3) et les Crédits (AF4) à l’actif des comptes de patrimoine.
Endettement des agents non financiers en milliards d’euros et en %
a) Taux d’endettement du secteur privé non financier (en % du PIB)
Fin 2022, le taux d’endettement du secteur privé non financier (SPNF) de la zone euro s’établit à 117 % du PIB, en baisse de 5,1 points par rapport à fin 2021 (après – 4,3 points en 2020). L’endettement en valeur nominale continue à augmenter légèrement mais nettement moins que le PIB sur la même période. Sur un an, le recul de ce ratio est particulièrement marqué en Espagne et en Italie (respectivement – 12 points et – 5,3 points). À l’inverse cette baisse est moins forte en Allemagne (- 1,6 point) et en France (-1,4 point en 2022).
Hors zone euro, le taux d’endettement du SPNF diminue davantage au Royaume-Uni (- 5,6 points sur un an) qu’aux États-Unis (- 4,5 points). Il augmente au Japon (+ 2,5 points).
Taux d’endettement des agents non financiers privés (en % du PIB)
Taux d’endettement des ménages (en % du PIB et en % du RDB – second ratio)
Taux d’endettement brut des sociétés non financières (en % du PIB)
Sources : Comptes nationaux trimestriels et Eurostat
L’investissement des entreprises est reparti à la hausse en 2021, même si la dette a continué de grimper. Depuis le début de la pandémie, le surendettement est une source majeure de préoccupation, étant donné qu’un niveau élevé d’endettement des entreprises tend généralement à réduire l’investissement après une crise économique, ce qui a des conséquences négatives pour la reprise. Or, à cette accumulation rapide de dette correspond également une forte croissance des placements à court terme liquides (dépôts à vue ou équivalent) détenus par les entreprises. Ceci explique pourquoi la progression de l’endettement n’a pas empêché une forte croissance de l’investissement. Les volumes d’investissement fixe des entreprises ont dépassé les niveaux d’avant la récession aux États-Unis au deuxième trimestre de 2021, soit une reprise nettement plus rapide qu’après d’autres récessions, un redressement régulier étant par ailleurs observé dans la majorité des grandes économies avancées et dans certaines économies de marché émergentes.
Certains facteurs de risque anciens perdurent cependant, dont certains ont été exacerbés par la pandémie. La dette générée par la lutte contre le COVID-19 pourrait menacer la reprise de diverses manières. Une fraction importante du stock de dette des sociétés non financières est encore classée dans la catégorie « spéculative », ou sinon notée BBB, la note la plus basse de la catégorie investissement. Un ralentissement inattendu de la croissance, ou un fort accroissement continu de leurs coûts d’intrants, pourraient mettre en péril la capacité de remboursement des entreprises ou leur capacité de refinancement de la dette. Sur un échantillon composé essentiellement de grandes entreprises publiques et privées suivies par S&P Capital IQ, 5 % d’entre elles déclarent présenter actuellement un ratio de couverture des intérêts (RCI) inférieur à un, tandis que 7 % font état d’un ratio de couverture compris entre un et deux. Une forte progression des coûts de financement, ou une nette diminution de leur résultat d’exploitation, pourraient donc mettre en danger un nombre non négligeable d’entreprises.
b) Taux d’endettement des administrations publiques (en % du PIB)
Dans la zone euro, le taux d’endettement des administrations publiques diminue de 3,9 points en un an et s’établit à 91,6 % du PIB fin 2022. Le ratio de dette publique baisse nettement en Italie et en Espagne (respectivement -5,5 points et – 5,1 points). Cette diminution est moins marquée en Allemagne (- 3 points) et c’est en France ou la réduction est la plus faible (- 1,3 point). Comme pour le secteur privé, ce recul est dû à la forte hausse du PIB nominal au dénominateur du ratio, l’endettement au numérateur augmentant de +126 Mds € pour la France en 2022, +68 Mds€ pour l’Allemagne, +77 Mds€ pour l’Italie et +75 Mds€ pour l’Espagne.
En dehors de la zone euro, le ratio de dette publique diminue davantage au Royaume-Uni (- 4,9 points) qu’aux États-Unis (- 4,3 points en 2022). Il augmente au Japon (+ 6,6 points) sur un an.
Dette des administrations publiques (en % du PIB)
2/ Dette publique et privée dans l’UE
La dette publique correspond à une part des engagements financiers pris au nom des générations futures, engagements qui peuvent peser sur la capacité des administrations publiques à répondre à leurs besoins. Les critères de convergence de Maastricht limitent le poids de cette dette à 60 % du PIB pour assurer une certaine stabilité à long terme, mais autorisent des dépassements exceptionnels et temporaires.
Le poids de l’endettement des autres agents non financiers – sociétés non financières, ménages – rapporté au PIB donne une mesure comparable des engagements financiers qui peuvent parallèlement peser sur eux.
On entend constamment parler de la dette publique mais beaucoup moins de la dette privée, pourtant cette dernière est bien plus importante de par son poids puisqu’elle s’élève à environ 166 % du PIB en France (tableau suivant), soit 101% pour les sociétés non financières et 65% pour les ménages.
La plupart des crises économiques s’expliqueraient d’ailleurs par un excès de dette privée et non de dette publique. L’exemple le plus connu dans l’histoire économique récente est la crise de 2007-2008, dites des « subprimes» qui étaient des prêts hypothécaires relativement risqués car les emprunteurs avaient des ressources très faibles et des situations précaires (https://www.cgt.fr/actualites/france/finance/dette-publique-dette-privee)..
Désormais, aux États-Unis, c’est la dette privée des étudiants qui menace l’économie, au point que l’administration Biden réfléchirait à l’annulation d’une partie de cette dette.
L’endettement des ménages français (encours d’emprunts bancaires) a crû fortement depuis 2000 : il revient à 65,9 % du PIB fin 2021 après 67,7 % du PIB fin 2020 contre 33,6 % en 2000 (depuis 2019, il devient supérieur à leur revenu disponible brut). Sur cette période, marquée par une hausse importante du prix de l’immobilier à un rythme soutenu, les ménages se sont fortement endettés pour financer leurs acquisitions immobilières. Ainsi, le taux d’endettement est porté par une augmentation du taux de croissance de l’encours des crédits à l’habitat détenus par les ménages. Il reste toutefois relativement proche de la moyenne de l’Union européenne à 27, mais très en dessous de celui du Danemark (103,6 % en 2021) ou des Pays-Bas (100,1 % en 2021).
La dette des sociétés non-financières (SNF) s’expliquerait notamment par celle des entreprises multinationales (EMN) qui ont notamment beaucoup recours à l’endettement pour financer leur croissance externe, c’est-à-dire le rachat d’autres entreprises. On trouve des niveaux d’endettement très élevé dans 3 pays où les EMN sont particulièrement implantées pour des raisins fiscales. L’endettement des SNF était de 129% aux Pays-Bas, 138% en Irlande et même 275% au Luxembourg en 2021. De nouveau ces ratios ne sont guère comparables à ceux des autres pays (voir page PIB irlandais).
En France, les prêts souscrits par les SNF auprès des banques et les titres de créance restent à des niveaux importants en 2021. Les dispositifs de garantie mis en place en 2020 pour assurer la trésorerie des entreprises et la continuité de l’activité ont été poursuivis, notamment le dispositif de prêts garantis par l’État (PGE). Fin 2021, leur taux d’endettement consolidé représente 101,1 % du PIB (après 106,4 % fin 2020). Ce taux d’endettement se situe au-dessus de la moyenne européenne.
On qualifie souvent les pays qui ont une dette publique faible de pays « frugaux », renvoyant l’idée qu’il s’agit de pays rigoureux et qu’au contraire les pays avec une dette publique plus importante sont des pays dispendieux et irresponsables. Mais certains de ces pays compenseraient leur faible endettement public par un endettement privé important.
Les Pays-Bas avaient un endettement public très faible mais un endettement privé très fort, notamment l’endettement des ménages qui correspondait à 100 % de PIB en 2021 contre 65 % en France. À l’inverse, les Grecs et les Italiens, souvent pointés du doigt à cause de leur dette publique importante, sont en réalité deux fois moins endettés que les Néerlandais ou que les Danois.
L’endettement jouant un rôle très important dans le financement et la stimulation de l’économie, les pays avec un faible endettement public compenseraient donc par un endettement privé plus important. Les raisons de l’endettement des SNF auraient pour objectif de maximiser le rendement de leurs fonds propres – c’est-à-dire de ce qu’elles possèdent vraiment. On connaît par exemple le cas des LBO (rachats par effet de levier) qui consistent à racheter des entreprises en s’endettant un maximum. Mais comme déjà dit, l’endettement des SNF est de nature diverse selon la taille des entreprises : avec la crise de 2020, de nombreuses petites entreprises se sont endettées.
Dette publique (au sens de Maastricht) des pays de l’UE en % du PIB
Endettement des sociétés non financières en % du PIB
Endettement des ménages en % du PIB
Endettements des agents économiques en France en % du PIB
3/ Les titres publics et privés de la dette française sont parmi les plus détenus par les non-résidents
La France est le cinquième pays émetteur de titres de dette, loin derrière les États-Unis (39% du total mondial), le Japon et la Chine (13%). Sa part dans le total mondial (5%) est proche de celle du Royaume-Uni, mais supérieure à celle de l’Allemagne (4%).
La dette française est très internationale puisqu’elle représente 8% des engagements recensés dans les positions extérieures du monde, soit la deuxième la plus acquise par des non-résidents, toujours loin derrière les États-Unis (34,6%) (voir page Dette publique). Entre 2008 et 2019, la part de la France dans le total des engagements internationaux recensés, y compris intra-zone euro, est restée à peu près stable (entre 8,7% fin 2008 et 8,2% fin 2019), contrairement à l’Allemagne et au Royaume-Uni, dont les parts sont revenues, respectivement, de 10,5% et 9,4% fin 2008 à 6,0% et 7,5% fin 2019.
Part des pays dans les engagements mondiaux en 2019
a) La France est l’un des plus grands émetteurs mondiaux
La France est donc le premier émetteur de la zone euro. La part de la France dans la dette mondiale est supérieure à sa part dans le PIB mondial en valeur. Les autres grands pays émetteurs partagent cette caractéristique, à l’exception de la Chine. L’écart le plus fort est observé pour les États-Unis.
b) La dette française est très présente dans les portefeuilles internationaux
Parmi les 18 pays dont les engagements représentent plus de 1% du total mondial, on note la présence de 9 pays de la zone euro. La somme des engagements des États membres de la zone (34% du total des engagements mondiaux à fin 2019) est en effet proche de la part des États-Unis (35%).
Toutefois, près de la moitié des engagements de la zone euro sont en réalité détenus par d’autres États membres. Cette proportion moyenne reflète une situation très différenciée selon les États membres émetteurs. Les dettes allemande et française sont ainsi majoritairement détenues par des non-résidents hors zone euro tandis que celles émises par l’Italie et l’Espagne sont portées pour près des deux tiers par les investisseurs de la zone euro.
4/ La faiblesse des finances publiques accroît les facteurs de vulnérabilité dans de nombreuses économies de marché émergentes
La pandémie a aussi entraîné une nouvelle hausse de la dette des économies de marché émergentes. La dette publique y a considérablement augmenté en raison de l’effondrement des recettes fiscales et du niveau élevé des dépenses consenties pour lutter contre la pandémie. Le déficit en % du PIB des pays émergents est le plus négatif parmi quelques zones de pays. En 2022, il était de -5% contre -3,2% dans l’UE et les pays avancés (graphique suivant). En particulier, il est rsté stable en 2022 alors qu’il s’est redressé dans les économies avancés.
Part de la capacité de financement (+), besoin de financement (-) des administrations publiques en % du PIB
Selon le FMI, la dette publique par rapport au PIB (« taux d’endettement ») s’est envolée dans le monde entier durant la COVID-19. En 2020, le taux d’endettement moyen mondial a frôlé les 100 % et devrait rester supérieur aux niveaux d’avant la pandémie dans environ la moitié des pays du monde (graphique suivant). En 2023, comme la dette publique demeure élevée, la hausse des taux d’intérêt et la fermeté du dollar alourdissent la charge d’intérêts, ce qui pèse sur la croissance et crée des risques pour la stabilité financière.
Ces ratios élevés de dette publique posent aux pouvoirs publics un défi considérable, compte tenu en particulier du resserrement des conditions financières dans le monde, des faibles perspectives de croissance économique et de l’appréciation du dollar. L’augmentation récente de la dette souveraine détenue par les institutions financières intérieures, en particulier dans les pays émergents, a exacerbé davantage les coûts de cette dette publique élevée, notamment en limitant les ressources dont disposent ces institutions nationales pour prêter au secteur privé et en accentuant le risque de chaîne de réaction négative entre dettes des États et celles des banques.
Tendances de la dette publique (en % du PIB)
Selon l’OCDE, compte tenu du redressement de l’activité et de la réduction des déficits, on note que les ratios d’endettement public se sont stabilisés à partir de 2021, voire commencer à diminuer dans certains pays (graphique suivant). Mais faut-il souligner encore de fortes différences des ratios d’endettement public selon les pays. Cela dit, en 2023, ces ratios ont nettement dépassé (de près de 14 points de pourcentage dans l’économie médiane de l’OCDE) les niveaux observés en 2019 et devront être ajustés à moyen terme compte tenu des tensions qui s’exerceront sur les finances publiques du fait de tendances à long terme telles que le vieillissement démographique . Dans le même temps, la charge du service de la dette s’est nettement redressée avec la remontée du niveau des taux d’intérêt. Cela n’offre plus tout à fait la possibilité, comme avant tant que les taux d’intérêt restaient bas, de renforcer au besoin le soutien budgétaire, y compris les mesures visant à accélérer la transition écologique.
Engagements financiers bruts des administrations publiques
5/ Les emprunts sur le marché de la dette souveraine et des obligations d’entreprise ont fortement augmenté au niveau mondial
Au total, le montant total de la dette publique des pays de l’OCDE s’élevait fin 2023 à 54 000 milliards USD, soit une hausse de 30 000 milliards USD par rapport à 2008. Cette hausse devrait se poursuivre pour atteindre 56 000 milliards USD en 2024. Les États-Unis représenteront environ la moitié de cette dette, soit deux fois plus qu’en 2008. La part de la dette de la République populaire de Chine (Chine) dans les marchés émergents et les économies en développement a également doublé, atteignant près de 30 % de l’encours total.
Au cours de la même période, l’encours mondial de la dette obligataire des entreprises est passé de 21 000 milliards USD à 34 000 milliards USD. L’environnement post-2008 a également vu l’émergence des marchés des obligations durables. Il s’agit d’un segment encore jeune, mais en plein essor. Fin 2023, l’encours des obligations durables émises par les entreprises et par le secteur public atteignait respectivement 2 300 milliards USD et2 000 milliards USD. Au total, les marchés des obligations souveraines et des obligations d’entreprise ont connu une croissance significative depuis 2008 et leur valeur actuelle avoisine 100 000 milliards USD.
Obligations en circulation (milliers de milliards USD)
Source : OCDE
Les marchés obligataires jouent un rôle essentiel en permettant aux pouvoirs publics comme aux entreprises de faire face à des périodes de difficultés financières. Pendant la crise du COVID-19, les émissions d’obligations souveraines et d’entreprise ont atteint des niveaux sans précédent. Toutefois, cette croissance rapide s’est interrompue, voire inversée, sur certains segments des marchés obligataires à partir de 2022, lorsque la politique monétaire a commencé à se resserrer fortement en réponse aux niveaux élevés d’inflation (voir page Sociétés financières). Au cours de la période 2020-21, les émissions d’obligations souveraines dans la zone OCDE ont culminé à 15 400 milliards USD en 2020, et les émissions souveraines dans les marchés émergents et les économies en développement ont atteint un niveau record en 2021, à 3 200 milliards USD, à la faveur du soutien budgétaire massif et le plus souvent généralisé apporté par les pouvoirs publics aux entreprises et aux ménages. De même, les émissions d’obligations d’entreprise ont culminé en 2020 à 6 900 milliards USD, soit près de 50 % de plus que la moyenne de 2008-19.
Mais environ 40 % des obligations souveraines arriveront à échéance d’ici 2026 à l’échelle mondiale. Il en résultera de nouveaux emprunts sur les marchés, mais l’impact sur les charges d’intérêts est limité parce que les taux à court terme, les taux variables et les instruments indexés sur l’inflation ont déjà été revus à la hausse. Les tensions qui s’exerceront à l’avenir sur les charges d’intérêts proviendront en grande partie des nouveaux emprunts et du refinancement de la dette à taux fixe, qui devraient entraîner une hausse des charges d’intérêts égale à 0.5 % du PIB dans la zone OCDE d’ici à 2026. Cela équivaut, par exemple, aux dépenses annuelles que les pays de l’OCDE consacrent en moyenne à la protection de l’environnement.
Pourcentage des obligations en circulation arrivant à échéance au cours des trois prochaines
Source : OCDE
1/ Des niveaux anormalement bas, voire négatifs, des taux d’intérêt jusqu’en 2021
Jamais dans l’histoire du capitalisme, on avait enregistré des taux d’intérêt aussi bas, voire négatifs en fin de la décennie 2010. Ce phénomène a été toutefois interrompu au début de 2022. Il amène à réfléchir sur ses effets sur l’économie et ses conséquences à moyen terme en cas de remontée des taux. La tendance à la baisse des taux d’intérêt nominaux mondiaux s’inscrit dans un mouvement de près de 40 ans.
Au niveau macroéconomique, les taux d’intérêt directeurs sont généralement fixés par les banques centrales en tant qu’outil principal de la politique monétaire dans le but de maintenir la stabilité des prix.
Les taux bas, et plus encore, les taux bas « pour longtemps » ont intrigué ; quels étaient les risques pour l’économie ? Les taux bas ne sont pas seulement le résultat de la politique monétaire récente. Ils sont, plus structurellement, la conséquence de l’évolution démographique et du contexte économique global de nos sociétés.
Taux d’intérêt nominaux (1960-2018)Source: FRED, Banque de France, Levy-Garboua et Monnet (2016), « Les taux d’intérêt en France : une perspective historique »
La décennie de l’après-crise financière marque toutefois une rupture. Les taux nominaux ont continué de baisser et sont même devenus négatifs à court terme en zone euro depuis 2014, une innovation radicale partagée avec la Suède, la Suisse, ou le Japon depuis 2016. L’inflation s’est parallèlement stabilisée à un bas niveau, entrainant dans son sillage les taux d’intérêt réels. L’aperçu historique de l’évolution mondiale de ces taux d’intérêt réels montre que leur niveau actuel est au plus bas historiquement, alors que sur très longue période, les taux réels mondiaux de long terme se situent plutôt entre 2 et 4 %.
Taux d’intérêt réels mondiaux (1960-2018)
Source: Banque de France estimates, based on Del Negro, M., D. Giannone, M. Giannoni and A. Tambalotti (2019) ‘Global trends in interest rates’, Journal of International Economics, Vol. 118, 248-262.)
Seuls des changements structurels peuvent expliquer de telles variations. Les conséquences du ralentissement de la population active et la productivité globale des facteurs ont entrainé un ralentissement du taux de croissance tendancielle du PIB qui expliquerait environ un quart de cette baisse. Les trois autres quarts proviendraient d’une offre accrue d’épargne et d’une moindre demande d’investissement. L’excès d’épargne mondiale est alimenté par l’allongement de la durée de la vie, la hausse des inégalités – les plus âgés et les plus riches épargnent davantage – et l’accumulation des réserves de change dans les pays émergents.
Épargne nationale en % du PIB
À l’inverse, la moindre demande d’investissement s’expliquerait notamment par l’essor de l’économie immatérielle qui requiert plus de capital humain que d’investissements physiques, et sans doute une moindre confiance dans l’avenir. La zone euro particulièrement connait, depuis la crise financière de 2009, à la fois une hausse du taux d’épargne, et une faiblesse prononcée du taux d’investissement. Ces mouvements (une épargne supérieure aux investissements) accentuent la baisse des taux d’intérêt.
Épargne et investissement de l’économie nationale dans la zone euro en % du PIB
2/ La remontée des taux à partir de 2022
Les taux d’intérêt fournissent des informations sur le coût ou le prix de l’emprunt, ou sur le gain d’un prêt. Traditionnellement, les taux d’intérêt sont exprimés en termes de pourcentage annuel, bien que la période de prêt/emprunt puisse aller d’une nuit à une période de plusieurs années. Différents types de taux d’intérêt se distinguent soit par la période de prêt/emprunt concernée, soit par les parties impliquées dans la transaction (entreprises, consommateurs, gouvernements ou opérations interbancaires).
Les taux d’intérêt à long terme sont l’un des critères de convergence de l’Union économqiue et monétaire (UEM) européenne. Pour s’y conformer, les États membres de l’UE doivent justifier d’un taux d’intérêt nominal moyen à long terme ne dépassant pas de plus de 2 points de pourcentage celui des trois États membres les plus performants au maximum. Les taux d’intérêt à long terme sont basés sur les rendements des obligations de l’État (ou titres comparables), compte tenu des différences de définitions nationales, sur le marché secondaire, brut d’impôt, avec une échéance résiduelle d’environ 10 ans.
Les rendements obligataires moyens (pondérés) de l’UE étaient plus élevés en 2023 qu’ils ne l’avaient été en 2018 (graphique suivant). Dans l’UE, les rendements obligataires en 2023 (3,51 %) étaient supérieurs de 2,13 points de pourcentage àn ceux de 2018 (1,38 %). Dans la zone euro, la variation a été légèrement moindre, puisque les rendements obligataires en 2018 (1,12 %) étaient inférieurs de 2,02 points de pourcentage à ceux de 2023 (3,14 %). En termes relatifs, les rendements obligataires dans l’UE étaient 2,5 fois plus élevés en 2023 qu’en 2018, tandis que le ratio correspondant pour la zone euro était 2,8 fois plus élevé.
Entre 2018 et 2023, les rendements ont augmenté dans presque tous les États membres de l’UE entre 1,40 et 2,93 points de pourcentage. La Grèce a fait exception, puisque le rendement est tombé de 4,19 % à 4,00 %, soit une baisse de 0,19 point de pourcentage. La Grèce a enregistré les deuxièmes rendements les plus élevés parmi les États membres en 2018, reflétant en partie l’impact de la crise financière et économique mondiale et de la crise de la dette souveraine qui a suivi ; les rendements élevés en Grèce ont chuté lorsque la situation économique et financière s’est stabilisée, avant de remonter au cours des deux dernières années. Ailleurs, les rendements obligataires ont augmenté entre 2018 et 2023, notamment en Hongrie (+4,45 points de pourcentage). La Hongrie (7,51 %), la Roumanie (6,71 %) et la Pologne (5,80 %) étaient les seuls États membres de l’UE dont les rendements obligataires étaient supérieurs à 5,00 % en 2023. Au total, huit États membres avaient des rendements inférieurs à 3,00 %, parmi lesquels l’Allemagne ( 2,43 %) avait le rendement le plus faible.
Rendements obligataires selon le critère de convergence de l’UEM (critère de Maastricht), 2018 et 2023 (%)
Les taux du marché monétaire, également appelés taux interbancaires à trois mois, sont les taux d’intérêt utilisés par les banques pour les opérations entre elles. Sur le marché monétaire, les banques peuvent emprunter et prêter entre elles des actifs très liquides.
Le graphique suivant montre une série de 2013 à 2023 de ces taux pour quatre économies. Au cours de la période 2013-2016, les taux interbancaires dans la zone euro, au Royaume-Uni, au Japon et aux États-Unis se sont constamment situés dans une fourchette comprise entre -1,00 et 1,00 %. Au Japon, cela a également été le cas pour l’ensemble de la série, ainsi que dans la zone euro de 2013 à 2022 et au Royaume-Uni de 2013 à 2021. Trois de ces quatre économies – le Japon étant l’exception – ont connu des augmentations de taux relativement importantes en 2022 et des augmentations encore plus importantes en 2023. Ces augmentations en 2022 et 2023 dans la zone euro, au Royaume-Uni et aux États-Unis ont toutes été considérablement plus importantes que les augmentations observées au cours des années précédentes.
Les taux d’intérêt moyens à court terme dans la zone euro sont devenus négatifs (-0,02 %) en 2015 et sont restés négatifs pendant les six années suivantes. Le taux de 0,34 % enregistré en 2022 était le premier taux positif depuis 2014. En 2023, le taux a augmenté rapidement pour atteindre 3,43 %, de loin le taux le plus élevédepuis 2013.
Les États-Unis ont connu une remontée du taux interbancaire à partir de 2014, le taux ayant augmenté pendant cinq années consécutives pour atteindre 2,33 % en 2019. Le taux aux États-Unis a fortement chuté en 2020 (à 0,65 %) et a encore baissé (à 0,16 %). ) en 2021. En 2022, il rebondit à 2,38 % avant de s’accélérer à 5,39 % en 2023, évolution qu’on retrouve au Royaume-Uni.
En revanche, les évolutions au Japon ont été considérablement plus modérées que dans les trois autres économies. Le taux est passé de 0,15 % en 2013 à une fourchette comprise entre -0,07 % et -0,08 % entre 2019 et 2021, avant d’augmenter légèrement pour atteindre – 0,02 % en 2022.
Taux d’intérêt à court terme — taux interbancaires à trois mois (moyenne annuelle), 20131-2023 (%)
Le graphique suivant montre la courbe des rendements en euros entre 2013 et 2023 pour les obligations de l’administration centrale avec plusieurs années restantes jusqu’à l’échéance. Les rendements étaient relativement élevés juste avant le début de la crise financière et économique en 2008, mais ont chuté jusqu’à un creux en 2016 avant d’augmenter quelque peu en 2017 et de se stabiliser en 2018. Cependant, en 2019 et à nouveau en 2020, les rendements ont de nouveau atteint des creux historiques pour presque toutes les échéances, les seules exceptions étant pour un ou deux ans jusqu’à l’échéance. En 2020, les obligations à échéance de 29 ans ou moins avaient des rendements négatifs tandis que les obligations à échéance de 30 ans offraient un rendement de seulement 0,01 %. Cette tendance s’est rapidement inversée en 2021 : les obligations à échéance de 17 ans ou moins avaient des rendements négatifs tandis que les obligations à échéance de 30 ans offraient un rendement de 0,15 %. Cette évolution s’est poursuivie en 2022, des rendements positifs ayant été observés pour les obligations de toutes les maturités (jusqu’à 30 ans). En 2023, des rendements positifs ont de nouveau été observés pour les obligations sur toutes les maturités (jusqu’à 30 ans), avec des rendements supérieurs à ceux de 2022 pour toutes les maturités. En fait, pour les obligations dont l’échéance est de 15 ans ou moins, les rendements en 2023 étaient supérieurs à ceux observés au cours de toutes les autres années précédentes; pour les obligations d’une maturité de 16 ans ou plus (jusqu’à 30 ans), les rendements en 2023 étaient supérieurs à ceux observés au cours de toutes les autres années, à l’exception de 2013.
Courbe des rendements en euro, 2013-2023 (%)
La baisse des taux d’intérêt depuis 2007-2009 a bénéficié aux administrations publiques notamment françaises et, dans une moindre mesure, aux entreprises non financières – deux secteurs débiteurs nets. Elle a en revanche coûté aux entreprises financières et aux ménages dans leur ensemble, qui sont créanciers nets. Parmi ces derniers, les écarts de richesse se sont creusés : les riches empruntent plus que les pauvres. même si la capacité d’accès à la propriété immobilière pour les primo-accédants a retrouvé à la fin de 2015 son niveau de la fin des années 1990.
Entre 2016 et 2019, l’État français emprunte à taux négatif sur les marchés jusqu’à cinq ans inclus et à taux très faibles à horizons plus longs. De grandes entreprises françaises parviennent elles aussi à emprunter à taux négatifs sur les marchés, tandis que les ménages empruntent (ou renégocient leurs emprunts passés) à des taux inférieurs à 2 %. Une telle situation qui a changé en 20222 était-elle durable ? Est-elle pathologique, ou bien offrait-t-elle une opportunité pour l’économie française et pour les autres pays?
Michel Braibant
[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6439303
[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6447881
[5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4994488#graphique-figure1
[6] https://www.pierrepapier.fr/actualite/coronavirus-une-crise-economique-pas-du-tout-comme-les-autres/
[7] https://www.oecd.org/perspectives-economiques/
[8] https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2021/OFCEpbrief89.pdf
[9] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Labour_market_slack_%E2%80%93_annual_statistics_on_unmet_needs_for_employment, voir aussi https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Labour_market_flow_statistics_in_the_EU, voir aussi https://www.insee.fr/fr/statistiques/5391988?sommaire=5392045