COMPTE DE LA SANTÉ

 

Le compte de la santé (CSS) offre un cadre général pour rassembler l’ensemble des données statistiques et comptables relatives aux dépenses de santé et à leur financement » . Tel est l’objectif affiché du compte de la santé présenté une fois par an depuis 1976 à la Commission des comptes de la santé, créée en 1970. En réalité, il existe des séries homogènes sur les soins de santé qui remontent à 1970.

Le compte de la santé a été rebasé en même temps que le cadre central de la comptabilité nationale. En effet, le compte de la santé est théoriquement cohérent avec le cadre. Les deux sont liés à la fois sur le plan conceptuel et en termes d’évaluation. Le compte de la santé est également lié au compte satellite de la protection sociale. En effet, les prestations d’assistance sociale versées aux ménages par les organismes de sécurité sociale constituent le financement initial de certaines dépenses de santé telles que les soins ambulatoires et les biens médicaux.

Le tableau de financement croise les dépenses de santé (dépenses courantes) par ligne avec les opérations de financement par colonne, ventilées par secteur de financement. Il décrit également certaines formes de financement final : pour les transferts, le financement initial et le financement final coïncident ; pour les dotations globales aux hôpitaux publics, le financement final constitue une entité distincte.

L’analyse des bénéficiaires, les résultats, la qualité des soins sont presque aussi importants que le compte de la santé. La santé peut être définie comme «un état de bien-être physique, mental et social complet et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité». Une bonne santé n’est pas seulement utile à l’individu en tant que déterminant majeur de la qualité de vie, du bien-être et de la participation sociale, c’est aussi une condition préalable fondamentale à la croissance économique générale. L’UE a réalisé des progrès en ce qui concerne la plupart des indicateurs liés à la santé. L’espérance de vie en bonne santé a diminué dans l’UE en 2020, et le nombre de personnes qui meurent de causes évitables  a augmenté. L’évolution a été plus favorable pour les autres indicateurs utilisés pour suivre les modes de vie sains, les causes de décès et l’accès aux soins de santé. Les progrès ont été particulièrement importants en ce qui concerne la réduction de l’impact négatif de certaines autres causes de décès (prématurés) et la diminution des besoins non satisfaits auto-déclarés en matière de soins médicaux. Toutefois, moins de progrès ont été réalisés dans l’amélioration de certains des déterminants de la santé examinés, comme les taux d’obésité et la pollution sonore.

The health-care satellite account (compte satellite de la santé, hereafter CSS) offers a general framework for tabulating all the statistics and accounting data concerning health-care expenditure and its financing ». That is the stated aim of the account submitted once a year since 1976 to the health-care accounts commission, which was set up in 1970. Actually, there are homogeneous series on health care reaching back to 1970.

The health-care account has been rebased at the same time as the national-accounting central framework. Indeed, the account is theoretically consistent with the framework. The two are linked both conceptually and in valuation terms. The health-care account is also linked with the social-protection satellite account. The reason is that social-assistance benefits paid to households by Social Security organizations constitute the initial financing of certain health-care expenditures such as ambulatory care and medical goods.

The financing table cross-classifies health-care expenditures (current expenditures) by line with financing transactions by column, broken down by financing sector. It also describes certain forms of final financing: for transfers, initial and final financing coincide; for overall allocations to public hospitals, the final financing constitutes a distinct entity.

Analysis of beneficiaries, results and quality of care are almost as important as health accounts. Health can be defined as ‘a state of complete physical, mental and social well-being and not merely the absence of disease or infirmity’. Good health is not only of value to the individual as a major determinant of quality of life, well-being and social participation, it is also a basic precondition for general economic growth. EU has made progress in most health-related indicators analysed. As such, the healthy life expectancy has declined in the EU in 2020, and the number of people dying from avoidable (preventable) causes has grown. Developments have been more favourable in the other indicators used to monitor healthy lives, causes of death and access to health care. Progress has been particularly strong in reducing the negative impact of certain other causes of (premature) death and in diminishing self-reported unmet need for medical care. Less progress, however, has been made in improving some of the health determinants examined, such as obesity rates and noise pollution.

 

«Le caractère des infirmières est aussi important que les connaissances qu’elles possèdent.» C. Javis

« Beaucoup de ces cas étaient sérieux, exigeant d’urgence une intervention chirurgicale, demandant une admission immédiate à l’hôpital. Et là André se heurtait aux pires difficultés. C’était chose la plus difficile du monde que de faire recevoir même le patient le plus gravement atteint. Ces cas là se produisaient en général la nuit. En rentrant, il se précipitait au téléphone, appelait les hôpitaux l’un après l’autre, implorait, suppliait, menaçait, mais se heurtait toujours au même refus, un sec  et parfois insolent : « le docteur qui? Qui?…Non, non tous nos regrets : pas de place » » A.J. Cronin, La Citadelle

 

 

 

Sommaire

I – DÉFINITIONS

II – LE COMPTE DE LA SANTÉ FRANÇAIS

III –COMPARAISONS INTERNATIONALES DE LA DÉPENSE (AGRÉGATS DU SHA)

IV – LE FINANCEMENT DE LA DÉPENSE AU NIVEAU MONDIAL

V – LES PRODUCTEURS CARACTÉRISTIQUES DU DOMAINE

VI – COMPARAISONS INTERNATIONALES DES DÉPENSES HOSPITALIÈRES

VII – LE PARTAGE VOLUME PRIX DE LA SANTÉ NON MARCHANDE

VIII – QUALITÉ DES SOINS ET POLITIQUES DE SANTÉ

IX – LA SATISFACTION DES PATIENTS

X – L’ESPÉRANCE DE VIE ET LA SANTÉ DES PERSONNES ÂGÉES

 

 

Introduction

° Le compte satellite de la santé (CSS) (Compte de la santé dans la suite du texte) .offre un cadre de synthèse organisant l’ensemble des statistiques et données comptables relatives à la  dépense de santé et à son financement«  [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page).  Tel est l’objectif affiché d’un compte de la santé présenté annuellement, depuis 1976, à la Commission des comptes de la santé, créée en 1970. On dispose d’ailleurs de séries homogènes depuis 1970.

° Il a fait l’objet d’un changement de base en même temps que le cadre central des comptes nationaux. Le compte de la santé est en effet théoriquement cohérent et articulé avec ce cadre aussi bien sur le plan des concepts que des évaluations.

° Le CSS est en outre articulé avec le compte satellite de la protection sociale car les prestations sociales versées aux ménages par les organismes de Sécurité sociale constituent le financement initial de certaines dépenses de santé (soins ambulatoires, biens médicaux,..).

 

 

 

1/ Comparaisons internationales du compte de la santé

° Eurostat, l’ OCDE et l’ OMS ont établi un cadre commun pour un exercice conjoint de collecte de données sur les soins de santé. Les données collectées portent sur les dépenses de santé suivant la méthodologie du système des comptes de la santé « System of Health Accounts » (SHA).

Le SHA partage les objectifs du système de comptabilité nationale (SCN) : constituer un système intégré de comptes complets, cohérents sur le plan interne et comparables au niveau international, qui devrait, dans la mesure du possible, être compatible avec d’autres systèmes statistiques économiques et sociaux agrégés. Le compte de la santé fournit une description des flux financiers liés à la consommation de biens et services de santé du point de vue des dépenses. Le compte de la santé est utilisé de deux manières principales :

– au niveau international, où l’accent est mis sur une sélection de données de dépenses comparables ;

– à l’échelle nationale, avec des analyses plus détaillées des dépenses de santé et un plus grand accent sur les comparaisons dans le temps.

 

 

 

2/ Bénéficiaires et financement dans le compte de la santé

° Dans les comptes satellites français, la classification des bénéficiaires ne reproduit pas nécessairement les secteurs institutionnels du cadre central. Le compte de la santé distingue quatre groupes de bénéficiaires : les « patients » (pratiquement les seuls bénéficiaires de la consommation médicale totale), la « prévention », le « système de soins » (qui absorbe la recherche médicale et pharmaceutique) et l’« administration ».

° Les comptes nationaux sont basés sur une unité de compte monétaire, ce qui garantit une évaluation cohérente. Mais dans certains cas, il serait utile de compléter les données monétaires par des données physiques pour mesurer des agrégats aussi significatifs que le coût moyen des soins de santé par patient.

° Les données physiques et les ratios entre données monétaires et données non monétaires sont essentiels dans le compte de la santé. Il en va de même pour les résultats et la qualité des soins offerts au patient d’abord  dans le calcul du partage volume-prix mais surtout comme complément des données monétaires.

 

 

3/ Les résultats et la qualité des soins

° La dépense nationale de la santé  n’est pas un indicateur du résultat ou de la situation du domaine de la santé. Dans  le compte de la santé, il faut distinguer l’activité du domaine et son résultat, à savoir l’état de santé de la population et des bénéficiaires. Si les dépenses de santé rapportées au PIB sont plus élevées en France qu’en Allemagne, les Français ne sont pas « en meilleure santé » que les Allemands.

° Par « résultats » de la dépense  de santé, on entend ici son efficacité. Les dépenses du compte de la santé étant souvent de nature non marchande; l’analyse est comparable à l’évaluation des politiques publiques.

° L’épidémiologie étudie la distribution de l’état de santé d’une population en fonction d’un ou de plusieurs facteurs donnés, allant de la pollution à un traitement médical ou à un type de dépense sélectionné. Ces études montrent que l’état de santé d’une population est déterminé par de nombreux facteurs, qui ne sont pas toujours faciles à identifier.

° En effet, le compte de la santé peut fournir de nombreuses indications sur l’efficience des résultats à travers des données monétaires, à condition qu’elles ne soient pas limitées au niveau agrégé. Dans le domaine de la santé, la distinction entre les dépenses de prévention et les dépenses de traitementpeut fournir un premier indicateur d’efficacité, puisque les actions de prévention visent à protéger les individus de la fatigue liée respectivement à la maladie.

 

 

 

° Tout compte satellite doit être complété par des données non monétaires. On en cite trois dans ce résumé.

1/ Au 1er janvier 2023, 99 500 médecins généralistes et 130 700 médecins spécialistes sont en activité en France, de même que 45 200 chirurgiens-dentistes, 24 600 sages-femmes et 73 400 pharmaciennes inscrites à l’Ordre (les noms des professions et catégories désignées ici sont accordés au féminin lorsqu’ils désignent une majorité de femmes, suivant un accord de genre majoritaire). Le nombre de médecins généralistes en activité continue de diminuer (-500 depuis le 1er janvier 2022) tandis que celui des médecins spécialistes continue de croître (+1 300). Le scénario tendanciel, fondé sur des hypothèses de prolongement des comportements constatés actuellement et d’entrées en formation à hauteur de 8 700 étudiants par an, projette une diminution des effectifs jusqu’en 2024. À cette date, le nombre de médecins atteindrait un point bas de 209 000 médecins en activité, soit 2,7 % de moins qu’en 2020. Ce recul est le reflet des numerus clausus faibles des années 1990 et des cessations d’activité de générations nombreuses, entrées avant ce resserrement. Les effectifs projetés retrouvent le niveau actuel à l’horizon 2030. La diminution des effectifs projetés de médecins se cumulant à l’augmentation et au vieillissement de la population, la densité standardisée baisserait de façon plus prononcée et ne retrouverait son niveau de 2021 qu’en 2035. La baisse la plus marquée concerne les médecins généralistes.

Effectifs, densité et densité standardisée pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, projetés entre 2021 et 2050

 

° 2/ Depuis une vingtaine d’années, la référence de plus en plus fréquente aux « déserts médicaux » dans les médias et le débat public traduit la préoccupation croissante de la population concernant l’accessibilité géographique aux soins de médecins. Même si ce terme recouvre une réalité qu’il est difficile d’objectiver, il est indéniable que l’évolution de la démographie médicale en France, notamment pour la médecine générale, a accru les tensions dans les territoires qui étaient déjà les moins bien desservis. La situation de la France n’est pas unique. La répartition géographique des effectifs médicaux est inégale dans tous les pays, à des degrés divers. Partout, l’accès aux services de santé est plus difficile à assurer dans certains territoires, tels que les zones rurales, notamment éloignées ou isolées, ou les zones urbaines défavorisées. Répondre aux besoins sur l’ensemble du territoire et mieux équilibrer la distribution de l’offre sont des préoccupations largement partagées, dont plusieurs rapports de l’OMS et l’OCDE se sont fait l’écho dans les années récentes.

° Pour mesurer les disparités d’accès au médecin, la densité médicale, qui rapporte le niveau d’offre d’un territoire à la population concernée, a longtemps été le principal indicateur. Au 1er janvier 2021, les densités régionales de médecins (anciennes régions) varient de 1 à 1,8 entre la Guyane, région la moins dotée, et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), région la plus dotée (carte suivante). En France métropolitaine, l’écart est de 1 à 1,6 entre régions, de 1 à 5,3 entre départements. Toutefois il existe aussi des déserts médicaux en région parisienne.

Densités régionales de médecins (anciennes régions) au 1ᵉʳ janvier 2021  ensemble des médecins

Champ > Ensemble des médecins. France entière (hors Mayotte).
Sources > ASIP-Santé RPPS, Insee, traitement DREES.

 

° 3/ Entre fin 2021 et fin 2022, le nombre de lits d’hospitalisation complète en état d’accueillir des patients baisse de 1,8 % (graphique suivant). Ce repli poursuit une tendance observée depuis plusieurs années, qui reflète la volonté de réorganiser l’offre de soins hospitaliers dans un contexte de « virage ambulatoire », mais aussi de contraintes de personnel, ne permettant pas de maintenir les lits. Depuis fin 2013, la baisse cumulée atteint 39 000 lits d’hospitalisation complète (-9,4 % en neuf ans). Comme en 2020 et en 2021, le nombre de lits recule plus rapidement qu’avant la crise sanitaire (-0,9 % par an en moyenne sur la période 2013-2019). Plusieurs éléments, liés au contexte d’épidémie de Covid-19, peuvent expliquer une baisse accrue durant cette période. Certains établissements ont ainsi été contraints, temporairement, de ne plus accepter de patients dans plusieurs de leurs services d’hospitalisation pour dégager des moyens en personnel à affecter aux services de soins critiques. La déprogrammation d’hospitalisations et la transformation de chambres doubles en chambres simples pour limiter la contagion ont aussi réduit le nombre de lits en état d’accueillir des patients.

Évolution du nombre de lits et de places au 31 décembre, depuis fin 2013

 

I – DÉFINITION

1/ Le champ du compte de la santé

Les activités caractéristiques comprennent

– les activités de soins médicaux et paramédicaux, par exemple les soins hospitaliers et les soins ambulatoires ;

– les activités nécessaires à la prestation de ces soins, telles que les services d’ambulance et l’achat de biens médicaux (médicaments, matériel orthopédique, lunettes, etc.).

Les soins ambulatoires (ou soins de ville) sont les soins effectués en cabinets de ville, dispensaires, centres de soins, lors de consultations externes d’hôpitaux publics ou privés, en cures thermales et les actes d’analyse en laboratoire. Ils sont dispensés par les médecins, dentistes et auxiliaires médicaux (infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes) au titre de leur activité libérale.

Les activités caractéristiques comprennent également l’enseignement et la recherche médicale, la médecine préventive et l’administration générale de la santé. Ce dernier poste comprend le coût de la gestion des prestations d’assurance maladie pour les organismes de sécurité sociale.

En revanche, les industries pharmaceutiques ne sont pas considérées comme des activités caractéristiques. Le CSS a estimé que, bien que ces industries soient d’une importance majeure pour les activités médicales, elles devraient être analysées séparément du système de soins de santé parce que leurs structures de production ressemblent davantage à celles d’autres industries.

 

 

 

2/  La consommation médicale totale

La consommation médicale totale (CMT) représente la valeur des biens et services médicaux utilisés sur le territoire métropolitain (par des résidents et des non-résidents), pour la satisfaction directe des besoins individuels. Elle comprend ceux qui sont fournis sous une forme marchande et sous une forme non marchande.

On distingue :

  • la consommation de soins et biens médicaux. Elle regroupe cinq fonctions : soins hospitaliers, soins ambulatoires, transports de malades, médicaments, prothèses, ces deux dernières fonctions étant considérées comme des biens et services connexes.
  • la consommation de service de médecine préventive qui comprend notamment la médecine du travail et la médecine scolaire. Elle est la contrepartie de la production des activités non repérées comme services de santé dans le cadre central. Il s’agit des centres de soins des armées et des prisons, de la médecine scolaire et de la médecine du travail propre aux entreprises.

La CMT de soins et biens médicaux, telle qu’elle vient d’être définie, se raccorde théoriquement au cadre central des comptes nationaux de la façon suivante :

Consommation médicale totale de soins et biens médicaux =

consommation finale des ménages (cadre central) +

consommation finale des administrations publiques (cadre central)

 

 

 

3/ La dépense courante de santé

La dépense courante de santé reprend le financement final correspondant à la consommation médicale totale, et ceux couvrant toutes les autres actions qui définissent le domaine (transferts, dépenses de consommation collective, dépenses de recherche, d’enseignement,..).

La dépense courante de santé mesure donc l’effort consacré au cours d’une année au titre de la santé par l’ensemble des agents. Elle se définit du point de vue des financeurs de l’ensemble du système : c’est la somme des dépenses que ces derniers engagent à ce titre. Pour eux, elles sont un emploi.

La dépense courante de santé se distingue donc de la consommation médicale totale. D’une part, la dépense de santé couvre un champ plus large que la consommation : les indemnités journalières, par exemple, ne font pas partie du champ de la CMT. De plus, la dépense courante inclut les dépenses en faveur du système de soins et celles de gestion de santé.

D’autre part, en matière d’hospitalisation publique, le concept de dépense est différent de celui de consommation. Le premier correspond aux recettes des établissements (versements de la Sécurité sociale et paiements par les malades), le second à leurs dépenses de fonctionnement courant. Or, en matière de soins, l’opération économique ne coïncide pas forcément dans le temps avec l’opération de règlement. L’écart reste toutefois faible. En outre, bien que le secteur de production soit précisément délimité, puisque les activités caractéristiques sont définies, il n’en existe pas une description chiffrée, ce qui empêche l’évaluation de la dépense en capital.

Ainsi définie, la dépense de santé peut se décomposer en quatre pôles : la dépense pour les malades, la dépense de prévention, la dépense en faveur du système de soins, la dépense de gestion générale de la santé.

 

 

4/ Le financement dans le compte de la santé

Le tableau de financement croise en lignes les différentes dépenses de santé (dépenses courantes) et en colonnes les différentes opérations de financement décomposées en secteurs de financement. Il décrit aussi certaines formes de financement final, soit que le financement initial et final coïncident (transferts), soit que le financement final prenne une forme spécifique (dotation globale pour l’hospitalisation publique) .

Le secteur de financement comprend les organismes qui supportent réellement la charge du financement de la dépense de santé. Il s’agit d’une part d’unités institutionnelles dont la majeure partie des opérations est consacrée à ce financement, et d’autre part des démembrements d’unités pour lesquelles seule une fraction des dépenses s’applique à la santé.

Le secteur de financement comprend donc l’État, les collectivités locales, la Sécurité sociale (dont le financement doit être cohérent avec celui qui ressort du compte satellite de la protection sociale), les employeurs (dont l’État), les mutuelles, les assurances privées, les ménages et les administrations privées (par exemple, la « Croix Rouge »). L’État et les collectivités locales peuvent exercer directement une activité caractéristique du domaine, par exemple les services de médecine préventive; ils sont donc à la fois producteur et financeur pour une mime activité.

Ils peuvent aussi le faire par l’intermédiaire d’un établissement à financement majoritairement ou totalement public mais juridiquement autonome : Organismes divers d’administration centrale (ODAC) ou Organismes divers d’administration locale (ODAL). Par exemple, le CNRS ou l’INSERM qui produisent des services de recherche médicale,, sont classés avec les ODAC. Pour le compte de la santé, il n’est pas utile de distinguer l’Etat et les ODAC qui sont donc regroupés dans le sous-secteur des administrations publiques centrales (APUC), De même, les collectivités locales et les ODAL sont regroupés dans le sous-secteur des administrations publiques locales (APUL). En conséquence, les comptes de ces unités sont consolidés.

Le compte de la santé distingue quatre types d’opérations  :

  • Les prestations d’assistance sociale comprennent l’ensemble des transferts courants attribués personnellement aux ménages par des tiers dans le but de couvrir les besoins résultant de la survenance ou de la préexistence de situations causées par des risques spécifiques. Pour être qualifiés de prestations d’assistance sociale, les transferts ne doivent pas faire l’objet de contreparties équivalentes et simultanées de la part des bénéficiaires. Les transferts peuvent être effectués en espèces ou en nature. Les prestations en espèces sont destinées à accroître les ressources des ménages sans être affectées à des dépenses spécifiques. Les prestations en nature consistent en des remboursements ou des avances sur certaines dépenses. Le financement des prestations d’aide sociale est classé en quatre types selon leur origine : les prestations d’aide sociale de la Sécurité sociale (régimes de base et régimes complémentaires), les prestations d’aide sociale des mutuelles, les prestations d’aide sociale de l’administration centrale et les prestations d’aide sociale de l’administration locale.
  • Les transferts et subventions sont versés par l’administration centrale, les administrations locales et les caisses de sécurité sociale aux producteurs d’activités caractéristiques. En raison de son importance, la dotation globale versée par la Sécurité sociale aux hôpitaux publics est traitée séparément. Cette dotation a été introduite progressivement à partir de 1984 avec la réforme du financement des hôpitaux publics. Le principe de financement est passé de la « vente » de journées d’hospitalisation au versement d’une subvention forfaitaire de fonctionnement par les caisses de sécurité sociale. Les « autres transferts (et subventions) » comprennent : (a) la prise en charge par la Sécurité sociale des cotisations sociales des médecins qui se sont engagés par un accord avec le système (convention) à pratiquer des tarifs de base (cette dépense est assimilée à une subvention) ; (b) les subventions de l’Etat ou de la Sécurité sociale aux hôpitaux privés.
  • Les dépenses courantes comprennent les dépenses budgétaires de fonctionnement qui n’entrent ni dans la catégorie des prestations ni dans celle des transferts et subventions. Elles concernent la médecine préventive (hygiène scolaire, médecine du travail, etc.), la prévention collective, l’enseignement médical, la recherche et l’administration générale des soins de santé. Leur production est calculée à partir de la somme des coûts d’exploitation. On retranche les ressources générées par les activités (ventes accessoires aux ménages, paiements partiels) pour obtenir la consommation finale des administrations publiques en services de santé.
  • Les dépenses des ménages en soins de santé et en biens médicaux représentent la contribution des individus aux dépenses de santé et à la part des frais de scolarité des facultés de médecine supportée par les individus.

 

 

 

 

 

 

II – LE COMPTE DE LA SANTÉ FRANÇAIS

1/ consommation médicale de santé

En 2022, la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) ralentit (+3,9 % après +7,8 %) pour s’établir à 235,8 milliards d’euros (tableau 1), soit une dépense moyenne de 3475 euros par habitant. Cette évolution est portée aussi bien par une hausse des prix (+2,1 %) que de volume (+1,8 %) [2]. Entre 2010 et 2019, la croissance de la CSBM s’élevait en moyenne à 2,0 % par an. Elle était intégralement portée par celles des volumes, les prix reculant légèrement sur la période. En 2020, le CBSM chute en volume avec le déclenchement de la crise sanitaire (-4,4 %), l’activité de certains secteurs de soins de ville s’étant quasiment arrêtée lors du 1er confinement de mars à mai 2020. Dans le même temps, les prix se sont fortement appréciés (+6,3 %) du fait des mesures exceptionnelles de soutien à l’ensemble des secteurs. En 2021, la reprise d’activité se traduit par un fort rebond de la CSBM en volume (+8,1 %).

En 2022, la part de la CSBM dans le PIB diminue légèrement de 0,1 point à 8,9 %, celui-ci étant plus dynamique que la CSBM en 20221 . De même, la part de la CSBM dans la consommation effective des ménages diminue légèrement, de 0,3 point par rapport à l’année précédente, et atteint 12,9 % en 2022. Ces ratios demeurent à un niveau bien plus élevé qu’avant la crise sanitaire de 2020. Ainsi, en 2019, la CSBM représentait 8,5 % du PIB, et 12,4 % de la consommation effective des ménages.

 

Consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) en 2020 en millions d’euros (données provisoires)

Structure de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) en 2022 en  %

 

 

 

 

 

2/ Le financement de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM)

Cette approche est différente de celle utilisée pour les comparaisons internationales (voir ci-dessous) qui s’attachent à étudier le financement de la DCSi. La Sécurité sociale est l’acteur majeur du financement de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) avec 79,6 % de la dépense prise en charge en 2022 (tableau suivant). L’État finance 0,6 % de la dépense, les organismes complémentaires (OC) 12,6 % et les ménages 7,2 %.

Cette structure de financement de la CSBM est proche de celle de 2021. Elle est marquée par un niveau particulièrement élevé de la part du financement par les administrations publiques (Sécurité sociale et État). Cette part reste à un niveau sensiblement plus élevé qu’avant la crise (80,2 % soit +1,1 point par rapport à 2019), surtout en raison de la prise en charge des dépenses hospitalières. Le coût de la pandémie de Covid-19 inclus dans la CSBM et financé par la Sécurité sociale reste élevé en 2022 ; il correspond majoritairement à des dépenses de soins hospitaliers. Sur les 2,3 milliards d’euros de dépenses liées à la crise sanitaire identifiées au sein de la CSBM en 2022, 1,9 milliard d’euros est destiné aux établissements de santé (fiche 3). De plus, la dynamique des dépenses hospitalières reste soutenue en 2022 ; ce poste de dépenses fortement pris en charge par la Sécurité sociale est porté par la hausse de la rémunération des salariés hospitaliers (hausse du point d’indice, mesures exceptionnelles en faveur de l’attractivité à l’hôpital).

Les organismes complémentaires (OC) sont les acteurs qui financent la part dite « complémentaire » des dépenses de santé. Ils regroupent des mutuelles, des entreprises d’assurance et des institutions de prévoyance. Ils assurent une couverture santé en sus de celle apportée par l’assurance maladie obligatoire de base. Les contrats souscrits auprès de ces organismes sont soit des contrats individuels, c’est-à-dire conclus directement par un individu auprès d’un organisme complémentaire, soit des contrats collectifs, c’est à dire conclus par un employeur pour ses salariés.

En 2022, la part financée par les organismes complémentaires (OC) est stable par rapport à 2021 (-0,1 point). Ainsi, après la forte baisse observée en 2020 (-1,2 point), puis le rattrapage partiel de 2021 (+0,6 point), cette part ne retrouve pas le niveau d’avant la crise sanitaire. En particulier, la prise en charge par les OC diminue entre 2019 et 2022 dans les soins hospitaliers, les médicaments ou encore les transports. La montée en charge du dispositif 100 % santé, induisant une prise en charge accrue par les OC en optique, audioprothèses et prothèses dentaires, n’a pas compensé ce phénomène.

Évolution de la structure du financement des grands poste de la CSBM entre 2012 et 2022 en %

 

Le reste à charge (RAC) des ménages en santé correspond au montant de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) directement financé par les ménages après intervention de la Sécurité sociale, de l’État et des organismes complémentaires (OC). En 2022, les ménages dépensent 17,0 milliards d’euros sur le champ de la CSBM, soit 7,2 % de l’ensemble. Le reste à charge augmente de 0,1 point en 2022, porté par la hausse du RAC dans les soins hospitaliers. Depuis dix ans, la part du reste à charge dans la CSBM diminue du fait de facteurs structurels En définitive, la part de la CSBM financée par les ménages est passée de 8,8 % en 2012 à 7,2 % en 2022.

Évolution de la part de reste à charge des ménages dans la CSBM en %

 

En première approximation (mais on verra plus loin que cette approche est insufisante car elle ne tient pas compte des assurances privées autres que les mutuelles que souscrivent les ménages, soit autour de 6,3% de la dépense de santé), les régimes d’assurance maladie complémentaire publique et privée obligatoire ont financé 85 % de l’ensemble des dépenses de santé en France en 2021, soit un niveau supérieur à la moyenne de l’UE (81 %). Le système de santé français offre ainsi un bon accès financier aux soins, avec un reste à charge peu important.le système d’assurance maladie français couvre toute la population sur la base du lieu de résidence, par l’intermédiaire de différents régimes obligatoires. Les recettes des soins de santé proviennent des cotisations de sécurité sociale, des impôts sur le revenu, des taxes sur la valeur ajoutée et d’autres sources telles que les taxes sur le tabac et l’alcool. La quasi-totalité de la population (95 %) dispose d’une assurance santé complémentaire, qui sert essentiellement à couvrir le ticket modérateur et les restes à charge des produits et prestations de santé mal remboursés par l’assurance maladie, notamment les lunettes et les soins dentaires (même si, depuis 2021, la couverture publique des soins dentaires et optiques s’est considérablement améliorée.

La France enregistre, avec le Luxembourg, la part du reste à charge des dépenses de santé la plus faible de tous les pays de l’UE (9 % contre 15 % en moyenne dans l’UE), la majeure partie de la population disposant d’une assurance maladie privée pour couvrir la participation aux frais imposée par le régime public (graphique suivant). Des régimes publics, comme celui destiné aux personnes souffrant de pathologies chroniques, couvrent également tous les frais de santé liés à ces pathologies. La majeure partie du reste à charge est consacrée au volet «santé» des soins de longue durée (41 %). Selon les assureurs, environ 7,4 millions de Français souscrivent à un régime privé d’assurance soins de longue durée pour eux-mêmes ou pour des membres de leur famille, mais cela n’empêche pas que la plupart des personnes doivent faire face à des restes à charge importants. Mais cette approche n’est pas suffisante.

Le niveau élevé de couverture par les assurances maladie publiques et privées limite le reste à charge

 

 

 

 

III – COMPARAISONS INTERNATIONALES DE LA DÉPENSE (AGRÉGATS DU SHA)

1/ La Dépense courante de santé au niveau mondial

a) en % du PIB

Dans le Système des comptes de la santé harmonisée au niveau international (SHA), les dépenses de santé courantes quantifient les ressources économiques allouées aux fonctions de santé, à l’exclusion des investissements en capital [3]. Elles concernent principalement les biens et services de santé consommés par les unités résidentes, quel que soit l’endroit où cette consommation a lieu (elle peut être dans le reste du monde) ou qui la paye. À ce titre, les exportations de biens et services de santé (vers des unités non résidentes) sont exclues, tandis que les importations de biens et services de santé destinés à un usage final sont incluses.

 

On commence par des comparaisons incluant d’autres pays que ceux de l’UE et pour l’année 2019. Avec une DCSi représentant 17,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2021, les États-Unis sont de loin en tête des pays de l’OCDE (tableau et second graphique suivants) [4]. L’Allemagne dépense 12,9% de son PIB pour la santé  devant la France (12,4%), l’Autriche (12,2%), la Suisse et le Royaume-Uni (12 %) et le Canada (11,7%). En moyenne, les États membres de l’UE-28 consacrent 10 % de leurs PIB aux dépenses de santé. Il existe néanmoins une division géographique marquée en Europe au regard de la santé : les pays de l’UE-15 consacrent en moyenne 10,2 % de leurs PIB aux dépenses de santé mais ces dernières sont plus faibles dans les pays du sud de l’Europe (de 8 % à 9 %) st surtout dans les nouveaux membres de l’UE (voir ci-dessous) .

La France est donc un pays où la part de la santé est importante  : Il s’agit du niveau le plus élevé enregistré en France, en hausse de plus de 1 point de pourcentage par rapport au niveau d’avant la pandémie, principalement sous l’effet de l’augmentation substantielle des dépenses publiques de santé au cours des deux premières années de la pandémie. Mais ce ratio n’y progresse pas beaucoup de 2000 à 2022 : +26,3% (tableau suivant). Dans la plupart des grands pays la progression est plus forte notamment aux États-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni (60%), à tel point que le ratio de la DCSi en % du PIB rattrape presque celui de la France. Il progresse aussi plus vite dans nombre de pays de l’UE : Allemagne; Espagne, Finlande, Pays-Bas, Belgique,… . Il n’y a que quelques pays de l’OCDE où il progresse moins. Toutefois, l’évolution de ce ratio est presque au milieu si on prend tous les pays  (graphique suivant).

Dépense courante de santé au sens international (DCSi) en % du PIB entre 2000 et 2022

Évolution du ratio DCSi en % du PIB entre 2000 et 2022 en %

 

 

Avec une DCSi représentant 18,2 % de leur PIB en 2022, les États-Unis sont de loin en tête des pays de l’OCDE (graphique suivant). Plus de 5 points derrière, l’Allemagne, premier pays de l’UE-27, dépense 12,6 % de son PIB pour la santé, juste devant la France (11,9 %) et l’Autriche (11,4 %). En 2021 (dernière année pour laquelle les données sont disponibles pour tous les pays de l’OCDE), les États membres de l’UE-27 consacrent en moyenne 11,0 % de leur PIB aux dépenses de santé. Néanmoins, les anciens États membres dépensent un peu plus que les États membres plus récents : les pays de l’UE-14 y allouent en moyenne 11,4 % de leur PIB, contre 7,5 % pour les 13 nouveaux membres ayant rejoint l’UE après 2004.

DCSi en % du PIB en 2022 et 2021

 

 

b) en parité de pouvoir d’achat

Mais la hiérarchie des pays en tête du classement est sensiblement modifiée lorsque la DCSi est exprimée en partie de pouvoir d’achat PPA par habitant, permettant ainsi de tenir compte différences de pouvoir d’achat entre les  pays. Rapporter les dépenses de santé au nombre d’habitants néglige un facteur important d’écart : les différences de coûts des services de santé entre pays. Les parités de pouvoir d’achat en santé (PPA santé) (voir page Parité de pouvoir d’achat) permettent de corriger cela : elles sont fondées sur une comparaison des prix pratiqués dans chaque pays pour un panier de produits et services de santé standards, comprenant les équipements, les médicaments et le personnel soignant, et permettent donc d’ajuster les dépenses de santé par les prix. En pratique, on utilise les estimations de PPA santé pour rapporter les dépenses moyennes par individu à des dépenses « en euros en France », ce qui signifie que tout euro en PPA santé correspond à un euro en France.

Parmi les pays de l’OCDE, c’est toujours aux États-Unis que la DCSi par tête est la plus élevée : en 2022, elle atteint 6 780 euros en PPA santé par habitant (graphique suivant). Ce montant est presque 50 % supérieur à la dépense moyenne en France : 4 650 euros en PPA santé par habitant en 2022. En moyenne, en 2021, les pays de l’UE-14 et les NM-13 consacrent respectivement 3 860 euros PPA et 2 860 euros PPA par habitant.

L’Allemagne, où les prix des biens et services de santé sont comparables à ceux de la France est, quant à elle, le premier pays de l’UE27 en termes de DCSi par habitant en PPA santé, avec 5 710 euros PPA par habitant en 2022. La Suisse, où les biens et services de santé sont les plus onéreux dans l’OCDE, rétrograde au 12e rang pour ce qui est de la DCSi en euros PPA santé en 2022, traduisant un effet prix pour ce pays (4 030 euros PPA). À l’inverse, la Tchéquie, pays où les prix de santé sont parmi les plus faibles d’Europe, remonte au 3e rang, en 2022, juste derrière l’Allemagne (avec 5 160 euros PPA).

Dépense courante de santé au sens international (DCSi)  en parité de pouvoir d’achat par habitant 2021-2022

 

 

 

2/ La Dépense courante de santé au niveau de l’UE

a) Données générales

S’agissant de l’UE et en 2021, l’Allemagne a enregistré le niveau de dépenses courantes de santé le plus élevé parmi les États membres de l’UE, évaluées à 466  milliards d’euros en 2021. La France a enregistré le deuxième niveau de dépenses courantes de santé (308 milliards d’euros), suivie par l’Italie (168 milliards d’euros) et l’Espagne ( 130 milliards d’euros) [5].

Les dépenses courantes de santé en Allemagne, en France et en Autriche équivalaient respectivement à 12,9 %, 12,4 % et 12,1 % du PIB, soit plus que dans tout autre État membre de l’UE – voir tableau 1. Les ratios les plus élevés suivants étaient en Allemagne. La Suède (11,2 %), les Pays-Bas, le Portugal (tous deux 11,1 %) et la Belgique (10,9 %). Le Danemark, l’Espagne, Malte et la Finlande sont les seuls autres États membres de l’UE à enregistrer des ratios à deux chiffres. A noter que les dépenses courantes de santé en Suisse équivalaient à 11,6 % du PIB et que la Norvège et la Serbie avaient également des ratios à deux chiffres. En revanche, les dépenses courantes de santé représentaient moins de 7,0 % du PIB dans quatre États membres, le Luxembourg enregistrant le ratio le plus faible (5,7 %).

Ainsi l’Allemagne dépense approximativement la même part de sont PIB que la France dans la santé (11,7% contre 11,2% en France). En 2019, le PIB français était de 2437 milliards d’euros contre 3473 en Allemagne. La France dépensait donc 272 milliards d’euros par an dans sa politique de santé contre un peu plus de 400 pour nos voisins. Selon la Banque mondiale, la population hexagonale était de 67,1 millions d’habitants, quand l’Allemagne en comptait 83,2. Malgré cette différence démographique, l’Allemagne parvenait à dépenser autour de 4870 euros par habitant dans sa politique de santé contre 4060 pour la France. Dans le même temps, le taux de prélèvements obligatoires était de 47,4 % du PIB contre 41,7 % en Allemagne.

On comprend ainsi que la question n’est pas seulement financière, mais d’allocation du budget alloué au domaine de la santé, en particulier aux hôpitaux publics. En outre, ce serait l’organisation de la santé en France qui poserait quelques soucis. En avril 2020, l’Iref notait ainsi une carence de coopération entre l’ARS (agences régionales de santé) et les cliniques privées  avec pour conséquence de réduire considérablement la qualité du chemin de soins.

Dépenses courantes de santé, 2021

En plus d’être affectées par les variations de prix, les comparaisons des dépenses de santé au fil du temps peuvent également être influencées par les changements démographiques. Le graphique suivant montre les dépenses de santé moyennes par habitant en 2014 et 2021. Tous les États membres de l’UE ont enregistré un niveau de dépenses par habitant plus élevé en 2021 qu’en 2014. Comme pour le taux de variation basé sur les dépenses globales, la Lettonie et la Roumanie ont enregistré les plus fortes augmentations. , avec des dépenses moyennes par habitant augmentant respectivement de 149,0 % et 115,0 %. La Lituanie a enregistré la deuxième plus forte augmentation, soit 103,0 %.

Dépenses courantes de santé par habitant, 2014 et 2021 (€)

 

 

Le graphique suivant présente une autre analyse de l’évolution des dépenses globales de santé entre 2014 et 2021, en se concentrant sur le rapport entre ces dépenses et le PIB. Les dépenses de santé et le PIB sont tous deux influencés par les variations de prix et, par conséquent, lorsque l’on combine les deux indicateurs dans un ratio, l’impact de l’inflation peut s’annuler dans une certaine mesure : cela dépend de la mesure dans laquelle les variations de prix liées aux dépenses de santé sont similaires à celles des dépenses de santé. ceux vécus dans l’économie dans son ensemble.

Vingt-six États membres de l’UE ont signalé un ratio dépenses de santé/PIB plus élevé en 2021 qu’en 2014, tandis que l’Irlande a signalé un ratio inférieur, de 2,9 points de pourcentage en 2021 (6,6 %) par rapport à 2014 (9,5 %). Dans les États membres où le ratio était plus élevé en 2021 qu’en 2014, l’augmentation était inférieure à 2,0 points de pourcentage dans la plupart des cas. Des augmentations plus importantes ont été observées à Chypre (en hausse de 2,2 points de pourcentage) et en Lettonie (en hausse de 3,7 points de pourcentage). Parmi les pays tiers présentés dans la figure 3 et disposant de données pour les deux années, tous ont enregistré des ratios plus élevés en 2021 qu’en 2014.

Dépenses courantes de santé par rapport au PIB, 2012 et 2020 (%)

 

 

 

b) Dépenses par fonction

Le compte de la santé distingue plusieurs fonctions. Les services de soins curatifs et de réadaptation représentent plus de 50,0 % des dépenses de santé courantes en 2021 dans la grande majorité des États membres de l’UE. Les exceptions étaient l’Allemagne, et les Pays-Bas, où les parts se situaient entre 46,9 % et 48,6 %. La moyenne de l’UE était de 51,6 %. En revanche, presque deux tiers des dépenses courantes de soins de santé ont été supportés par les services de soins curatifs et de réadaptation au Portugal et en Pologne [5].

Les biens médicaux (non spécifiés par fonction) étaient la deuxième fonction la plus importante de l’UE en 2021, avec une part de 17,9 % des dépenses courantes de soins de santé. Les parts les plus faibles ont été enregistrées pour le Danemark (9,7 %) et les Pays-Bas (10,4 %). En revanche, la part la plus élevée a été enregistrée pour la Bulgarie (32,0 %).

La part des dépenses de santé encourues par les soins de santé de longue durée était de 16,0 % dans l’UE en 2021. Cette part était inférieure à 10,0 % dans 14 États membres de l’UE. Les parts relativement faibles pourraient être dues à la charge principale des soins de santé à long terme du fait de paiement élevé pour la prestation de ces services. D’autre part, plus d’un cinquième des dépenses de santé ont été imputées aux soins de santé de longue durée en Irlande et en Belgique, cette part dépassant le quart en Suède et aux Pays-Bas (25,2 % et 27,5 %, respectivement). Il convient de noter qu’il peut être difficile de séparer les composantes médicale et sociale des dépenses de soins de longue durée, ce qui entraîne un impact inévitable sur les comparaisons entre pays.

La quatrième fonction la plus importante était les dépenses de soins préventifs, qui représentaient en moyenne 6,0 % des dépenses courantes de soins de santé en 2021 dans l’UE. La cinquième fonction la plus importante était les services auxiliaires (tels que les tests de laboratoire ou le transport de patients), qui représentaient 4,8 % des dépenses de santé dans l’UE en 2021. Les dépenses liées à la gouvernance, au système de santé et à l’administration financière se sont élevées en moyenne à 3,6 % dans l’UE en 2021 et variaient généralement de 0,8 % en Finlande à 5,0 % en France (signe d’un nombre relativement élevé d’administratifs), mais 9% en Slovaquie.

Les principales fonctions des dépenses de santé en pourcentage des dépenses courantes de soins de santé dans l’UE en 2021 en %

 

Au total, Les soins ambulatoires (y compris les soins de premier recours, les soins spécialisés et les soins dentaires) et les soins hospitaliers sont les deux plus grands postes de dépenses de santé, représentant 28 % et 27 % du total en 2021 (graphique suivant). Les médicaments et dispositifs médicaux dispensés hors de l’hôpital ont également absorbé une part considérable des ressources de santé, avec 19 % des dépenses de santé, tandis que les soins de longue durée ont représenté 16 %. Les dépenses affectées à la prévention ont fortement augmenté pendant la pandémie et ont représenté 5,5 % de l’ensemble des dépenses de santé en 2021. Elles ont diminué en 2022, même si elles sont restées supérieures au niveau habituel d’environ 3 % avant la pandémie (DREES, 2023).

Les dépenses de santé vont en majorité aux soins hospitaliers et aux soins ambulatoires

 

 

 

 

 

 

IV – LE FINANCEMENT DE LA DÉPENSE AU NIVEAU MONDIAL

L’analyse du financement du compte de la santé au niveau mondial (OCDE) est assez complexe. Elle est fondée sur la structure de financement des dépenses de santé entre systèmes d’assurance maladie, systèmes libéraux de santé et systèmes nationaux de santé, laquelle varie entre pays.

  • Dans les systèmes d’assurance maladie (ou « bismarckien »), comme en France, les assurances obligatoires publiques financent la majeure partie des dépenses par le biais des cotisation sociales ;
  • dans les systèmes nationaux de santé (systèmes inspirés du modèle assistanciel ou « beveridgien »), l’État est le premier financeur par le biais de l‘impôt :
  • Enfin, les systèmes libéraux de santé se caractérisent par un financement important des assurances privées.

Il y a toutefois plusieurs manières de présenter le financement des soins de santé.

D’abord l’agrégat n’est pas le même : consommation de biens et services de santé dans le cadre de l’analyse du financement par la DREES (voir ci dessus), DCSi pour les comparaisons internationales,  cet agrégat, recouvrant la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) mais également les dépenses de soins de longue durée, de prévention et celles liées à la gouvernance du système de santé),

Ensuite soit on s’intéresse à la part public/privé, ce dernier comprenant l’assurance privée et le reste à charge des ménages (RAC). Soit on s’intéresse au financement des différents modes (assurance maladie, État, assurances privées, RAC). Les bases de données internationales s’appuient sur cette seconde approche.

Enfin la question du financement final ou initial (ultime = en dernier ressort) par les ménages reste débattue (voir page Comptes satellites).  Les données internationales présentent souvent le financement final (le premier qui paie les soins). On présente ivi un tableau du financement final et initial au sens des comptes satellites. Les tableaux suivants de l’OCDE concernent le financement final : les ménages ne financent pas ainsi la dépense financée par les assurances privées ou les complémentaires santé. Mais dans le financement initial, les ménages sont censés financer ces assurances.

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1/ La typologie des systèmes de santé

Le tableau suivant présente les deux premiers types de financement des soins dans des pays européens. Mais ce travail (issu d’une étude de l’Insee https://www.insee.fr/fr/statistiques/8186084) s’appuie sur les données de l’enquête SHARE de 2013-2017 . Cette base de données fournit des informations sur l’emploi, les conditions de vie et la santé des personnes de 50 ans et plus de 27 pays européens. En restreignant l’ échantillon aux personnes ayant répondu à toutes les questions auxquelles l’étude a recours, on obtient un échantillon total de 89 079 observations pour 50 336 individus résidant dans 10 pays européens : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie, la République tchèque, la Suède et la Suisse.

  • Dans les systèmes assurantiels, les dépenses de santé sont généralement avancées par les patients et ne sont que partiellement remboursées par l’assurance maladie publique. Des instruments de partage des dépenses (copaiement, ticket‑modérateur et franchise) sont mis en place dans tous les pays partageant ce type de système et ce pour les trois types de soins (médecin, dentaire, hospitalisation). Néanmoins, des dispositifs d’exonération ou de plafonnement du reste à charge sont mis en place sous conditions de ressources (en Allemagne, Autriche, Belgique, France et République tchèque), de pathologie (en Allemagne, Autriche, Belgique, France et Suisse) ou en fonction de la part du reste à charge dans le revenu, dit « taux d’effort », comme en Allemagne et en Autriche où les restes à charge sont plafonnés à 2 % du revenu annuel brut du ménage. En République tchèque, le montant annuel des restes à charge est plafonné à un seuil absolu. Puisqu’une partie des dépenses reste à la charge du patient dans ces systèmes, le marché privé de l’assurance maladie complémentaire y est particulièrement développé comme en France (premier graphique suivant).  Dans certains cas, les individus sont couverts par le biais de leur employeur, expliquant en partie la différence systématique de taux de couverture entre les actifs occupés (i.e. en emploi) et les inactifs et actifs inoccupés (i.e. retraités, sans emploi ou en invalidité). Le taux de couverture par une assurance complémentaire est élevé dans les systèmes d’inspiration bismarckienne comme la Suisse (>75 %), la Belgique (>80 %) et surtout la France (>95 %). Le taux de couverture est plus faible dans d’autres pays ayant un système basé sur ce même modèle, comme en Allemagne (<35 %), en Autriche (<25 %) et en République tchèque (≤10%).
  • Dans les systèmes assistanciels, les soins du panier universel sont dispensés par des services nationaux de santé et généralement accessibles à tous, voire gratuits, indépendamment de la capacité à payer. Pour cette raison, les consultations chez le médecin et les hospitalisations ne font pas l’objet de partage des coûts au Danemark, en Espagne et en Italie (à l’exception de la la Suède). Les soins fournis par des prestataires privés et les soins dentaires ne font toutefois pas partie du panier de soins universel. Ils sont donc à la charge des patients dans tous les pays et peuvent être pris en charge par des assurances privées. Le recours à l’assurance maladie complémentaire privée est beaucoup moins répandu dans ces systèmes, comme en Italie et en Espagne . Il est cependant plus important en Suède et au Danemark  où le niveau de vie est plus élevé. À l’exception de l’Italie, les systèmes basés sur le modèle universel ne prévoient pas d’instrument de régulation du reste à charge pour les plus démunis. Au titre d’une maladie chronique, des exemptions sont prévues au Danemark, en Italie et en Suède, mais pas en Espagne. Enfin, le montant annuel de reste à charge est plafonné en Suède pour les consultations chez le médecin pour tous les individus et pour les plus de 85 ans à l’hôpital.
  • Au‑delà de cette typologie, les systèmes de santé se différencient par l’importance du financement privé (assurances complémentaires privées et reste à charge – RAC –  des ménages) dans le financement total des soins. La Suisse a le système de soins dont la part de financement privé est la plus importante parmi les pays étudiés : 46 % du financement provient des ménages, dont 27 % par le biais des assurances complémentaires privées et 19 % du RAC. Comme le Danemark et la Suède, l’Espagne et l’Italie ont des systèmes de soins basés sur le modèle universel. Pourtant, la part de financement privé y est plus importante. En Espagne et en Italie, le financement du reste à charge est similaire à celle observée en Suisse (18 % et 19 % respectivement). Au Danemark et en Suède, le système de soins est financé par les ménages à hauteur de 12 % et 13 % par le biais de restes à charge. La France a le système de soins dont le financement dépend le moins du reste à charge parmi ces pays, avec une part correspondant seulement à 8 % du financement total, en raison du rôle important des assurances complémentaires privées.

    Le reste à charge représente une part différente du budget des ménages selon les pays. En moyenne dans les pays de  l’OCDE, 3 % de la consommation des ménages est allouée au reste à charge en santé, avec les soins dentaires figurant parmi les premiers postes de dépenses en santé. . Étant donné que les dépenses de santé augmentent avec l’âge en raison de besoins de soins plus importants, le reste à charge des personnes âgées de plus de 50 ans pourrait être plus conséquent qu’en population générale, sauf si le système de soins prévoit une redistribution du financement des moins malades vers les plus malades. En agrégeant les dépenses annuelles liées aux consultations chez le médecin, les soins dentaires et les séjours à l’hôpital restant à la charge des individus âgés de 50 ans et plus à partir de l’enquête SHARE, l’étude de l’Insee [6] estime que le reste à charge représente une part du revenu individuel variant de 1 % au Danemark à 6,4 % en Italie (second graphique suivant). Dans tous les pays, le dentaire est le poste de reste à charge le plus important, suivi des séjours hospitaliers puis des consultations médicales, à l’exception de l’Italie pour laquelle le reste à charge hospitalier représente la part la plus faible du reste à charge total. Ces statistiques ne permettent toutefois pas d’évaluer l’équité du financement des soins dans ces pays.

Caractéristiques des systèmes de soins

Couverture par une assurance maladie complémentaire privée en Europe

Composition du reste à charge annuel moyen en Europe en % du revenu individuel

 

 

 

 

2/ Le financement dans les trois systèmes de santé

Depuis une dizaine d’années, la part des assurances privées obligatoires a augmenté en Allemagne et en France, où une partie de l’assurance privée – auparavant facultative – est devenue obligatoire. Les États-Unis connaissent des évolutions comparables depuis la mise en place de l’Obamacare. La crise sanitaire a légèrement modifié la structure de financement de la dépense courante de santé au sens international (DCSi) vers moins de paiements directs des ménages, une moindre participation des régimes privés volontaires et plus  d’interventions publiques. Enfin, le poids des dépenses de gouvernance dépend du système de santé : en moyenne, elles sont plus faibles pour les systèmes nationaux de santé, intermédiaires pour les systèmes d’assurance maladie et plus élevées pour les systèmes libéraux.

Les tableaux suivants décomposent le financement des dépenses de santé. La somme des financements fait 100%. Ainsi, en France, l’assurance maladie finance 74,3% de la DCSi en 2021, l’assurance privée (6,3%), les assurances privées facultatives (6,3%), l’État (4,2%), et le RAC (8,9%), soit 100% au total. En Italie, 0,2% est financé par l’assurance maladie, l’assurance privée facultatives (2,6%), l’État (75,3%) et le RAC (21,9%), soit 100% au total. Est-ce que ces tableaux sont comparables entre pays ? Des études complémentaires aux données suivantes  comme celles de l’Insee sont probablement nécessaires.

tableau-10-sante-depense-financement-OCDE

 

 

 

 

a) les systèmes d’assurance maladie

Dans les systèmes d’assurance maladie gérés par des caisses publiques de sécurité sociale, les prestations maladies sont versées en contrepartie de cotisations des actifs à l’assurance maladie obligatoire et fournis par des prestataires publics et privés. Les dépenses de santé sont dès lors remboursées dans la limite d’un montant de base défini par les pouvoirs publics. Concernant l’offre de soins, la médecine y est souvent libérale et les médecins sont principalement rémunérés à l’acte, même si ce mode d’exercice cohabite avec des hôpitaux publics. Au Luxembourg, en Croatie, en France, en Tchéquie ou en Slovaquie, plus de 70 % de l’ensemble de la DCSi est financée par l’assurance maladie en 2021 (respectivement 77 %, 76 %, 74 %, 71 % et 70 %). La France complète cette couverture par des dispositifs d’assurance maladie privés, devenus obligatoires en 2016, dans certaines conditions d’emploi. L’État finance également une partie des dépenses de santé des personnes les plus modestes de manière à garantir l’universalité de la couverture santé (4 %).

L’État intervient toutefois pour pallier les défaillances du marché et pour garantir un haut niveau de solidarité. Il définit ainsi le panier de soins de bas minimal et met en place des dispositifs d’aide à l’acquisition et au paiement de cette assurance pour les personnes aux revenus modestes. Il impose également des limites à la sélection des risques afin que les assureurs ne puissent ni refuser un souscripteur en raison de son état de santé ou de son âge, ni moduler les tarifs en cours de contrat en fonction des dépenses de santé observées. Enfin, il impose des contraintes dans la fixation des primes d’assurance. Des disparités subsistent toutefois en ces deux pays : si aux Pays-Bas, une partie de la prime est payée par l’employeur en fonction du revenu du salarié, ce n’est pas le cas en Suisse où les primes dépendent de l’âge, du sexe et du lieu de résidence.

Aux États-Unis, depuis 2014, le Patient Protection and Affordable Care Act (ACA ou Obamacare) oblige les particuliers à souscrire à une assurance maladie. Les plus modestes sont couverts par des assurances publiques : Medicaid ou le Children’s Health Insurance Program pour les plus jeunes et Medicare pour les personnes âgées.

Financement par l’assurance maladie en % du financement total de la DCSi

 

 

b) Les systèmes libéraux de santé

Certains pays comme la Suisse et les Pays-Bas disposent d’un système d’assurance maladie obligatoire pour tous les résidents, mais en ont confié la gestion à des assureurs privés mis en concurrence (systèmes libéraux de santé). Dans ces deux pays, les assurances privées obligatoires financent respectivement 36 % et 50 % de la DCSi. À l’instar de la Suisse et des Pays-Bas, les assurances maladies – devenues obligatoires – restent toutefois largement privées : dans ce pays, 30 % de la DCSi est financée par les assurances privées obligatoires en 2021.

En fait la couverture santé aux États-Unis reste ainsi très fragmentée. En 2018, 68% des Américains sont couverts par une assurance privée (via l’emploi ou par achat direct), 34,1% le sont par une assurance publique (Medicare, Medicaid, anciens combattants). Les non-assurés représentent encore 8% de la population, soit 30,4 millions de personnes. La somme de ces chiffres est supérieure à 100% parce qu’un individu peut cumuler plusieurs assurances. Le marché de l’assurance santé aux États-Unis comprend plus de 1300 payeurs différents qui ont tous leurs propres procédures, tarifs et modes de fonctionnement avec leurs prestataires de santé et leurs assurés. Les modalités de partage des coûts entre assurance et assuré (insurance cost-sharing arrangements) varient également beaucoup : les assurances prévoient des franchises, une part non remboursée du prix de consultation (co-pay), des montants maximum de consultation, etc. C’est pourquoi, parmi ceux qui sont assurés, 30 millions de personnes sont underinsured, c’est-à-dire soumis à des taux élevés de dépenses non prises en charge par rapport à leurs revenus.

Enfin depuis 2006, la structure de financement des systèmes de santé a évolué vers plus d’intervention des assureurs privés obligatoires en France, en Allemagne et aux États-Unis, du fait de réformes du système de santé (graphique suivant).. En Allemagne et en France, une partie de l’assurance privée – auparavant facultative – est devenue obligatoire. Ainsi, en Allemagne, certains travailleurs, dont les indépendants et les fonctionnaires,peuvent sortir de l’assurance maladie publique et s’assurer auprès d’un organisme privé. En France, depuis 2016, une assurance maladie complémentaire – financée partiellement par l’employeur – est devenue obligatoire pour les salariés du secteur privé. Pour ces deux pays, la part des dépenses de santé financée par l’assurance privée obligatoire est ainsi passée de 0 % de la DCSi en 2006 à respectivement 7,1 % et 6,8 % en 2019 (elle a un peu baissé depuis, avec la crise sanitaire, pour s’établir respectivement à 6,6 % et 6,3 % en 2021). Aux États-Unis, la part des soins financée par l’assurance privée facultative a baissé d’environ.

 

Financement par l’assurance privée en % du financement total de la DCSi

 

 

c) Systèmes nationaux de santé

Dans les pays du nord de l’Europe, en Lettonie, au Royaume-Uni, en Irlande et au Canada, l’État assure un système national de santé financé par l’impôt (systèmes nationaux de santé). Les administrations centrales, régionales et locales sont responsables du financement du système de santé et disposent du droit de lever des impôts pour couvrir les dépenses de santé engagées. Les résidents de ces pays sont automatiquement couverts par le système national de santé, mais le parcours de soins y est très encadré : les soins primaires sont souvent dispensés dans des centres publics où les médecins sont généralement salariés ou payés à la capitation. Une offre de soins privée peut toutefois se développer en marge de l’offre publique, mais les patients qui souhaitent y avoir recours supportent le coût total des traitements et des soins reçus. Dans les pays avec un système national de santé, l’État est le premier financeur des dépenses de santé : en Suède, au Danemark et au Royaume-Uni, l’État prend ainsi en charge plus de 80 % de ces dépenses (respectivement 86 %, 85 % et 83 %).

Si des pays comme l’Italie, l’Espagne et le Portugal ont également un système majoritairement financé par l’État (respectivement 75 %, 68 % et 61 %), la part des dépenses de santé restant à la charge de ménages est en augmentation depuis la crise économique de 2008 et représente plus de 20 % des dépenses de santé en 2021 (respectivement 22 %, 21 % et 29 %). Cette augmentation résulte probablement des politiques budgétaires mises en place après la crise, notamment de l’instauration ou de l’augmentation des tickets modérateurs ainsi que du relèvement des seuils de  remboursement.

Financement par l’État en % du financement total de la DCSi

 

 

d) Assurances privées facultatives

Les assureurs privés proposent des assurances facultatives, notamment pour les soins qui ne sont pas pris en charge par la couverture de base (dentaire, optique, par exemple). En France, l’assurance privée facultative est principalement complémentaire : elle intervient sur l’ensemble du panier de base puisque, pour chaque soin, un complément est laissé à la charge de l’assuré. Elle peut toutefois intervenir de manière marginale à titre supplémentaire (pour des prestations de confort à l’hôpital ou à la périphérie du système de soins). En Suisse et aux Pays-Bas, elle n’intervient qu’à titre complémentaire, pour couvrir les dépenses de santé hors du panier de base. Enfin, au Royaume-Uni, elle intervient principalement pour couvrir les dépenses engagées auprès des fournisseurs de soins privés et, dans une moindre mesure, à titre complémentaire pour certains soins (dentaire, optique). De manière générale, entre 2000 et 2021, on observe une augmentation de la part des dépenses de santé financée par des assurances privées facultatives dans les pays ayant mis en place un système national de santé : de 0,6 % à 2,6 % en Italie, de 4,3 % à 7,4 % en Espagne (tableau suivant)

Dans l’ensemble des pays étudiés, la part des assurances privées facultatives a diminué durant la crise sanitaire, dans des proportions très variables entre pays, ce indépendamment du système de santé. Aux Pays-Bas, par exemple, la part des assurances privées facultatives a baissé de 1,1 pp entre 2019 et 2021 (de 6,8 % à 5,7 %) ; en France ou en Allemagne, la baisse a été plus faible (respectivement 0,7 pp et 0,2 pp entre 2019 et 2021).

Financement par les assurances privées facultatives en % du financement total de la DCSi

 

 

e) Reste à charge des ménages (RAC)

Entre 2006 et 2019, certains pays du sud de l’Europe ont réduit les prises en charge publiques pour réaliser des économies budgétaires, au prix d’une plus forte contribution des ménages au financement de la dépense courante de santé : +0,8 pp entre 2006 et 2019 en Espagne, +2,1 pp en Italie, +5,1 pp au Portugal. À rebours des autres pays, le reste à charge des ménages a toutefois diminué en Grèce sur cette période (-2,4 pp) au profit des assurances privées facultatives (+2,4 pp). Avec la crise sanitaire, la structure de financement de la DCSi a été modifiée dans de nombreux pays et les dépenses de santé, liées au Covid-19, essentiellement assurées par des hôpitaux, ont été davantage financées par des régimes obligatoires. On observe ainsi, entre 2019 et 2021, une augmentation de la part de la DCSi prise en charge par les régimes obligatoires, et notamment par l’État et les autorités locales, conjointement à une baisse du RAC dans de nombreux pays.

Le RAC des ménages peut constituer un frein important à l’accès aux soins. En France, il s’établit à 8,8% de la DCSi. C’est le taux le plus faible de l’OCDE (avec le Luxembourg), et 43% de ce RAC sont dus aux soins de longue durée, c’est-à-dire les soins et l’encadrement de personnes en situation de dépendance sur le long terme. Aux États-Unis, la mise en œuvre en 2014 d’Obamacare (extension de la population couverte par Medicaid et aide à la souscription à une couverture santé individuelle) a conduit à une restructuration du financement de la DCSi, avec une nette diminution de la part de reste à charge (9,9%). Mais exprimé en euros par habitant, le RAC aux États-Unis est de 1030 contre 370 en France.

En France, pour trente maladies graves, les soins sont remboursés à 100% par le régime obligatoire. Le système est fondé sur le principe que la collectivité doit prendre en charge les gros risques et que le remboursement est moindre pour les petits risques, pour lesquels interviennent toutefois les assurances complémentaires.

Aux États-Unis, le remboursement varie et dépend du programme auquel le patient appartient (Medicare, Medicaid, assurances privées). Souvent, les polices d’assurance ne comprennent pas d’assurance dentaire ou optique. En l’absence d’assurance, ou d’une assurance de bonne qualité, nombre d’Américains modestes ne peuvent se soigner et doivent compter sur les organisations caritatives, ou retardent les soins. Les Américains sont ainsi 22% à déclarer avoir renoncé à des consultations médicales pour raisons financières dans les douze derniers mois. Ce nombre atteint 32% concernant le renoncement aux soins dentaires pour les mêmes raisons. En France, le taux de renoncement aux soins médicaux pour raisons financières est de 2%.

 

Financement par les ménages (reste à charge) en % du financement total de la DCSi

 

 

 

3/ La synthèse du financement du compte de la santé par pays

La DREES publie ces deux graphiques à partir des chiffres précédents sur l’année 2021.

Financement de la DCSi en 2021 Systèmes dassurance maladie gérés par des caisses publiques en % de la DCSI

 

Financement de la DCSi en 2021 Systèmes libéraux de santé (à gauche) et systèmes nationaux de santé (à droite) en % de la DCSI

 

 

 

4/ Financement final ou initial (ultime) ?

Dans le financement final, on retient le dernier financeur (par les complémentaires santé). Dans le financement initial, on s’intéresse au véritable financeur, celui finance en dernier ressort la DCSi (soit par exemple les ménages qui financent les complémentaires santé).

Les cotisations sociales sont obligatoires. La cotisation à une mutuelle est un choix. C est pourquoi le financement initial ne va pas jusqu’aux cotisations sociales d’autant qu’une partie est financée par les employeurs. D’autant aussi que dans de nombreux pays c’est l’impôt qui finance l’essentiel des dépenses de santé selon le principe d universalité budgétaire. Le financement initial ne couvre donc pas les cotisations obligatoires ou les impôts qui servent à financer une partie de la DCSi.

Les résultats montrent alors que la France se situerait dans une relative  moyenne plutôt basse des pays de l’UE s’agissant du financement initial des ménages (21,5 % en 2021) presque comme en Allemagne (21,2%), ou en Belgique (22,4%), 17% au Royaume-Uni,  certes bien moins dans tous les pays scandinaves mais 28,4% en Espagne, 46,3% aux États-Unis, et surtout 65% aux Pays-Bas et 69% en Suisse avec de nombreux pays aux alentours de  30%. Alors que le financement final mettaient les ménages français parmi les moins financeurs de la DCSi avec un RAC inférieur à 9%. On conclut que c’est ce ratio qui est le plus pertinent.

Financement final de la DCSi en % en 2021

Financement initial (ultime) de la DCSi en % en 2021

 

 

 

 

 

5/ L’analyse du financement par secteurs institutionnels dans l’UE

La part cumulée des régimes publics et des régimes/comptes obligatoires dans les dépenses de santé courantes totales était de 81,1 % dans l’ensemble de l’UE (tableau suivant). Il a dépassé 84,0 % dans neuf États membres de l’UE, avec un pic de 86,4 % en Tchéquie. Les seules régimes/comptes obligatoires ont représenté près ou plus de trois quarts des dépenses globales en matière de soins de santé en France (80,6 %), au Luxembourg (77,0 %), en Croatie (76,1 %) et en Allemagne (74,8 %). Il convient de noter que les régimes/comptes obligatoires n’existent pas au Danemark, en Lettonie et en Suède. En revanche, la Suède (85,9 %) et le Danemark (85,2 %) ont indiqué que les régimes publics représentaient plus des quatre cinquièmes de leurs dépenses en matière de soins de santé, tandis que des parts supérieures à 75,0 % étaient (également) enregistrées en Irlande et en Italie.

La troisième source de financement des soins de santé dans l’UE a été les paiements à la charge des ménages, avec une part de 14,5 % en 2021 mais seulement 8,9 % en France qui est le pourcentage le plus bas de l’UE. Alors que celui-ci est très élevé dans certains pays : Bulgarie (34,0 %) et en Grèce (33,3 %).

Dépenses de santé courantes par source de financement en pourcentage des dépenses courantes de soins de santé dans l’UE en 2021 en %

 

Les dépenses en valeurs par habitant, en parités de pouvoir d’achat, les données sur les dépenses tiennent compte des différences de niveaux de prix entre les États membres de l’UE. Cette analyse montre combien est dépensée, en moyenne, par habitant de chacune des différentes sources. Le total pour toutes les sources (la hauteur totale de chaque colonne empilée) indique les dépenses moyennes globales par habitant.

Dépenses de santé courantes par habitant, analysées par source de financement en SPA par habitant en 2021

 

 

 

 

 

 

V – LES PRODUCTEURS CARACTÉRISTIQUES DU DOMAINE

1/ Les producteurs caractéristiques (prestataires) dans l’UE et en France

Les prestataires de soins de santé classés dans le même groupe n’exercent pas nécessairement le même ensemble d’activités. Par exemple, les hôpitaux peuvent offrir des soins de jour, des soins ambulatoires, auxiliaires ou d’autres types de services, en plus des services hospitaliers.

Les hôpitaux représentaient la proportion la plus élevée (36,0 %) des dépenses de santé en 2021 dans l’UE. Parmi les États membres de l’UE, la part des dépenses de santé courantes liées aux hôpitaux variait de 27,0 % du total en Allemagne à 50,8 % en Croatie. Seules l’Allemagne et la Lettonie ont indiqué que les hôpitaux ne possédaient pas la part la plus élevée des dépenses de santé : les prestataires de soins de santé ambulatoires représentaient une part plus importante des dépenses totales de soins de santé.

Le plus grand des autres fournisseurs était de loin les établissements de soins de longue durée en établissement. Parmi les États membres de l’UE, la part des établissements résidentiels de soins de longue durée dans les dépenses courantes de soins de santé variait de 0,3 % en Bulgarie à 27,5% aux Pays-Bas.

Dépenses de soins de santé des principaux prestataires en pourcentage des dépenses courantes des différents États membres de l’UEen 2021 en %

 

 

2/ Comparaisons internationales des médecins et des infirmiers

a) La densité des médecins et infirmiers pour 1000 habitants dans l’UE

La France se situe en dessous de la moyenne des pays de l’UE-14 pour la densité de médecins et au niveau de la moyenne de l’UE-14 pour la densité d’infirmiers. Le rôle des professionnels de santé variant d’un pays à l’autre, la comparaison des densités peut toutefois être délicate. Si la densité de médecins a progressé dans les nouveaux membres durant la dernière décennie, sa progression est faible au cours de la même période en France (elle s’y replie même sur les dernières années) et en Italie. Par ailleurs, certains pays recourent à de nombreux médecins formés à l’étranger ; c’est notamment le cas de l’Irlande où plus de 40 % des médecins ne sont pas formés sur le territoire. En France, seulement 12 % des médecins et 3 % des infirmiers ont été formés à l’étranger. Enfin, la spécialisation de la médecine se poursuit ; les médecins généralistes sont moins nombreux que les médecins spécialistes dans la quasi-totalité des pays.

La densité de médecins varie considérablement d’un pays à l’autre. Au total, si le nombre de médecins par habitant a augmenté dans la plupart des pays de l’UE ces dix dernières années, il est resté stable en France. En conséquence, il est désormais nettement inférieur à la moyenne de l’UE, avec 3,2 médecins pour 1 000 habitants en 2021, contre 4,1 pour 1 000 dans l’ensemble de l’UE (graphique suivant). La proportion de médecins généralistes a diminué au fil du temps, ce qui s’est traduit par des pénuries croissantes de médecins généralistes dans certaines régions. Le gouvernement a pris des mesures pour remédier à ces «déserts médicaux». Le nombre d’infirmiers en activité en France en 2021 (8,6 pour 1 000 habitants) était proche de la moyenne de l’UE (8,5 pour 1 000). Depuis la pandémie, le gouvernement a mis en œuvre des mesures visant à attirer et à retenir les infirmiers dans les hôpitaux et à confier davantage de responsabilités aux infirmiers dans les soins de premier recours.

Dans les pays de l’OCDE étudiés ici, la densité de médecins augmente fortement depuis une quarantaine d’années, mais à un rythme plus faible depuis les années 1990. Entre 2011 et 2021, le nombre de médecins a augmenté légèrement plus vite que la population dans la totalité des pays étudiés. Pendant cette période, la densité a progressé de 362 à 407 médecins pour 100 000 habitants en moyenne dans l’UE-14 Elle est particulièrement dynamique en Pologne (4,5 % par an en moyenne, contre 1,2 % en moyenne pour les pays de l’UE-14). En revanche, la densité de médecins progresse très peu dans d’autres pays, notamment en France, en Estonie et en Italie (respectivement +0,4 %, +0,4 % et +0,6 % par an). La densité de médecins généralistes diminue même ces dernières années en France.

En moyenne, dans l’UE-14, les médecins généralistes (et autres praticiens en médecine générale) ne représentent que 25 % des médecins. Ils représentent près de la moitié des effectifs en France, au Canada, en Irlande et au Portugal, mais seulement 7 % et 12 % respectivement en Grèce et aux États-Unis (second graphique suivant). Cette répartition dépend fortement de l’organisation des soins et des modalités de catégorisation des médecins. Dans certains pays, et notamment dans les pays nordiques et en Grèce, une grande partie des médecins sont ainsi regroupés dans la catégorie « autres médecins »

 

Le nombre de médecins pour 1 000 habitants est inférieur à la moyenne de l’UE, tandis que le nombre d’infirmiers est proche de la moyenne

 

Répartition entre médecins spécialistes et médecins généralistes en 2021 en %

 

 

b) Les évolutions en France

En outre la stabilité des médecins pour 1000 habitants en France masque un changement dans la composition du personnel médical français : le nombre de spécialistes a augmenté, mais le nombre de médecins généralistes a diminué. Avec l’accroissement de la population, la densité de médecins généralistes a diminué de 8 % entre 2012 et 2022. Bien que cette baisse ait été constatée dans la plupart des régions, elle a été plus importante dans certaines que d’autres, principalement autour de Paris (cartes suivantes). En revanche, la densité de spécialistes a augmenté au moins légèrement dans la plupart des régions.

Selon les estimations, 6 % de la population française vivait dans des zones où l’accès aux médecins généralistes était potentiellement limité en 2018 (DREES, 2020). Ces «déserts médicaux» se situent principalement dans les zones rurales et dans les banlieues lointaines des petites villes et des grandes agglomérations, principalement concentrées dans le centre et le nord-ouest de la France.

Les problèmes liés aux zones sous-dotées pourraient être exacerbés à l’avenir, une grande partie des médecins généralistes approchant ou dépassant déjà l’âge normal de la retraite. Les principaux facteurs déterminant le choix du lieu d’activité des médecins généralistes sont liés à leurs origines sociales et géographiques (par exemple, les médecins qui exercent dans les zones rurales ont souvent grandi dans une zone rurale) et aux choix de mode de vie, y compris les structures éducatives pour les enfants et les possibilités d’emploi pour les conjoints. Les conditions et l’environnement de travail jouent également un rôle important. Les aspects financiers jouent généralement un rôle moindre.

La densité de médecins généralistes a baissé dans la quasi-totalité des régions françaises entre 2012 et 2022

 

 

Ces 15 dernières années, les gouvernements successifs ont lancé des initiatives pour tenter de remédier au problème des déserts médicaux, notamment une allocation mensuelle pour les étudiants et les stagiaires en médecine qui acceptent d’exercer pendant une durée minimale dans les zones sous-dotées, des aides financières à l’installation des médecins dans ces zones, et différents allègements fiscaux. La principale mesure prise depuis 2007 pour tenter de résoudre ce problème a consisté à créer des centres et maisons de santé pluridisciplinaires pour permettre aux généralistes et aux autres professionnels de santé d’exercer leur activité dans un lieu commun. En 2022, on comptait 2 773 centres et maisons de ce type.

En outre, le nombre d’étudiants en médecine a fortement augmenté entre 2016 et 2020 et devrait encore augmenter de 20 % au cours de la période 2021-2025 par rapport à la période 2016-2020. Depuis 2017, 40 % des postes de stages de troisième cycle sont attribués à la médecine générale. Depuis septembre 2023, les étudiants de médecine générale doivent également suivre une année supplémentaire de formation de troisième cycle en milieu ambulatoire et sont encouragés à le faire dans les zones sous-dotées. À court terme, différentes stratégies sont utilisées pour remédier à la pénurie de médecins, y compris le recours croissant à des médecins intérimaires (encadré 2). Une loi de 2023 vise toutefois à limiter le recours aux médecins intérimaires et autres intérimaires hospitaliers en plafonnant la rémunération journalière, même si certains hôpitaux s’adaptent en proposant d’autres contrats pour contourner les nouveaux plafonds de rémunération.

D’autres mesures récentes visent également à étoffer les fonctions d’autres professionnels de la santé afin d’améliorer l’accès aux soins de premiers recours, en particulier les infirmiers et les pharmaciens. Une nouvelle fonction d’assistant médical a été introduite afin de réduire les tâches administratives des médecins généralistes.

Afin de contribuer à maintenir l’accès aux soins pendant la pandémie, la France a rapidement modifié le règlement sur les téléconsultations afin d’accroître le recours à celles-ci, et elles ont atteint un taux record de 24 % de l’ensemble des consultations médicales lors du premier confinement au printemps 2020. Leur popularité a ensuite diminué avec la levée des mesures de confinement, pour ne plus représenter que 4 % de l’ensemble des consultations médicales en 2021.

 

 

 

 

3/  l’hôpital public en France et en Europe

Un compte de la santé ne peut répondre à toutes les questions. L’hôpital est le principal producteur caractéristique de la santé. Le financement des hôpitaux est il suffisant ? Y a-t-il  trop de bureaucratie et de dépenses administratives dans les hôpitaux français ? Si oui, la solution passe-t-elle par une gestion plus souple ou par un mixte semi-privé ou semi-public? Les hôpitaux seraient-ils mal organisés? Répondent-ils à la demande, et à ce qu’on leur demande de faire? Faut il sous-traiter certaines tâches administratives et se concentrer sur le cœur de métier ? En outre, beaucoup de tâches ne peuvent elles être faites par des médecins de ville qui sont de moins en moins nombreux ou mal répartis sur le territoire? Ne faudrait-il pas aller au-delà et permettre à d’autres professions de pouvoir faire aussi s’occuper des patients de façon différente, comme les kinés, les infirmiers, avec des diplômes supplémentaires comme ceci existe dans d’autres pays?

On propose ici juste quelques éléments de réponses statistiques d’abord sur la question du financement  Des restrictions budgétaires seraient imposées depuis au moins dix ans à l’hôpital dans le cadre de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance-maladie). Ces économies sont réalisées par le biais du système de tarification à l’activité (T2A), en vigueur à l’hôpital public depuis 2004 et qui placerait les établissements de santé dans une logique de rentabilité.

Les 80 000 lits d’hospitalisations publics fermés depuis vingt ans seraient le résultat de ces restrictions budgétaires et de la volonté d’évoluer vers un système de santé moins centré sur l’hôpital. Le manque de moyens aurait également eu des répercussions sur les salaires du personnel hospitalier, les infirmiers français gagnant, par exemple, moins que dans les autres pays européens (voir ci-dessous).

Ces bas salaires, combinés à des conditions de travail souvent difficiles, auraient rendu les métiers hospitaliers peu attractifs. L’hôpital est aujourd’hui confronté à des difficultés pour recruter du personnel soignant, notamment des infirmiers ou des aides-soignants.

 

 

 

a) La rémunération des hôpitaux en France selon le système T2A

Selon le système T2A, les hôpitaux sont rémunérés en fonction du nombre de soins. Concrètement, le ministère de la Santé définit des « groupes homogènes de patients » qui sont traités pour la même pathologie et présentent le même niveau de sévérité. Pour chacun d’eux, il fixe un tarif qui correspond au montant perçu par l’hôpital pour traiter ce type de patient.

Quand ce système a été mis en place en 2004 dans les hôpitaux publics, il a succédé à un budget global qui était très critiqué. Chaque hôpital disposait d’un budget basé sur l’année précédente et qui variait peu. Ce système avait l’avantage d’offrir de la visibilité aux établissements, mais il manquait de flexibilité pour s’adapter aux évolutions de l’activité. Si un hôpital voyait son nombre d’opérations réalisées augmenter, son budget n’évoluait pas en conséquence. Le système T2A a donc été instauré pour corriger ce problème.

Mais la T2A placerait l’hôpital public dans une logique de rentabilité qui oblige les hôpitaux à être plus efficaces en optimisant leurs dépenses. Dans l’ancien système, si un établissement dépensait plus qu’un autre pour la même activité, il n’était pas sanctionné puisque son budget plus important était reconduit pour l’année suivante. A l’inverse, dans la T2A, si un établissement dépense plus que le tarif fixé, il va se retrouver déficitaire et est donc incité à faire des économies.

L’Ondam fixe un montant chaque année par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui est ensuite voté au Parlement (la loi de financement) et qui définit les montants à ne pas dépasser pour l’année à venir. L’Ondam fixe des budgets distincts pour les soins de ville (l’activité des professionnels de santé libéraux) et les établissements de santé (publics, privés ou médico-sociaux).

Sur les dix dernières années, le montant fixé par l’Ondam hospitalier aurait été constamment inférieur au budget dont auraient réellement besoin les hôpitaux, ce qui signifie que ces derniers doivent réaliser des économies. Par exemple, pour l’année 2018, la direction de la Sécurité sociale estimait que, si aucune mesure n’était prise, le budget des hôpitaux augmenterait de 4%, en raison, notamment, de l’accroissement de l’activité et du vieillissement de la population. Mais dans une logique de maîtrise du budget, l’Ondam avait fixé comme objectif de n’augmenter le budget que de 2%. Cette différence entre la hausse naturelle du budget et l’objectif fixé représente un peu plus d’un milliard et demi d’euros cette année-là (graphique suivant). Il s’agit donc d’économies qui doivent être faites dans les hôpitaux au cours de l’année. Ces économies demandées à l’hôpital sont de plus en plus importantes au fil des années. Sur la période 2011-2015, ce sont 500 millions d’euros d’économies qui ont été demandés annuellement, alors qu’entre 2016 et 2020, cette somme dépasse chaque année les 900 millions, atteignant même plus d’un milliard et demi d’euros en 2017 et 2018.

Économies demandées aux hôpitaux chaque année en millions d’euros (Différence entre les financements allouées par l’Ondam et l’évolution naturelle du budget des hôpitaux sans mesures de restriction)

Source : Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (annexe 7)

 

 

 

b) Le financement des hôpitaux  français

La Sécurité sociale est le principal financeur des soins hospitaliers (tableau suivant). En 2022, elle prend en charge 92,9 % de la dépense de soins hospitaliers publics et 90,5 % de celle du secteur privé. Cette part diminue de 0,3 point pour le secteur public en 2022 et augmente de 0,3 point pour le secteur privé. Les autres acteurs financent une part nécessairement beaucoup plus faible des soins hospitaliers : entre 3 % et 5 % selon le secteur pour les organismes complémentaires, autour de 1 % pour l’État (AME et dépenses au titre des anciens combattants).

Le reste à charge des ménages représente, en 2022, 1,5 % de ces dépenses pour les soins hospitaliers publics. Il est en hausse par rapport à 2021 de 0,7 point, revenant ainsi à son niveau d’avant crise. Le reste à charge en secteur privé est sensiblement plus élevé, à 6,5 % en 2022.

Financement des dépenses de soins hospitaliers en 2022Niveaux en millions d’euros, parts en %

 

Les investissements représentent 3,7 milliards d’euros en 2018. Après avoir progressé dans les années 2000 et atteint 10,1 % en 2009, l’effort d’investissement, ratio des dépenses d’investissement rapportées aux recettes, continue de reculer pour la neuvième année consécutive. Il s’établit à 4,6 %, contre 5,0 % en 2017 (graphique suivant). Cet effort est nettement inférieur à la dotation aux amortissements (6,8 % des recettes en 2018).

Évolution de l’effort d’investissement des hôpitaux publics depuis 2009

 

 

 

c) Quelques données non monétaires de l’hôpital en France

Pour réaliser ces économies, le ministère de la Santé utilise le mécanisme de tarification à l’activité (T2A) décrit plus haut : si, comme en 2018 par exemple, le ministère estime que l’activité hospitalière va augmenter de 4% mais qu’il veut limiter la hausse des dépenses à 2%, il va baisser les tarifs des opérations. Cela signifie qu’un établissement ayant réalisé d’une année sur l’autre la même activité va toucher moins d’argent puisque les montants de certaines opérations ont été abaissés. Ce sysème n’engendre-t-il pas un cercle vicieux ? « Pour compenser la baisse des tarifs de l’Ondam qui leur font perdre du budget, les établissements cherchent à augmenter l’activité. Mais cette hausse d’activité va elle-même pousser l’Ondam à baisser encore les tarifs pour ne pas dépasser les objectifs budgétaires ».

 

 

1 – Les lits d’hôpitaux

Depuis 2000,  les établissements médicaux publics français ont perdu 80 000 lits d’hospitalisation, c’est-à-dire un quart de leur capacité d’accueil. Cette baisse s’observe un peu partout sur le territoire, puisque presque tous les départements de France hexagonale ont vu ce nombre de lits d’hospitalisation dans le public baisser..

Dans certains départements ruraux, ce nombre a même été presque divisé par deux depuis 2000. C’est le cas des Alpes-de-Haute-Provence, de la Creuse ou de la Sarthe, qui affichent respectivement 44%, 45% et 48% de baisse. La plus forte chute du nombre de lits dans les établissements publics est observée en Ardèche, qui est passée de 2 460 à 1 132 lits, soit une baisse de 54%.

Évolution du nombre de lits d’hospitalisation dans les établissements publics entre 2000 et 2020 (Pourcentage d’évolution par département)Source : DREES

 

Les chiffres montrent effectivement que la baisse du nombre de lits est plus importante dans le secteur public. Quand les établissements publics ont vu leur capacité baisser de 25% en vingt ans, cette baisse a été de seulement 3% dans le privé à but lucratif, c’est-à-dire générant des bénéfices (les cliniques). Le privé à but non lucratif (les associations ou fondations) connaît, lui, une évolution plus proche de celle du public, avec une baisse de 21% sur vingt ans. Il est d’ailleurs important de noter que si les lits d’hospitalisation sont à la baisse, ce n’est pas le cas des lits de réanimation ou de soins intensifs, particulièrement sollicités depuis le début de la pandémie de Covid-19. Entre 2013 et 2019, leur nombre a augmenté d’un peu plus de 5%. Un graphique suivant montre aussi que le nombre de lits pour 1000 habitants reste assez élevé en France.

En 2021, le nombre total de lits d’hospitalisation complète recule à un rythme proche de celui observé avant la crise sanitaire (-1,0 %, contre -0,9 % par an en moyenne sur la période 2013-2019), principalement en MCO. Dans le secteur privé, le nombre de lits se replie en MCO, mais il progresse en PSY et en SSR. En revanche, le nombre total de places d’hospitalisation partielle augmente plus rapidement en 2021 qu’avant la crise sanitaire (+3,4 %, contre +2,5 % par an sur la période 2013-2019), avec une hausse concentrée sur le secteur privé.

 

Évolution du nombre de lits d’hospitalisation par secteurs entre 2000 et 2020

Source : DREES

Capacité d’accueil des établissements de santé en lits et en places à fin 2021

 

On reviendra sur les comparaisons internationales. On note déjà que l’Allemagne avait cinq fois plus de lits en réanimation que la France avant la crise du coronavirus. Le nombre de lits d’hôpitaux serait de 660 000 contre 400 000 en France, soit un ratio pour 1000 habitants de 8 en Allemagne et 6 en France, qui se situe toutefois au dessus de nombreux autres pays.

 

 

 

2 – Les effectifs

Les données de la Drees permettent d’observer l’évolution des effectifs à l’hôpital public depuis 15 ans. Si, entre 2004 et 2014, les effectifs ont globalement augmenté, de l’ordre de 1% par an en moyenne, une très légère baisse s’est amorcée depuis 2015.  « Le personnel médical ‘médecins, chirurgiens…) aurait augmenté. En revanche le nombre de soignants non-médicaux, c’est-à-dire les infirmiers et les aides-soignants, a nettement diminué. La charge de travail par personne aurait donc augmenté pour les soignants. ». Le cas des infirmiers qualifiés illustrerait bien les problèmes de l’hôpital public : « Il y a une difficulté particulière pour recruter des infirmiers plus qualifiés, car il y a peu de spécialisations reconnues pour les infirmiers. Et même quand elles existent, ces spécialisations n’apportent presque rien en termes de salaire et on ne leur donne pas vraiment plus de responsabilité ou d’autonomie. »

Évolution annuelle des effectifs à l’hôpital public de 2004 à 2019

Source : Drees

 

 

 

d) Comparaisons internationales des données physiques et monétaires des hôpitaux

D’autres facteurs complexes expliquent la crise de l’hôpital à laquelle on ne peut répondre ici. Des graphiques internationaux mettent en relief la répartition des personnels dans les hôpitaux, ou les effectifs pour 1000 habitants ou bien le nombre de lits pour 1000 habitants. Ces données sont parfois disponibles sur la base de l’OCDE. D’autres ratios physiques seraient à présenter à partir de cette source.

 

1 – Une mauvaise allocation des personnels à l’hôpital public ?

En France les hôpitaux publics pâtiraient-ils d’un trop-plein de postes administratifs ? Les données de l’OCDE  montrent que  dans les hôpitaux français, 405 600 personnes (ETP) œuvrent à des tâches autres que médicales, soit 34,5 % (comme en Belgique et aux Pays Bas) mais 26% en Allemagne et 22% au Danemark. Le nombre de personnels de terrain est donc largement insuffisant et cela se ressent notamment s’agissant de la proportion d’infirmiers et de médecins. Comme le notait l’OCDE dans son Panorama de la santé 2019, la France ne compte que 10,5 infirmiers pour 1000 habitants contre 12,9 en Allemagne. Le ratio est encore élargi s’agissant du nombre de médecins, qui ne sont que 3,2 pour 1000 habitants contre 4,3 en Allemagne.

S’agissant des effectifs administratifs, il faut pouvoir relier ces différences avec d’autres pays à la part des consommations intermédiaires (CI) dans la production des hôpitaux, afin de voir si ces tâches sont plus ou moins externalisées (sous-traitées) dans les pays où la part des personnels administratifs est basse. Or la France est le pays de l’UE où la part des CI est la moins élevée dans la production de l’ensemble de la santé, autrement dit où l’externalisation de services est assez faible  (voir page Comptabilité nationale et comparaisons internationales).

Il reste que les médecins ont souvent le sentiment de passer plus de temps à gérer des questions administratives, à « faire par exemple des tableaux Excel »,  qu’à soigner les patients. La mise en place des agences régionales de santé (ARS) en 2010 a par ailleurs bousculé les pratiques à l’intérieur même des établissements hospitaliers. Soutenant au départ le rôle des ARS comme autant de relais locaux des stratégies sanitaires et sociales de l’État, et appuyant les établissements dans leurs choix de gouvernance, la Fédération hospitalière de France (FHF) s’est régulièrement alarmée de l’étatisation et de la dérive bureaucratique des ARS qui imposent aux établissements des choix parfois uniquement guidés par des impératifs économiques et de rentabilité. Depuis 2010, la FHF demande que le rôle et les prérogatives des ARS soient revus, et souligne régulièrement les dialogues difficiles entre les directions des établissements et les ARS, au point que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité Sociale (MECSS) le souligne à son tour et que la question soit discutée au Sénat. Guy Collet donne un reflet d’un bilan général des ARS très mitigé : « Le fonctionnement des ARS est marqué par un excès de bureaucratie » […] « Les hôpitaux ont ainsi le sentiment d’une intrusion constante dans leur management et leur gestion » […] « elles doivent laisser aux professionnels le choix des voies et moyens pour atteindre ces objectifs. ».

 

Par ailleurs, ni la santé publique dans son ensemble, ni l’hôpital français ne semblent manquer d’effectifs : par rapport à la population totale, la France est le pays d’Europe où la densité des effectifs des hôpitaux pour 1000 habitants est l’une des plus élevés  (19,6  effectifs pour 1000 habitants, contre 16,5 en Allemagne), alors qu’avec 20 % de sa population âgée de 65 ans et plus, contre 16,5 % seulement pour la France, l’Allemagne devrait dépenser plus et avoir relativement plus d’effectifs par habitants.

Pourtant on assiste à un départ de personnels, notamment paramédicaux des hôpitaux, avec un gros problème de recrutement, qui s’est accentué après le Covid 19. Si il s’agit d’un problème « mondial », faut-il mettre en avant les conditions de travail en France, le salaire, ou encore le mauvais entretien des hôpitaux ?

 

 

 

 

 

 

2 – Les rémunérations

Enfin s’agissant des rémunérations, le problème concernerait  surtout le personnel soignant, infirmiers comme aides-soignants, qui représente un peu plus de 56% des effectifs à l’hôpital public : « Leurs rémunérations n’auraient pas suivi l’inflation, avec le gel répété du point d’indice, comme pour tous les fonctionnaires. Il y aurait donc eu pour eux une baisse du pouvoir d’achat. » La comparaison avec nos voisins européens montre effectivement que les infirmiers hospitaliers français sont les plus mal payés  (41 400 dollars par an en 2018) sauf en Italie. En parité de pouvoir d’achat, les chiffres de l’OCDE montrent que le personnel infirmier gagne ainsi 12% de plus au Royaume-Uni en 2018, 40% de plus en Allemagne, avec surtout une progression plus forte dans la plupart des pays qu’en France entre 2006 et 2018, sauf au Royaume-Uni et en Italie.

Rémunération annuelle brut moyenne des infirmiers à l’hôpital par pays, en dollars courants convertis en parité de pouvoir d’achat pour la consommation privée

 

 

 

 

 

 

VI – COMPARAISONS INTERNATIONALES DES DÉPENSES HOSPITALIÈRES

Dans la partie France du compte de la santé, les dépenses de santé hospitalières correspondent aux dépenses réalisées par les hôpitaux, hors soins de longue durée, achats de masques pour les hôpitaux et médicaments de rétrocession. Dans un objectif de comparaison internationale, les données n’étant pas renseignées pour l’ensemble des pays, ces dépenses ont été calculées uniquement grâce à la ventilation par fonction de dépenses de santé. Concrètement, les fonctions spécifiques de dépenses « soins courants en hospitalisation de jour » et « soins courants dans le milieu hospitalier » ont été isolées parmi les dépenses de soins courants.

Entre 2010 et 2019, la croissance des dépenses hospitalières était en moyenne de 1,8 % par an dans les pays de l’Union européenne à 14 (UE-14) . Sur cette période, les dépenses hospitalières avaient augmenté sensiblement moins en France (+0,2 % par an en moyenne) ; à l’inverse, elles avaient augmenté de 4,5 % par an en moyenne en Belgique.

 

 

1/ Dans la quasi-totalité des pays étudiés, un financement des hôpitaux majoritairement public

Dans la très grande majorité des pays étudiés, plus de 80 % des dépenses de soins courants à l’hôpital sont financées par un organisme public (graphique suivant) : l’État (ou d’autres autorités locales), ou l’assurance maladie obligatoire. L’assurance privée (obligatoire ou facultative) participe au financement de ces soins pour plus de 10 % dans seulement quatre pays de l’OCDE : en Suisse (47 %), aux États-Unis (41 %), en Irlande (22 %) et aux Pays-Bas où elle finance la quasi-totalité des frais hospitaliers (86 %). Après financement de l’État, des assurances maladie et des assurances privées obligatoires, le reste à charge (RAC) des ménages est très faible pour les soins courants à l’hôpital : il est inférieur à 10 % dans la très grande majorité d’entre eux. Il reste néanmoins élevé en Grèce (25 %), en Belgique (12 %), au Portugal (11 %), à Malte (15 %) et en Slovaquie (13 %). Le reste à charge (RAC) des ménages est en revanche quasiment nul en France (1,6 %), en Allemagne (1,1 %) et au Royaume-Uni (1,1 %) en 2021.

Dépenses de soins courants à l’hôpital en 2021 par habitant en % des dépenses de soins courants à l’hôpital (à gauche) et en % du PIB (à droite)

 

 

 

2/ Les États-Unis ont des dépenses de soins courants en euros deux fois supérieures au reste des pays

En 2021, la France consacre 1 220 euros par an et par habitant pour les soins courants hospitaliers (en euros courants). C’est moins que l’Allemagne (1 470 euros) et beaucoup moins que les États-Unis (3 950 euros), mais un peu plus que le Royaume- Uni, la Finlande, l’Espagne (respectivement 1 120, 1 030 et 770 euros par habitant et par an) et que les NM-13 (370 euros en moyenne par habitant et par an) (graphique suivant). De manière générale, les écarts entre les pays sont très élevés : la consommation de soins hospitaliers aux États-Unis est ainsi près de 3,2 fois supérieure à celle de la France.

Cet indicateur en euros courants ne permet toutefois pas de prendre en compte les différences de niveau de vie et de volume de soins qui existent entre les pays de l’OCDE. Afin de corriger les différences de prix des produits et services hospitaliers et d’apprécier les différences de volume de soins consommés à l’hôpital dans les pays étudiés, les dépenses de soins hospitaliers ont été exprimées en parités de pouvoir d’achat, restreintes au domaine hospitalier (PPA services hospitaliers) (voir page Parité de pouvoir d’achat).

Cette correction réduit les différences entre les pays : les pays qui pratiquent les prix les plus élevés en euros courants (États-Unis, Norvège, Suisse) et ceux qui pratiquent les prix les plus faibles (Lettonie, Pologne, Bulgarie) convergent vers des niveaux plus proches de volumes de soins. À titre d’exemple, la prise en compte des prix relativement élevés pratiqués aux États-Unis réduit l’écart avec la France (pays de référence dans notre analyse), même si les États-Unis restent les plus grands consommateurs de services de santé hospitaliers parmi les pays étudiés. Ainsi, si les dépenses de soins hospitaliers par habitant aux États-Unis sont 3,2 fois supérieures à celles de la France, ce ratio diminue à 1,7 fois en corrigeant des PPA santé (2 080 euros PPA santé aux États-Unis contre 1 220 euros PPA santé par habitant et par an en France), soit une réduction de l’écart initial de près de la moitié.

D’autre part, si les NM-13 consacrent en moyenne un plus faible montant (en euros courants) par an et par habitant pour les soins courants à l’hôpital par rapport à la France, la différence est termes de volume de soins hospitaliers consommés est marginale : ils bénéficient ainsi d’un volume de soins relativement similaire (respectivement 1 220 et 1 600 euros en PPA services hospitaliers en France et en moyenne dans les NM-13). En pratique, les différences observées en euros courants entre la France et les NM-13 sont majoritairement dues au faible coût de la main-d’œuvre dans les pays d’Europe centrale et orientale. Le secteur hospitalier étant un secteur relativement intensif en main-d’œuvre, et les salaires étant inférieurs dans ces pays, les prix des services hospitaliers y sont nécessairement plus faibles.

Dépenses des soins courants à l’hôpital en 2021 par habitant et volume de soins En euros courants et en PPA services hospitaliers par habitant

 

  • En milieu hospitalier uniquement ; ** Pour les États-Unis, la ventilation des dépenses par régime de financement n’étant pas disponible par les données HC (voir annexe 1), elle a été calculée grâce aux données HP, puis appliquée sur les dépenses de soins courants à l’hôpital ; *** Données 2020.
  • Note > Les PPA santé utilisées ici proviennent de calculs effectués par l’OCDE sur un panier de produits et services hospitaliers standards pour l’année 2017 (OCDE, 2019). Elles permettent de neutraliser les différences de consommation et de prix spécifiques au secteur des services hospitaliers. On fait ici l’hypothèse qu’elles n’ont pas été modifiées entre 2017 et 2020. Sur ce graphique, les PPA utilisent l’euro comme monnaie nationale et la France comme pays de référence (base 1).
  • Lecture > Aux États-Unis, en 2021, chaque habitant consomme 3 950 euros courants et 2 080 euros en PPA services hospitaliers pour des soins courants à l’hôpital. Comme la France est utilisée comme pays de référence (base 1) pour le calcul des parités de pouvoir d’achat de ce graphique, chaque euro présenté correspond à un « euro français ».
  • Sources > OCDE, Eurostat, OMS, Système international du compte de la santé (SHA) ; calculs DREES.

 

 

 

 

3/ Une offre d’hospitalisation répartie entre hôpitaux publics, privés à but non lucratif et privés à but lucratif

Si le financement est public, les hôpitaux ne le sont pas nécessairement. En Europe, trois types de structure sont possibles pour les hôpitaux : les hôpitaux publics, les hôpitaux privés sans but lucratif (souvent associatifs ou sous la forme de fondations) et les hôpitaux privés à but lucratif. L’offre d’hospitalisation complète (séjours avec nuitées), appréhendée par le nombre de lits, est en grande partie proposée par des institutions hospitalières sans but lucratif dans les pays de l’OCDE étudiés ici (graphique suivant). En France, 76 % des lits sont en effet proposés par des hôpitaux à but non lucratif (publics ou privés).

 La répartition des lits entre le public et le privé diffère toutefois selon le pays. La majorité des pays fonde la quasi-totalité de leur offre hospitalière sur les hôpitaux publics : au Royaume-Uni, au Canada, en Slovénie, en Lituanie, en Croatie, en Finlande, en Estonie, au Danemark, en Roumanie et en Lettonie les établissements publics offrent plus de 90 % des lits d’hôpitaux (contre 61 % en France). Aux Pays- Bas, en Belgique et aux États-Unis, ce sont les établissements privés sans but lucratif qui mettent à disposition le plus de lits (respectivement 100 %, 73 % et 61 %). Les Pays-Bas ont ainsi confié l’intégralité de la gestion des hôpitaux au secteur privé sans but lucratif. Le reste des pays s’appuient à la fois sur le secteur public et le secteur privé. Par ailleurs, si la part des lits pourvus par des institutions privées lucratives est inférieure à 20 % dans la majorité des pays étudiés, ce n’est pas le cas en Italie, en Allemagne, en Grèce, en Bulgarie et en France : dans ces pays, respectivement 36 %, 32 %, 31 %, 26 % et 24 % des lits sont proposés par des institutions privées à but lucratif, témoignant ainsi de grandes disparités au sein de l’Europe en matière de gestion de l’offre de lits.

 Si l’État régule l’offre hospitalière dans la plupart des pays, de nouveaux statuts apparaissent en Europe et favorisent une autonomie de gestion des établissements de santé plus ou moins étendue (Haute autorité de santé, 2009). En Allemagne, depuis le début des années 2000, les Länder et les communes – qui avaient traditionnellement la charge de l’infrastructure hospitalière – se désengagent de plus en plus souvent de la gestion des hôpitaux au profit de compagnies privées à cause de difficultés économiques.

Répartition du nombre de lits selon la structure hospitalière en 2021en %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VII – LE PARTAGE VOLUME-PRIX DE LA SANTÉ NON MARCHANDE

Le volume de la production non marchande est calculé à partir d’une méthode « output » par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) [8]. Les soins hospitaliers publics sont considérés comme des services non marchands. Les prix ne sont pas directement observables. L’indice de prix est donc déduit par une mesure directe du volume de service fournie par les établissements de santé publics (méthode output à partir des divers indicateurs d’activité hospitalière fournis par l’enquête Statistique annuelle des établissements [SAE] réalisée par la DREES, ainsi que des données d’activité fournies par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH).

L’indice de volume de la production est construit en pondérant par leurs coûts relatifs les indices de variation de multiples indicateurs d’activité hospitalière fournis par l’enquête « Statistique Annuelle des Établissements » (SAE), ainsi que des indicateurs d’activité obtenus via le « Programme de médicalisation des systèmes d’information » (PMSI).

La production de santé non marchande des hôpitaux se décompose en un certain nombre de traitements pouvant être regroupés en trois grands postes. Pour chacun de ses grands postes, un indice de volume est construit :

* les soins de court séjour médical-chirurgie-obstétrique (MCO) Les données du PSMI fournissent par Groupe Homogène de Malades (GHM, au nombre de 600) des nombres de séjours et de journées (assimilé à un indice de quantité) ainsi que des coûts unitaires par séjour (utilisés pour la pondération).Ces différentes données permettent de construire un indice de volume.

* les soins de suite et de réadaptation (SSR) Les données de la SAE fournissent des quantités sur le nombre d’entrées en hospitalisation complète et partielle. Ces informations sont assimilées à un indice de volume.

* la psychiatrie

Les données de la SAE fournissent des quantités sur le nombre d’entrées en hospitalisation complète et partielle. Ces informations sont assimilées à un indice de volume.

 

 

 

1/La moyenne des évolutions des quantités pondérées par le poids financier de chaque poste

En pratique, il faut disposer d’une mesure des quantités à un niveau de postes fin et dans une nomenclature qui soit la même entre l’année de base et l’année considérée (par exemple une version de la nomenclature des Groupes homogènes de malades, GHM). Si cette condition n’est pas remplie, un travail préliminaire de reclassement doit être effectué pour disposer d’une nomenclature constante, comme cela est fait dans le cas des GHM lors des changements de nomenclature.

L’indice de volume est alors défini comme l’évolution de la valeur de la production au prix de l’année de base. Dans le cas d’indices chaînés comme c’est le cas dans le Compte de la santé, l’année de base est simplement l’année précédente. L’indice de volume possède une autre expression équivalente, qui est celle utilisée en pratique pour les calculs. Dans cette expression, l’évolution du volume est obtenue comme la moyenne des évolutions des quantités relatives à chaque poste élémentaire, moyenne pondérée par le poids financier de chaque poste l’année de base. Si i désigne un poste dont on observe les quantités, l’évolution par rapport à l’année de base de ces quantités, le poids financier du poste de l’année de base, l’indice de volume global se calcule selon la formule suivante.

 

 

Pour calculer l’indice de volume, il suffit donc de disposer de l’évolution des quantités au sein de chaque poste élémentaire, ainsi que de la structure en valeur de ces postes l’année de base. Dans la formule, la pondération est l’élément qui différencie l’indice de volume d’une simple addition de toutes les quantités. Cette pondération traduit le fait que les quantités élémentaires
ne peuvent être additionnées simplement car les produits élémentaires correspondants sont dissemblables et leur agrégation doit tenir compte des différences de qualité existant entre eux. Une méthode aussi fruste qu’une simple sommation des quantités négligerait par exemple l’effet de la déformation de la structure entre produits de qualités différentes.

Au niveau des postes les plus élémentaires, l’indice de volume se confond avec l’évolution de la quantité. Mais ce n’est pas le cas à un niveau plus agrégé, où le volume devient un indice synthétique qui ne mesure pas seulement l’évolution des quantités produites mais également, par le truchement de la pondération, celle de la qualité des produits. Ainsi, si la structure d’activité se déforme en faveur des actes ou produits les plus coûteux, le volume peut augmenter même avec une diminution ou une stagnation des quantités.

La modification de la structure des produits résulte en général d’une augmentation de la qualité des produits, les produits anciens de moindre qualité étant peu à peu remplacés par des produits nouveaux. Lorsque la nomenclature des produits est fortement revue, l’effet structure ainsi calculé peut également inclure un effet codage non négligeable. C’est ce qui s’est passé en 2009 avec le passage à la version 11 de la classification des GHM (groupes homogènes de malades), qui peuvent être considérés comme des produits élémentaires. La nouvelle version   considérablement accru le nombre de postes de la nomenclature, en distinguant dans la V11 plusieurs niveaux de sévérité pour chaque ancien poste de la V10. À l’effet qualité, qui correspond à un accroissement réel de la lourdeur des cas traités s’est ajouté un effet purement dû au codage. La séparation de l’effet qualité pur de l’effet codage, qui se traduit dans l’observation par une augmentation des GHM avec complications, est statistiquement difficile à établir. Pour ce qui est du passage à la V11 des GHM, l’ATIH donne une estimation de l’effet codage qui se situerait autour de 2 % pour une augmentation du volume économique de 3,8 % (établissements ex-DG).

 

 

 

 

2/ Une méthode adaptée aux comparaisons internationales

Le compte de la santé est fréquemment utilisé pour les comparaisons internationales de dépenses de santé. Or la comparabilité internationale est l’un des critères mis par Eurostat dans sa préconisation de la méthode « output ». En effet, elle consiste à calculer un indice de volume à partir des quantités observées. Elle se rapproche en cela de l’idée intuitive de volume et cette construction peut être faite de manière assez proche d’un pays à l’autre. Elle a par ailleurs l’avantage de moins dépendre que les autres méthodes du cadre institutionnel et des normes propres à chaque pays, comme par exemple les modes de régulation. Elle est également moins sensible à l’évolution institutionnelle.

D’un point de vue pratique et contrairement à l’approche par les tarifs ou par les prix, la méthode « output » apparaît relativement facile à mettre en œuvre dans la mesure où il existe une grande partie de l’activité des hôpitaux pour laquelle on peut mesurer une évolution de l’activité. Elle est toutefois subordonnée à la disponibilité des données à un niveau fin.

La méthode permet en outre de se dispenser de certaines hypothèses implicites, comme c’est le cas par exemple dans l’approche par les facteurs de production (méthode « input »), qui fait l’hypothèse d’un partage volume/prix des facteurs de production identique à celui de la production et néglige de ce fait l’évolution éventuelle de la productivité.

 

 

2/  Un indice de volume global basé sur l’activité de trois secteurs : MCO, PSY, et SSR

L’indice de volume calculé par la méthode « output » possède de bonnes propriétés d’agrégation, ce qui permet, pour obtenir l’indice global, de procéder de manière emboîtée, en calculant des indices de volume à un niveau intermédiaire d’agrégation et en agrégeant ensuite ces indices intermédiaires avec la bonne pondération. Cette propriété permet même d’améliorer l’estimation en intégrant au niveau intermédiaire de calcul des informations extérieures sur la structure financière.

Dans le cadre du Compte de la santé, cette propriété est utilement mise à contribution pour décomposer le calcul en faisant apparaître comme niveau intermédiaire les trois grands domaines d’activité aux modalités de financement différenciées, dont on connaît par ailleurs les poids financiers relatifs : soins de court séjour de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO),soins de suite et de réadaptation (SSR) et psychiatrie (PSY). Pour ces trois grands domaines, les données existantes permettent une approche par la mesure de l’activité. Il est ainsi possible de calculer des indices de volume élémentaires pour chacune des trois grandes activités du secteur public hospitalier.

Dans le calcul de l’indice global, l’activité MCO est prépondérante en termes de poids financier et contribue pour l’essentiel à la valorisation de l’indice de volume global (tableau suivant). Néanmoins, la contribution de chaque domaine ne dépend pas seulement de la pondération mais également de l’ordre de grandeur des indices élémentaires. Ainsi, le poste SSR, malgré un poids relativement réduit, peut avoir une contribution significative les années où son activité est très dynamique.

Calcul final de l’indice de volume  » output  » entre 2009 et 2010

 

 

3/ Les évolutions des prix de la santé marchande et non-marchande

Le prix relatif de la production de la santé et soins évolue plutôt plus faiblement en France que celui des autres pays. Les courbes de la Finlande et de la Suède (pays de l’ouest de l’UE) augmenteraient fortement. Le prix relatif de la production la santé par rapport au total de l’économie évolue faiblement en France comme en Belgique (103,8), un peu plus faiblement qu’en Allemagne (105,3) voire aux Pays-Bas (111,8). On constate toutefois une évolution un peu plus forte du prix relatif de la VA de la Santé en France que dans l’UE des 27 pays : +17,6% contre +16,4% en 2020 base 100 en 2000. Plus surprenant est l’évolution du prix relatif de la VA en Allemagne : +5,7%. Le prix relatif de la VA de la santé évolue toutefois plus faiblement qu’en Belgique : +22% alors que les prix relatif de production évoluent au même rythme (voir ci-dessus).

Évolution des prix de production de la santé humaine base 100 en 2000 en %

Évolution des prix relatifs (à l’ensemble) de production de la santé base 100 en 2000 en %

Évolution des prix relatifs (à l’ensemble) de la valeur ajoutée de la santé base 100 en 2000 en %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VIII – QUALITÉ DES SOINS ET POLITIQUE DE SANTÉ

On vient de voir que la question de la qualité est déterminante dans le calcul du partage volume-prix. Mais elle l’est aussi dans l’analyse de la santé d’un pays.  Il est très difficile d’évaluer cette qualité et de la comparer entre les pays (voir page Secteur tertiaire). La qualité ne signifie pas exactement le résultat pour l’usager qui se mesure par des enquêtes de satisfaction. Elel ne signifie pas non plus le bien-être. Cette qualité dans la santé concerne les équipements à commencer par les matériels et les lits des hôpitaux qu’on a déjà étudié pour la France. Ici il s’agit de comparaisons entre pays.

L’espérance de vie serait plus un indicateur de bien-être qu’un indicateur de résultat (voir page PIB et bien-être). Il nous semble que le résultat tient plutôt aux besoins de santé non satisfaits ou aux places (lits) dans les hôpitaux. mais d’autres indicateurs sur la qualité des soins devraient être pris en  compte (voir page Comptes satellites).

 

 

1/ Les déserts médicaux

Sur l’ensemble du territoire, la densité médicale représente le nombre de médecins par habitants. Au 1er janvier 2022, l’Atlas de démographie médicale dénombre 121 médecins généralistes en moyenne pour 100 000 habitants (141 en 2010). Les disparités entre les territoires demeurent importantes, mais elles n’opposent plus les territoires ruraux aux villes. En métropole, les écarts de densité en médecine générale entre les départements les plus défavorisés et les départements les mieux dotés sont de l’ordre de 1 à 2.

En 2021, comme en 2012, les médecins sont, davantage que la population totale, concentrés dans la moitié sud de la France ainsi qu’en Île-de-France. La densité de médecins la plus élevée est en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (377 médecins pour 100 000 habitants). La région Île-de-France bénéficie d’une couverture importante avec 354 médecins pour 100 000 habitants mais avec une situation contrastée. L’Île-de-France est la région la mieux dotée en spécialistes mais la densité en médecins généralistes y est inférieure de plus de 11% à la moyenne nationale.

Les quartiers prioritaires de la ville, mais aussi des départements comme la Seine-Saint-Denis, sont particulièrement touchés par le manque de médecins (baisse de la densité médicale de 5,4% en 2022). Les spécialistes y sont en moyenne trois fois moins nombreux que dans les autres unités urbaines. 93 départements voient leurs effectifs de généralistes baisser et les mesures prises depuis 2012 pour réduire les disparités territoriales n’ont pas produit les effets escomptés. Les agences régionales de santé (ARS) définissent, par exemple, des zones déficitaires. La quasi-totalité des installations de médecins se fait en dehors de ces zones malgré les aides à l’installation qui y sont proposées.

Les inégalités sont avant tout infra-départementales. Les zones les moins dotées sont les zones rurales en périphérie des villes, ou celles, proches de grandes villes mais qui échappent à leur « rayonnement » économique. Cette situation est d’autant plus problématique qu’elle suit les contours des inégalités sociales et les accentue.

Pendant que les demandes de soins augmentent sur le territoire français, l’offre d’accès aux soins de premier recours (généralistes, spécialistes en accès direct, infirmiers, kinésithérapeute, dentistes, orthophonistes, psychologues) ne suivrait pas. Les écarts continuent de s’accroître entre les zones géographiques, et cela s’accompagne souvent d’une dégradation de la relation entre professionnels de santé et patients.

Depuis la fin des années 90, différents plans se sont succédé pour tenter d’organiser les soins de premier recours entre les territoires. La Cour des comptes constate que les aides proposées ne sont pas ciblées et peu tournées vers les territoires les plus en difficultés. Les mesures sont ambitieuses, mais trop dispersées selon la Cour des comptes qui affirme que l’ « organisation des soins de premiers recours n’a pas été structurée comme une politique publique ».

Pour mieux organiser l’accès aux soins de santé, la Cour des comptes propose de mobiliser les groupements hospitaliers de territoire afin qu’ils déploient des centres de santé dans les endroits carencés. Elle propose d’améliorer la coopération entre les professionnels de santé en passant par des aides pour favoriser la coordination.

Plusieurs propositions font écho aux recommandations du rapport d’information du Sénat sur « les collectivités à l’épreuve des déserts médicaux ». Datant de 2021, le rapport défend une série de propositions pour inciter « l’installation des médecins dans les zones sous-denses ». La Cour des comptes encourage quant à elle « les médecins à venir exercer à temps partiel dans les zones manquant de professionnels de santé »Elle préconise également d’allouer des aides à la création d’emplois d’assistants médicaux sur des critères de priorités territoriales.

La loi Valletoux de 2023 est une première étape sur le chemin de l’accès aux soins partout et pour tous. Elle représente un palier essentiel et propose quelques dispositions concrètes alors que 87 % du territoire français est dans une situation de « désert médical ». La loi encourage l’installation de longue durée des médecins sur un territoire par des mesures coercitives. Pour y arriver, elle interdit notamment l’intérim en début de carrière et limite à une fois tous les dix ans les bénéfices de certaines aides à l’installation pour les médecins ou certaines exonérations. Mais pour le moment, le système de santé est bien loin d’être sorti d’affaire.

Densités régionales de chirurgiens-dentistes (anciennes régions) en 2012 et 2021

 

 

 

 

2/ Mortalité évitable et dépenses de prévention

a) Mortalité évitable

On distingue deux types de mortalité dite évitable : (1) par la prévention primaire, c’est-à-dire avant que les effets sur la santé ne se produisent et (2) par le traitement, grâce au dépistage des maladies à un stade précoce, via des soins de santé efficaces et prodigués à temps. La somme de ces deux taux constitue l’indicateur global de mortalité évitable.  Le taux de mortalité évitable grâce à la prévention primaire est de 147 décès pour 100 000 habitants en 2020 (graphique suivant). Il est inférieur à 125 en Suède, à Malte et à Chypre (respectivement 123, 115 et 112 décès évitables pour 100 000 habitants). À l’inverse, les taux les plus élevés de décès prématurés sont observés en Roumanie (358 décès pour 100 000), en Hongrie (350 décès pour 100 000) et en Lituanie (340 décès pour 100 000), et tiennent pour l’essentiel à des taux nettement plus élevés de mortalité par cardiopathie ischémique, accidents et consommation d’alcool dans ces pays, ainsi qu’à une forte prévalence du cancer du poumon en Hongrie (OCDE, 2021). En France, en 2020, 143 décès sont évitables par la prévention primaire pour 100 000 habitants ; ce taux est légèrement inférieur à la moyenne des pays de l’UE-14, malgré une consommation d’alcool et de tabac supérieure à la moyenne européenne.

En 2020, le taux de mortalité évitable grâce aux traitements est bien inférieur à celui de la mortalité évitable grâce à la prévention. Il s’établit en moyenne à 68 pour 100 000 habitants dans les pays de l’UE-14 et à 149 dans les pays ayant rejoint l’UE après 2004 (NM-13), La France et les Pays-Bas présentent le plus faible taux de mortalité évitable par traitement (59 décès pour 100 000 habitants), suivi du Luxembourg (60 décès pour 100 000 habitants). En France, les premières causes de  mortalité évitable grâce à des traitements sont le cancer colorectal, la cardiopathie ischémique, le cancer du sein, les accidents vasculaires cérébraux et la pneumonie. Trois pays présentent des niveaux de mortalité évitable grâce aux traitements supérieurs à 200 décès pour 100 000 habitants : la Roumanie, la Bulgarie et la Lituanie (avec respectivement 235, 213 et 200 décès pour 100 000 habitants).

Mortalité évitable grâce aux traitements et à la prévention primaire, en 2020, 2019 et 2011 pour 100 000 habitants

 

 

 

b) Dépenses préventives

Les soins préventifs sont définis dans le Système du compte de la santé, harmonisé au niveau international (SHA), comme « toute mesure visant à réduire ou éviter le nombre ou la gravité des blessures et des maladies, leurs séquelles et leurs complications ». Ils incluent six catégories de soins dont les définitions peuvent différer selon les pays. Le tableau suivant résume, pour ces six catégories, les définitions et les principales variations inter-pays. Avec 6,0 % des dépenses de santé courantes dans l’ensemble de l’UE, les soins de santé préventifs ont joué un rôle nettement plus important dans le système des comptes de la santé en 2021 qu’en 2020, où leur part était de 3,5 %.

En 2021, la part des dépenses de soins de santé préventifs dans les dépenses totales de santé était la plus élevée parmi les États membres de l’UE en Autriche, à 10,3 % (graphique suivant). Le Danemark (8,9 %) et les Pays-Bas (8,7 %) ont enregistré les parts les plus élevées, tandis que des parts supérieures à 7,0 % ont également été enregistrées pour l’Estonie, la Finlande, la Tchéquie et la Hongrie. À l’autre extrémité du classement, quatre États membres ont déclaré des parts inférieures à 3,0 %: Chypre (2,2 %), la Pologne (2,1 %), la Slovaquie (1,6 %) et Malte (1,2 %).

Pour la quasi-totalité des pays étudiés, à l’exception du Canada et de Malte, une augmentation significative des dépenses consacrées à la prévention entre 2019 et 2021 est observée. Ce dynamisme des dépenses de prévention s’explique en partie par l’augmentation des dépenses de dépistage et de vaccination contre le Covid-19. Cette proportion a ainsi rapidement augmenté en Autriche (+8,2 pp), au Royaume-Uni (+7,5 pp), au Danemark (+6,7 pp) et aux Pays-Bas (+6,3 pp). En France, la part des dépenses de santé consacrée à la prévention a augmenté de 3,5 pp entre 2019 et 2021.

Allant d’un pic de 5,6 % des dépenses de santé courantes en 2020 à un faible niveau de 1,0 %, les soins de santé préventifs constituent une fonction relativement faible au sein du système du compte de la santé (second graphique suivant) [7].

En 2020, la part des dépenses de santé préventive dans le total des dépenses de santé était la plus élevée en Finlande (5,6 %), suivie de près par l’Italie (5,5 %) et le Luxembourg (5,3 %). Dans six autres États membres de l’UE, cette part était également supérieure à la moyenne de l’UE (3,4 %). À l’autre extrémité du classement, six États membres ont déclaré des parts inférieures à 2,0 %: Pologne, Portugal (1,9 %), Grèce (1,8 %), Chypre (1,7 %), Malte (1,5 %) et Slovaquie (1,0 %).

Définitions des dépenses de prévention dans SHA

Dépenses de prévention en 2021 et 2019 en % de la DCSi

Dépenses de santé préventive en pourcentage des dépenses courantes de soins de santé, 2021 (%)

 

Les dispositifs de financement des soins de santé sont une composante structurelle des systèmes de financement des soins de santé: ils sont les types d’accords de financement par lesquels les gens obtiennent des services de santé [6].

Le graphique suivant montre que les régimes publics ont été le principal mécanisme de financement des soins de santé préventifs en 2021 dans 24 États membres de l’UE. Les parts variaient entre ces 24 États membres de 55,3 % en Slovénie à 98,5 % en Lettonie, 98,9 % en Espagne, 99,5 % au Danemark et 100,0 % à Malte. En moyenne, les régimes publics ont financé 63,7 % des soins de santé préventifs dans l’ensemble de l’UE en 2021.

Les régimes d’assurance maladie à cotisations obligatoires et les comptes d’épargne médicale obligatoire (CMSA) (qui font généralement partie du système de sécurité sociale) ont été le deuxième mécanisme de financement le plus important, représentant une part de 28,6 % des dépenses totales de santé préventive de l’UE en 2021. Il s’agissait des principaux mécanismes de financement des soins de santé préventifs dans les trois autres États membres de l’UE: Croatie (81,6 %), Tchéquie (76,4 %) et France (74,2 %).

En 2021, les régimes de financement des entreprises représentaient 5,9 % des dépenses de soins de santé préventifs dans l’UE. Dans sept États membres de l’UE, cette part dépassait 10,0 %, les deux parts les plus élevées étant enregistrées au Portugal (25,2 %) et en Pologne (27,0 %). Avec une part moyenne de 1,1 %, les paiements directs des ménages n’ont pas joué un rôle important dans le financement des soins de santé préventifs au sein de l’UE en 2021. La contribution relative de ce moyen de financement a été la plus élevée en Irlande (5,3 %).

Dépenses en soins de santé préventifs analysées par système de financement, 2021 (%)

 

 

 

3/ Comparaisons internationales des soins de longue durée

En 2021, les dépenses consacrées aux soins de longue durée (SLD), dans leur composante médicale, atteignent 1,9 % du produit intérieur brut (PIB) en moyenne dans l’UE-14, soit 17,2 % de la dépense courante de santé au sens international (DCSi). Ces dépenses regroupent les SLD aux personnes âgées en perte d’autonomie, mais aussi aux personnes en situation de handicap, qui relèvent de la santé1. Les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et l’Allemagne consacrent entre 2,5 % et 3,1 % du PIB aux SLD en 2021 (graphique suivant). En effet, les pays scandinaves et du nord de l’Europe ont intégré depuis longtemps la prise en charge des personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap dans les services de santé, ainsi que dans les services sociaux. Ils proposent notamment des services de soins à domicile très développés. À l’autre extrémité, la Grèce, la Hongrie, la Slovaquie et la Lettonie consacrent moins de 0,4 % de leur PIB en 2021 aux SLD. De manière générale, l’investissement dans ce domaine est plus faible dans les pays du sud et de l’est de l’Europe. Avec 2,0 % de son PIB consacré aux SLD, la France se positionne légèrement au dessus de la moyenne des pays de l’UE-14. Au-delà des dépenses prises en compte dans la DCSi, des services et aides sociales accompagnent la dépendance et le handicap2 dans plusieurs pays, mais ceux-ci sont moins bien renseignés dans le Système des comptes de la santé harmonisée au niveau international (SHA). Cette composante sociale des SLD peut atteindre 1,3 % du PIB aux Pays-Bas. Les pays du nord de l’Europe proposent le plus souvent ces dispositifs sociaux. En France, cette composante sociale représente 0,6 % du PIB, ce qui porte l’effort total des SLD à 2,6 %.

L’indicateur global de restriction d’activité (Global Activity Limitation Indicator [GALI]) et les indicateurs portant sur les limitations fonctionnelles et sensorielles des individus permettent de comparer les différences de prise en charge des personnes âgées de 65 ans ou plus nécessitant des SLD. En première analyse, de façon relativement paradoxale, il existe une corrélation négative marquée entre la part de personnes déclarant souffrir de handicap ou de perte d’autonomie dans un pays et les dépenses dans les SLD. L’OCDE fait un constat similaire à partir de données administratives sur les bénéficiaires de SLD

Dépenses de soins de longue durée en 2021. Composantes médicales et sociales en % du PIB (à gauche) ; proportion de personnes âgées de 65 ans ou plus, handicapées ou de perte d’autonomie au sens du GALI, en % (à droite)

 

 

4/ Les lits d’hôpitaux dans l’UE

En 2019, 2,4 millions de lits d’hôpitaux étaient disponibles dans l’UE. Près des trois quarts (72,8 %) d’entre eux concernaient des soins curatifs [9]. La plus grande part du reste était constituée de lits de soins de réadaptation, suivis des lits de soins de longue durée et des lits à d’autres fins. De récents changements méthodologiques dans la classification des lits d’hôpitaux ont conduit à inclure les lits de soins psychiatriques parmi les différentes catégories de lits (curatif, de réadaptation, de soins de longue durée et autres). Cependant, un sous-total distinct pour les lits de soins psychiatriques (dans les quatre catégories) est également disponible (tableau suivant).

Il y avait, en moyenne, 532 lits d’hôpitaux pour 100 000 habitants en 2019 dans l’ensemble de l’UE. Parmi les États membres de l’UE, l’Allemagne a non seulement enregistré le plus grand nombre de lits d’hôpitaux (658 000), mais également le nombre le plus élevé par rapport à la taille de sa population, avec 791 lits pour 100 000 habitants (voir tableau 1). La Bulgarie, l’Autriche et la Roumanie ont également enregistré plus de 700 lits d’hôpitaux pour 100 000 habitants, le ratio en Hongrie étant juste en dessous de ce niveau. L’Espagne, l’Irlande, le Danemark et la Suède ont enregistré le plus faible nombre de lits d’hôpitaux par rapport à la taille de leur population en 2019, tous inférieurs à 300 lits pour 100 000 habitants.

Les lits de soins curatifs représentaient plus de 90 % de tous les lits d’hôpitaux au Danemark, au Portugal, en Irlande, en Slovénie et en Suède. En revanche, moins des deux tiers de tous les lits d’hôpitaux étaient destinés aux soins curatifs en Croatie, en Tchéquie, en Hongrie, en Lettonie et en France (où la part la plus faible a été enregistrée, à 51,4 %). A noter qu’en France et en Lettonie, le nombre de lits de soins curatifs exclut les lits de soins psychiatriques, ceux-ci étant tous classés dans la catégorie « autres lits ».

Dans la plupart des États membres de l’UE , les lits de soins de longue durée représentaient moins de 15 % du nombre total de lits d’hôpitaux en 2019, seules la Hongrie (17,1 %), la Croatie (17,4 %), la Finlande (19,6 %), l’Estonie (19,9 %) et la Tchéquie (29,8 %) déclarent des parts plus élevées.

Lits hospitaliers par type de soins, 2019

 

Entre 2009 et 2019, le nombre de lits d’hôpitaux dans l’UE a diminué de 7,3 %. Dans la grande majorité des États membres de l’UE, le nombre total de lits d’hôpitaux était inférieur en 2019 à ce qu’il était en 2009. La plus forte contraction du nombre de lits d’hôpitaux a été enregistrée en Finlande, où le nombre de lits a chuté de 44,7 %. Il y a eu quatre États membres de l’UE où le nombre de lits d’hôpitaux a augmenté entre 2009 et 2019 : le Portugal (+1,2 %), Malte (+3,8 %), la Bulgarie (+7,9 %) et l’Irlande (+10,9 %). ruptures de série pour l’Irlande et Malte.

Les graphiques suivants présentent une analyse de l’évolution entre 2009 et 2019 de la disponibilité (par rapport à la taille de la population) pour trois types spécifiques de lits d’hôpitaux. Ces évolutions du nombre de lits d’hôpitaux peuvent être rapprochées de l’évolution de la durée moyenne de séjour des patients hospitalisés et du nombre de sorties d’hôpitaux afin d’analyser l’évolution de l’offre et de la demande de lits d’hôpitaux.

Cinq des 27 États membres de l’UE ont enregistré une augmentation de leur nombre de lits de soins curatifs dans les hôpitaux (par rapport à la taille de leur population) entre 2009 et 2019 (voir la figure 1 pour des informations sur la couverture pour chaque État membre). Il y a eu des augmentations relativement faibles au Portugal, en Irlande (notez qu’il y a une rupture de série) et en Roumanie. Le nombre de lits pour 100 000 habitants a augmenté plus rapidement à Malte (rupture de série) et en Bulgarie, avec des augmentations respectives de 40 et 76 lits pour 100 000 habitants. Au cours de la période considérée, la Lettonie a connu la plus forte diminution de son nombre de lits curatifs, qui a diminué de 141 lits pour 100 000 habitants.

La France n’est pas très bien placée. Alors que le nombre de lits de soins curatifs dans les hôpitaux pour 100 000 habitants est de 387 dans l’UE, il n’est que de 300 en France.

Lits de soins curatifs dans les hôpitaux, 2009 et 2019, (pour 100 000 habitants)

 

Les lits de soins de réadaptation accueillent des patients hospitalisés dans le but de stabiliser, d’améliorer ou de restaurer des fonctions et des structures corporelles altérées. Au cours de la période 2009-2019, le nombre de lits de réadaptation par rapport à la taille de la population a augmenté dans la majorité (15) des États membres de l’UE. Le nombre de lits de soins de réadaptation a augmenté de plus de 20 lits pour 100 000 habitants en Pologne (2010-2019 ; rupture de série), en Roumanie, en Bulgarie, en Autriche et au Luxembourg (où la plus forte augmentation a été enregistrée, 51 lits supplémentaires pour 100 000 habitants). En revanche, le nombre de lits de soins de réadaptation par rapport à la taille de la population a diminué dans neuf États membres de l’UE entre 2009 et 2019. La France est bien placé avec un ratio de 156 contre 97 dans l’UE.

Lits de soins de réadaptation dans les hôpitaux, 2009 et 2019, (pour 100 000 habitants)

 

Parmi les 24 États membres de l’UE pour lesquels des données sont disponibles, on a observé une évolution mitigée du nombre de lits de soins de longue durée pour 100 000 habitants au cours de la période 2009-2019 Outre les deux États membres de l’UE qui n’ont signalé aucun lit de soins de longue durée dans les hôpitaux – l’Allemagne et Chypre –, 11 États membres ont enregistré une diminution du nombre de lits de soins de longue durée par rapport à la taille de la population et 11 où il y a eu une augmentation. La plus forte baisse du nombre de lits de soins de longue durée pour 100 000 habitants a été enregistrée en Finlande, passant de 271 à 66 lits pour 100 000 habitants entre 2009 et 2019.

Lits de soins de longue durée dans les hôpitaux, 2009 et 2019, (pour 100 000 habitants)

Le tableau suivant présente une analyse du nombre de lits d’hôpitaux selon le type de propriété de l’hôpital. Les hôpitaux publics sont ceux qui sont sous la propriété ou le contrôle d’une unité gouvernementale ou d’une autre société publique. Les hôpitaux privés peuvent être distingués comme étant à but non lucratif (aucun gain financier pour l’unité ou les unités qui les créent, les contrôlent ou les financent) ou à but lucratif.

En 2020, au moins 90 % des lits d’hôpitaux en Slovénie, en Lituanie, en Croatie, à Malte, au Danemark, en Estonie et en Roumanie se trouvaient dans des hôpitaux publics. À l’autre extrémité de la fourchette, tous les lits d’hôpitaux aux Pays-Bas se trouvaient dans le secteur privé (à but non lucratif), tandis qu’une majorité des lits d’hôpitaux en Allemagne (60 %) et en Belgique (74 %) se trouvaient dans hôpitaux privés. Hormis ces trois États membres de l’UE, c’est à Chypre (56 %) que l’on trouve la plus faible proportion de lits dans les hôpitaux publics.

En termes absolus, le plus grand nombre de lits d’hôpitaux dans les hôpitaux privés à but lucratif se trouvait en Allemagne, où il y avait 205 000 lits en 2020, soit plus du double du nombre le plus élevé suivant, 93 400 en France. Il y avait 184 000 lits d’hôpitaux supplémentaires en Allemagne dans des hôpitaux privés à but non lucratif, ce qui était également le nombre le plus élevé enregistré parmi les États membres de l’UE. Viennent ensuite la France (55 600) et le cas particulier des Pays-Bas, où la totalité du parc de lits d’hôpitaux (50 800 lits) appartient au secteur privé à but non lucratif.

Dans les 20 États membres de l’UE pour lesquels des données sont disponibles pour 2010 et 2020 (voir le tableau 2 pour la couverture), l’évolution du nombre de lits d’hôpitaux dans les hôpitaux privés à but lucratif a été mitigée. Le nombre de lits a augmenté dans 10 États membres de l’UE, notamment en Roumanie, en Bulgarie et en Croatie, où le nombre de lits d’hôpitaux dans les hôpitaux privés à but lucratif a plus que doublé. En termes absolus, les augmentations les plus importantes du nombre de lits ont été enregistrées en Italie (notez qu’il y a une rupture de série), en Bulgarie, en Roumanie et en Allemagne, où les hôpitaux privés à but lucratif ont ajouté respectivement 8 400, 8 000, 6 600 et 5 000 lits entre 2010 et 2020.

Lits hospitaliers par type de propriété, 2010 et 2020

 

 

 

 

5/ Quelle politique de santé ?

a) Les préconisations du FMI

Les bons résultats globaux en matière de santé ont eu un coût budgétaire élevé. À 11 % du PIB en 2019, les dépenses totales de santé sont supérieures à la moyenne des pays proches de l’UE (9,6 % du PIB) (voir page Dépenses publiques en Europe); les dépenses de santé publique représentant environ 77 % du total, contre 70 % dans les pays pairs. Alors que le ratio des dépenses de santé publique par rapport au PIB a augmenté de 1 point de PIB en France au cours des deux dernières décennies – en ligne avec les pays pairs.

Il serait possible de réaliser d’importantes économies dans les dépenses de santé sans compromettre les résultats. Le plan de relance et de résilience pourrait permettre d’accroître l’efficacité et d’améliorer les résultats, notamment en élargissant la mise en œuvre des systèmes technologiques de santé et de santé en ligne, en encourageant la R&D, la formation et la recherche scientifique, et en investissant davantage dans les établissements de soins pour personnes âgées. D’autres réformes visant à réaliser des gains d’efficacité et à améliorer le rapport coût-efficacité des services de santé pourraient inclure les éléments suivants :

  • Réduire les dépenses liées aux soins hospitaliers, aux produits médicaux et aux coûts administratifs. La restructuration du réseau hospitalier public et le développement des soins primaires pour augmenter les traitements dans les centres ambulatoires en dehors des hôpitaux. L’amélioration de la coordination entre les soins ambulatoires et hospitaliers, pourraient permettre de réaliser des économies sur les dépenses de soins hospitaliers et de rationaliser les services hospitaliers. Une gestion plus efficace des ressources humaines et des achats d’équipements dans les hôpitaux permettrait également de réaliser des économies.
  • Développer l’exercice pluri-professionnel et les maisons de santé en mutualisant les ressources permettrait d’augmenter la qualité des soins tout en rationalisant les équipements coûteux et en réduisant les coûts administratifs.
  • Investir dans la prévention par rapport aux soins curatifs et décourager les comportements malsains, ce qui réduirait les coûts élevés associés aux admissions à l’hôpital pour des maladies cardiovasculaires, cancéreuses et psychiatriques.
  • La rémunération des acteurs du système de santé devrait être moins basée sur le paiement à l’acte ou à l’admission, et davantage sur des paiements forfaitaires. Par exemple, pour contenir la croissance des dépenses liées aux maladies chroniques, un budget annuel individualisé par patient pourrait être envisagé, en fonction de l’état de santé et des besoins du patient.
  • Aligner les coûts sur la charge et la complexité des soins, étant donné que la tarification des services de soins favorise les modes de couverture les plus coûteux pour l’assurance maladie et que les catégories de tarification comprennent des milliers d’éléments distincts avec des définitions complexes qui ne reflètent pas les coûts de production.
  • Les dépenses pourraient être davantage contrôlées en encourageant les médecins à augmenter la part des génériques dans leurs prescriptions de médicaments. Cette part (16 % en valeur et 30 % en volume) reste beaucoup plus faible en France qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni (35 % en valeur et plus de 80 % en volume). Le développement de services de soins de base pour les pathologies et de bonnes pratiques en matière de prescription de médicaments, y compris de génériques, ainsi que l’alignement et l’adaptation des tarifs aux pathologies contribueront à réduire les prescriptions redondantes/insuffisantes.

 

 

 

b) Les économistes sociaux

Selon L. Castets, « il faut tout d’abord arrêter de ne réfléchir aux services publics que sous l’angle des moyens. Il faut partir des besoins, se demander quelles missions on souhaite prendre en charge collectivement, puis, à l’issue d’une concertation démocratique, définir un budget adapté. Cela suppose de s’interroger sur notre vision des services publics, y compris en termes de qualité ».  https://www.alternatives-economiques.fr/lucie-castets-services-publics-permettent-de-promouvoir-un-modele-de/00111905?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_content=26072024&utm_campaign=hebdo_abo

 » Les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Les catégories populaires souffrent donc particulièrement de leur déclin, devenu criant dans le domaine de la santé durant l’épidémie de Covid-19, mais qui, en réalité, s’aggrave depuis plusieurs décennies. L’accès aux urgences est ainsi de plus en plus difficile, avec des heures d’attente interminables ; les services médicaux sont souvent inaccessibles en zone rurale « .

 » Bien que le système français de santé fasse de plus en plus de place au privé, le financement demeure essentiellement public. En matière de santé par exemple, aux États-Unis, les dépenses publiques sont faibles, mais le citoyen américain paye deux fois plus que le citoyen français, pour une espérance de vie nettement moindre. Le citoyen allemand paye quant à lui 25 % de plus, selon l’OCDE. »

 

Selon B. Dormont, « le reste à charge (RAC), à savoir les sommes payées directement par les ménages pour leurs soins, après remboursement par la Sécurité sociale et les complémentaires santé donne une vision fausse du financement ». On a vu que  la France est le pays de l’OCDE (avec le Luxembourg) où la part du RAC dans le financement total de la DCSi est la plus faible : 8,9%. Mais on a acalculé aussi le financement initial. « Chaque année le ministre de la Santé se félicite du fait que la France aurait la meilleure couverture de l’OCDE » (voir https://www.alternatives-economiques.fr/brigitte-dormont/sante-france-a-t-un-systeme-plus-socialise-quailleurs/00110194).

 » Mais cette assertion serait fallacieuse, car la couverture complémentaire est offerte par des organismes qui sont soumis à des contraintes de marché, ce qui limite les mécanismes de solidarité. Les mutuelles, qui font partie des organismes complémentaires, sont aussi soumises aux lois du marché, malgré une tradition et une volonté de créer de la solidarité. Autrement dit, elles risquent de faire faillite si elles n’ajustent pas leurs tarifs en fonction de l’âge des affiliés.

Ce qui est pertinent, c’est donc d’examiner la part des dépenses de santé couverte par des dispositifs solidaires publics ou obligatoires, payées par l’impôt ou des cotisations sociales. Selon les pays, cela peut être de la dépense publique (Royaume-Uni), des assurances privées obligatoires régulées (Allemagne) qui peuvent être à but non lucratif, ou une assurance obligatoire comme la Sécurité sociale en France.

L’OCDE ne s’y trompe pas : elle n’inclut pas la couverture offerte par les complémentaires santé en France dans son indicateur de couverture publique, qui mesure le degré de solidarité universelle dans un système de santé. En 2021, on observe que la France n’est pas plus « socialisée » que l’Allemagne : dans ces deux pays, 79 % de la dépense de santé est couverte par de la dépense solidaire publique ou obligatoire. Cette couverture publique est plus faible qu’au Royaume-Uni (84 %), au Danemark (85 %) ou en Suède (86 %).

Par ailleurs, l’acquisition d’une complémentaire passe par le paiement d’une prime très hétérogène. Le bon indicateur est le « taux d’effort assurance maladie complémentaire » défini par la Drees, qui additionne le reste à charge (après couverture par la Sécurité sociale et les complémentaires) et la prime payée pour acquérir la couverture complémentaire, le tout rapporté au revenu des ménages. Ce taux d’effort permet de mesurer le coût d’accès aux soins. »

Treize années d’espérance de vie à la naissance séparent les 5 % des hommes les plus pauvres, qui vivent avec 470 euros en moyenne, des 5 % des hommes les plus riches, disposant de 5 800 euros ou plus par mois. Ces inégalités sociales trouvent leur explication dans plusieurs facteurs qui sont socio-économiques (niveau d’éducation, d’emploi, de revenu), comportementaux (tabagisme, sédentarité, alimentation) et environnementaux (conditions de logement, de travail…). L’amélioration des conditions de vie, d’éducation et de travail a un rôle plus important pour lutter contre les inégalités de santé que le seul recours aux services de santé.

 

 

c) La question des besoins non satisfaits ; essai de synthèse

Il est impossible de savoir qui bénéficient des soins de santé par tranche de revenu ? Il est aussi très difficile d’appréhender les besoins de santé non satisfaits. On revient sur les données au chapitre suivant. les besoins en soins médicaux non satisfaits sont généralement faibles en France, mais ils sont plus élevés chez les personnes à faibles revenus, en particulier pour les services qui sont couverts de manière moins complète par l’assurance publique, comme les soins optiques et dentaires, bien que la couverture publique se soit améliorée depuis 2021.

La proportion des besoins médicaux non satisfaits pour des raisons de coûts, de distance ou de délais d’attente est très faible en France en 2022 selon les statistiques de EU-SILC (3,2 % des adultes). Des différences sont néanmoins visibles en fonction des catégories de revenus : 5,9 % des personnes du quintile de revenus inférieur ont déclaré renoncer à des soins médicaux – principalement à cause du coût – contre 1,4 % dans le quintile supérieur.

La proportion des besoins médicaux non satisfaits est plus importante pour les prestations qui sont moins bien prises en charge par l’Assurance Maladie, telles que les appareils auditifs, les aides optiques, et les soins dentaires. Ainsi, en 2021, 6,1 % de la population française déclaraient des besoins dentaires non satisfaits, mais cette proportion était beaucoup plus importante chez les personnes du quintile de revenus inférieur (10,9 %), principalement pour des raisons financières. Depuis 2021, tout patient titulaire d’un contrat d’assurance maladie complémentaire peut bénéficier d’une prestation de base qui couvre 100 % des coûts des soins oculaires, des appareils auditifs et des soins dentaires, sans aucune forme de contrepartie.

 

En outre, la prise en charge des dépenses de santé au titre de la complémentaire santé solidarité (CSS) représente 3,2 milliards d’euros e »n 2022, soit 1,4 % du montant de la CSBM. Ce montant est en baisse de 2,5 % par rapport à 2021 (3,3 milliards d’euros). Les soins hospitaliers, qui représentent près de la moitié de la CSBM en 2022, correspondent seulement à 25,3 % des dépenses financées par la CSS. Ils forment tout de même son premier poste de dé-pense. Le second poste financé par la CSS est les soins dentaires (0,8 milliard d’euros soit 24,9 % des dépenses),

Le nombre de bénéficiaires de la CSS est en hausse En décembre 2022, 7,4 millions de personnes sont couvertes par la CSS, dont 5,9 sans participation financière et 1,5 avec participation financière (tableau 1). Cet effectif de bénéficiaires augmente ainsi nettement par rapport à décembre 2021, à la fois pour la CSS gratuite et la CSS payante.

Nombre de bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACS et de la CSS de 2012 à 2022 En millions de personnes

 

 

 

 

 

 

 

 

IX – SATISFACTION DES PATIENTS

1/ La satisfaction des français

Selon une enquête réalisée en mai 2022, l’écrasante majorité des Français (75%) avaient confiance dans leur système de santé, mais soulignent le manque de personnel soignant et les difficultés d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Dans le détail, le système de santé était très bien évalué sur différents aspects :

-Le care : la qualité des soins fournis (82% le jugent performant sur cet aspect) et sa capacité à protéger les Français (73%)

-La diversité des spécialités médicales pratiquées (80%)

-Le niveau de remboursement des dépenses santé (71%).

Bien qu’étant perçue positivement par la majorité des répondants (62%), l’autonomie sanitaire – fortement mise à l’épreuve lors de la crise du Covid-19 – était en retrait par rapport aux autres dimensions, de même que l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire (49%). Les femmes, les 18-24 ans, les cadres ainsi que les habitants de l’agglomération parisienne étaient parmi les plus critiques sur cet aspect. Les deux dimensions à améliorer le plus vite selon les interviewés étaient d’ailleurs le recrutement de personnel soignant (cité au total par quasi un Français sur deux, 47%), et l’accès sur l’ensemble du territoire (35%, et 42% pour les habitants des communes rurales).

De fait plus d’une personne sur deux (51 %) déclarait avoir un accès « compliqué, long ou partiel » aux services de soins là où elle vit, selon un sondage mené début janvier 2023 auprès d’un peu plus de 1.000 personnes par Elabe pour « Les Echos ».  Le résultat en matière de santé s’est certes amélioré depuis 20 ans du fait des techniques. Mais l’environnement de la santé, le « ressenti » (temps d’attente pour obtenir un rendez-vous médical, déserts médicaux,…), ne s’est certainement pas amélioré. La population de médecins vieillit et quelque 6 millions de Français sont sans médecin traitant., Une majorité de sondés (51 %) estiment que le système de santé fonctionne assez mal ou très mal (contre 22 % en juin 2021).

Les français et l’accès au services de soins

Source : Sondage Elabe, janvier 2023

 

Cette part des Français disant peiner à se faire soigner – en se déplaçant ou se servant d’Internet – a bondi de 19 points (!) par rapport au mois d’octobre 2021, veille d’une cinquième vague d’épidémie de Covid. « Certes, c’est par rapport à une période particulière, mais dans la sismologie des sondages, c’est une évolution qui est extrêmement forte. »

Le sentiment d’un dysfonctionnement est plus marqué chez les habitants des communes rurales, des petites et moyennes agglomérations. Les habitants des grandes agglomérations sont plus partagés, même si ces zones peuvent aussi être concernées par le phénomène des « déserts médicaux ».

Près de trois Français sur quatre (73 %) ont le sentiment que le système « s’est dégradé » ces dernières années. Même ceux qui disent n’avoir pas de problème pour se soigner ou ceux qui jugent que le système fonctionne bien parlent en majorité de dégradation.

Interrogés sur les causes des problèmes actuels, les Français mettent en avant le manque de moyens dans les hôpitaux, le manque de soignants, mais aussi le fait que les conditions de travail sont trop difficiles ou que les soignants ne sont pas assez bien payés. Le recours abusif aux urgences est aussi régulièrement pointé du doigt (34 %).

 

 

 

 

2/ Statistiques sur les besoins de soins de santé non satisfaits dans l’UE

En 2022, 4,1 % des personnes âgées de 16 ans ou plus dans l’UE ont déclaré avoir des besoins non satisfaits en matière d’examen ou de traitement médical (soins médicaux), une proportion qui variait de 0,2 % à Chypre à 12,5 %. au Danemark, 12,6 % en Estonie et 13,1 % en Grèce. Le ratio est de 6,3% en France, bien au dessus de l’Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas mais en dessous du Danemark ou de la Finlande. En ce qui concerne les raisons liées à l’organisation et au fonctionnement des services de santé – trop chers, trop loin pour voyager ou listes d’attente – 2,2 % de la population de l’UE ont déclaré avoir des besoins non satisfaits, une part allant de 0,1 % à Chypre jusqu’à 9,0 %. en Grèce et 9,1 % en Estonie – voir graphique suivant.

Proportion de personnes âgées de 16 ans ou plus déclarant des besoins non satisfaits en matière d’examens ou de traitements médicaux, 2022, (%)

 

Dans l’UE, les deux principales raisons expliquant les besoins non satisfaits en matière de soins médicaux en 2022 étaient le coût trop élevé des soins ou les listes d’attente. Ensemble, ces deux raisons représentaient près de la moitié de toutes les personnes ayant déclaré un besoin de soins médicaux non satisfait : en proportion de l’ensemble de la population interrogée, cela représentait 1,1 % pour des raisons de prix trop élevés et 0,9 % pour des raisons de listes d’attente. Les principales raisons invoquées ensuite étaient le désir de voir si le problème s’améliorait de lui-même (0,4 % de la population) et le manque de temps (0,3 % de la population). Les raisons moins courantes comprenaient la peur, le fait de ne pas connaître un bon médecin ou un bon spécialiste, ou le fait que le voyage soit trop loin (tous 0,1 %). Outre les principales raisons indiquées, 1,0  % de la population a indiqué une autre raison (non précisée) pour justifier un besoin de soins médicaux non satisfait.

Les États membres de l’UE présentant une fourchette élevée – lorsqu’ils sont analysés par âge – en termes de proportion de personnes dont les besoins en soins médicaux ne sont pas satisfaits en raison du coût trop élevé, de la distance trop longue à parcourir ou des listes d’attente, affichent des proportions relativement élevées de personnes âgées.

 

 Proportion de personnes déclarant avoir des besoins non satisfaits en matière d’examens ou de traitements médicaux en raison de coûts trop élevés, de distances à parcourir trop longues ou de listes d’attente, par âge, 2022, (%)

 

Dans l’UE, les deux principales raisons expliquant les besoins non satisfaits en matière de soins médicaux en 2022 étaient le coût trop élevé des soins ou les listes d’attente. Ensemble, ces deux raisons représentaient près de la moitié de toutes les personnes ayant déclaré un besoin de soins médicaux non satisfait : en proportion de l’ensemble de la population interrogée, cela représentait 1,1 % pour des raisons de prix trop élevés et 0,9 % pour des raisons de listes d’attente – voir tableau suivant. Les principales raisons invoquées ensuite étaient le désir de voir si le problème s’améliorait de lui-même (0,4 % de la population) et le manque de temps (0,3 % de la population). Les raisons moins courantes comprenaient la peur, le fait de ne pas connaître un bon médecin ou un bon spécialiste, ou le fait que le voyage soit trop loin (tous 0,1 %). Outre les principales raisons indiquées, 1,0 % de la population a indiqué une autre raison (non précisée) pour justifier un besoin de soins médicaux non satisfait.

  • Les dépenses liées aux soins médicaux étaient la raison spécifique la plus fréquente des besoins non satisfaits en matière de soins médicaux en Belgique, en Bulgarie, en Grèce, en France, en Italie, au Portugal et en Roumanie. En Allemagne comme en Suisse , les dépenses liées aux soins médicaux constituent la raison la plus fréquente (avec au moins une autre raison spécifique).
  • Une liste d’attente entravant les soins médicaux était la raison spécifique la plus fréquemment invoquée pour justifier les besoins non satisfaits en matière de soins médicaux en Irlande, en Espagne, en Autriche, en Pologne, en Slovénie, en Slovaquie, en Finlande et en Suède en 2022 . En Allemagne et aux Pays-Bas, la liste d’attente était le motif spécifique le plus fréquent, avec au moins un autre motif spécifique.
  • Le désir d’attendre et de voir si le problème s’améliore de lui-même était la raison spécifique la plus fréquente des besoins non satisfaits en soins médicaux en Tchéquie, au Danemark, en Hongrie. Il s’agit également de la raison spécifique la plus fréquente, avec au moins une autre raison spécifique en Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi qu’en Suisse.

Part des personnes âgées de 16 ans ou plus déclarant des besoins non satisfaits en matière d’examen médical ou de traitement, par motif principal, 2022, (%)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

X – L’ESPÉRANCE DE VIE ET LA SANTÉ DES PERSONNES ÂGÉES

L’espérance de vie sans incapacité, aussi appelée espérance de vie en bonne santé, évalue, à la naissance, le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, compte tenu des conditions sanitaires du moment.

 

 

1/ L’espérance de vie

a) En Europe

En 2022, l’espérance de vie à la naissance en France était de 82,3 ans, soit plus de 1,5 an de plus que la moyenne de l’UE (graphique suivant). Mais elle a reculé de 0,7 an en 2020 en raison des décès dus à la COVID-19 – la plus forte baisse depuis 1945 – et s’est maintenue à ce niveau inférieur en 2021 et 2022. Comme dans d’autres pays européens, en France, l’espérance de vie des femmes a tendance à être plus longue que celle des hommes. En 2022, les Françaises pouvaient espérer vivre jusqu’à 85,2 ans, soit 5,8 ans de plus que les hommes (79,4 ans). Cet écart entre les femmes et les hommes est supérieur à la moyenne de l’UE (5,4 ans).

En 2020, en France, 20 % de la population était âgée de 65 ans et plus, contre environ 14 % en 1990, et cette part devrait passer à 28 % d’ici à 2050. En 2020, les femmes âgées de 65 ans pouvaient espérer vivre encore 23,1 ans (plus de 2 ans en plus que la moyenne de l’UE), tandis que les hommes pouvaient espérer vivre encore 19 ans (près de 2 ans en plus que la moyenne de l’UE) (graphique 4). Pour les femmes, environ la moitié de ce temps supplémentaire est vécue sans incapacité ni limitation d’activité, tandis que cette proportion est légèrement plus élevée pour les hommes. Par conséquent, l’écart entre les femmes et les hommes dans le nombre d’années de vie en bonne santé après 65 ans est beaucoup plus faible que l’écart en matière d’espérance de vie.

Une proportion égale de Français et de Françaises âgés de 65 ans et plus a déclaré souffrir de plusieurs maladies chroniques en 2020 (46 %) selon l’enquête SHARE. Ce taux est supérieur à la moyenne de l’UE, en particulier pour les hommes. Toutefois, en France, une proportion plus élevée de femmes ont déclaré des limitations dans leurs activités quotidiennes (31 % contre 25 % des hommes), comme dans d’autres pays de l’UE.

Malgré le recul depuis 2020, l’espérance de vie en France reste supérieure à la moyenne de l’UE en 2022

Le nombre de personnes âgées déclarant souffrir de maladies chroniques en France est supérieur à la moyenne de l’UE

 

En 2021, l’espérance de vie sans incapacité à la naissance atteint 65,6 ans pour les hommes et 67,0 ans pour les femmes. En 2021, la France se situe au-dessus de la moyenne européenne en matière d’espérance de vie à la naissance (77,5 ans pour les hommes et 83,2 ans pour les femmes en Europe) et d’espérance de vie sans incapacité (63,5 ans pour les hommes et 64,5 ans pour les femmes en Europe).

Espérance de vie en et espérance de vie en bonne santé dans l’UE en 2020 (en années)

Source : Eurostat

Les estimations calculées par Eurostat sur la base des données de 2020 suggèrent que dans la plupart des États membres, il y a eu une diminution significative de l’espérance de vie en 2020. Les baisses les plus importantes de l’espérance de vie totale à la naissance (hommes et femmes) ont été enregistrées en Espagne (-1,6 par rapport à 2019), suivie de la Bulgarie et de la Pologne (chacune -1,5), puis de la Lituanie et de la Roumanie (chacune -1,4) [10].

Le tableau suivant montre qu’en 2019, l’espérance de vie a augmenté dans 25 États membres de l’UE par rapport à l’année précédente, les exceptions étant la Grèce et Chypre. Cependant, si l’on compare l’espérance de vie en 2020 avec celle de 2019, elle a diminué d’un an ou plus dans 9 États membres (Belgique, Bulgarie, Tchéquie, Espagne, Italie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovénie), elle a diminué de moins d’un an en 16 États membres, et augmenté d’un modeste 0,1 au Danemark et à Chypre.

Dans toutes les régions de l’UE, en 2020, l’espérance de vie à la naissance la plus élevée se situait dans l’île française de Corse (84,0), suivie des îles Baléares en Espagne (83,9), de la région de l’Épire en Grèce (83,8), de la Galice en Espagne et de l’Ombrie en Italie (83,7 chacun) et Midi-Pyrénées en France (83,6). Les régions de l’UE ayant l’espérance de vie à la naissance la plus faible se trouvaient en Bulgarie: nord-ouest (72,1), nord-centre (72,8) et nord et sud-est de la Bulgarie (72,9).

 Espérance de vie à la naissance, 1980-2020, (années)

L’espérance de vie à 65 ans a également fortement diminué en 2020. En 2020, l’espérance de vie à 65 ans est estimée à 19,3 ans (0,9 an de moins que l’année précédente), chutant à 21,0 ans pour les femmes. (0,8 an de moins qu’en 2019) et 17,4 ans pour les hommes (0,9 an de moins qu’en 2019). En 2020, l’espérance de vie à 65 ans a chuté de manière significative dans la plupart des États membres de l’UE, tant pour les hommes que pour les femmes (tableau suivant).

Espérance de vie à 65 ans, 1980-2020, (années)

L’espérance de vie en bonne santé dans l’UE et l’état de santé perçu par les citoyens ont augmenté au cours des dernières années. En ce qui concerne le nombre d’années, l’enfant peut s’attendre à vivre en bonne santé, c’est-à-dire sans incapacité ni limitations fonctionnelles, ce chiffre est inférieur d’environ 17 ans à l’espérance de vie globale, à 64,6 ans en 2019. Entre 2016 et 2019, les années de vie en bonne santé ont augmenté de 0,6 an ( de 64,0 ans en 2016), tandis que l’espérance de vie n’a augmenté que de 0,4 an (contre 80,9 ans en 2016). Cela signifie que les enfants nés dans l’UE peuvent s’attendre à vivre une partie de plus en plus importante de leur vie en bonne santé.

Années de vie en bonne santé à la naissance, par pays, 2014 et 2019 (années)

Source : Eurostat

Entre 2015 et 2020, la part des personnes se percevant comme étant en bonne ou très bonne santé a augmenté de 2,8 points de pourcentage. En 2020, 69,5 % des citoyens de l’UE jugeaient leur santé bonne ou très bonne. Toutefois, cette part variait fortement d’un État membre à l’autre, de 83,7 % à 44,3 %. Une différence considérable existe également dans le nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance, qui variait jusqu’à 20,2 ans entre les pays en 2019.

Entre 2016 et 2019, le nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance auxquelles les femmes pouvaient s’attendre a augmenté de 0,7 an, passant de 64,4 ans à 65,1 ans. Au cours de la même période, le chiffre pour les hommes a augmenté de 0,6 an, passant de 63,6 ans à 64,2 ans. Cela signifie que non seulement les femmes avaient une espérance de vie globale plus élevée, mais que leur nombre d’années de vie en bonne santé a également augmenté légèrement plus rapidement que celui des hommes sur la période à court terme surveillée. Cela a conduit à un élargissement de l’écart entre les sexes de 0,8 an en 2016 à 0,9 an en 2019. Dans environ 80 % des États membres, les femmes pouvaient espérer un plus grand nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance en 2019, alors que c’était le contraire pour les 20 % restants.

De manière générale, 69,5 % de la population de l’UE se percevaient en bonne ou en très bonne santé en 2020. Bien que l’on s’attende généralement à ce que les femmes vivent plus longtemps que les hommes (avec un écart entre les sexes de 5,5 ans en 2019), les femmes étaient moins susceptibles que les hommes évaluer leur état de santé comme étant bon ou très bon. En 2020, 67,1 % des femmes et 72,1 % des hommes considéraient leur santé comme bonne ou très bonne (un écart entre les sexes de 5,0 points de pourcentage).

En 2020, le nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance était estimé à 64,5 ans pour les femmes et à 63,5 ans pour les hommes dans l’ UE.

La fourchette correspondante pour les années de vie en bonne santé à la naissance :

  • Pour les femmes se situait entre 54,3 ans en Lettonie et 72,7 ans en Suède (une fourchette de 18,4 ans),
  • Alors que celle des hommes  était comprise entre 52,6 ans en Lettonie et 72,8 ans en Suède (une fourchette de 20,2 ans).

Années de vie en bonne santé, 2020

 

 

 

 

 

b) Les écarts d’espérance de vie entre cadres et ouvriers : 5 ans chez les hommes, 3 ans chez les femmes

En 2020-2022, l’espérance de vie à 35 ans est de 53,0 ans pour les femmes cadres, et de 49,6 ans pour les ouvrières, soit 3,4 ans d’écart (tableau suivant). Chez les hommes, l’espérance de vie à 35 ans des cadres atteint 48,9 ans, contre 43,6 ans pour les ouvriers, soit 5,3 ans d’écart.

Les ouvriers ont plus de deux fois plus de risque que les cadres de mourir entre 35 et 65 ans, et 1,7 fois plus entre 65 et 75 ans. Depuis les années 1990, l’écart d’espérance de vie entre les cadres et les ouvriers a diminué pour les hommes (-1,7 an), alors qu’il a augmenté modérément pour les femmes (+0,8 an).

La nature des professions exercées explique en partie ces écarts, puisqu’elle peut être la cause directe d’un état de santé plus ou moins bon, et donc d’une durée de vie plus ou moins longue. Ainsi, les cadres sont moins soumis aux risques professionnels (accidents et maladies du travail, conditions de travail pénibles, etc.) que les ouvriers. De plus, les modes de vie diffèrent selon les groupes sociaux : les comportements de santé à risque, les moindres recours et accès aux soins, ou encore l’obésité sont moins fréquents chez les cadres que chez les ouvriers. Enfin, l’appartenance à une catégorie sociale peut également être la conséquence d’une mauvaise santé plutôt qu’en être la cause : une santé défaillante peut empêcher la poursuite d’études, le maintien en emploi, ou rendre plus difficiles les promotions et l’accès aux emplois les plus qualifiés en cours de carrière.

Chez les femmes, les espérances de vie à 35 ans de la plupart des catégories sociales sont relativement proches, comprises entre 50 ans et 53 ans. Seules les espérances de vie des ouvrières (49,6 ans) et des inactives non retraitées (45,8 ans) se distinguent. Chez les hommes, les écarts sont plus marqués : les cadres sont ceux qui vivent le plus longtemps au-delà de 35 ans (48,9 ans), suivis par les professions intermédiaires (47,4 ans), les agriculteurs (47,2 ans), les artisans, commerçants (46,4 ans), les employés (45,1 ans), et les ouvriers (43,6 ans).

Quelle que soit leur catégorie sociale, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. L’espérance de vie des ouvrières est même légèrement supérieure à celle des hommes cadres.

 

Espérance de vie à 35 ans selon le sexe et la catégorie sociale, en 1991-1999 et en 2020-2022 en années

 

 

En 2020-2022, l’écart d’espérance de vie entre les diplômés du supérieur et les non-diplômés est plus marqué chez les hommes que chez les femmes. Chez les hommes, l’espérance de vie augmente régulièrement avec le niveau de diplôme. Ainsi, à 35 ans, un homme diplômé du supérieur peut espérer vivre en moyenne 2,0 ans de plus qu’un bachelier, 3,6 ans de plus qu’un titulaire d’un CAP ou d’un BEP, 4,9 ans de plus qu’un diplômé du brevet ou du certificat d’études (CEP), et 8,0 ans de plus qu’un homme sans diplôme. Chez les femmes, les écarts d’espérance de vie sont nets entre les non-diplômées et les diplômées. En revanche, parmi les diplômées, les différences d’espérance de vie sont moins marquées selon le niveau de leur diplôme. Une femme diplômée du supérieur peut espérer vivre en moyenne seulement 0,9 ans de plus qu’une bachelière, et les écarts restent contenus avec une femme ayant un CAP ou un BEP (1,5 an), ou bien le brevet ou le certificat  d’études (2,1 ans) ; elle vit en revanche nettement plus longtemps qu’une femme sans diplôme (5,4 ans). Depuis les années 1990, l’écart entre les diplômés du supérieur et les non-diplômés est proche de 5 ans pour les femmes et de8 ans pour les homme.

Pour les hommes, il existe une gradation : plus le diplôme est élevé, plus l’espérance de vie l’est. Pour les femmes, l’écart d’espérance de vie est net entre celles qui ont un diplôme et celles qui n’en ont pas, mais la gradation est peu marquée parmi les diplômées.

 

Espérance de vie à 35 ans selon le diplôme, de 1991-1999 à 2020-2022 en années

Espérance de vie à 35 ans selon le diplôme, de 1991-1999 à 2020-2022

 

 

 

2/ La santé des personnes âgées et le financement des maisons de retraite

a) La situation en France

En France, fin 2019, 730 000 personnes fréquentent un établissement d’hébergement pour personnes âgées ou y vivent (tableau suivant), soit 10 % des personnes de 75 ans ou plus et un peu moins d’un tiers de celles de 90 ans ou plus. Cette dernière part est en baisse de 5 points depuis 2015. L’hébergement temporaire ou l’accueil de jour concerne 4 % des personnes âgées accompagnées. Huit personnes sur dix sont accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Les résidents sont de plus en plus âgés mais ce vieillissement s’atténue : la moitié a plus de 88 ans, contre 87 ans et 5 mois fin 2015 et 86 ans et 5 mois fin 2011 (graphique suivant). Les personnes accueillies en 2019 sont également de plus en plus dépendantes : 85,1 % sont classées en GIR 1 à 4 en 2019, contre 83,1 % en 2015 et 80,7 % en 2011. Parmi les 730 000 résidents, 261 000 souffrent d’une maladie neurodégénérative (35 %), une proportion très légèrement plus faible qu’en 2015. La population des établissements d’hébergement pour personnes âgées est en renouvellement permanent. Un quart des personnes accueillies au 31 décembre 2019 sont arrivées au cours de l’année ; 50 % viennent de leur domicile ou de celui d’un proche, les autres venant d’un établissement de santé ou d’un autre établissement d’hébergement. Les deux tiers des sorties correspondent à des décès. Un tiers des personnes ayant rejoint un établissement en 2019 l’ont quitté la même année.

Nombre de résidents présents au 31/12/2019 selon la catégorie d’établissement, et évolution depuis 2015

Structure par âge et par sexe des résidents accueillis en 2015 et en 2019

 

 

b) Le financement des maisons de retraites

Les établissements d’hébergement pour personnes âgées accueillent des personnes à partir de 60 ans qui ont besoin d’être prises en charge et de bénéficier de services d’aide et de soins. D’après les résultats de l’enquête CARE-Institution de 2016, la participation financière restant à la charge des résidents, une fois déduites les contributions des obligés alimentaires et les différentes allocations, est estimée à au moins 1 850 e ros par mois pour la moitié d’entre eux. Cette somme varie peu selon le niveau de perte d’autonomie, mais dépend, pour l’essentiel, du statut de l’établissement. La participation financière médiane s’élève ainsi à 2 420 euros dans les établissements privés à but lucratif, contre 1 850 euros dans les établissements privés non lucratifs, 1 790 euros dans les établissements publics hospitaliers et 1 730 euros dans les établissements publics non hospitaliers. Les retraités vivant en France perçoivent une pension moyenne d’environ 1 500 euros nets mensuels fin 2016. Certains doivent donc mobiliser d’autres ressources pour financer les coûts liés à la prise en charge en établissement.

En dehors des ressources courantes, telles que les pensions de retraite, le principal moyen déclaré par les seniors pour financer leurs dépenses en maison de retraite est l’épargne personnelle (graphique suivant). Les dépenses sont définies ici comme étant les frais d’accueil en institution, aménagements de la chambre, appareils auditifs, aides techniques et paiement des aidants professionnels. Un tiers des résidents indiquent puiser dans leur épargne pour payer les dépenses liées à la perte d’autonomie . Ces derniers possèdent tous des livrets d’épargne (livret A, bleu, de développement durable, d’épargne populaire) ou d’épargne logement (livret, plan ou compte épargne logement) et la plupart détiennent également des produits d’assurance-vie ou d’épargne retraite (plan d’épargne populaire, plan d’épargne retraite populaire par exemple).

Les résidents précisent aussi recourir à d’autres moyens de financement : l’aide financière de l’entourage1 (11 %) et la vente de patrimoine (5 %). Seuls 12 % des résidents déclarent mobiliser plus d’un moyen de financement : ce sont surtout ceux qui vivent en établissement depuis plus longtemps.

Pour financer leur prise en charge, 54 % des résidents déclarent n’utiliser aucun des moyens de financement proposés dans l’enquête. Parmi eux (tableau 2), 35 % disposent de revenus personnels supérieurs aux frais restant à leur charge2, soit 19 % de l’ensemble des résidents. Pour 21 %, les frais sont couverts par les revenus personnels et par des allocations, dont l’aide sociale à l’hébergement3, soit 11 % de l’ensemble des résidents. Pour les 44 % restants, soit 24 % de l’ensemble des résidents, l’enquête CARE-Institutions ne permet pas de connaître précisément les ressources mobilisées. Dans certains cas, une participation  financière de l’entourage peut avoir lieu sans que le résident en soit informé ; dans d’autres cas, celui-ci pourrait avoir sous-estimé les revenus déclarés dans l’enquête – auquel cas ces revenus pourraient être en réalité suffisants pour couvrir les dépenses.

Répartition des moyens utilisés pour financer les dépenses liées à la perte d’autonomie en établissement

 

  • Et éventuellement mobiliser d’autres ressources : puiser dans l’épargne, économiser sur d’autres postes de dépenses, faire un emprunt à la banque ou auprès de l’entourage.
  • Autres combinaisons possibles : puiser dans l’épargne et/ou économiser sur d’autres postes de dépenses et/ou faire un emprunt à la banque et/ou auprès de l’entourage.
  • Lecture : 27 % des résidents de maisons de retraite déclarent avoir déjà dû puiser dans leur épargne pour payer les dépenses liées à la dépendance, sans avoir mobilisé d’autres ressources exceptionnelles.
  • Champ • France métropolitaine, résidents permanents de maisons de retraite (Ehpad, Ehpa et SLD) de plus de 60 ans.
  • Source • DREES, enquête CARE-Institutions 2016.

 

 

 

c) Vers une financiarisation des EPHAD

Les dépenses liées à la prise en charge du vieillissement sont parmi celles qui augmentent le plus rapidement dans l’Union européenne (UE), et devraient atteindre 2,5 % du PIB d’ici 2050. Mais les fonds de capital-investissement financeraient et amplifieraient la tendance actuelle au regroupement de maisons de retraite du secteur lucratif en grands groupes multinationaux. La gestion par les sociétés de private equity conduirait à faire passer l’exigence de rendement pour les investisseurs avant la qualité des soins, aggravant un problème structurel de sous-effectifs et de sous-investissement. Plus largement, ces investisseurs auraient véritablement transformé le modèle des chaînes de maisons de retraite dans plusieurs pays européens : la France, le Royaume-Uni, l‘Espagne et l’Allemagne.

En Allemagne, les soins sont fournis à la fois par des organisations à but non lucratif (ou caritatives) et à but lucratif. Parmi les trente principaux opérateurs, il n’existe que huit organisations à but non lucratif, et la croissance du marché se produit principalement parmi les groupes à but commercial. Un secteur sous-financé depuis de nombreuses années rencontre ainsi les énormes capacités de financement des grands investisseurs. Avec une population vieillissante et une demande croissante, de nombreux fonds d’investissement s’attendent à des gains importants et intensifient leurs rachats (les acquisitions réalisées sur le marché allemand représentent 18 % du volume total européen). L’Allemagne compte une part relativement importante (plus de 40 % du total) d’établissements privés à but lucratif ; le reste est en grande partie géré par le secteur associatif, le public ne jouant qu’un rôle marginal. Avec l’introduction de l’assurance-soins de longue durée en 1995, la présence de prestataires de soins privés à but lucratif a augmenté de manière significative. De  nombreux établissements allemands ont été fusionnés ou rachetés par de grands groupes.

La France affronte un problème plus général du financement des EHPAD, des conditions de travail dans les établissements et de la qualité des soins. Pendant la crise de la pandémie, les EHPAD privés à but lucratif ont été significativement plus touchés par des épisodes graves que les autres, à localisation et autres caractéristiques comparables. Le marché français des soins aux personnes âgées s’est financiarisé, dans le sillage de la privatisation croissante des groupes de maisons de retraite.  Historiquement, la France s’appuyait sur des établissements publics et des fondations caritatives mais, à partir des années 1980, l’État a mis en place un marché où des EHPAD privés, publics et à but non lucratif devaient entrer en concurrence pour attirer à la fois des patients et des financements. Jusqu’au milieu des années 2000, grâce à l’action favorable des autorités, de nombreux opérateurs privés ont ainsi émergé. Le secteur privé à but lucratif représente aujourd’hui 20 % de l’offre, soit 125 000 lits. À partir de la fin des années 2000, un mouvement de consolidation a commencé à transformer le secteur : le nombre de nouvelles licences a baissé, l’accès􀀌au􀀌financement public est devenu plus difficile, et les fusions et acquisitions se sont multipliées dans le privé. Le regroupement permet de bénéficier d’économies d’échelle, d’une meilleure valorisation financière et d’un pouvoir de négociation accru face au régulateur, ce qui est essentiel dans un contexte où l’offre privée  est en partie cofinancée par le public. En conséquence, une grande majorité des lits dans le privé lucratif (plus de 70 000) sont aujourd’hui détenus par les cinq plus grands groupes. Les trois plus grands groupes français font également partie des plus grands gérants européens de maisons de retraite et opèrent de plus en plus au-delà des frontières notamment ne Espagne.

Au Royaume-Uni, tout comme en France et en Allemagne, les soins sont fournis par un mélange d’acteurs privés lucratifs, privés non lucratifs et publics. L’organisation des soins en quasi-marché a commencé dans les années 1980 et s’est􀀌 poursuivie􀀌 depuis96. La loi de 1990 a notamment transféré la responsabilité du financement des soins de longue durée aux autorités locales et a conduit à une mise en concurrence des soins avec des prestataires à but lucratif ainsi qu’avec des prestataires à but non lucratif, bénévoles et publics. À la suite de cette « privatisation partielle du NHS97 », les entreprises privées à but lucratif en sont venues à dominer le secteur des soins. En 2019, les acteurs privés possédaient 84 % des lits des maisons au Royaume-Uni98, avec seulement 13 % des lits fournis par le secteur non lucratif et 3 % par le secteur public99. En 2021, les cinq plus grands groupes de maisons de retraite contrôlent environ 11 % du marché britannique et couvrent ensemble un total de 50 000 lits100, tandis que de nombreux groupes beaucoup plus petits sont en charge de l’essentiel des soins de longue durée pour personnes âgées.

 

 

 

 

 

Michel Braibant


BIBLIOGRAPHIE

[1] Les comptes de la Santé en 2018, DREES, https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cns2019.pdf

[2] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse-documents-de-reference/panoramas-de-la-drees/les-depenses-de

[3] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Healthcare_expenditure_statistics_-_methodology&action=statexp-seat&lang=fr#M.C3.A9thodologie

[4] https://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/base-donnees-sante.htm#:~:text=Selon%20les%20derni%C3%A8res%20estimations%2C%20le,9%2C2%20%25%20en%202022.

[5] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Healthcare_expenditure_statistics_-_overview#Healthcare_expenditure

[6] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Healthcare_expenditure_statistics_by_function,_provider_and_financing_scheme#Key_data_and_overview_of_healthcare_financing.2C_functions_and_providers, voir aussi https://www.insee.fr/fr/statistiques/8186052?sommaire=8186084#:~:text=En%20pratique%2C%20une%20partie%20des,dans%20le%20financement%20des%20soins.

[7] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Preventive_health_care_expenditure_statistics#Ten_EU_Member_States_spent_more_than_.E2.82.AC100_per_inhabitant_on_preventive_healthcare_in_2020

[8] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/Le%20partage%20volumeprix%20dans%20les%20comptes%20de%20la%20sant%C3%A9.pdf*

[9] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Healthcare_resource_statistics_-_beds

[10] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Healthy_life_years_statistics&action=statexp-seat&lang=fr ,voir aussihttps://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/des-residents-de-plus-en-plus-ages-et voir aussi https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/er1095_toile.pdf voir aussi https://www.veblen-institute.org/IMG/pdf/rapport_financiariser_le_grand_age_ehpad.pdf

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)