Investissement immatériel

INVESTISSEMENT INCORPOREL PAR PAYS

 

L’investissement incorporel par pays comprend toutes les formes de dépenses des entreprises ou des administrations publiques qui ne portent pas sur des immobilisations corporels mais qui procurent néanmoins une croissance du revenu et de la production à moyen ou long terme (c’est à-dire dont les effets sur ces agrégats se font sentir au-delà d’une année). Les actifs incorporels sont ainsi au cœur de ce qui rend les entreprises compétitives. Ils sont essentiels pour la productivité et la la croissance économique.

La capitalisation de la R&D dans le système des comptes nationaux de l’ONU  (SCN 2008) a supprimé une anomalie du SCN de 1993, où les biens incorporels artistiques et littéraires étaient comptabilisés en tant qu’actifs fixes, alors que les actifs incorporels scientifiques et technologiques produits par la recherche et le développement ne l’étaient pas.  L’absence de capitalisation de la R&D dans le SCN 1993 était principalement due à des préoccupations d’ordre pratique exprimées par de nombreux pays qui ne disposaient pas de la méthodologie ou des capacités statistiques appropriées pour la mesurer correctement.

Certaines de ces dépenses sont sont « dilués » dans la comptabilité nationale et n’y font l’objet d’aucune identification séparée (formation professionnelle, études techniques pour compte propre, une partie de la publicité). L’ensemble de ces trois composantes est appelé investissements incorporels « élargis ». Les ratios de l’investissement incorporel dans l’investissement global varient fortement selon les pays. mais une partie de ces écarts s’explique par des méthodes d’évaluation différentes comme en France où la FBCF en logiciel ou en base de données et même en R&D sont sur-estimées.

L’augmentation de l’importance des actifs incorporels signifie qu’il est utile d’avoir des politiques de capital humain. Au final, il faut élargir notre concept de création de connaissances – à la fois que ce soit dans le contexte des comptes nationaux ou au niveau des entreprises – afin de prendre en compte la R&D, mais aussi d’autres formes de capital immatériel, telles que la compétence économique, la formation ou l’éducation.

Une meilleure compréhension du rôle des actifs incorporels dans les chaines de valeur mondiales est fondamentale d’un point de vue politique. Les investissements dans le capital immatériel constituent un moteur essentiel de la croissance économique et mieux comprendre comment ces actifs sont produits et exploites sur les marches mondialises peut aider les responsables de l’élaboration des politiques à créer un environnement propice a ce type d’investissements.

 

Intangible investment by a country includes all forms of business or government expenditure that are not about tangible fixed assets but nevertheless provide medium or long-term growth in income and output (i.e. whose effects on these aggregates are felt beyond one year). Intangible assets are thus at the heart of what makes firms competitive. They are vital for productivity and economic growth.

The capitalisation of R&D in the 2008 SNA removed an anomaly left by the 1993 SNA in which artistic and literary intangibles were recognised as fixed assets but scientific and technological intangibles produced by R&D were not. The failure to capitalise R&D in the 1993 SNA was mainly due to practical concerns expressed by many countries that they did not have the appropriate methodology or statistical capacity to measure it properly.

Some of these expenditures are « diluted » into national accounts and are not separately identified (training expenditure, own-account technical studies, some advertising). These three components together are called « expanded » intangible investment. Ratios of intangible investment to total investment may vary greatly from one country to another, but some of these differences can be explained by different evaluations and conceptual methods. GFCF in software or database and even in R&D may be overestimated in France.

The rise in the importance of intangible assets means that it is useful to get human capital policies right. Finally, we need to broaden our concept of knowledge creation – both in the context of national accounts and at the level of individual firms – to take in R&D, but also other forms of intangible capital, such as economic competence, training or education.

Insight into the role of intangible assets in global value chains matters from a policy perspective. Investments in intangible capital are a key source of economic growth, and better understanding how those assets are generated and exploited in a globalized marketplace may help policymakers refine the enabling environment for such investments.

«Alors même que depuis les années 1980 les pays développés connaissaient une transformation profonde de leur organisation et de leurs processus de production, avec une importance accrue de l’informatique et des activités de R&D, ils ont aussi été exposs à des ralentissements de la productivité du travail. Quelque peu contradictoires, ces observations ont pu être en partie imputées aux difficultés de la comptabilité nationale à caractériser et prendre en compte différents types d’investissements incorporels», Vincent Delbecque, Sylvie Le Laidier, Jacques Mairesse et Laurence Nayman

«Derrière ce terme se cache l’ensemble des actifs incorporels, intangibles que les entreprises développent et mettent en œuvre. On peut ainsi citer les composantes liées aux marques et à la propriété intellectuelle à la source des innovations (par exemple la recherche et développement, les brevets, les designs originaux), les composantes liées aux technologies de l’information (applications, logiciels, bases de données, algorithmes), ou encore les composantes organisationnelles telles que le niveau de formation des employés, la culture de l’entreprise, ou ses systèmes de gestion et de reporting». BpiFrance, Quel est l’impact de l’investissement immatériel sur la croissance des entreprises ?

Sommaire

I – LES ACTIFS INCORPORELS

II – DIFFICULTÉ DES COMPARAISONS INTERNATIONALES

III – L’INVESTISSEMENT INCORPOREL EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

IV – QUELQUES EXPLICATIONS

V – L’INVESTISSEMENT INCORPOREL EN FRANCE

VI – COMPARAISONS INTERNATIONALES DE L’INVESTISSEMENT INCORPOREL PAR PRODUIT

VII – L’INVESTISSEMENT INCORPOREL « ÉLARGI » PAR PAYS

VIII – LA FORMATION PROFESSIONNELLE

IX – PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DE L’INVESTISSEMENT INCORPOREL  PAR PAYS

X – PLAIDOYER POUR L’INVESTISSEMENT INCORPOREL

 

 

Introduction

° Selon l’OCDE, l’investissement incorporel par pays (immatériel) comprend toutes les formes de dépenses des entreprises ou des administrations publiques qui ne portent pas sur des actifs corporels mais qui procurent néanmoins une croissance du revenu et de la production à moyen ou long terme (c’est à-dire dont les effets sur ces agrégats se font sentir au-delà d’une année).

  • Certains sont déjà inclus dans la FBCF (logiciels, R&D, …)
  • d’autres sont traités en consommations intermédiaires (CI) (publicité, conseil de gestion); 
  • d’autres enfin sont des postes de dépense qui sont « dilués » dans la comptabilité nationale et n’y font l’objet d’aucune identification séparée (formation professionnelle, études techniques pour compte propre, …).

L’ensemble de ces trois composantes sera appelé investissements incorporels « élargis » [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page).

Typologie des investissements incorporels selon leur traitement actuel en comptabilité nationale

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° N’en font pas partie la FBCF des services immobiliers qui concerne essentiellement les ménages, celle des services juridiques (qui est en quelque sorte pré-engagée lors d’un achat). Ces types d’investissements ne procurent pas un revenu futur aux entreprises. Si on les inclut cependant, l’investissement en services représente 32% en 2021 en base 2020 au lieu de 36% en base 2014.

° Mais il ne faut pas confondre  les « immobilisations incorporelles » et les « produits de propriété intellectuelle« . Selon le SCN 2008, les droits de propriété intellectuelle (DPI) sont comme tout autre droit de propriété. « Ils permettent aux créateurs, ou aux propriétaires de brevets, de marques ou d’œuvres protégées par le droit d’auteur de bénéficier de leur propre travail ou de leur investissement dans une création ». la FBCF en ces produits représente certes l’essentiel de la FBCF incorporelle au sens où on l’entend ici. Les services d’architecture et d’ingénierie; services de contrôle et analyses techniques qui n’en font pas partie selon le SCN améliorent pourtant la rentabilité futur des immeubles ou des infrastructures de ceux qui les achètent (sociétés, ménages, APU).

° En base 2010, il s’agissait de ventiler la répartition des ressources des logiciels à un niveau très détaillé de nomenclature entre les 3 emplois : CI, FBCF, voire consommation finale des ménages (CFM). Mais cette méthode, utilisée dans d’autres pays pour calculer la FBCF en produits industriels et construction (Allemagne, Pays-Bas, Ukraine, etc…) , a abouti à une révision à la hausse de la FBCF de 10 milliards d’euros. Ainsi  les écarts entre les pays sont restés très importants pour les logiciels et bases de données avec notamment un ratio trop élevé en France de cette FBCF en proportion de la FBCF totale.

 

 

 

 

 

 

1 / Les produits de la propriété intellectuelle

° Le Système européen des comptes (SEC 2010) définit aussi les produits de la propriété intellectuelle (PI) : « Ils sont le fruit de travaux de recherche et développement, d’activités d’analyse et d’innovation débouchant sur la création de connaissances, dont l’exploitation est restreinte par la loi ou d’autres moyens de protection ». Dans les  statistiques d’Eurostat on distingue les résultats des travaux de R & D ; les logiciels et les bases de données ; les œuvres récréatives, littéraires ou artistiques originales (manuscrits, maquettes, films, enregistrements sonores, etc.).

° Le terme « propriété intellectuelle » (PI) a une longue histoire qui remonte à la fin du XIXe siècle.  L’OMPI (World Intellectual Property Organisation), est une agence des Nations unies qui dispose de son propre « Manuel de la propriété intellectuelle ». Ce manuel indique à la page 1 que :

° « La propriété intellectuelle (PI) désigne les créations de l’esprit, telles que les inventions, les œuvres littéraires et artistiques et les dessins et modèles, les symboles, les noms et les images utilisés dans le commerce … La propriété intellectuelle est protégée par la loi par exemple, les brevets, les droits d’auteur et les marques déposées… »

Ainsi, comme le SCN, l’OMPI établit une distinction entre les « produits de la propriété intellectuelle » et les « droits de propriété intellectuelle » (https://www.wipo.int/standards/fr/handbook.html). Son manuel n’utilise pas l’expression « produits de la propriété intellectuelle », qui sont décrits simplement comme « propriété intellectuelle ». Il est expliqué à la page 2 du manuel  que les droits de propriété intellectuelle peuvent être divisés en deux catégories.

  • La propriété industrielle comprend les brevets d’invention, les marques, les dessins et modèles industriels et les indications géographiques.
  • Les droits d’auteur couvre les œuvres littéraires (telles que les romans, les poèmes et les pièces de théâtre), la musique, les œuvres artistiques (par exemple, dessins, peintures, photographies et sculptures) et les projets architecturaux. Les droits liés au droit d’auteur comprennent les droits des artistes interprètes ou exécutants sur leurs prestations, les droits des producteurs de phonogrammes sur leurs enregistrements, et des radiodiffuseurs sur leurs programmes de radio et de télévision.

 

 

 

2 – Chaque pays a ses propres méthodes d’évaluation de la FBCF en droits de propriété intellectuelle

° Lorsque la décision de capitaliser la R&D a été prise dans le cadre de la révision du SCN de 2008. les agences statistiques internationales  craignaient  que les estimations de R&D faites par les différents pays ne soient pas comparables au niveau international comme ce fut le cas pour les logiciels traités en FBCF depuis le SCN 1993. L’OCDE et Eurostat ont donc décidé de mettre en place des groupes de travail chargés d’élaborer des lignes directrices pour mesurer en capital de la R&D et, par la suite, pour d’autres types d’actifs incorporels.. Les travaux de la task force de l’OCDE sur la R&D et les autres produits de la propriété intellectuelle ont abouti à un Manuel sur les mesures du capital des produits de propriété intellectuelle (OCDE, 2010). Ce manuel apporte une contribution majeure à la littérature sur  sur les actifs incorporels (ou les produits de propriété intellectuelle) du moins du point de vue de la comptabilité nationale.  Le Manuel se concentre délibérément  sur les problèmes pratiques de mesure, mais s’intéresse aussi inévitablement à certaines des questions conceptuelles et théoriques sous-jacentes.

° En 2014, la plupart des pays de l’OCDE avaient mis en œuvre les nouvelles normes du SCN 2008. La priorité était donnée à la capitalisation de la R&D, qui représentait l’impact le plus important et le plus étendu de la transition vers la nouvelle norme. L’OCDE montre une hausse moyenne de 2.2 % du PIB suite à la capitalisation de la R&D pour les pays, à peu près comme en France.

° On tente des comparaisons internationales qu’il convient de prendre avec prudence, tant les méthodes d’élaboration des comptes nationaux varient d’un pays à l’autre sans compter la spécificité de la méthode de construction du TES en branche pure en France. Les différents pays évaluent parfois ces dépenses de manière différente tant dans le partage entre CI et FBCF de la production marchande (P11) que dans l’évaluation de la  production pour emploi final propre – PEFP (P12). La R&D et les logiciels peuvent en effet être produits par des entreprises de ces secteurs d’activité ou bien par d’autres secteurs qui le font à titre secondaire. Mais ils peuvent aussi êtres produits par des entreprises pour leur propre compte (P12).

° Pour ne prendre que deux exemples, lorsqu’on s’intéresse aux services des logiciels spécifiques, le traitement de données, portails Internet, édition (J58, J62, J63) l’ensemble représenterait 16,6 % de la FBCF en France en 2014 (voir comptes des services) (à peine moins qu’aux Pays-Bas 17,5% ), contre 13,7 % au Royaume Uni, 15,1% aux États-Unis, entre 8 et 9% dans plusieurs pays d’Europe et seulement 6,1 % en Allemagne. Tandis que si on s’intéresse à la part de la valeur ajoutée des branches correspondantes (dont le calcul serait plus homogène), ces ratios se rapprochent :  entre 2,5% et 3,5% selon les pays.

° Autre exemple, la FBCF des services d’architecture et d’ingénierie représenterait 4,6 % de la FBCF totale en France et 4% en Allemagne contre autour de 2% au Royaume-Uni et aux États-Unis et 0,1 % en Italie et en Suède, qui comptabilisent souvent ces investissements dans un autre poste (exemple en R&D pour la Suède).

 

 

 

 

3/ Mais comment faire des comparaisons internationales ?

° Quels ratios choisir en supposant que la FBCF incorporelle concerne 3 secteurs institutionnels, celle des ménages et des ISBLSM étant très faible (voir aussi page La FBCF) ? Mais on ne peut faire totalement abstraction de la FBCF des ménages et des ISBLSM d’où 4 ratios :

 

 

 

° En base 2010 (2014 pour la France), la part de l’investissement incorporel (logiciels, R&D, services d’architecture et d’ingénierie; services de contrôle et analyses techniques) par pays de ces 3 secteurs institutionnels dans leur FBCF globale varie en 2018 de 41,8 % aux États-Unis (on s’y attendait), 40,8% aux Pays-Bas à 24,4% en Italie, en passant par 39,9 % en France, 33,6% en Allemagne, 31,8% au Royaume-Uni. Le ratio français n’est pas le plus élevé mais il est parmi les plus élevés.

° En base 2020, on obtient un ratio de 35,7% plus satisfaisant, semble-t-il, en retirant 26,5 Mds de FBCF incorporelle (- 16 Mds en édition-logiciels, – 7 Mds en R&D, suite à un double compte entre la production pour emploi finale propre (PEFP – P12) en R&D et la P12 en logiciels et enfin 3,5 Mds en services d’architecture-ingénierie, contrôle et analyses techniques.

° En base 2010 (2014 pour la France) la part de cette FBCF dans le PIB variait ainsi en 2018 de 6,8 % en France, 6,6% en Suède à 3,1% en Italie, en passant par 6,1 % aux États-Unis, 5,9% aux Pays-Bas, 5% en Allemagne, 4,2% au Royaume-Uni. Le ratio français était anormalement le plus élevé. On obtient un ratio de 5,6% en retirant 26,5 Mds de FBCF incorporelle (4,6% pour les seuls DPI au lieu de 5,7% en base 2014) contre 5,8% en s’appuyant sur des premiers travaux d’estimation à partir des sources indirectes de la PEFP en conseil en informatique  (graphique suivant : histogramme France source).

° En 2018, la part de la FBCF en droits de propriété intellectuelle (DPI) en % de la FBCF globale de l’économie est très élevée aux États-Unis et au Danemark (respectivement 27,4% et 26,1%) puis 24,4% en France, en Autriche (22,5%) aux Pays-Bas (21,9%) et 20% sur l’ensemble des 11 principaux pays de l’UE. En retirant 25 Mds de FBCF en droits de propriété intellectuelle, le ratio français passerait à 20,5% soit à peine plus que dans les 11 pays de l’UE (voir page La FBCF).

° Il est très difficile de juger de la qualité de l’estimation en base 2020. Elle est excellente au vue des comparaisons internationales rapprochant la France des autres grands pays de l’UE et du Royaume-Uni. Le ratio reste supérieur à la plupart des pays de l’UE à l’exception de l’Autriche, le Danemark et la Suède (voir page  La FBCF). Il est toutefois supérieur aux États-Unis, au Japon, en Corée.

° Mais ces estimations sont aussi fondées sur des sources parfois fragiles. On entend ici par « sources » non pas des sources statistiques mais des calculs à partir d’autres sources s’appuyant sur une méthode d’estimation donc des hypothèses en particulier le partage entre CI et FBCF de la production vendue. Mais c’est la P12 en logiciels qui poserait surtout question (conseil informatique). Pourtant la FBCF en logiciels est importante car elle est, avec la R&D, déterminante dans les CVM (voir page Chaînes de valeur mondiales).

° Les ratios de la part des droits de propriété intellectuelle dans le PIB sont présentés dans les second graphique suivant pour 2022. En base 2020, la France reste à la fin du groupe de tête malgré la baisse importante par rapport à la base 2014. Mais plusieurs pays de l’UE sont devant ou proches. La France, le Danemark, La Suède, les Pays-Bas, l’Irlande et la Tchéquie ont déjà intégré des révisions de la base 2020 des comptes nationaux. La plupart des autres pays Européens vont changer d’année de référence dans la deuxième partie de 2024.

 

Part de la FBCF en actifs incorporels dans le PIB en 2018 en %

Part de la FBCF en droits de propriété intellectuel dans le PIB en 2022 en %

 

 

 

 

 

 

 

I – LES ACTIFS INCORPORELS

Il est essentiel de mettre en place une évaluation correcte de la FBCF en actifs incorporels en comptabilité nationale. Aujourd’hui, notre investissement total dans les actifs incorporels est considérable et croît rapidement. Nous investissons beaucoup plus dans les actifs incorporels que dans les actifs physiques tels que les bâtiments et les équipements. Et nous savons que ces dépenses font la différence. Ainsi, les actifs incorporels sont à l’origine de 20 % de la croissance de la productivité au Royaume-Uni entre 2004 et 2014. Bien plus de la moitié de cet investissement dans les actifs incorporels est est lié au développement des actifs de propriété intellectuelle – les brevets qui couvrent les nouvelles technologies, les marques qui aident les nouvelles marques à prospérer, les dessins et modèles qui façonnent nos espaces et nos services, les droits d’auteur et les marques déposées qui sous-tendent une grande partie de notre production créative.

 

 

 

1/ Les actifs enregistrés en FBCF depuis le SCN 2008 et le SEC 2010 

L’identification des actifs incorporels nécessite que l’on puisse observer leurs caractéristiques et que ces caractéristiques s’apparentent à celles des actifs corporels. A savoir, la durée de vie du bien ou du service et sa capacité à accroître ou améliorer le processus de production [2].

Il est important ici de distinguer clairement entre deux activités  :

° la production de la connaissance ;
° sa diffusion.

Ces deux activités correspondent, en comptabilité nationale, à deux actifs :

°les originaux ;
° les copies.

« En comptabilité nationale, les actifs fixes sont des actifs non financiers produits utilisés de façon répétée ou continue dans des processus de production pendant une durée d’au moins un an. Ils comprennent des actifs matériels comme les logements, les machines ou les ressources biologiques mais également des actifs immatériels, les droits de propriétés intellectuelles, qui se décomposent principalement entre la R&D, les logiciels et les bases de données. En tant qu’actifs fixes, leur production, qu’elle soit pour compte propre ou vendue a pour contrepartie une formation brute de capital fixe (FBCF) ».

« En comptabilité nationale, la création d’un original et celle de ses copies sont toutes deux considérées comme de la production. L’acquisition d’un original, soit par achat, soit par production pour compte propre, correspond généralement à une FBCF pour l’acquéreur. Le propriétaire de l’original peut soit l’utiliser directement, soit en réaliser des copies. Si les copies sont vendues, c’est-à-dire si le propriétaire de l’original accorde à l’acquéreur un droit d’utilisation définitif, alors la production de copies est évaluée à son prix de base. L’acquisition d’une copie correspond à une consommation finale si l’acquéreur est un ménage agissant en tant que consommateur, à de la consommation intermédiaire si la copie est incorporée à un autre actif fixe, à de la FBCF si elle est destinée à être utilisée durablement dans un processus de production » https://www.comptanat.fr/principe/ppi.htm.

Le SEC2010 et le SCN2008 élargissent à la R&D le champ de certaines dépenses incorporelles comme investissements dans les comptes. Selon le SEC 2010, « les droits de propriété intellectuelle (AN.117) sont des actifs fixes comprenant les résultats de la recherche et développement, les résultats de la prospection minière et de l’évaluation, les logiciels et bases de données ainsi que les œuvres récréatives, littéraires ou artistiques originales et autres produits de propriété intellectuelle, définis ci-après, conçus pour pouvoir être utilisés pendant plus d’une année ». Ces deux manuels identifient les postes suivants comme étant des investissements (dont les définitions de la nomenclature des actifs se trouvent dans l’encadré suivant) :

Les logiciels ;

les bases de données ;

Les originaux des œuvres récréatives, littéraires ou artistiques ;

la R&D ;

la prospection minière.

 

 

 

À ces quatre postes (on néglige la prospection minière et les autres droits de propriété intellectuelle),  il faut ajouter celui de l’architecture et de l’ingénierie qui doit être comptabilisé conjointement aux investissements en bâtiments en tant que frais annexes.

Par conséquent, ces cinq éléments font l’objet d’un enregistrement en FBCF par les comptables nationaux.

Les logiciels, à la fois achetés et produits, doivent être enregistrés en FBCF. Dans la plupart des cas, ces logiciels entrent durablement dans le processus de production et permettent un accroissement de la productivité. Un groupe de travail de l’OCDE a produit un manuel dans l’objectif de clarifier les méthodes d’évaluation et d’enregistrement des actifs incorporels [3].

Les activités récréatives, littéraires ou artistiques originales doivent être capitalisées puisqu’elles représentent un investissement qui sera utilisé, notamment pour la production et la distribution payante de copies pour une période de temps déterminée par les droits de la propriété intellectuelle. Le manuel de l’OCDE précise que les originaux devant être enregistrés sont ceux pouvant être protégés par des droits d’auteurs et étant des créations réellement originales. Ces postes font donc l’objet d’un enregistrement en tant que FBCF dans la comptabilité nationale des pays européens soumis aux recommandations du SEC2010.

Les logiciels et bases de données correspondent aux produits :

  • J62Z (Programmation, conseil et autres activités informatiques),
  • J63Z (Services d’information),
  • HJ58Z1 (Édition de livres, périodiques, autres activités d’édition et de jeux électroniques) (Le HJ58Z1 inclut des droits d’auteurs et des immobilisations pour les livres et les jeux électroniques / jeux vidéos. Il contient aussi des bases de données notamment 58.12.2 Répertoires et fichiers d’adresses en ligne,
  • HJ58Z2 Autres éditions de logiciels.

On trouve les logiciels spécifiques dans le J62Z et les logiciels standard (excel, SAS,..) dans le HJ58Z.

Les autres immobilisations incorporelles correspondent aux produits :

J59Z (Production de films cinématographique vidéo et programmation TV – enregistrement sonore et édition musicale)

J60Z (Programmation et diffusion).

La grande nouveauté est le traitement de la R&D en FBCF. Celui ci n’est pas simple pour la R&D non marchande à tel point que les études précédentes n’avaient pas envisagé tous les cas de figure. Aussi est il nécessaire de le rappeler. Dit de façon trop raccourcie, la R&D est immobilisée et passe de la consommation intermédiaire (CI) à la formation brute de capital fixe (FBCF). Mais il convient d’effectuer d’une part la distinction entre producteurs marchands et non marchands et d’autre part entre R&D vendue et production pour compte propre.

 

 

 

2/ Les actifs non enregistrés en FBCF depuis le SCN 2008 et le SEC 2010

Parallèlement à ces actifs officiellement reconnus comme formant le capital, d’autres dépenses ont été mises en avant comme pouvant être assimilées à de l’investissement mais sans être enregistrées en tant que tel. Parmi ces incorporels, certains sont identifiables individuellement et enregistrés distinctement comme des consommations intermédiaires en comptabilité nationale bien qu’ils ne répondent pas complètement à la définition de ces dernières ; en particulier ils ne sont pas consommés lors du processus de production. Les postes suivants en font partie :

– Le capital organisationnel (conseil de gestion dans la nomenclature),

– La publicité et les études de marchés

Enfin, plusieurs actifs immatériels ne sont pas observables directement dans les comptes nationaux et peuvent également être sujets à des problèmes conceptuels. Nous distinguerons (comme production auxiliaire donc non vendue sur le marché) :

• les innovations financières

• la formation professionnelle

• les études techniques pour compte propre

• le Capital organisationnel pour compte propre

• la publicité pour compte propre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II – DIFFICULTÉ DES COMPARAISONS INTERNATIONALES

Ce point est capital. On rappelle que les comptes nationaux français estiment la FBCF pour les différentes « branches » de l’économie, décrivant chacune le processus de production à l’origine d’un produit donné. Les branches ne sont pas assimilables aux « secteurs d’activité ». En effet, ces derniers regroupent les entreprises selon leur activité principale et sont donc constitués le plus souvent de plusieurs branches. Ainsi, la production pour compte propre de logiciels est isolée dans une branche spécifique alors qu’elle est disséminée dans de nombreux secteurs d’activité (voir page Comptabilité nationale comparaisons internationales).  Or, la plupart des pays retenus décrivent leur économie à travers des secteurs d’activité. La comparaison directe aux données françaises en branche est donc très délicate. Toutefois, la FBCF, elle est répartie dans les différentes branches. Ainsi la production de R&D par l’industrie automobile apparaît dans la branche R&D et dans les secteurs automobiles des autres pays. Mais la FBCF en R&D de l’automobile est classée en France dans la FBCF de l’industrie automobile.

L’édition (58) comprend, outre l’édition de logiciels, l’édition de livres et de jeux vidéo. Les comparaisons des emplois pour ce produit doivent tenir compte de la structure de ces activités dans les différents pays. Pour certains pays, l’actif lié aux droits de reproduction (copyright) ou les manuscrits originaux peuvent figurer dans l’édition de livres.

Les écarts importants entre pays dans le partage Consommation intermédiaire/FBCF pour l’édition de logiciels (produit 58.2) et la programmation et le conseil informatique (62) sont connus : un groupe de travail sur les actifs immatériels, sous l’égide d’Eurostat et de l’OCDE, a évoqué ces différences. Elles ne viendraient pas principalement de la production pour compte propre mais plutôt d’un partage de la production vendue assez différent selon les pays. En effet, bien que les recommandations internationales soient claires à ce sujet, les données à disposition des différents pays ne sont pas toujours suffisamment détaillées et des hypothèses sont faites pour réaliser le partage.

L’écart avec l’Allemagne provient de pratiques différentes sur la comptabilisation en FBCF versus en CI. Il peut aussi refléter en partie une utilisation très différente des logiciels dans les deux pays : les logiciels « embarqués » dans les machines-outils ou le matériel de transport sont des CI alors que les logiciels utilisés dans l’activité sans être des intrants d’autres actifs sont des actifs, dès lors qu’ils sont utilisés pour une durée supérieure à un an. Enfin, la spécialisation sectorielle des deux pays peut aussi être un élément d’explication.En matière d’actifs incorporels, la réconciliation des données individuelles issues de la source fiscale et des données macroéconomiques issues des comptes nationaux est impossible.

En comptabilité nationale, le compte des sociétés non financières repose principalement  sur les données fiscales des entreprises. Néanmoins de nombreuses corrections sont opérées. Et toutes les données fiscales des entreprises ne sont pas mobilisées.  Déclarées dans leurs liasses fiscales, les immobilisations incorporelles des entreprises ne sont pas mobilisées par les comptes nationaux pour l’évaluation de la FBCF. Ces immobilisations incluent des actifs non produits en comptabilité nationale comme les marques et les logos ; elles nintègrent quune faible part de lactif issu de la R&D ; elles ne tiennent pas compte de lensemble des logiciels ; Ainsi, le champ des produits et les concepts sont très différents et il est difficile de confronter les deux approches. Pour la FBCF en logiciels ou en R&D, l’exploitation des données fiscales ne peut être mobilisée pour l’élaboration des comptes nationaux.

 

 

 

1/ Les comparaisons de l’effort de recherche doivent tenir compte de structures de l’économie

Les entreprises françaises réalisent 65 % de la dépense intérieure totale en R&D, soit 1,4 % du PIB d’une R&D totale qui se monte à 2,2 % du PIB en France. En Allemagne, le pourcentage est supérieur de 0,6 point. Mais la structure sectorielle de l’économie d’un pays a un impact sur son effort de recherche global. Ainsi, l’écart de 0,6 point entre les deux pays provient principalement d’un effet de structure économique (+ 1,3 point). Avec la structure économique de l’Allemagne, l’effort de recherche des entreprises françaises serait de 2,7 % du PIB contre 1,4 % avec la structure économique française (graphique suivant). La structure économique de l’Allemagne est en effet plus favorable à un effort de recherche élevé, puisque les activités particulièrement intenses en R&D y occupent une place plus importante. C’est notamment le cas de l’industrie automobile, avec un effet de structure de 0,7 point.  La structure économique du Royaume-Uni n’est quant à elle pas plus propice aux activités de R&D que celle de la France.

Tous secteurs confondus, y compris les services, les entreprises françaises consacrent 1,6 % de leur valeur ajoutée à des activités de R&D. Cette part est plus élevée en Autriche (2,4 %), en  Allemagne (2,2 %) et au Danemark (2,2 %). Depuis 2007, l’intensité de recherche globale a augmenté de 0,5 point en Autriche, 0,3 point en Allemagne, 0,2 point en France et au Royaume-Uni et de 0,1 point en Italie. Mais cet écart avec la France ne concerne pas tous les secteurs de l’industrie comme la fabrication de produits informatiques et électroniques, la fabrication d’autres matériels de transport (construction aéronautique,..) ou l’industrie automobile .

 

 

 

2/ la surestimation de la FBCF en logiciels

On estime à 13 Mds la surestimation de la FBCF en logiciels en France en 2017  (sur un total de 52,3 Mds) et à 4 Mds celle en produits d’édition pour la même année sur un total de 13 Mds  mais pas plus et probablement aussi en 2019 (voir page la FBCF). On parviendrait ainsi à compenser la hausse de la base 2010 de l’ordre de 10 Mds. Cette surestimation est issue des comparaisons internationales appropriées mais surtout des travaux de l’Insee dans le cadre de la préparation de la base 2020. Il semble que la France est un pays de logiciels comme les Pays-Bas et les États-Unis à l’encontre des pays du sud de l’Europe. Donc il faut regarder les données d’une dizaine de pays, y compris ceux hors UE (États-Unis, l’Australie et le Canada ayant trop de données manquantes).

Une part non négligeable (8 Mds sur ces 17 Mds) se trouveraient dans l’industrie. Une fois ce montant de 3,5 Mds retiré on peut observer les faits suivants : Dans l’industrie y.c. énergie, les entreprises françaises se distinguent de leurs homologues européennes par leur fort taux d’investissement en logiciels mais pas en R&D. Plusieurs pays (Danemark, Allemagne, Finlande) auraient des taux plus élevés (voir page Désindustrialisation par pays). Si on fait les corrections ci-dessus on parvient à un taux français de 35% au lieu de 47% quand le ratio allemand est de 43% et ceux du Danemark et de la Finlande proches de 40%. Les ratios des autres pays sont inférieurs à 35%. La moyenne des pays hors France est à peine supérieure à 30%.

Part de la FBCF en R&D et logiciels par l’industrie y.c. énergie dans la FBCF totale de l’industrie y.c. énergie en 2019 en %

 

 

 

 

Ces ratios montrent deux choses : d’abord une grande diversité de traitement selon les pays et surtout le besoin de comparer le maximum de pays (qui sont pilotes en matière de TES) et pas quelques-uns.

En s’affranchissant de cette différence d’affectation entre consommations intermédiaires et immobilisations (c’est-à-dire en pratique en additionnant ces deux types de données), les dépenses totales de logiciels et services informatiques de l’industrie demeurent plus élevées en France qu’ailleurs. Cet investissement est concentré dans les très grandes entreprises :  40% de l’investissement incorporel (en logiciels et R&D), notamment dans 2 secteurs : la fabrication de produits informatiques, électroniques, optiques et électriques et la fabrication de matériels de transport.

On voit ainsi la fragilité des données (voir page la FBCF). Comment distinguer les logiciels des matériels informatiques ? Les pays ont ils les mêmes conventions ? Certains révisent leurs chiffres comme le Royaume Uni. La Suède surestime la R&D. En France, le niveau de la FBCF en droits de propriété intellectuelle serait aussi surestimée de près de 18 Mds en 2017 et aussi en 2019.

 

 

 

 

III – L’INVESTISSEMENT INCORPOREL EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

On donne ici les ratios en niveaux de l’investissement incorporel par pays qui paraissent les plus significatifs puis on présente la FBCF incorporelle « élargie » et les évolutions en fin de page

 

1/ La part de la FBCF en droits de propriété intellectuelle dans la FBCF globale

On dispose de deux sources : OCDE et Eurostat. Il est très difficile de choisir le bon ratio et notamment les produits qui font partie de l’investissement incorporel par pays. Les manuels internationaux isolent les produits de propriété intellectuelle. Selon le SCN2008, « comme exemples de produits de la propriété intellectuelle, on peut citer les résultats de la recherche-développement, les résultats de la prospection minière et de l’évaluation, les logiciels et bases de données et les œuvres récréatives, littéraires ou artistiques originales. Ils se caractérisent par le fait que la majeure partie de leur valeur est imputable à un effort intellectuel » (voir ci-dessus).

Mais ceux ci ne paraissent pas idéals pour les comparaisons entre pays.

D’une part, ils incluent les résultats de la prospection minière. D’autre part, ils ne disent pas vraiment quels types de logiciels sont « standard » ou « spécifiques ». Enfin certains pays (Allemagne, Royaume-Uni) comptabilisent des investissements incorporels de la CPA 80-82, qui n’appartiennent pas à ces produits de propriété intellectuelle, pas plus qu’aux services d’ingénierie et d’architecture, qui, eux non plus, ne sont pas inclus dans ces produits de propriété intellectuelle.

On choisit donc de prendre deux catégories d’investissements incorporels par pays.

1/ Soit tous les investissements incorporels des produits de la CPAJ58 (édition) à la CPAJ90-92 (Services créatifs, artistiques, du spectacle, des bibliothèques,…) sauf la FBCF des services du logement et des activités juridiques (et financières). Mais on a pris en compte la FBCF en Allemagne et au Royaume-Uni de services qui accompagnent la construction de logements (CPA 80-82) qu’on ne retrouve pas dans les autres pays, à moins qu’ils ne soient intégrés aux services d’architecture-ingénierie. Dans la suite du texte, on appelle ainsi cette FBCF, « investissement incorporel par pays ». Ce n’est pas parfait mais on évite diverses spécificités des méthodes de chaque pays.

2/ Soit les produits de propriété intellectuelle hors exploration minière, voire uniquement les logiciels (et base de données) et la R&D. Dans certains tableaux de l’OCDE et d’Eurostat apparaissent en effet ces produits de propriété intellectuelle auxquels nous nous référons par commodité.

 

On peut par ailleurs rapporter ces données soit à la FBCF, soit au PIB.

Dans le premier cas, on peut rapporter les investissements incorporels par pays  à l’ensemble de la FBCF, ou à la FBCF des secteurs productifs (s11 à s13). Pour estimer la FBCF en actifs incorporels des secteurs institutionnels s11 à s13 dans les autres pays (qui n’est pas disponible), on a pris le même ratio qu’en France entre la FBCF incorporelle des secteurs s11 à s13 et la FBCF incorporelle globale, sachant qu’une petite partie est réalisée par les ménages et les entreprises individuelles (4%).

Les résultats montreraient que la France est dans le peloton de tête dans l’investissement incorporel par pays.

 

En prenant les deux ratios, soit (1) « FBCF incorporelle, dont les services administratifs et ingénierie-architecture en % de la FBCF globale« , soit (2) « FBCF en droits de propriété intellectuelle (donc hors les services administratifs et ingénierie-architecture mais y compris l’édition) en % de la FBCF globale, certains pays sont au dessus de la France (Suède, Pays-Bas) ou proches (Danemark, États-Unis). Le Royaume Uni est assez loin de la France (4 points de moins). Le ratio de l’Allemagne est inférieur à celui de la France de presque 5 points sur les deux ratios. Les ratios en Italie et en Espagne sont en dessous de celui de la France de près de 10 points. On observe que les ratios sont plus proches de celui de la France dans des pays du Nord de l’Europe (Pays-Bas, Danemark, Suède,..).

 

 

 

2/ La part de la FBCF incorporelle dans la FBCF des secteurs « productifs »

Ces résultats sont en partie confirmés par les ratios qui portent sur les 3 secteurs productifs s11, s12, s13. La part de la FBCF incorporelle y est très élevée en France. On pouvait établir le graphique suivant en 2018 en prenant plus de pays dont les États-Unis. Comme prévu, ce pays arrive en tête avec un ratio de 42%. Les actifs incorporels sont essentiels dans l’économie américaine, en particulier les droits de propriété intellectuelle (voir page chaînes de valeur mondiales).

La France fait partie des 3 pays où la part de la FBCF incorporelle des secteurs S11, S12 et S13 atteint ou dépasse 40% en base 2010.  Le ratio français (39,8%) se situe du côté les ratios dépassant 41% des Pays-Bas et des États-Unis et bien au dessus des ratios avoisinant 33,5% en Allemagne, Danemark, mais avec des ratios encore plus faibles dans d’autre pays. L’écart avec les précédents ratios se réduit entre la France et l’Allemagne du fait que l’investissement des ménages en logement est relativement plus important en Allemagne (30% de la FBCF globale en 2014 contre 27% en France). C’est l’inverse pour la Suède ou le Royaume-Uni où la part de la FBCF des ménages est plus faible (respectivement 11% et 22% en 2014).

La FBCF incorporelle (hors services du logement et activités juridiques) des secteurs S11, S12 et S13 est de 159,9 milliards d’euros en 2018 en base 2014. La base 2020 a retenu 133,5 Mds. L’Insee a donc retiré  26,5 Mds en 2018 à la FBCF incorporelle. Si on retire 22 Mds on obtient le graphique suivant montrant la FBCF incorporelle par pays (en base 2010) et en base 2020 pour la France (ratio dans le total de la FBCF des secteurs S11, s12 et S13). Le ratio français se rapproche ainsi des autres grands pays de l’UE, notamment l’Allemagne. Il est de 35,2% en 2018, ce qui resterait plus élevé qu’en Allemagne et au Royaume Uni.

Le second graphique rapport la FBCF en droits de la propriété intellectuel à la FBCF globale. La France perd plusieurs rangs en base 2020. Si les chiffres du Royaume-Uni ne sont pas révisés, son ratio passe devant celui de la France.

Tableau 30 FBCF incorporel s11, s12, s13 et par rapport au PIB eurostat OCDEN

Investissement incorporel par pays et « estimation proposée (France source) » (ratio dans le total de la FBCF des secteurs S11, s12 et S13) : décomposition entre les 3 grands produits en 2018  en %

FBCF en droits de propriété intellectuel par pays (issu de la comptabilité nationale) (ratio dans le total de la FBCF globale) en %

 

 

 

 

 

 

 

 

3/ L’investissement incorporel par pays en % du PIB.

Reposant sur des hypothèses et des sources parfois différentes entre pays, les évaluations de la comptabilité nationale pour la France sont assez proches du premier constat à l’exception des Pays Bas qui ne sont plus en tête des pays européens : en 2018, le ratio est le plus élevé en France : 6,8% du PIB devant la Suède (6,6%). Viennent ensuite les États-Unis et l’Autriche (6,1%) les Pays-Bas (5,9%) et le Danemark (5,7%). Le ratio allemand est à 5%, celui du Royaume-Uni est de 4,2% et celui de l’Italie à 3,1%.

Une fois de plus, on observe la complexité d’analyse d’un tel tableau. Dans le détail, les différences peuvent être toutes autres, traduisant des structures et spécialisations économiques différentes.

Par exemple, la part plus faible en Allemagne s’explique par les logiciels (0,8 % du PIB). À l’inverse, on constate une fois de plus la part trop élevée des logiciels en France : 3,3%. Pour la R&D, c’est en Allemagne et aux États-Unis que la part est la plus élevée (respectivement 2,9 % et 3% du PIB contre 1,9 % en France).

Le ratio français passerait à 5,5 % du PIB en retirant 30,5 Mds à la FBCF en droits de propriété intellectuelle (R&D, logiciels, base de données) et services d’architecture-ingénierie. Est ce correct sachant que la France serait un pays de logiciels dont la part serait de 2,5% du PIB moins qu’aux Pays-Bas et en Suède (voir page La FBCF) ?

 

En 2018, ratio de l’investissement incorporel dans le PIB en % (Décomposition des 3 grands ensembles de l’investissement incorporel par pays)

 

 

 

4/ La part de la FBCF en droits de propriété intellectuelle  dans la FBCF globale de l’économie

La part de la FBCF en droits de propriété intellectuelle en % de la FBCF globale de l’économie est très élevée aux États-Unis et au Danemark (respectivement 27,4% et 26,1%) puis 24,4% en France en 2019 et en Autrice (22,5%) aux Pays-Bas (21,9%) et 20% sur l’ensemble des 11 principaux pays de l’UE du fait de l’Allemagne (18,5%), l’Italie (17,2%) et l’Espagne (16,4%). . En retirant 26 Mds de FBCF en droits de propriété intellectuelle, la ratio français passerait à 20,5% soit à peine plus que dans les 11 pays de l’UE.

Tableau 30 FBCF branches actifs (N) Eurostat

Part de la FBCF en droits de propriété intellectuelle  dans la FBCF globale de l’économie en 2019 en %

 

 

 

 

IV – QUELQUES EXPLICATIONS

La première explication des écarts est lié à une divergence des méthodes de comptabilité selon les pays.

Ceci dit, la France est un pays de logiciels pléthoriques. On a vu que leur montant en FBCF est certes surestimé dans les comptes nationaux français  (voir page la FBCF).

La France est aussi une économie tertiaire (80% de la valeur ajoutée). Le graphique suivant indique que plus l’économie est tertiaire, plus la part de l’investissement incorporel par pays est élevée dans la FBCF à l’instar des Pays-Bas, du Danemark et des États Unis (mais pas vraiment du Royaume-Uni).

Quand on met en rapport la part du tertiaire dans la valeur ajoutée globale et la part de la FBCF en produits de la propriété intellectuelle dans la FBCF globale, on y voit que la nature plus tertiaire de certaines d’entre elles, dont la France, semble s’accompagner d’un renforcement de la part de la FBCF en produits de la propriété intellectuelle. De nouveau, on peut penser que la FBCF incorporelle est surestimée en France puisque la France et le Royaume-Uni n’ont pas la même part de valeur ajoutée tertiaire dans le total (respectivement 80% et 82,5%) alors que la part de la FBCF en produits de la propriété intellectuelle dans la FBCF totale est de 23,2% en France contre 22% au Royaume-Uni. On note toutefois que ce pays a révisé la FBCF en droits de propriété intellectuelle à la baisse en 2017.

La relation est en revanche assez bonne avec le Danemark et les Pays-Bas, et aussi avec les autres pays (Autriche, Allemagne, Italie,…). Retirer 12,5 milliards d’euros en 2014 ramènerait le ratio français à moins de 22%.

 

 

S’agissant de la relation entre investissement incorporel par pays  et solde des échanges extérieurs, elle reste à préciser. Indéniablement des pays comme l’Allemagne, la Slovénie, la Slovaquie, ou les pays scandinaves, ont une part de DIRD (Dépense intérieure de R&D) des entreprises relativement élevée dans le PIB et un solde commercial excédentaire. Mais l’Italie a aussi un solde largement positif et une DIRD relativement moins élevée que la France dont le solde présente un fort déficit.

 

À terme, actifs incorporels et actifs physiques seront vraisemblablement très complémentaires. Par exemple, des investissements en R-D fructueux pourraient déboucher sur des investissements matériels décalés dans le temps et les logiciels d’entreprise viennent compléter les investissements en biens d’équipement liés aux TIC.

 

 

 

 

 

 

 

 

V – L’INVESTISSEMENT INCORPOREL EN FRANCE

Tableau 15 – FBCF incorporelle séries longues

Les graphiques et tableaux suivants reprennent des séries depuis 1980 de J. Mairesse, complétées par des sources diverses, y compris les données de l’INSEE. Il est plus que probable que ces données seront révisées. Si l’on considère l’ensemble des investissements incorporels leur importance aurait ainsi presque doublé dans les trente dernières années, passant de 6 % du PIB en 1980 à 10,4 % en 2013, soit 220 milliards d’euros Dans ce montant, 57,5 % provient de ce qui est en FBCF. On observe tout au plus un très léger infléchissement de cette croissance relative à partir du début des années 2000.

Les postes « logiciels » et « R&D » représentent 45 % de la dépense totale en incorporels. Parmi les postes restant de l’investissement « élargi », la publicité, le capital organisationnel – on fait toutefois l’hypothèse que la totalité des dépenses en capital organisationnel,activité de consulting, sont retenues comme de l’investissement – et surtout la formation continue sont les trois postes les plus importants.

Mais cette estimation issue des bases 2010 et 2014 ne paraît pas pleinement convaincante. L’investissement incorporel serait très difficile à mesurer dans les données de la comptabilité nationale. Il est surestimé en France. Comment, par exemple, comptabiliser un logiciel « embarqué » dans une machine industrielle? L’écart d’investissements entre la France et certains autres pays paraît aberrant et pourrait être expliqué par des différences comptables entre pays européens.

Une récente estimation de la FBCF en R&D de l’INSEE revient à diminuer celle ci de 6 milliards d’euros en 2017 du fait d’un double compte de la PEFP en R&D, qui serait déjà comptabilisée dans la PEFP en logiciels, donc comptée deux fois dans la FBCF. La FBCF en logiciels est aussi largement surestimée. Ainsi si on retirait autour de 12 milliards en 2013 des 220 milliards d’euros de l’investissement incorporel « élargi », on aurait un montant de 208 milliards, soit un peu moins de 10% du PIB au lieu de 10,4%. 

Le léger ralentissement de l’effort national d’investissement incorporel en longue période (entre 1980 et 2013) tel qu’il est mesuré actuellement en termes de FBCF est de plus trompeur, car il ignore une importance croissante de différentes formes d’investissement incorporel, les logiciels continuant de croître par exemple.

D’ailleurs, l’investissement en services, plus large que l’investissement incorporel , – car il inclut la FBCF en services juridiques et immobiliers – , s’élève à 171,7 milliards d’euros en 2018 et pèse pour 43 % dans l’investissement total des entreprises et des administrations. Il ne représente que 13 % de la demande intérieure en services, mais contribue à hauteur de 21 % à sa croissance (+ 5,3 % en volume en 2018, après + 7,4 %). L’accélération des dépenses de R&D entamée en 2017 se poursuit. À l’inverse, les investissements en logiciels et bases de données sont un peu moins allants qu’en 2017 (+ 8,3 % après + 10,7 %). Ils avaient en effet augmenté en 2017 à un rythme inédit depuis une dizaine d’années. Ils continuent néanmoins de croître nettement plus vite que les investissements en biens manufacturés.

 

De même, les sociétés non financières, les sociétés financières les administrations ont considérablement accru la part de leur investissement immatériel en 33 ans, : 36 % en 2013 (soit 122,0 milliards d’euros en niveau) contre 20,6 % en 1980Un pourcentage de 34,2% en 2013 serait plus proche de la réalité.

Base 100 en 1980, l’investissement incorporel (tous secteurs institutionnels confondus) a été multiplié en 2013 par 8,2 fois (avec une forte croissance entre 1995 et 2000) contre par 4 fois pour les investissements matériels.

La croissance relative de l’investissement incorporel s’essouffle un peu depuis le début des années 2000. L’essentiel de la croissance relative, en pourcentage du PIB ou des investissements globaux, se situe avant 2000. Les secteurs institutionnels, particulièrement les sociétés non financières, ont ils ralenti quelque peu leurs achats de logiciels et de R&D à partir du début des années 2000 (comme ils l’ont d’ailleurs fait de manière plus marquée pour leurs achats de services aux entreprises) ?

Ainsi la production marchande (P11) de la R&D augmente au même rythme que la production pour emploi final propre (P12) de la R&D depuis 2001 alors qu’elle augmentait plus vite avant.

Cette croissance relative par rapport au PIB repart toutefois à la hausse après 2009 comme si les entreprises ne cherchaient pas trop à faire des économies sur ces investissements, qu’elles produisent d’ailleurs en partie elles mêmes.

S’agissant des logiciels, la progression de la FBCF, dont la croissance est la plus forte parmi tous les actifs incorporels passe par plusieurs phases distinctes depuis 1995. Dans la première, de 1995 à 2000, la croissance est stimulée par la diffusion d’Internet dans le grand public avec le développement des réseaux et applications (intranet, bases de données, sites web, etc.). Parallèlement, la téléphonie mobile décolle dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix avec l’avènement de la deuxième génération. Dans la seconde phase, du début des années 2000 à la crise de 2009, l’activité ralentit sensiblement. Les effets de l’éclatement de la « bulle Internet » en 2001 aux États Unis se propagent en Europe, affectant particulièrement les investissements en informatique et communication. Par ailleurs, la concurrence entre opérateurs entraîne de fortes baisses du prix des télécommunications. Les investissements en logiciels représentent 26 % du total des investissements incorporels, y compris ceux « élargis ».

Pour la R&D dont la FBCF représente 47,7 milliards d’euros en 2013, c’est la R&D marchande qui prédomine (30,6 Mds) et notamment celle issue de la production pour compte propre (23,6 Mds) même si la production marchande augmente plus vite sur la période 1980-2013. La FBCF en R&D non marchande est de 17,1 Mds. On a vu toutefois que la FBCF en R&D serait surévaluées de quelques 4 milliards d’euros en 2016 du fait du double compte de la PEFP en R&D avec celle en logiciels.

 

 

 

 

 

 

 

 

VI – COMPARAISONS INTERNATIONALES DE L’INVESTISSEMENT INCORPOREL PAR PRODUIT

Dans ces comparaisons, toutes les montants et ratios proviennent des bases de données d’EUROSTAT, de l’OCDE, voire du Bureau of Economic of Analysis pour les États-Unis. Le moins qu’on puisse dire est que les questions, de nature parfois différente,  ne manquent pas quand on compare la France aux autres pays.

 

1) les logiciels

Les activités informatiques et services d’information couvrent le développement, l’adaptation et la maintenance de logiciels spécifiques (réalisés pour les besoins particuliers d’une entreprise, hors logiciels standards), la conception et la gestion de systèmes informatiques ainsi que les activités des portails de recherche sur Internet, de traitement et d’hébergement de données. Par ailleurs les logiciels « standard » se trouvent dans la branche « édition et activités audiovisuelles ».

La production pour emploi final propre (PEFP – P12) a fait l’objet de différentes méthodes d’évaluation en base 2000 et 2005, la méthode d’évaluation à partir des coûts salariaux recommandée par Eurostat ayant été abandonnée.

Pour les comptes 2009 et 2010 de la base 2010, la méthode proposée est inspirée de celle mise en avant dans le « Handbook on Deriving Capital Measures of Intellectual Property Products » de l’OCDE. Ce manuel décrit le calcul des coûts établi par l’Office National des Statistiques du Royaume Uni à partir d’une enquête sur la part du temps passé au développement de logiciels selon les groupes professionnels spécialisés, en limitant à 50 % la part du temps consacré par les professions informatiques aux logiciels pour compte propre.

Pour tenir compte des bases de données, faute de mieux, l’INSEE a élargi les professions retenues aux cadres de la documentation et de l’archivage des secteurs publics et privés. Les données d’effectifs et de salaires nets issues des DADS sur le champ des salariés du secteur privé et semi-public ont ensuite été utilisées. La masse salariale obtenue a été multipliée par 2,1 pour tenir compte des charges 34 salariales. Puis l’INSEE a repris l’estimation proposée en base 2000 selon laquelle les coûts de matériels représentaient 50 % des coûts salariaux et l’excédent brut d’exploitation 35 %, issue elle-même d’une recommandation de l’OCDE.

L’ensemble des modifications intégrées dans l’équilibre-ressources-emplois (ERE) du produit GJ62Z Programmation, conseil et autres activités informatiques aboutit à une réévaluation importante du montant de la FBCF totale en base 2010 par rapport à la base 2005 : la FBCF de l’ensemble des secteurs institutionnels en logiciels (qui sont des actifs immatériels) a été relevée de près de 10 Md€ en 2010, après analyse du chiffre d’affaires détaillé en activités informatiques.

La production de logiciels pour compte propre a été réévaluée à partir des salaires versés aux équipes informatiques internes et autres coûts, selon la méthode proposée par l’OCDE, également appliquée pour estimer la production de bases de données pour compte propre.

D’autre part, les modifications de l’ERE du produit HJ63Z1 » Traitement de données, hébergement et activités connexes-portails Internet », uniquement liées à l’alignement du traitement des bases de données sur celui des logiciels en base 2010, ont pour conséquence l’introduction d’une FBCF de 3,4 milliards d’euros en 2010. Ces montants se répercutent intégralement sur le niveau GJ63Z.

En fait, il convient de distinguer deux produits branches :

  • l’édition (NAF J58),
  • les activités de Programmation, conseil et autres activités informatiques (J62)- service d’informations (J63).

 

 

a) les logiciels spécifiques et base de données

Selon une étude d’Insee premières, la France génère 10 % du chiffre d’affaires du secteur des services informatiques en 2015 au sein de l’Union européenne (UE) et emploie 11 % des effectifs [4]. L’Allemagne et le Royaume-Uni sont les deux acteurs dominants : ces deux pays totalisent 42 % des ventes et 39 % des effectifs de l’UE.

Les données d’Eurostat ne permettent pas des comparaisons entre la France et les autres pays. S’agissant de la P12 plus élevée en France, on sait qu’elle est expliquée par le fait que le TES est en branche pure. Du coup, nous comptabilisons en P12 ce que les autres pays enregistrent en P1 des secteurs d’activités qui produisent surtout des logiciels pour leur propre compte. Ne serait-ce qu’aux Pays-Bas, en Allemagne et au Royaume-Uni, la P12 du secteur d’activité « logiciel » est près de 10 fois moins élevée que la P1 en produit « logiciel » des autres secteurs que celui des logiciels en 2014. Alors qu’en France, la P12 est de 19,4 Mds contre 0,4 Mds pour la P1 en logiciels des autres secteurs que celui des logiciels (en fait des ventes résiduelles des branches non marchandes, autre spécificité française).

Décomposition de la production du secteur d’activité (branche pure en France) « logiciels -bases de données » entre la production marchande P11 et la production pour emploi finale propre (P12) et de la production du produit (milliards d’euros) en 2014

 

 

De plus, le partage de la P11 entre FBCF et CI est plus élevé que dans les autres pays (47 %) contre 43 % aux Pays Bas et en Suède mais seulement 19 % en Allemagne et 30 % au Royaume Uni. Du coup, le partage « FBCF / CI » est plus élevé en France : la FBCF représente 60 % du total (CI + FBCF) en France contre 22 % en Allemagne et autour de 45 % dans d’autres pays (Pays Bas, Suède).

 

Toutefois, quand on fait la différence entre la part de la FBCF en logiciels à la FBCF totale, et la part de la valeur ajoutée de la branche logiciels, les pourcentages en France sont proches de ceux de nombreux pays sauf l’Allemagne.

 

 

b) les produits de l’édition

De son coté, la FBCF est très élevée en France en produit « édition » (qui comprend la branche-produit J58Z2 autres éditions de logiciels, logiciels standard). La FBCF y est de 9 milliards en France en 2014 (13 Mds en 2017) contre pas plus de 3 milliards dans les autres pays. C’est donc aussi la FBCF de ce produit qui explique que la FBCF globale de logiciels soit plus élevée en France (2,7 % du PIB en France et aux États-Unis, et entre 2,3 % aux Pays-Bas et 0,8% en Allemagne).

On note toutefois que les logiciels « standard » ont le même poids dans le PIB aux États-Unis qu’en France.

Concernant les logiciels standards, il faut rappeler que la plupart des entreprises de services du numérique (ex SSII, société de services en ingénierie informatique) mondiales ont une grosse implantation en France (par exemple ORACLE, 30 établissements et plus de 1200 salariés), Microsoft (1500 salariés), SAP (1000 chercheurs dans ses 3 laboratoires de Paris, Caen et Sophia Antipolis). Par ailleurs la France est parmi les premiers producteurs mondiaux de 36 logiciels pour jeux vidéos et de logiciels CAO (notamment avec Dassault Systèmes – The 3DEXPERIENCE Company).

Concernant les logiciels spécifiques, le recours en France y est sans doute plus important qu’ailleurs ; la tendance à substituer du capital au travail humain n’y est pas nouvelle. Elle passe d’ailleurs par de multiples canaux qui engagent aussi le consommateur, via par exemple la carte bancaire ou la dématérialisation des démarches, toutes deux fortement développées en France [5].

Au sein des investissements en logiciels, les logiciels spécifiques dominent. En 2014, leur montant atteint 40 milliards d’euros, contre 10 milliards d’euros pour les logiciels standards. Ces logiciels spécifiques sont majoritairement réalisés et vendus par des entreprises de services informatiques ; ils sont aussi, pour environ un tiers des investissements, élaborés en interne par les services informatiques des entreprises et des administrations pour leur propre usage.

L’essor des logiciels est bien entendu lié à la diffusion des matériels (ordinateurs, serveurs, tablettes, téléphones…). Il accompagne aussi la multiplication des réseaux et des communications, via par exemple la compression des données qui facilite les transmissions.

 

 

c) le partage de la FBCF en logiciels par branche

Une dernière question concerne la matrice FBCF « produit-branche » : on doit s’interroger ainsi sur la part de la FBCF en logiciel par la branche industrie en France dans la FBCF totale de l’industrie (15,8% en 2013), bien plus élevée qu’ailleurs (moins de 10% dans les autres pays). Un pourcentage de 8,7%, comme aux Pays Bas, serait dans la moyenne (voir page la FBCF).

 

 

 

 

2) la R&D

Les résultats sont aussi intéressants pour la R&D. Mais là aussi sont ils fiables ? Trois concepts sont clefs dans ce domaine : DIRD, Production, FBCF (voir dossier R&D investissement).

 

a) la DIRD

L’industrie en Allemagne produit beaucoup de R&D contrairement à la France. La part de l’industrie dans la DIRD des sociétés (financières et non financières) est de 86 % en Allemagne contre 50 % en France. L’écart entre les deux pays s’explique par des branches comme l’automobile. La DIRD y est 9 fois plus élevée qu’en France de même que la valeur ajoutée l’est 10 fois plus. Pour cette branche, l’intensité de la R&D serait donc à peu près la même [6].

En fait, la DIRD est plus développée en France en 2013 qu’en Allemagne dans les secteurs d’activités tertiaires, en particulier dans celui de la R&D.

 

 

 

b) la production : Le partage P11 – P12 dans les comptes nationaux

Comme pour les logiciels, les données d’Eurostat ne permettent pas des comparaisons entre la France et les autres pays. En France, la P1 en produit R&D des secteurs d’activité autres que la R&D est quasi nulle contre 36,6 Mds de P12 Dans les autres pays, la P12 en R&D est enregistrée dans les autre secteurs d’activité que la R&D. Cette divergence entre la France et les autres pays est encore expliquée par le fait que le TES est en branche pure : nous comptabilisons en P12 ce que les autres pays enregistrent en P1 des secteurs d’activités autres que celui de la R&D, qui produisent le produit R&D.

Décomposition de la production du secteur d’activité (branche pure en France) « R&D » entre la production marchande P11 et la production pour emploi finale propre (P12) et de la production du produit (milliards d’euros) en 2014

 

 

Deux fait stylisés sont observés en longue période. D’abord la faiblesse relative de la P11 en R&D ne daterait pas d’aujourd’hui. Dans les années 80, où la P12 en R&D était comptabilisée comme « transferts de recherche » dans le compte satellite, ceux ci étaient déjà plus importants que les ventes de R&D. D’autre part, la P11 augmente depuis 1980 malgré tout plus vite que la P12 des SNF : elle a été multipliée par 8,6 entre 1980 et 2013 contre par 5,7 pour la P12 des SNF.

 

c) la FBCF en R&D par branches

Comme pour la DIRD, la FBCF en R&D  par l’industrie représente 63% de la FBCF en R&D globale contre 52% en France. Les autres branches que l’industrie représentent presque la moitié de la FBCF en R&D en France.

 

 

 

 

VII – L’INVESTISSEMENT INCORPOREL « ÉLARGI » PAR PAYS

Une dernière approche s’intéresse à l’ensemble des investissements incorporels marchands (ceux des secteurs institutionnels s11 et s12) y compris ceux élargis, rapportés au PIB. On utilise les données de la base « Intan-Invest » (Corrado et al., 2012) pour la France, le Royaume Uni, les États-Unis ainsi que l’Allemagne et les Pays-Bas [7]. Cette base est cohérente avec le SEC 1995.

On s’intéresse ici aux investissements marchands en incorporels par pays (hors ceux des APU et ménages) alors que jusqu’à présent on prenait en compte les investissements des APU.

Les niveaux relatifs de la FBCF comptabilisée dans les comptes rapportée au PIB, sont toutefois plus faibles par pays car les dépenses de R&D (M72Z) et celles des bases de données (J63Z) ne sont pas encore incluses dans la FBCF en SEC 1995. Ceci explique la position plus forte du Royaume Uni, pays où les dépenses de R&D sont relativement faibles, que dans les graphiques précédents, qui eux sont en cohérence avec le SEC 2010. Un tel graphique montre donc l’importance des investissements incorporels non comptabilisés en FBCF dans les comptes nationaux à l’époque (année 2010) même si les choses ont évolués depuis le SEC 2010 avec l’intégration de la R&D et des bases de données dans la FBCF.

Le plus significatif est que le ratio se situe en dessous de celui du Royaume Uni et des États Unis (où la part de l’économie non marchande est plus faible qu’en France), ce qui n’est pas le cas pour la seule FBCF incorporelle où sa part est la plus élevée en France parmi les autres pays d’Europe. En fait, la part plus élevée au Royaume Uni et aux États Unis pour l’ensemble des investissements incorporels « élargis » tient aux produits non comptabilisés en FBCF, essentiellement les dépenses de capital organisationnel (conseil de gestion, innovation financières). Notons toutefois que le Royaume Uni a diminué la FBCF en droits de propriété depuis la base 2005. Aux États Unis, les investissements incorporels (réels et élargis) s’élèveraient au total à environ 11,5 % du PIB selon ces données cohérentes avec le SEC 1995. Parmi les trois pays européens suivant, la France investit au total assez nettement (8%, pourcentage qu’on retrouve en base 2010) plus que l’Allemagne (6,5 % du PIB) mais moins que le Royaume Uni (8,9 %).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VIII – LA FORMATION PROFESSIONNELLE

L’intérêt de cette mesure est qu’elle permet de comparer les investissements comptabilisées dans la FBCF et les dépenses qui n’y sont pas (car elles sont soit en consommation intermédiaire, telle la publicité, soit même non répertoriées dans les comptes nationaux comme la formation professionnelle). Il existe des données sur ces investissements élargis comme par exemple en France pour la formation professionnelle.

 

 

1/ La formation professionnelle en France

La formation professionnelle permet d’acquérir des compétences tout au long de la vie, facilitant l’insertion sur le marché du travail, le maintien dans l’emploi, la promotion ou la reconversion professionnelle. Elle peut donner lieu à la délivrance d’un titre professionnel ou d’un diplôme.

Elle comporte la formation initiale délivrée notamment au sein des lycées professionnels et de l’enseignement supérieur. Elle comprend l’apprentissage, qui permet d’alterner formation et activité professionnelle dans le cadre d’un contrat de travail. En 2019, environ 370 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été enregistrés.

La formation professionnelle dite « continue » est destinée aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent. En 2016, 39 % des personnes âgées de 18 à 64 ans, salariés indépendants ou personnes à la recherche d’un emploi, déclarent avoir suivi une formation à but professionnel dans l’année. . L’accès à la formation des personnes en recherche d’emploi et des jeunes peu qualifiés bénéficie d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics, avec notamment la mise en place du plan d’investissement dans les compétences (PIC) depuis 2018. En 2019, environ 930 000 personnes en recherche d’emploi ont pu bénéficier du statut de stagiaire de la formation professionnelle, permettant d’être rémunéré ou de bénéficier d’une couverture sociale pour suivre une formation.

En 2017, 26,3 milliards d’euros étaient consacrés à la formation professionnelle continue et à l’apprentissage (hors dépenses directes des entreprises, (tableau suivant). Ce montant est quasi stable par rapport à l’année précédente (-0,1 %, après +6,4 % en 2016). En part du produit intérieur brut (PIB), il atteint 1,1 % en 2017 (1,2 % en 2016). Cette même année, 67 600 organismes de formation continue déclarent une activité, correspondant à un chiffre d’affaire de 14,9 milliards d’euros.

Dépense de formation professionnelle par financeur final (y compris investissement) en millions d’euros et en % (source : Dares)

Vu l’importance de la formation professionnelle dans la croissance d’un pays, il est utile de rassembler toute information sur ce sujet.

 

 

2/ Les dépenses consacrées à l’enseignement professionnel initial (FPI) dans l’UE

Dans la plupart des pays dans lesquels des données sont disponibles, les dépenses consacrées à l’enseignement professionnel initial (FPI) représentaient moins de 1% du PIB en 2017.

Les dépenses publiques consacrées à la FPI (en pourcentage du PIB) étaient les plus élevées en Belgique (1,06 % – en baisse de 0,07 point depuis 2013) et en Finlande (0,93%). Viennent ensuite les Pays-Bas et la Hongrie, qui consacrent respectivement l’équivalent de 0,69% et 0,68% de leur PIB à la FPI. Ces pays sont réputés pour avoir un système d’apprentissage bien ancré dans leur paysage éducatif, social et culturel.

La plupart des autres pays de l’Union consacrent entre 0,4 et 0,7% de leur PIB à la formation professionnelle initiale. C’est le cas de l’Autriche (0,65%) ou encore de l’Allemagne (0,54%) dont les systèmes d’apprentissage sont également développés. La France y consacre une part relativement plus faible (0,44%) comme au Royaume-Uni, juste devant la Lettonie et la Bulgarie.

Les niveaux de dépenses les plus bas (inférieurs à 0,4 % du PIB) ont été enregistrés à Chypre (0,3%), en Grèce (0,27%), en Lituanie (0,23%), en Irlande (0,09%) et en Roumanie (0,08%).

Si l’on considère le montant consacré à chaque élève inscrit dans une filière professionnelle, le classement des pays est légèrement différent. En effet, il varie selon le niveau de développement du système de formation professionnelle. Par exemple, si la Belgique consacre 1,06% de son PIB (parmi les plus élevé en UE) à la FPI, le montant consacré par élève n’est pas le plus élevé. A l’inverse, la France figure parmi les premiers Etats européens en termes de dépenses par élève inscrit en FPI (à un niveau équivalent de celui des Pays-Bas), alors qu’elle se situe dans la moyenne basse européenne si l’on compte en pourcentage du PIB.

 

Dépenses consacrées à l’enseignement professionnel initial  (FPI) en % du PIB

 

 

 

3/ La formation sur le lieu de travail dans l’UE

a) Les données sur les salariés

Parmi les adultes en âge de travailler (25-64 ans), 46,6 % dans l’UE ont participé à une formation pour adultes, c’est-à-dire qu’ils ont participé à des activités d’éducation et de formation formelles ou non formelles en 2022. Cela représente une augmentation de 2,9 points de pourcentage (pp) par rapport à l’enquête précédente, menée en 2016, où 43,7 % de la population en âge de travailler avait participé à une formation pour adultes. En 2011, cette part était de 40,2 %.

L’apprentissage des adultes est mesuré par l’indicateur « participation à l’éducation et à la formation » qui couvre la participation à l’éducation et à la formation formelles et non formelles au cours des 12 derniers mois. Les individus sont considérés comme participants s’ils ont participé à des activités d’apprentissage formelles ou non formelles, ou aux deux. Le principal indicateur concerne les adultes en âge de travailler, c’est-à-dire les 25-64 ans.

 

Parmi les États membres de l’UE, il existe une variation considérable entre les proportions de populations adultes en âge de travailler ayant participé à une éducation ou une formation formelle ou non formelle. En 2022, la proportion de loin la plus élevée a été enregistrée en Suède (73,9 %), suivie par les Pays-Bas (65,2 %), la Hongrie (62,4 %) et l’Allemagne (60,4 %). Dix autres pays de l’UE ont signalé des taux de participation supérieurs à la moyenne de l’UE, tandis que dix autres pays de l’UE avaient des taux compris entre 25 % et la moyenne de l’UE. Les taux les plus bas – inférieurs à 25 % – ont été observés en Pologne (24,3 %), en Bulgarie (20,6 %) et en Grèce (16,6 %). En France, 50,8% des personnes en emploi on suivi une formation non-formelle liée à l’emploi en 2022 mais ce pourcentage n’augmente par rapport à 2011 alors qu’il progresse de 6,5 points de pourcentage dans l’UE.

Taux de participation à l’éducation et à la formation (12 derniers mois), 2011-2022
(% des personnes âgées de 25 à 64 ans)

 

 

Au final, la participation à la formation professionnelle et la volonté de se former varie sensiblement d’un pays à l’autre. En France, la proportion des adultes n’ayant pas suivi de formations est relativement élevée parmi les pays de l’OCDE. Selon les données issues de l’Évaluation des compétences des adultes (PIAAC), 41% seulement des adultes participent à une activité de formation dans les pays de l’OCDE au cours d’une année donnée. Près de la moitié des adultes n’ont pas suivi de formation et ne le souhaitent pas parce qu’aucune formation ne leur convient, qu’ils ne sont pas motivés ou qu’ils sont découragés par les obstacles à surmonter.

Participation à la formation professionnelle et la volonté de se former en 2015 en % des adultes

 

 

 

b) les données des entreprises

En 2020, 67,4 % des entreprises employant 10 personnes ou plus dans l’UE étaient des «entreprises de formation», c’est-à-dire qu’elles offraient soit des cours de formation professionnelle continue (FPC), soit au moins l’une des autres formes de FPC à leur personnel (telles que la formation guidée en cours d’emploi , cycles d’apprentissage, apprentissage auto-dirigé, etc., voir Figure 1). Il s’agit d’une baisse par rapport à 2015 où la part correspondante était de 70,5 %, un pic après 63,6 % en 2010. Cette baisse en 2020 s’explique très probablement par une activité commerciale réduite, des confinements et des restrictions imposés par la pandémie de COVID-19. Parmi les États membres de l’UE, la part des entreprises qui proposaient une forme quelconque de FPC en 2020 variait de 17,5 % en Roumanie à 96,8 % en Lettonie ; notons que cette part était également très élevée en Norvège (93,0 %). En France, cette part était de 75,5% soit un peu plus que dans l’UE (68%).

Entreprises proposant une FPC, 2010, 2015 et 2020, (% de toutes les entreprises)

Quant aux taux de participation, les données sur les coûts ne concernent que les cours de FPC et non les autres formes de FPC. Les données sur le coût des cours de FPC (graphique suivant) ont été converties en standards de pouvoir d’achat (SPA) plutôt que de présenter ces coûts en euros. Les standards de pouvoir d’achat sont une monnaie théorique qui s’ajuste aux différences de niveaux de prix entre les pays.

En 2020, les dépenses moyennes consacrées aux cours de FPC par les entreprises de formation dans l’UE étaient de 1 441 SPA par participant. On note que chaque personne est comptée une fois, quel que soit le nombre de cours suivis au cours d’une année et quelle que soit la durée des cours. Le coût moyen par participant aux cours de FPC variait de 320 PPS en Tchéquie à 2 315 PPS en Irlande, avec les Pays-Bas (2 262 PPS), la France (1 920 PPS), l’Allemagne (1 678 PPS), le Danemark (1 628 PPS).  l’Italie (1 505 SPA) et la Suède (1 485 SPA) au-dessus de la moyenne de l’UE.

Coût des cours de FPC par participant, 2020, en standards de pouvoir d’achat

Pour une comparaison du coût des cours de FPC dans le temps, le graphique suivant montre le coût en euros par heure de formation. En 2020 dans l’UE, le coût d’une heure de cours CVT était de 64 euros, soit un euro de plus qu’en 2015. Le coût horaire était le plus élevé en France (91 euros), en Suède (87 euros) et en Irlande (86 euros) et le plus bas au Portugal (20 euros), en Bulgarie (16 euros) et en Roumanie (14 euros). En euros, une heure de formation était la plus chère de Norvège, avec 94 euros.

Par rapport à 2015, pour les 26 États membres de l’UE pour lesquels la comparaison est possible, le coût horaire a augmenté dans 16 pays (de seulement 1 euro à 38 euros) alors qu’il est resté le même dans 3 pays ou a même diminué dans 7 pays (de -1 à -15 euros). Par rapport à 2010, le coût horaire a augmenté dans la plupart des pays et n’a diminué qu’en Croatie, en Finlande, en Allemagne, au Portugal, en Grèce et en Hongrie.

Coût des cours de FPC par heure de formation, 2010, 2015 et 2020 (euro)

 

 

 

 

 

 

 

 

IX – PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DE L’INVESTISSEMENT INCORPOREL PAR PAYS

 

1/ l’évolution de l’investissement incorporel par pays en niveau et en pourcentage

Pour terminer, la croissance de l’investissement incorporel par pays, essentiellement R&D et logiciels, serait en évolution un peu plus élevée au Royaume Uni et aux États-Unis qu’en France entre 2000 et 2014. Inversement elle serait plus faible en Allemagne et en Italie. Cette croissance a été freinée sensiblement lors de la crise de 2008 dans tous les pays [8]. On retrouve un tel classement dans la source intan-invest cohérente avec le SEC 1995 pour l’ensemble des investissements réels et élargis

Les pays où la part des investissements incorporels en droits de propriété intellectuelle dans le PIB sont les plus élevés seraient ceux où leur croissance a été la plus forte. Toutefois, il convient de nuancer cette évolution en observant que c’est en Allemagne et en Italie, que la part des investissements en droit de propriété dans la FBCF globale a le plus augmenté entre 2000 et 2014, marquant un certain rattrapage.

 

 

2/ l’évolution de l’effort de recherche

Les dépenses de R&D des entreprises sont une mesure de la R&D intra-muros (voir page Compte de recherche développement). Contrairement aux concurrents mondiaux tels que le Japon ou les États-Unis, les dépenses en R&D sont relativement faibles dans l’UE. Cela dit, le secteur des entreprises commerciales représente généralement la part la plus élevée des dépenses intérieures brutes en R&D par rapport à l’enseignement supérieur, au secteur public et au secteur privé sans but lucratif. Hormis une légère baisse en 2009, les dépenses de R&D des entreprises de l’UE ont augmenté de manière constante (en prix courants) entre 2005 et 2019. Cette évolution à la hausse ne s’est pas prolongée en 2020, puisque les dépenses des entreprises en matière de R&D ont diminué de 1,5 % pour atteindre 205 milliards d’euros.

Dépenses des entreprises en R&D dans l’UE  (en milliards d’euros , 2005-2020)

Source : Eurostat

 

La Suède, la Belgique, le Danemark, l’Autriche, l’Allemagne et la Finlande avaient les taux les plus élevés de dépenses de R&D par habitant, ainsi que les niveaux globaux les plus élevés les niveaux globaux d’intensité de R&D (dépenses de R&D par rapport au PIB). Les dépenses de R&D des entreprises dans l’UE s’élevaient en moyenne à 458 € par habitant en 2020. Ce ratio s’élevait. Ce ratio était supérieur à 1 000 € par habitant en Suède et en Belgique, mais était inférieur à 200 € par habitant dans 14 États membres de l’UE. des États membres de l’UE, les ratios les plus faibles étant en Lettonie et en Roumanie.

Dépenses des entreprises en R&D (€ par habitant, 2020)

Source : Eurostat

 

 

La plupart des pays de l’OCDE ont accentué leur effort de recherche : entre 1995 et 2013, la part du PIB consacrée à la DIRD est passée en moyenne de 1,7 % à 2,1 % dans les pays de la zone Euro. La part des dépenses de R&D dans le PIB en France est inférieure à celle de l’Allemagne. Depuis 2003, l’effort de recherche a augmenté de 0,22 point dans l’Union européenne. En France, il a augmenté de 0,18 point, soit davantage qu’au Royaume-Uni, où il a stagné, et autant qu’en Finlande mais moins qu’en Allemagne, au Danemark et en Autriche (respectivement + 0,4 ; + 0,5 et + 0,6 point).

Alors que la France et l’Allemagne partageaient des performances proches au cours de la première moitié des années 1990 avec un effort de recherche autour de 2,3 %, il n’en est plus de même actuellement. L’effort de recherche allemand est désormais supérieur à celui de la France. Si le secteur public – qui recouvre l’État, l’enseignement supérieur et les associations – réalise un effort de recherche d’ampleur similaire dans les deux pays (0,9 % du PIB en Allemagne et 0,8 % du PIB en France en 2014), la différence est notable pour le secteur privé. Les dépenses engagées par les entreprises pour réaliser des travaux de R&D ont atteint 1,46 % du PIB en France en 2014, contre 1,93 % en Allemagne.

Part en % des dépenses intérieures de R&D dans le PIB  dans les pays de l’Union européenne

Source: OCDE, notamment UE-27 qui est un calcul OCDE, et Eurostat pour les pays non OCDE. DIRD/PIB  pour la France en 2009, en 2014 et en 2015 résulte d’un calcul du MESRI-SIES qui corrige une rupture de série.

e: valeur estimée, p: donnée provisoire

 

 

 

 

3/ actifs et FBCF en droits de propriété intellectuelle

La part des actifs incorporels est  faible, beaucoup plus faible que leur part dans la FBCF selon les données d’Eurostat.  Mais il est vrai que les actifs incorporels ne comprennent ici que les logiciels et la Recherche et développement, l’ensemble constituant les Droits de propriété intellectuelle. Il convient ainsi de noter qu’on n’a pas idée de l’ensemble des actifs incorporels comme pour la FBCF (contrairement au SEC95), les actifs liés aux services d’architecture et d’ingénierie ou les frais liés à l’acquisition étant par exemple regroupés avec ceux de la construction. De plus on observe que les ratios entre la France et l’Allemagne tendent à se resserrer du fait même que la R&D qui a une durée de vie de 10 ans et a un poids plus important en Allemagne qu’en France. C’est le contraire pour les logiciels dont le poids est moins important avec une durée de vie de 5 ans. La part des actifs de droits de propriété intellectuelle est même plus élevée en Allemagne qu’au Royaume Uni contrairement à la part de la FBCF incorporelle toujours pour les mêmes raisons. Il reste que les durées de vie de ces actifs incorporels sont assez imprécises.

 

 

X – PLAIDOYER POUR L’INVESTISSEMENT INCORPOREL

On distingue différents types d’investissements incorporels selon leur mode de traitement actuel par la comptabilité nationale : certains sont déjà inclus dans la FBCF, d’autres sont traités en consommation intermédiaire, d’autres enfin sont des postes de dépense qui sont « dilués » dans la comptabilité nationale et n’y font l’objet d’aucune identification séparée. Par ailleurs, dans certains cas, une distinction doit être faite entre achats et productions pour compte propre, ces dernières n’étant actuellement évaluées que pour le cas des investissements en logiciels.

On a considéré comme investissements incorporels les trois autres catégories de dépenses suivantes : le capital organisationnel, la publicité et les études de marché. Elles sont clairement identifiables dans les comptes nationaux mais y sont actuellement traitées comme des consommations intermédiaires, dès lors qu’elles sont achetées par les entreprises et non pas produites pour compte propre. En outre les innovations financières et la formation continue ne sont pas identifiables dans les comptes nationaux. L’enjeu est de traiter progressivement ces 5 catégorises de dépenses en FBCF. Mais on voit la complexité de ce changement quand on sait les difficultés de mesurer l’investissement incorporel dans les comptes nationaux, notamment les logiciels.

Il est en effet très délicat de faire des comparaisons internationales de la FBCF en actifs incorporels. Pourtant les recommandations internationales ont été nombreuses comme le Manuel OCDE de 2010 sur la capitalisation des produits de la propriété intellectuelle où sont précisés les traitements sur les originaux et les copies. Puis vinrent les recommandations Eurostat GNI 2018 sur les logiciels réaffirment que les dépenses en logiciels doivent être traitées en général en FBCF et demandant d’isoler la production pour compte propre et de baser son évaluation sur la masse salariale des informaticiens, D’autres  rapport OCDE-Eurostat ont été publiés. .Rien n’y a fait.

Comme si tout ça n’était pas assez compliqué, s’ajoute une répartition différente en France et à l’étranger entre la PEFP (P12) de la R&D et des logiciels et la production marchande (P11) en produit logiciel et R&D. L’explication vient du fait que le TES français est en branche pure : la P12 des autres secteurs d’activités qui font de la R&D et des logiciels est comptabilisée en France dans la P12 de ces deux produits alors qu’à l’étranger elle est comptabilisée dans la P12 des autre secteurs d’activité (voir page Comptabilité nationale et comparaisons internationales). Ainsi il est impossible de comparer la répartition de la production (P11 / P12) de ces deux produits entre la France et les autres pays à moins de comparer les matrices de productions étrangères à la matrice passage secteur-branche de la France. Aussi, on s’est limité dans cette page à la comparaison de la FBCF, déjà assez compliquée du fait de la surestimation de la FBCF en logiciel et en R&D en France.

Puisse l’estimation de la nouvelle base être plus correcte. Celle de la base 2005 sous-estimait la FBCF en logiciels; celle de la base 2010 la surestimait. Il faudrait trouver un juste milieu. Un chantier de la future base des comptes nationaux a été dédié à l’évaluation des logiciels. Dans ce cadre, les données et les hypothèses retenues devaient être expertisées en comparant les pratiques et les résultats en France à celles des pays qui documentent leurs méthodes et leurs hypothèses sur ce sujet.

 

En revanche, il est possible de comparer la répartition de l’investissement incorporel par pays et par branche. Il est logique que la PEFP en R&D ou en logiciel ne se traduise pas en FBCF de la branche R&D ou logiciel. Ceci est justifié car les entreprises des secteurs d activité qui font de la R&D en compte propre en sont les utilisateurs (bénéficiaires). En effet, côté emploi, ce sont des moyens de production; donc ils doivent être classés dans (par) la branche où ils sont utilisés pour produire. Ceci permet des comparaisons entre pays sur la répartition de la FBCF en R&D par branche. C’est d’autant plus important que l’enquête recherche du MESR (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) permet de faire cette répartition. Toutes les branches de l’économie autres que la R&D investissent en R&D soit quand elles l’achètent, soit quand elles font de la R&D pour leur propre compte dans des bureaux d’études.À

Il apparaît que la part de l’investissement incorporel par pays est d’autant plus élevée que le pays a un secteur tertiaire développé (le ratio est le plus élevé aux Pays Bas comme la part de l’emploi tertiaire) ou que c’est une économie « avancée ». Mais cette relation n’est pas toujours respectée, car les logiciels et la R&D obéissent à deux logiques différentes. Sans compter les  méthodes de comptabilisation différentes selon les pays. La France a un ratio plus élevé de FBCF incorporelle que le Royaume-Uni alors que l’emploi tertiaire y est un peu plus faible, justifiant par la même cette surestimation probable de la FBCF incorporelle en France. Le Canada et l’Italie, économies avancées, ont de faibles taux d’investissements incorporels. Les liens entre la croissance du PIB et l’importance de l’investissement incorporel par pays restent aussi difficiles à évaluer [9]. La seule corrélation à peu près observable est celle du solde du commerce extérieur et de la part de la R&D dans le PIB, sauf pour certains pays comme les États-Unis.

Cette relation « poids du tertiaire et investissement incorporel par pays » doit être précisée aussi par le fait que les logiciels sont grandement utilisés pars les branches tertiaires alors que la R&D l’est surtout par l’industrie. Ainsi, en Allemagne, si la part des logiciels est faible (en partie du fait d’une méthode particulière), la part de la R&D dans la FBCF est au contraire élevée parce que l’industrie représente 23% de la valeur ajoutée contre presque moitié moins dans de nombreux pays [10].

 

 

Michel Braibant
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BIBLIOGRAPHIE

[1] L’évaluation des investissements incorporels en France : méthodes et premiers résultats, V. Delbecque, S Le Laidier, J Mairesse et L. Nayman, « économie et statistique » n° 450, 2011, INSEE, https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1377824/ES450A.pdf

[2] L’investissement immatériel, Bulletin de la Banque de France, B. Bardes , 1997,  https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_bm/etudes_bdf_bm/bdf_bm_40_etu_4.pdf

[3] « Handbook on Deriving Capital Measures of Intellectual Property Products », OCDE, 2010, http://www.oecd.org/sdd/na/44312350.pdf

[4] les sociétés de services informatiques sont toujours en vive expansion, S. Heck, Insee Première, N° 1713 Octobre 2018), https://www.insee.fr/fr/statistiques/3628299

[5] Trente-cinq ans de services d’information et de communication L’essor des logiciels (A. Lavergne. T. Méot) Insee premières (n°1575 décembre 2015), https://www.insee.fr/fr/statistiques/1560260

[6] « Les efforts de recherche en Union européenne » note d’information du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Juillet 2015, Anna Testas. https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2015/09/4/NI_efforts_RetD_UE_-_15.03_453094.pdf, voir aussi La recherche et développement des entreprises françaises au sein de l’Union européenne : spécificités sectorielles et financement public, T. Balcone, C. Schweitzer, Insee, avril 2019, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3902349?sommaire=3902446

[7] Corrado C., Hulten C. et Sichel D. (2009), « Intangible Capital and U.S. Economic Growth », Review of Income and Wealth, vol. 55, nº 3, pp. 661-685, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1475-4991.2009.00343.x 

[8] https://www.oecd.org/fr/sti/inno/36701585.pdf

[9] Intangible Capital and Growth in Advanced Economies: Measurement Methods and Comparative Results, Carol Corrado Jonathan Haskel Cecilia Jona-Lasinio Massimiliano Iommi, July 2012, http://repec.iza.org/dp6733.pdf

[10] FriedlandPapers Lettre de prospective n° 35 – Janvier 2012 Jean-Gilles Cahn « l’investissement incorporel, nouvelle main invisible ? », https://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/p / FBCF de df/documents/friedlandpapers-201201-35.pdf

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)