PROFILAGE D’ENTREPRISES ET COMPTABILITÉ NATIONALE

La mondialisation et la complexité croissante des activités des groupes d’entreprises multinationales (GEM) posent des défis à la production de statistiques sur les entreprises et de statistiques macroéconomiques et à la prise en compte correcte et cohérente des activités des EMN dans les statistiques nationales. Comme condition préalable pour mieux analyser les transactions transfrontalières des grands groupes d’entreprises multinationaux et les enregistrer correctement dans les statistiques nationales, les statisticiens doivent être en mesure d’observer les structures économiques complètes et correctes des groupes d’entreprises multinationaux qui sont principalement responsables des grandes transactions et opérations et ont un impact significatif sur la cohérence des données dans les pays où ils opèrent.

Ces dix dernières années, Eurostat a encouragé les instituts nationaux statistiques (INS) européens à coopérer pour aboutir, par-delà les frontières, à une vision pertinente et cohérente des groupes multinationaux. Le profilage est l’analyse de la structure juridique, financière et économique des groupes d’entreprises et la délimitation statistique de leurs entreprises . Le profilage européen est le profilage transnational géré en coopération par différents instituts statistiques nationaux européens et ciblant d’importants groupes d’entreprises multinationales implantés dans les pays européens.

Les entreprises créent des filiales qui s’échangent des produits, auparavant fabriquées dans la maison mère, s’achètent des parts ou des actions entre elles, se distribuent des dividendes, etc…; autant d’éléments qu’il convient de consolider pour avoir une idée exacte du poids de l’entreprise initiale, de la croissance de sa production. L’Insee s’appuie ainsi sur le concept économique d’entreprise pour mieux rendre compte de l’organisation et des performances des entreprises françaises.

Avec cette nouvelle vision, le tissu productif est plus concentré, et le poids des secteurs est modifié : en particulier, ceux de l’industrie et de la construction sont accrus. Mais quelles conséquences s’en suivent pour l’élaboration des comptes nationaux, notamment du Tableau « entrées-sorties » (TES) et  le calcul du PIB? Dans cette nouvelle approche, on ne s’intéresse plus tant aux structures techniques de production (par exemple les coefficients techniques) mais à la structure financière et économique de l’entreprise.

 

Globalisation and the increasing complexity of the activities of multinational enterprise (MNE) groups pose challenges to the production of business statistics and macroeconomic statistics and to the correct and consistent reflection of MNEs’ activities in national statistics. As a prerequisite to better analyse cross border transactions of large multinational enterprise groups and correctly record them in national statistics, statisticians need to be able to observe the complete and correct economic structures of the multinational enterprise groups that are mainly responsible for large transactions and operations and have a significant impact on data consistency in the countries where they operate.

Over the past ten years, Eurostat has encouraged European National Statistical Institutes (NSIs) to co-operate in order to achieve a relevant and consistent view of multinational groups across borders. . Profiling is the analysis of the legal, financial and economic structure of enterprise groups and the statistical delineation of their entreprises. European profiling is the cross-country profiling handled in cooperation by different European national statistical institutes and targeting important multinational enterprise groups implanted in European countries.

Companies create corporate subsidiaries that exchange products previously manufactured in the parent company, buy shares or stocks from each other, distribute dividends, etc.; all these elements must be consolidated in order to have an accurate idea of the weight of the initial company and the growth of its production. Insee thus relies on the economic concept of the enterprise to give a better account of the organisation and performance of French enterprises.

With this new vision, the productive system more concentrated, and the weight of the sectors is modified: in particular, those of manufactured goods industry and construction are increased. But what consequences does this have for the compilation of national accounts, in particular the Supply and Use Table (SUT) and the calculation of GDP ? In this new approach, the focus is no longer so much on technical production structures (i.e. input-output coefficients) but on the financial and economic structure of the enterprise.

« Selon le règlement européen de 1993 et la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008,  l’entreprise correspond à la plus petite combinaison d’unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d’une certaine autonomie de décision, notamment pour l’affectation de ses ressources courantes. Une entreprise exerce une ou plusieurs activités dans un ou plusieurs lieux. Une entreprise peut correspondre à une seule unité légale », Insee

«Dans les statistiques, l’entreprise a longtemps été associée à sa définition purement juridique, à savoir l’unité légale. Avec la mondialisation, les grands groupes multinationaux sont de plus en plus complexes en termes d’organisation juridique. Il s’ensuit un décalage croissant entre la vision du système productif basée sur les unités légales et la réalité économique. Ces dix dernières années, Eurostat a encouragé les INS européens à coopérer pour aboutir, par-delà les frontières, à une vision pertinente et cohérente des groupes multinationaux. Cette méthode est appelée “profilage européen des entreprises”. » Eurostat.

 

Sommaire

I – LE PRINCIPE DU PROFILAGE

II – PLUSIEURS TYPES DE PROFILAGE

III – LE PROFILAGE EUROPÉEN

IV – PLUS DE VISIBILITÉ ÉCONOMIQUE …

V –  … MAIS QUID DES COMPTES NATIONAUX ?

VI – UL OU EP COMME UNITÉS DE BASE DU TES ?

VII – UL OU EP COMME UNITÉS DE BASE DES ÉQUILIBRES-RESSOURCES-EMPLOIS ?

VIII – UL OU EP COMME UNITÉS DE BASE DES DU TABLEAU ÉCONOMIQUE D’ENSEMBLE?

IX – UN CAS THÉORIQUE À TRAITER : LA R&D

X – COMMENT FAIRE LES COMPTES À PARTIR DES ENTREPRISES PROFILÉES ?

 

 

 

Introduction

° Dans les statistiques, l’entreprise a longtemps été associée à sa définition purement juridique, à savoir l’unité légale (UL). Mais la mondialisation et la complexité croissante des activités des groupes d’entreprises multinationales (EMN) posent des défis à la production de statistiques sur les entreprises et de statistiques macroéconomiques et à la prise en compte correcte et cohérente des activités des EMN dans les statistiques nationales. Comme condition préalable pour mieux analyser les transactions transfrontalières des grands groupes d’entreprises multinationaux et les enregistrer correctement dans les statistiques nationales, les statisticiens  doivent être en mesure d’observer les structures économiques complètes et correctes des EMN qui sont principalement responsables des grandes transactions et opérations et ont un impact significatif sur la cohérence des données dans les pays où ils opèrent.

° Il s’ensuit un décalage croissant entre la vision du système productif basée sur les UL et la réalité économique. Les INS ont donc décidé de dépasser l’UL, pour mettre en place une nouvelle unité statistique, l’entreprise (profilée). Le profilage des entreprises correspond à la mise en place de cette nouvelle unité statistique.

° Il a été développé à l’INSEE à partir de 2013 : il consiste à prendre en compte les structures complexes existant entre les groupes d’entreprises souvent mondiaux pour donner plus de pertinence aux statistiques publiées. Elles posaient auparavant différents types de problèmes : flux internes entre sociétés qui peuvent conduire à des doubles comptes ; classement de certaines sociétés (comme des bureaux d’étude) dans le secteur correspondant à leur code APE, alors qu’elles travaillent exclusivement pour les sociétés du groupe auquel elles appartiennent.

 

 

1 – Le profilage d’entreprise

° On nomme « profilage » la technique consistant à identifier au sein des groupes les entreprises au sens économique, puis à collecter et calculer des statistiques sur ces nouveaux contours. Il est aujourd’hui appliqué à l’Insee pour les groupes ayant un poids économique important en France. Ces entreprises profilées (EP) redéfinies sont des regroupements d’unités légales (UL), jouissant d’une autonomie de décision, notamment pour l’affectation de leurs ressources courantes. En règle générale, la structure d’observation définie correspond aux grands métiers du groupe qui définissent alors autant d’unités statistiques. Ces EP peuvent réunir de une à quelques centaines d’UL dont on consolide les comptes. Ainsi une entreprise est soit une UL isolée, soit une EP.

° La ventilation du chiffre d’affaires par branche d’une EP n’est donc pas la même que la somme des ventilation du CA par branche des UL qui la composent, aussi bien dans son niveau par consolidation (encadré suivant), que dans sa structure. Des branches peuvent disparaître : si une UL fait de la R&D pour le compte d’une autre UL de la même EP, cette branche n’apparaît pas dans le compte de l’EP. 

Différents flux possibles entre les unités légales

 

 

° Or les « profileurs » de l’Insee ne vérifient que les ventes de l’EP et sa ventilation entre les branches, notamment pour la cible 1 (profilage « manuel » ou « sur mesure » des grands groupes). Ils ne vérifient pas toujours les ventes des UL de contour et leur ventilation branche. Une EP peut être composée de plusieurs centaines d’UL dont la somme des ventes peut être largement supérieure aux ventes de l’EP.  Le profilage peut ainsi poser de sérieuses difficultés pour les comptes de la construction ou des services, voire de l’industrie, du fait des relations de sous-traitance et d’autres mouvements « d’externalisations » ou à l’inverse de « recentrage vers le cœur de métier » entre des UL d’une même EP. De plus en plus, les EP manuels sont des groupes même si certains groupes (Bouygues, Air France.,…) comprennent encore plusieurs EP.

° Pour la cible 2 des 90000  groupes plus petits (« profilage automatique« ), une difficulté est d’aboutir aux ventes de l’EP  à partir de celles des l’UL moyennant un algorithme de consolidation.

 

 

 

2 – Les grands principes des comptes nationaux français

° Les comptes nationaux régis par le Système de comptes nationaux (SCN 2008 – SNA 2008) et le Système européen de comptes (SEC 2010 – ESA 2010, règlement 549/2013) définissent 2 grandes unités statistique. D’une part  c’est l’ “unité institutionnelle” (UI)  pour les comptes d’agents (TEE),  D’autre part l’unité statistique est “l’unité d’activité économique locale” (UAEL – LKAU) pour les comptes de biens et services (TES),

° L’UI présente certes de fortes similitudes avec “l’entreprise” : pour être une UI, une unité résidente doit tenir une comptabilité complète, ou tout au moins être en mesure de le faire, y compris un bilan, et jouir d’une autonomie de décision (notion toutefois assez complexe à cerner). Mais ce n’est en revanche pas le cas de l’UAEL : il n’y pas d’enquêtes sur les établissements (nition proche). Du coup l’unité légale (UL) administrative est la proxy retenue jusqu’à présent, l’unité légale (UL) est la proxy retenue aussi bien pour l’UI que l’UAEL (modulo le passage secteurs-branches car le TES français est en branche pure en unité de production homogène.

° Dans les comptes nationaux français, l’approche par le revenu se place du point de vue des unités qui versent les revenus et non forte comme dans un schéma idéal en s’appuyant sur les unités qui reçoivent les revenus. Cette approche mobilise la même source de données que l’approche par la production.

° L’approche par la production est particulière en France. On ne part pas de l’entreprise pour établir directement des comptes de biens et services résumés sous la forme d’un tableau Entrées Sorties (TES). On passe par l’intermédiaire d’une unité d’analyse, l’unité de production homogène (UPH) que l’on estime a partir des données d’entreprises en mobilisant la connaissance de la répartition des ventes par activité pour calculer des comptes d’exploitation par branche (via une matrice de passage secteur/branche).

° L’approche par la demande se fait ensuite par l’établissement d’équilibres ressources emplois (ERE) qui vont confronter le montant des ressources (production + importations + marges de distribution) au montant des emplois (consommation intermédiaire + consommation finale + formation brute de capital fixe + variations de stocks + exportations) à un niveau de travail G ou parfois plus détaillé. Le niveau de synthèse des branches, soit en gros un niveau 1138 (dit niveau G qui correspond à une combinaison de groupes ou de classes de la NACE), vise à faire apparaître des ensembles représentatifs pour l’analyse économique.

° Les approches par la production et par le revenu sont très interdépendantes aussi bien en année courante qu’en année de base. En effet, les comptes de secteurs institutionnels et les comptes de biens et services possèdent un point de départ commun ; il s’agit des données structurelles sur les entreprises non financières (ENF) qui comportent principalement des comptabilités fiscales détaillées ainsi que des données sur la répartition des ventes par activité (en gros selon les classes de la NACE), soit depuis 2008 les résultats d’ÉSANE.

° On traite ensuite ces données selon une procédure dite de « Passage aux comptes » qui va apporter des corrections pour passer des concepts de la comptabilité d’entreprise à ceux de la comptabilité nationale, pour faire des redressements pour fraude et évasion fiscale et pour assurer la cohérence avec d’autres secteurs institutionnels (par exemple les impôts provenant des administrations publiques priment sur les montants déclarés par les entreprises) (voir page Comptabilité nationale et comptabilité privée). ici aussi quels sont les conséquences du profilage d’entreprise ?

 

 

 

 

3 – Quelles conséquences su profilage sur les comptes nationaux ?

° Mais pour l’élaboration du TES, voire du tableau économique d’ensemble (TEE), le profilage n’est pas simple à prendre en compte. Notons d’abord la contradiction entre deux directives d’Eurostat, celle promouvant l’entreprise profilée comme unité statistique, et d’autre part les paragraphes 3.14 et 3.15 du système européen des comptes (SEC 2010) qui précisent bien d’enregistrer dans la production tous les flux entre deux unités d’activités économiques locales d’une même unité institutionnelle. Pour le moment, les ventes de branche des équilibres-ressource-emplois (1° ligne des ERE), continuent d’être élaborées sur la base des ventes des UL, en cohérence avec ces paragraphes du SEC.

° Pour le TES, un autre souci concerne les activités classées auxiliaires d’une EP : ce seraient des activités de support dont la production est destinée à l’usage exclusif d’une ou plusieurs UL du même groupe, et qui sont indispensables à l’exercice des activités principales et secondaires des UL concernées. Les achats et les ventes, le marketing, la comptabilité, le traitement de l’information, le transport, l’entreposage, la maintenance, le nettoyage, la sécurité…entre 2 UL de la même EP font partie des activités auxiliaires. Elles sont consolidées. L’hypothèse sous‑jacente étant que ces unités n’opèrent pas directement sur les marchés mais seulement pour le compte d’autres unités du groupe.

° Ne font pas partie des activités auxiliaires (même si elles satisfont exclusivement des besoins internes), la production de biens destinés à être des consommations intermédiaires d’autres UL du groupe, et surtout la production pour emploi final propre (PEFP). En particulier la production de logiciels ou les activités de R&D ne sont jamais des activités auxiliaires. Mais les premières analyses de données d’entreprises profilées de la cible 1 ont pu mettre en évidence des cas où des activités non auxiliaires comme la R&D sont consolidées. Ce qui milite pour un traitement différent en comptabilité nationale (voir chapitre 9).

° Les difficultés existent aussi pour le TEE. Il y a d’abord la question de l’articulation des données profilées avec les données fiscales, mobilisées intensément par la comptabilité nationale : pour opérer les corrections pour activité dissimulée (taux de redressement par secteur d’activité) ou l’utilisation pour des fins plus ciblées mais essentielles, comme l’analyse du CICE (qui affecte la mesure de la masse salariale dans la mécanique des comptes). Or l’entreprise profilée n’a aucune  existence fiscale, les comptes étant déposés au fisc soit au niveau du groupe fiscal soit au niveau de l’UL. De même, les taux de redressement sont estimés par secteur d’activité de l’unité déclarante or le profilage modifie la ventilation par secteur d’activité.

° Autre exemple, il existe un impact potentiel sur des corrections essentielles du passage aux comptes (PAC), comme la correction de l’appréciation sur stocks. Le profilage est neutre sur les variations de stocks totales mais il peut amener à les requalifier (stocks utilisateurs / producteurs / marchandises) et à modifier les produits auxquelles elles sont associées (auquel cas impact sur cette correction si les prix des produits évoluent différemment).

° Plus généralement, comment rendre cohérente l’articulation de sources fondées sur des unités statistiques différentes: la statistique structurelle d’entreprise (Ésane) est désormais bâtie autour de la notion d’entreprise profilée. La statistique conjoncturelle (IPI, indices de chiffre d’affaires) reste en UL. Quelles seront les conséquences sur la “qualité” des comptes trimestriels et provisoires? Ces comptes font largement appel aux statistiques conjoncturelles  : estimations de la production ou de la demande via ces statistiques conjoncturelles puis passage aux estimations de valeur ajoutée en mobilisant les coefficients techniques du tableau des entrées intermédiaires en branche pure. Cette approche est cohérente seulement si la production d’une branche A issue des comptes annuels (via la statistique structurelle) correspond au même champ que les statistiques conjoncturelles relatives à la branche A.

° Mais le profilage peut être aussi un bien pour les comptes nationaux. Dans certains cas le profilage peut marquer un progrès en consolidant des flux d’activités auxiliaires dans le TES : exemple d’UL créées spécifiquement pour gérer les achats, l’entreposage ou la paye, ou bien destinées à porter les actifs immobiliers… – Ce cas n’est pas bien traité dans les comptes actuels. S’agissant du TEE, la consolidation de certains flux des revenus de la propriété et de stocks d’actifs et de passifs de la propriété internes aux groupes, qui génèrent une “inflation” des revenus de la propriété comme des bilans, qui est difficilement interprétable économiquement (voir page Financiarisation).

° En bref cette page aura pour objet d’examiner d’une part les conséquences du profilage sur les opérations de la comptabilité nationale française et l’enchaînement des comptes, d’autre part de se demander si les entreprises profilées peuvent être les unités statistiques de base du TES et du tableau économique d’ensemble (TEE) dans un avenir proche ?

 

 

 

 

 

4 – Quels scénarios pour les prochaines bases des comptes nationaux ?

° Faudra-t-il faire un TEE et un TES en secteur d’activité qui auraient comme unité de base l’entreprise profilée ? Deux scénarios sont possibles en dehors de ne rien modifier. Mais il ne faut rien entreprendre sans savoir ce font les autres pays et ce que recommandent les futurs SCN et SEC ou les organismes comme l’OCDE et Eurostat, si tant est qu’ils se penchent sur cette question.

  • Un scénario moyen viserait à reconnaître l’apport du profilage mais pour une seule partie des comptes nationaux, l’approche par secteur institutionnel (à contrario maintien de données en unités légales pour élaborer le TES).  
    • L’avantage principal d’un tel scénario est de reconnaître l’apport du profilage pour définir un véritable acteur économique qui redessine le contour des secteurs d’activité pour l’analyse du système productif et qui est l’unité institutionnelle pour les comptes de secteur institutionnel des comptes nationaux dans l’approche du TEE : l’unité institutionnelle des comptes devient un véritable acteur économique autonome, ce que n’est vraiment pas l’unité légale. Les travaux de l’Insee consacrerait le profilage comme un progrès qui irriguerait aussi bien la statistique structurelle d’entreprise que les comptes nationaux.   Cette intégration partielle fait profiter les comptables nationaux des travaux sur la qualité des données sur les EP en matière de dividendes par exemple qui diminuent de 43% par rapport à ceux de la somme des UL.
    • ° L’inconvénient principal de ce scénario est qu’il entraîne des travaux d’investissements coûteux pour les comptables nationaux. Les schémas de transition vers les comptes sont à revoir : en effet, mettre en œuvre un tel scénario implique une double production : il faut faire un premier passage aux comptes (PAC) en EP (« CorEsane » en EP, fraude en EP, correction recherche en EP, etc.) pour déterminer la cible de VA (voir page Comptabilité nationale et comptabilité privée, Liaison entre TEE et TES); il faut faire un second passage aux comptes en UL pour déterminer la production branche /produit des ERE. Un tel scénario entérine la nécessité de travailler en EP et en UL pour assurer la qualité des données issues d’ÉSANE, ce qui a un coût pour la statistique d’entreprise.

 

  • Dans un scénario maximaliste, les comptes nationaux n’utilisent plus que des données profilées aussi bien pour le TEE que pour le TES.
    • Cela conduit à une révision drastique de l’élaboration et du contenu des comptes nationaux, notamment pour l’élaboration du TES. Ce scénario présente l’avantage évident d’une intégration complète de la filière de production qui part des statistiques d’entreprises vers les comptes nationaux. Le gain en qualité des données de base en EP, mieux collectées et mieux contrôlées, profite pleinement aux comptes nationaux. Ce scénario pourrait toutefois être contesté par Eurostat si l’unité statistique retenue était trop grosse et s’éloignait par trop du concept d’UAEL.
    • ° Ce scénario implique une remise en cause drastique des objectifs des comptes nationaux qui abandonnerait l’idée d’une approche en branches représentatives de processus de production. On se contenterait alors d’une approche en sous secteurs  d’activité très agrégés correspondant aux EP. Ceci serait certes cohérent avec une approche secteur du TES (pratiquée par presque tous les pays sauf en France).  Mais il y auraient toujours des TES symétriques en produits ou secteurs d’activité où la notion de coefficient technique reste valable (voir page TES Symétrique).  
    • Dans un tel scénario, il faudrait revoir largement l’articulation entre les comptes trimestriels et les comptes annuels ; il conviendrait sans doute de voir comment recomposer en EP les résultats des indicateurs de court terme notamment pour alimenter les ERE.

 

 

 

I – LE PRINCIPE DU PROFILAGE

1/ histoire du profilage

Deux étapes ont marqué le dispositif rénové de production des statistiques structurelles d’entreprises durant ces deux dernières décennies. L’Insee a d’abord publié les premiers résultats du dispositif rénové Esane début 2011 (élaboration des statistiques annuelles d’entreprises) qui permet de produire les statistiques structurelles d’entreprises. La mise au point de ce dispositif a constitué un des chantiers majeurs récents de l’Insee [1] (les nombres entre crochets renvoient à la bibliographie en fin de page).

Puis la notion d’entreprise a évolué vers un nouveau concept. En France, l’entreprise a longtemps été définie sur un plan purement juridique [2]. La statistique publique française en matière d’entreprises a longtemps considéré qu’une entreprise est une unité légale, bénéficiant en cela de l’existence du répertoire des entreprises et des établissements (Sirene) géré par l’Insee. Ceci n’est pas gênant si l’on souhaite décrire une réalité juridique ou administrative : l’UL, à la fois unité juridique et administrative, est plus adaptée pour les problématiques de réglementation, de seuil, d’analyse de forme juridique. Elle est l’unité d’observation dans la déclaration fiscale. De ce fait, cette notion est très structurante et les données comptables sont recueillies selon cette unité.

Mais la référence à l’UL s’est avérée moins pertinente si l’on veut décrire une réalité économique, car on veut observer un acteur économique autonome dans ses décisions et agissant sur le marché. Or les unités légales filiales des groupes ne sont pas autonomes.

Les statistiques d’entreprises ne pouvaient plus être fondées sur les UL ; C’était le sens du règlement européen de 1993, et de la Loi de Modernisation de l’Économie (LME) du 4 août 2008. qui définit l’entreprise comme « la plus petite combinaison d’unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d’une certaine autonomie de décision, notamment pour l’affectation de ses ressources courantes ». Une entreprise exerce une ou plusieurs activités dans un ou plusieurs lieux. Elle peut correspondre à une seule unité légale ».

 

 

 

De plus, la LME a remis ce concept au centre des débats en définissant des catégories d’entreprises :– PME (dont micro-entreprises)– ETI (entreprises de taille intermédiaire)– GE (grandes entreprises).

Le développement de l’organisation des UL en groupes a conduit ainsi à ce que les analyses reposant exclusivement sur les UL biaisent les représentations du tissu productif, notamment celles relatives au poids des différents secteurs d’activité, à la concentration par unité ou par taille ; de même les restructurations des groupes peuvent dans certains cas brouiller le message économique .

La nécessité de « profiler » certains groupes est apparue dès la fin des années quatre-vingt dix, à l’occasion d’une restructuration juridique des deux grands constructeurs automobiles français qui avaient décidé, à peu près à la même date, de donner la personnalité morale à chacun de leurs établissements de production. Ainsi de nouveaux flux monétaires, sans réelle consistance économique, sont apparus entre les unités légales de ces groupes, correspondant aux flux physiques des composants des voitures. Dans cette restructuration, les unités légales de production louaient la main-d’œuvre et les machines à certaines unités légales du même groupe et elles vendaient leur production à d’autres unités légales du groupe en charge de la commercialisation. Toutes ces nouvelles unités légales n’avaient pas  de réelle autonomie de production, ni de décision, les décisions continuant bien évidemment d’être prises au niveau du groupe. Elles ne satisfaisaient donc pas aux critères de définition classiques d’une « entreprise » et n’étaient pas des « acteurs économiques » à part entière.  La restructuration mentionnée ci-dessus conduisait à multiplier « fictivement » par près de trois le chiffre d’affaires, la sous-traitance, etc., de la filière automobile française alors qu’en réalité rien n’avait changé dans les capacités de production du fait de cette restructuration, de sorte qu’il n’était pas possible de laisser ces nouvelles données telles quelles si l’on voulait se ramener à une situation économiquement significative.

Ce genre de décision, consistant à créer plusieurs unités légales au sein d’une nouvelle entité, peut se produire à tout instant au sein des grands groupes. L’assimilation de l’unité légale à l’entreprise n’est donc plus pertinente dans ce genre de cas : autonomie de décision et gestion de l’ensemble des facteurs de production sont au niveau du groupe et non plus au niveau des unités légales. De plus, continuer à raisonner en unités légales modifie non seulement les niveaux des agrégats mais également leur répartition sectorielle.

 

 

 

La réponse apportée par la statistique à la fin des années 1990 a été de considérer ces nouvelles sociétés comme une seule entreprise et d’élaborer pour chacun des deux grands constructeurs automobiles des « comptes consolidés » sur une seule unité regroupant leurs différentes filiales sur le territoire national. Cette opération a été nommée profilage et a été mise en place pour les mêmes raisons de difficultés d’interprétation des comptes pour quelques autres entreprises, appelées « les profilées historiques ».

« Le profilage est ainsi une méthode d’analyse aux plans légal, opérationnel et comptable de la structure d’un groupe d’entreprises visant à déterminer les unités statistiques du groupe, leur liens et les structures les plus efficaces pour la collecte des données statistiques ». Profiler un groupe consiste à définir les « entreprises » au sein du groupe, c’est à dire à en définir la structure statistique, correspondant au rôle d’acteur économique de l’entreprise, par delà la structure juridique de son organisation en sociétés. Il s’agit d’asseoir toute la statistique sur l’entreprise profilée et non plus l’unité légale. Ainsi, on peut dire que le profilage consiste à regrouper dans une même entité des entreprises qui ont une activité principale dominante (exemple Bouygues BTP, Bouygues Télécom) et à supprimer les flux internes des unités légales de cette même entreprise [3].

 

 

 

 

 

 

2/ Une approche top‑down pour définir des entreprises au sens économique

On peut illustrer la démarche suivie par l’exemple fictif qui suit (graphique suivant), mettant en jeu une entreprise constituée d’une seule UL [4].  Il s’agit d’abord de définir le contour des entreprises, c’est‑à‑dire la liste des unités légales qui les composent. Ce travail repose, pour une année donnée, sur les contours des groupes contenus dans le répertoire Liaisons financières (Lifi).

La dimension nationale des statistiques introduit une complexité supplémentaire : l’élaboration des statistiques requiert de ne considérer que les unités légales en France pour définir les entreprises sur le territoire français. Dès lors, dans le cas d’une entreprise au sens économique qui dépasse les frontières nationales, le périmètre de l’entreprise se limite à sa trace française. Cette trace française est la simple restriction de l’activité au sol national, indépendamment de la nationalité du ou des propriétaires (actionnaires, par exemple). Une seconde contrainte a été posée, celle de se restreindre, pour définir les contours des entreprises, aux unités légales des groupes qui appartiennent au champ des statistiques structurelles d’entreprises de l’Insee (champ Ésane – Élaboration des statistiques annuelles d’entreprises), c’est‑à‑dire celles des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers (les holdings sont toutefois conservées dans le champ car elles sont indispensables pour constituer des unités économiquement cohérentes). Cette décision permet d’éviter des doubles comptes difficiles à neutraliser, et symétriquement d’éviter d’avoir des unités non couvertes.

Ces contraintes vont à l’encontre de la définition pure de l’entreprise : on peut ainsi être amené à scinder un groupe en plusieurs entreprises selon un critère non directement lié à  la définition économique de l’entreprise et en particulier à l’autonomie de décision. Elles conduisent donc à avoir potentiellement des contours différents entre le groupe et la(les) entreprise(s) qui le compose(nt). Le schéma suivant illustre cette différence de champ entre le groupe connu selon Lifi et le contour in fine retenu pour l’entreprise du champ Ésane. Elle décrit un groupe qui contient 12 unités légales dont 9 en France. Parmi ces dernières, une unité légale appartient au secteur financier ; elle est hors champ Ésane et par convention constitue une entreprise (E1). De même une unité légale appartient au secteur agricole et forme l’entreprise E2. Les 7 autres unités légales en France appartiennent au champ de la statistique structurelle d’entreprise et vont constituer une unique entreprise E3.

Description d’un groupe multinational

Pour les grands groupes, grâce à leur dialogue avec des représentants des groupes et l’application des critères d’autonomie, les experts de l’Insee peuvent identifier des sous‑ensembles qui respectent la définition de l’entreprise au sens de la LME. Dans ce cas, plusieurs entreprises sont créées au sein des groupes. En revanche, il est impossible d’apprécier le critère d’autonomie via un algorithme. Ainsi, dans le processus de traitement automatique des autres groupes, il a été décidé de considérer l’ensemble du groupe comme une unique entreprise : c’est là une hypothèse forte, mais nécessaire en pratique . Il s’agit d’une méthode top down (approche descendante) pour définir les entreprises. Elle part du groupe dans son ensemble pour comprendre sa logique organisationnelle et ainsi pouvoir identifier les sous‑groupes autonomes qui constitueront les entreprises. Une fois ces sous‑groupes définis, chaque société du groupe est affectée à une entreprise et une seule (schéma suivant).

Illustration de la méthode top‑down (approche descendante) de définition du contour des entreprises

Un exemple réel mettant en jeu 10 unités légales (UL1 à 10) présente la situation avec les groupes (G1 et G2) constitués dans le répertoire Lifi à partir des liens financiers entre unités légales (schéma suivant). Le groupe G2 a été traité par un expert qui a créé trois entreprises (E2, E3 et E4) en son sein. Le groupe G1 a été traité automatiquement et correspond à une seule entreprise (E1). De plus, deux unités légales (UL3 et UL9) sont indépendantes (c’est‑à‑dire qu’elles ne font pas partie d’un groupe) et constituent donc des entreprises à part entière (respectivement E5 et E6).

Finalement, une entreprise au sens économique en France sera donc :

  • soit une seule unité légale non contrôlée par une autre unité légale (UL9 = E6) ;
  • soit la trace française d’un groupe d’unités légales (G1 = E1 pour UL4, UL5, UL10) ;
  • soit une partie de la trace française d’un groupe d’unités légales (E2 pour UL1 et UL2).

Liens entre les différents types d’unité

 

Ainsi si on décide d’établir de statistiques d’entreprises sur les EP, que se passe-t-il ?

  • disparition des activités secondaires, internes au groupe ;
  • réduction du chiffre d’affaires total (et des variables non additives en général) à cause de la suppression des flux intragroupe ; ceci est légitime dans la mesure où ces derniers ne respectent pas les règles du marché (les prix utilisés pour ces échanges communément appelés prix de transfert sont définis arbitrairement par le groupe sans avoir forcément un lien avec les prix en cours sur le marché pour le même type d’échanges) ; L’Insee suivra donc désormais des comptes « consolidés » ;
  • conservation du niveau total de la valeur ajoutée (mais sa ventilation sectorielle sera modifiée).

 

Fort de ce constat, l’Insee a décidé de prendre en compte la notion de groupe dans l’élaboration des statistiques d’entreprises via la méthode du profilage. Celle-ci recouvre essentiellement deux activités bien distinctes : (1) la détermination du contour de ces « entreprises », et (2) le calcul des statistiques sur les unités ainsi construites.

Une entreprise profilée (EP) appartient donc à un groupe. Mais elle contient une ou plusieurs unités légales, voire plusieurs centaines.

 

 

 

 

 

 

II – PLUSIEURS TYPES DE PROFILAGE

Différentes méthodes ont été mises en œuvre, en fonction de la taille des groupes :

  • du profilage « manuel » ou « sur mesure » se traduit par une monographie complète des 70 plus grands groupes (contours en unités légales des entreprises au sein du groupe, données comptables pour ces entreprises, réponse à l’enquête sectorielle annuelle (ESA) pour ces entreprises. C’est la cible 1.
  • à un profilage automatique (cible 2) fait appel à des hypothèses. La cible 2 représente  90000 groupes simples ou de petite taille. Le point de départ pour constituer les entreprises au sens économique (EP) est le noyau dur du groupe tel que défini par le répertoire Lifi (répertoire des Liaisons financières). On y trouve l’ensemble des UL détenues à plus de 50 % par la tête de groupe. Comme il est impossible d’apprécier, via un algorithme, le critère d’autonomie, il a été décidé, dans un premier temps, de considérer l’ensemble du groupe comme une unique EP. Par ailleurs, pour définir les contours des EP, on peut se restreindre aux UL des groupes qui appartiennent au champ des statistiques structurelles d’entreprises de l’Insee (ESANE). Ces hypothèses relativement frustes, permettent d’obtenir des résultats satisfaisants sur les groupes aux structures assez simples, mais moins performants face à des structures plus complexes ; la principale critique étant de systématiquement considérer tout le groupe comme ne formant qu’une EP.

Pour les EP de la cible 1 (profilage manuel), les profileurs sont sensés contrôler leurs chiffre d’affaires (CA) par branche . C’est un minimum (mais qui n’est pas simple à faire). Des contrôles sont ensuite faits par les gestionnaires d’Esane et en dernier ressort par les RSP (CORESANE). Mais certaines anomalies peuvent passer au travers des mailles du filet.

Pour les UL des EP de la cible 1, ce sont de nouveau les profileurs qui doivent traiter ces données. Mais ces traitements ne sont pas majoritaires aujourd’hui. Là aussi, les RSP ont peu de prise sur les cas d’UL emblématiques à traiter. Certaines UL sont enquêtées par ESA ou l’EAP. Mais en l’absence d’enquêtes sur les UL, les CA par branches des UL des EP de la cible 1 sont estimés selon la dernière structure connue qui peut remonter à 2011 ou 2012.

 

 

Pour les EP de la cible 2, (profilage automatique), elles sont évaluées par agrégation des données des UL puis corrigées par le taux de consolidation du CA. Les données d’enquête et de la liasse fiscale pour les EP sont obtenues via un algorithme de consolidation automatique, appliqué aux données des UL. Beaucoup d’EP appartiennent à un secteur d’activité tandis que des UL de contour appartiennent à un autre secteur d’activité. Ces cas très nombreux sont complexes à traiter.

Que ce soit pour les données fiscales, d’emploi ou des enquêtes ESA ou EAP, les unités de collecte pour les EP des cibles 2 sont les UL. Mais il a été décidé que les UL des EP recevraient le questionnaire relatif à leur activité et non pas le questionnaire relatif au secteur de leur EP. Une conséquence de cette décision est que la consolidation des questionnaires de l’EP est de moins bonne qualité, car elle ne se base que sur les réponses des UL de son secteur. Au final, seules des UL indépendantes ou des EP sont contrôlés par des gestionnaires. Ce sont ceux en charge du secteur d’activité de l’EP qui traitent toutes les UL de contour quel que soit leur secteur d’activité.

 

 

On distingue ainsi deux groupes d’unités :

Et pour chaque EP de contour, on a la formule suivante du CA mais aussi d’autres variables :

 

 

Tous ces traitements doivent donc réconcilier le chiffre d’affaires, issu des enquêtes et de la liasse fiscale (IEG) : il s’agit non seulement de la réconciliation du chiffre d’affaires total, mais aussi la réconciliation de la ventilation du chiffre d’affaires par grands types de ventes puis celle de la ventilation en branches plus fine.

On dispose pour cette réconciliation des éléments suivants :

  • la ventilation par branche du CA consolidé ESA de l’EP,
  • la ventilation par ventes consolidé IEG de l’EP,
  • la ventilation du Flux du CA ESA de l’EP par branches,
  • la ventilation du flux du CA IEG de l’EP par ventes,
  • Les ventilations par branches et ventes du CA consolidé de l’EP issues d’un programme de consolidation des données « rédifiées » des UL (REDI) (permettant d’évaluer les échanges entre les 2 ou plusieurs UL d’une même l’EP).

L’estimation des flux intra UL d’une EP constitue une grande difficulté pour le calcul des ventes de l’EP et sa ventilation par branche et par types de ventes. Il s’agit de recalculer la typologie de consolidation à partir des données « rédifiées des UL » et de calculer le flux « intra UL » du CA de l’EP et sa ventilation en branches et par types de ventes à partir de cette typologie et des données des UL issues de REDI. On veille notamment à ce que le total de la ventilation en branche du chiffre d’affaires consolidé soit égale au chiffre d’affaires consolidé (ou dit autrement que la somme des flux des branches est cohérente avec les flux des ventes et le flux total). Le flux issu des données « rédifiées » des UL est en général prioritaire : c’est lui qu’on retient, et non le flux issu d’Esa ou celui de la liasse fiscale.

Prenons l’exemple suivant de 2 UL d’une EP de contour (de la cible 2) avec deux sources (ESA et liasse fiscale). Dans cette méthode, le calcul d’un chiffre d’affaires consolidé s’effectue par étapes successives. :

  • On obtient d’abord une ventilation par vente des UL « sommée », où REDI est la réconciliation des données individuelles. On privilégie toujours les les données de la liasse fiscale pour le CA total (T1 du tableau suivant),
  • On peut calculer une ventilation par branches des UL « sommée » à partir du tableau précédent et des données ESA, qui permettent de préciser de quelles branches il s’agit (T2),
  • Le calcul des flux issus des données « rédifiées » des UL a donné les deux sous tableaux de T3, Dans le sous-tableau de droite de ventilation par branche des flux intra UL, les deux premières colonnes représentent les flux (calculés ou corrigés le cas échéant) des sous-systèmes ESA et IEG. La 3e colonne correspond aux résultats de l’algorithme de consolidation appliquées aux données issues de l’étape T1. Il en va aussi de même pour le sous-tableau de gauche de T3, cohérent avec celui de droite.
  • Trois scénarios y sont associés  pour le calcul des comptes consolidés de l’EP ( T4). C’est ainsi que pour le scénario 1 (REDI), le chiffre d’affaires consolidé en bien (654)  correspond à la somme des ventes de bien des UL1+UL2 (705), issu de T1, auquel on retranche le flux des ventes de biens REDI (51), issu de T3.

 

 

 

 

III – LE PROFILAGE EUROPÉEN

L’activité de profilage, commençant au niveau de la constitution du répertoire statistique, est conduite principalement dans les unités en charge des répertoires. En dehors de pays assez avancés comme les Pays-Bas (CBS), le Canada, l’Australie, la France et dans une certaine mesure le Royaume-Uni, la pratique se limite souvent à un simple enrichissement des répertoires statistique en intégrant comme nouvelle unité l’entreprise profilée, mais sans aller jusqu’à la collecte et la vérification des données. De ce fait, les exemples de prise en compte de statistiques élaborées sur des entreprises profilées sont rares et la France se trouve donc parmi les premiers pays à devoir étudier son impact sur les comptes nationaux. Eurostat a beaucoup appuyé les travaux de profilage.

Les discussions avec les utilisateurs de statistiques – par exemple, la comptabilité nationale, départements en charge des statistiques SBS, STS, Foreign Affiliates Statistics (FATS), FDI (Foreign Direct Investment) et BoP (Balance of Payments) – sont un élément clé du processus de profilage manuel européen pour qu’ils puissent construire leurs statistiques sur les entreprises nouvellement créées. Tous doivent être consultés afin de convenir de la structure d’entreprise proposée par le profilage et s’assurer de son adaptation à leur processus. Ils devraient être informés et consultés à toutes les étapes du processus de profilage. En particulier, avant de rencontrer l’entreprise, il faut s’assurer que les premières propositions de nouvelles structures seront acceptables pour les statisticiens nationaux. Eurostatrecommande aux profileurs de discuter avec leurs utilisateurs de l’impact de la nouvelle entreprise profilée sur les statistiques nationales avec une priorité pour les comptes nationaux et les statisticiens SBS.

 

Entre 2016 et 2022, 31 instituts statistiques nationaux (INS) de l’UE/AELE /Royaume-Uni  ont participé au profilage européen de plus de 400 groupes d’entreprises multinationales (GEM), pour un total de 79 500 UL et 18 millions de personnes employées dans le monde. Au total, 619 cas de profilage européen ont été traités.

L’objectif est d’améliorer la qualité des informations des plus grands groupes d’entreprises multinationaux, dans les répertoires statistiques nationaux d’entreprises et dans le registre EuroGroups afin de soutenir la production de statistiques économiques et macroéconomiques de haute qualité, en particulier lorsque des phénomènes transfrontaliers peuvent affecter la cohérence des données au niveau européen. Certains GEG ont changé leur structure d’une année à l’autre et ont été mis à jour pour une nouvelle année de référence.

Le profilage est l’analyse de la structure juridique, financière et économique des groupes d’entreprises et la délimitation statistique de leurs entreprises. Le profilage européen est le profilage transnational géré en coopération par différents instituts statistiques nationaux (INS) européens et ciblant d’importants groupes d’entreprises multinationales implantés dans les pays européens. Les INS définissent et conviennent ensemble de la structure juridique, financière et économique des GEM et définissent leurs principales activités économiques indépendamment des frontières géographiques. Les rôles et responsabilités des INS dans le profilage européen sont attribués en fonction de la localisation de l’unité au sein de laquelle les décisions stratégiques des GEM sont prises, c’est-à-dire le centre de décision global (GDC ) du GEM.

 

 

 

1/ Aperçu des groupes d’entreprises mondiaux profilés

148 groupes d’entreprises multinationales de taille économique pertinente ont fait l’objet d’un profilage, dont 21 942 unités légales situées dans 170 pays différents, comme le montre la carte suivante. La plupart des unités légales appartenant aux groupes se trouvaient dans l’UE-AELE. (58 %), 11 % aux États-Unis d’Amérique, 7 % au Royaume-Uni et 2 % en Chine.

Présence mondiale des groupes d’entreprises multinationaux profilés, 2022

 

 

 

 

2/ Détails des GEM profilés

Les GEM profilés ont mené une grande variété d’activités principales, couvrant 17 sections de la NACE. Cependant, certains secteurs se sont démarqués comme le montre lle graphique suivant. L’industrie manufacturière occupait la première place et représentait 47 % à 59 % (selon les années) de l’activité de GEM. Le commerce de gros et de détail occupe la deuxième place, représentant 9 % à 18 % de l’activité des GEM.

Groupes d’entreprises mondiaux par activité principale (section NACE), années 2015-2022

Source: Eurostat (outil de profilage interactif)

 

La plupart des GEM profilés comptaient moins de 100 UL dans leurs périmètres de consolidation. Cependant, on constate une tendance à la hausse de la taille des périmètres des groupes d’entreprises multinationales, particulièrement visible au cours des 3 derniers cycles. Pour les années de référence 2020-2022, les groupes d’entreprises multinationaux comptant moins de 100 unités légales sont devenus moins prédominants. À l’autre extrémité de l’échelle, au cours des trois derniers cycles, environ 7 % des groupes d’entreprises multinationaux profilés comptaient plus de 500 unités légales ; cette part était inférieure à 3 % les années précédentes : ces dernières années, Eurostat et les INS ont pu cibler les groupes d’entreprises multinationales les plus importants et les plus pertinents pour le profilage européen.

Groupes d’entreprises mondiaux par taille par classe de périmètre (nombre d’UL), années 2015-2022

Source : Eurostat (outil de profilage interactif)

 

Le profilage européen fournit certaines caractéristiques économiques des GEM au niveau mondial, telles que l’emploi, la NACE et le chiffre d’affaires, avec des données de haute qualité car elles sont collectées directement auprès des GEM : les profileurs  de l’INS rencontrent les représentants du GEG pour échanger des informations, discuter de la structure mondiale du GEG et collecter des données sur  la NACE, l’emploi et le chiffre d’affaires.

Pour les années de référence 2015-2019, la plupart des GEM profilés employaient moins de 10 000 personnes dans le monde. Cependant, depuis l’année de référence 2020, la taille des GEM en termes d’emploi a augmenté. En 2022, les 1 280 entreprises de l’UE-AELE au sein des 82 groupes d’entreprises multinationales profilés employaient au total plus de 1 385 000 personnes dans les pays de l’UE-AELE et représentaient plus de 593 081 millions d’euros de chiffre d’affaires. Comme le montre le graphique suivant, l’emploi et le chiffre d’affaires étaient fortement concentrés dans les plus grandes entreprises. En 2022, 14 % des plus grandes entreprises de l’UE-AELE, employant plus de 1 000 personnes, représentaient 91 % de l’emploi de ces entreprises et 86 % de leur chiffre d’affaires.

Répartition des entreprises UE-AELE au sein des groupes d’entreprises multinationales profilés, 2022

Source : Eurostat (outil de profilage interactif)

 

 

3/  Les Pays-Bas

Environ 350 des plus grands groupes d’entreprises non financiers sont profilés, ce qui représente 50 % de la valeur ajoutée totale pour les Pays-Bas. Cela représente 40 % du chiffre d’affaires total et 55 % des données de bilan. Les responsables de comptes sont responsables de la mise à disposition de données cohérentes par les 350 groupes. Ils se donnent comme objectif de visiter des groupes au moins une fois par an. La force de cette approche de profiler en s’intéressant déjà aux données comptables est qu’elle résout les incohérence largement avant la publication des données. Auparavant, l’incohérence entre les statistiques ne se manifestait qu’au stade de la compilation. Il est permis de conclure que la plupart des incohérences ont disparu et que la qualité des statistiques sur les entreprises et des comptes nationaux s’est améliorée. L’équipe des comptes a une bonne connaissance des grands groupes et de solides relations avec eux ont amélioré les données. La  charge de réponse perçue et réelle a diminué à mesure que le nombre d’entreprises retenues dans le travail de profilage a progressé. L’équipe prend également en charge l’introduction de nouvelles enquêtes et concepts, et notamment certaines des modifications apportées au SEC 2010 (Système européen des comptes).

L’INS (CBS) s’appuie activement sur l’entreprise et le groupe d’entreprises en tant qu’unités statistiques. La différence pratique entre entreprise et UAE leur paraît trop faible et, pour eux, UAE et entreprise sont généralement identiques. Dans un nombre relativement restreint de cas (<300), les unités légales sont divisées en plusieurs entreprises/UAE en raison d’activités hétérogènes. L’entreprise est donc utilisée par presque tous les utilisateurs statistiques. Le groupe d’entreprises est utilisé pour compiler les statistiques financières.

L’entreprise est l’unité centrale et unique pour les comptes nationaux ; cette unité fait fonction à la fois d’unité institutionnelle pour les comptes de secteurs institutionnels et d’UAE pour le TES. Ne retenir qu’une seule unité statistique, l’entreprise pour le TEE et le TES est présentée comme une approche très pragmatique : « Better to have good data for the wrong unit than wrong data from a good unit ».

Selon une étude d’Eurostat, pour le TES (voir page Tableau ressources emplois), Il y a 630 produits pour l’équilibrage des ressources et des emplois mais seulement 85 pour la diffusion (vs 139 et 38 pour la France) et 120 branches d’activité pour l’équilibrage et 76 pour la diffusion (vs 139 % et 38 % pour la France).  Les comptes nationaux comprennent une centaine de personnes dont 28 personnes pour le TES, 25 pour le TEE, 15 pour l’informatique, la documentation et autres services et 3 pour les comptes régionaux qui sont construits à l’aide des unités locales (LOU : local unit) et sur la base des emplois locaux. En 15 ans, ils ont réduit leurs effectifs de 15 personnes, ce qui les a notamment conduits à diminuer le nombre d’activités dans les comptes. Ainsi les 600 ERE sont établis par l’équipe de 28 agents (les mêmes pour les comptes annuels et les comptes trimestriels) ; ils utilisent des algorithmes de calage automatique.

 

4/ L’Allemagne

Les comptes nationaux allemands sont élaborés sur des bases très différentes de celles retenues en comptabilité nationale française. Le recours aux données d’enquêtes est privilégié et le solde du compte d’exploitation est fait sur un EBE calculé par solde après calage sur l’approche demande, ce qui conduit notamment à des difficultés de comparaison des taux de marge entre les deux pays. D’autant que pour les taux des SNF, une partie des entreprises individuelles s’y trouvent reclassées ce qui a pour effet de gonfler le taux de marge des SNF.

 

 

 

5/ Le Royaume-Uni

L’INS (Office of National Statistics) gère 5 types d’unités statistiques et les liens qui les unissent dans ce répertoire statistique :

  • les unités légales ;
  • les unités locales ;
  • les groupes ;
  • les entreprises ;
  • les « reporting unit » (qui correspondent soit à des unités légales soit à des entreprises).

Une équipe travaille en relation avec la comptabilité nationale afin de mettre en œuvre les recommandations du SEC. Cette unité n’est pas directement liée avec le profilage.

 

 

 

 

 

 

 

 

IV – PLUS DE VISIBILITÉ ÉCONOMIQUE …

1/ meilleur approche du système productif,… 

Plusieurs études ont mis en évidence les, principales conséquences de ce changement [5]; ceux-ci sont nombreux. Élaborés sur une petite partie du champ, où 43 grands groupes sont traités et correspondent à 105 entreprises au sens économique (EP), regroupant 3503 UL, plusieurs résultats se dégagent dans cette première publication. Même si ce champ est alors encore restreint, il pèse 12 % de l’économie marchande en termes de valeur ajoutée et 8 % des effectifs.

 

 

a) Une baisse du chiffre d ‘affaires et des dividendes

En premier lieu, le chiffre d’affaires (CA) global des entreprises profilées est moins élevé de 13% en 2013 (soit moins 56 milliards d’euros) que celui de la somme des UL qui les composent (graphique suivant).

Pour l’ensemble de l’économie, la réduction du chiffre d’affaires total serait de l’ordre de 7 %, celui des dividendes et capital social de l’ordre de 60 %. L’effet de la consolidation est donc très fort pour les variables du bilan.

La consolidation affranchit des choix organisationnels internes à l’entreprise : flux, participations croisées entre unités. Le profilage pourrait être ainsi l’occasion  de revoir le « bas de compte » du TEE : consolidation de certains flux de revenus de la propriété et de stocks d’actifs et de passifs internes aux groupes, qui génèrent une « inflation » des revenus de la propriété comme des bilans, difficilement interprétable économiquement au niveau macro. Le TEE pourrait comptabiliser ainsi les dividendes nets des flux internes entre les UL d’une EP.

 

 

 

b) Une ré-allocation sectorielle.

D’autre part, la perception du poids de chaque secteur est modifiée. 30 % des 3 503 UL changent de secteur. Le secteur des services est le « grand perdant » de ce regroupement en entreprises au sens économique et  donc de cette réallocation d’UL. Un tiers de ses unités sont ré allouées vers des entreprises d’autres secteurs, du fait de l’intégration des sièges sociaux dans les entreprises, mais aussi du regroupement de l’ensemble des activités dites secondaires comme les activités spécialisées scientifiques et techniques, les activités immobilières et les activités administratives et de soutien. En contrepartie, l’industrie et surtout la construction voient leur poids en termes d’unités légales augmenter, ce dernier secteur bénéficiant de la réallocation à la fois de filiales industrielles et des filiales tertiaires. Ainsi, dans la construction, on recense 8 EP en 2013 regroupant 1534 UL dont 276 de services, contre 913 UL.

L’industrie, elle,  gagne 3 points en part, passant de 23 à 26 points au détriment des services principalement.

 

 

 

 

 

2/ Une nouvelle vision de l’économie

Enfin, cette nouvelle définition permet une vision plus cohérente du tissu productif, une mesure améliorée, car elle repose sur une nouvelle unité d’observation, l’entreprise économique (EP), plus pertinente pour l’analyse économique.

Le tissu productif se révèle bien plus concentré que ce que l’approche par UL suggère. Ainsi, en termes d’effectifs, un million d’emplois salariés sont répartis dans ces 3 503 UL. La moitié de ces effectifs sont dans des unités légales de 5 000 salariés ou plus. Mais une fois regroupées en 105 EP, 94 % de ces effectifs sont désormais concentrés dans de très grandes entreprises de 5 000 salariés ou plus.

Autre résultat plus récent, les entreprises des groupes profilés manuellement représentent environ 12 % des effectifs ETP et 16 % de la VA des entreprises françaises. Les entreprises issues des groupes profilés automatiquement représentent environ 58 % des ETP et 56 % de la VA des entreprises françaises., soit au total 70% des effectifs et 72% de la VA.

L’économie apparaît beaucoup plus concentrée sur les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire. Là où les UL de plus de 250 salariés concentraient 38 % de l’emploi, 41 % de la valeur ajoutée et 61 % des exportations, les EP  de même taille regroupent 52 % de l’emploi, 57 % de la valeur ajoutée et 86 % des exportations.

Dans ces conditions, on peut de moins en moins dire que ce sont les PME qui font l’économie en France.

 

 

 

 

 

 

V – … MAIS QUID DES COMPTES NATIONAUX ?

Mais certains objectifs sont difficiles à concilier entre statistique structurelle d’entreprises et la comptabilité nationale [6]. De nombreux problèmes concernent :

 

 

 

 

1/ L’utilisation de l’entreprise profilée comme unité institutionnelle ?

La statistique structurelle d’entreprise est désormais bâtie autour de la notion d’entreprise profilée, considérée pour ses propres besoins comme le meilleur proxy de « l’entreprise » au sens du règlement n°696/93 afin de fournir la meilleure description possible du tissu productif. De son côté, la comptabilité nationale a fondamentalement un rôle de confrontation et de synthèse de sources63 d’origine très variée et pas toutes fondées sur les mêmes unités statistiques afin de fournir la meilleure description possible du comportement de l’ensemble des agents économiques (entreprises, ménages, administrations publiques…).

Dans un contexte de fragmentation croissante des groupes en de multiples UL disposant d’une autonomie parfois réduite à sa plus simple expression, le choix d’assimiler l’UL à l’unité institutionnelle paraît de plus en plus discutable. Il est tentant de retenir l’EP comme proxy de l’unité institutionnelle dans la mesure où l’EP, regroupant généralement un nombre important d’UL (tout au moins dans la cible 1 du profilage), est davantage susceptible de bénéficier d’une réelle autonomie de décision.

Les comptables nationaux entendent bien que le profilage s’inscrit dans une volonté de mettre en œuvre de façon plus pertinente le règlement n°696/93 relatif aux statistiques d’entreprise en considérant que l’unité statistique doit être « l’entreprise ».

« L’entreprise correspond à la plus petite combinaison d’unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d’une certaine autonomie de décision, notamment pour l’affectation de ses ressources courantes. Une entreprise exerce une ou plusieurs activités dans un ou plusieurs lieux. Une entreprise peut correspondre à une seule unité légale. »

 

 

 

a) Qu’est ce que l’autonomie de décision ?

S’agissant des deux critères de la définition (la plus petite combinaison d’unités légales, un certain degré d’autonomie dans la décision en particulier pour l’allocation des moyens), il convient d’éviter l’écueil d’une définition de l’autonomie trop restrictive, ce qui conduirait à l’extrême à considérer que seul le groupe dispose de cette autonomie et donc l’entreprise serait le groupe.

À l’inverse, s’il s’agit de définir l’autonomie de décision, elle est caractérisée, selon le Système de comptes nationaux (SCN), par la capacité de l’unité résidente considérée de :

  • disposer librement de ses biens et actifs ;
  • prendre des décisions économiques et s’engager dans des activités économiques pour lesquelles elle est légalement responsable ;
  • souscrire des engagements en son nom propre et souscrire des contrats.

L’UL vérifie formellement toutes ces conditions mais en pratique cela ne va pas de soi. Même le droit commercial recherche au-delà des unités légales des « responsabilités décisionnelles » au sein d’un groupe ou dans les rapports donneur d’ordres / sous-traitant.

Finalement, l’appréciation du critère d’autonomie de décision est assez subjective, le contenu de cette autonomie s’avérant variable en fonction des niveaux de décision (fonctionnel, stratégique, financier). Dans le choix de l’unité institutionnelle, le poids des considérations pratiques importe sans doute davantage que la seule analyse des critères de décision.

 

 

b) Labsence de cohérence des données profilées avec les données fiscales

Un problème particulièrement aigu est l’articulation des données profilées avec les données fiscales, mobilisées intensément par la comptabilité nationale, pour opérer les corrections pour activité  dissimulée (taux de redressement par secteur d’activité) ou pour des fins plus ciblées mais essentielles, comme l’analyse du CICE (qui affecte la mesure de la masse salariale dans la mécanique des comptes). Or l’entreprise profilée n’a aucune existence fiscale, les comptes étant déposés au fisc, soit au niveau du groupe fiscal, soit au niveau de l’UL. Mais les taux de redressement sont estimés par secteur d’activité de l’unité déclarante, alors même que le profilage modifie la ventilation par secteur d’activité.

Une autre question importante se pose quant à la stabilité du périmètre des entreprises profilées : en comptabilité nationale, la pertinence des évolutions temporelles est primordiale des pratiques d’évaluation.

 

 

 

2/ La question des activités dites « auxiliaires »,

Un point important est celui du traitement des activités dites « auxiliaires ». Par «activité auxiliaire», on entend en comptabilité nationale, une activité dont la production est destinée à être utilisée au sein d’une entreprise (paragraphe 3.12 du SEC 2010). Il s’agit d’activités d’appoint exercées au sein d’une entreprise dans le but de permettre aux UAE locales composant cette dernière d’exercer leurs activités principales ou secondaires. Toutes les entrées consommées par une activité auxiliaire (matières premières, main-d’œuvre, consommation de capital fixe, etc.) sont considérées comme des consommations intermédiaires de l’activité principale ou secondaire qu’elle sert. Font partie des activités auxiliaires, si elles satisfont exclusivement des besoins internes, les achats et les ventes, le marketing, la comptabilité, le traitement de l’information, le transport, l’entreposage, la maintenance, le nettoyage, la sécurité,… .  La formation de capital pour compte propre (R&D ou logiciels) n’est pas une activité auxiliaire.

Les comptables nationaux acceptent et même apprécient ainsi les consolidations des activités auxiliaires. Par contre, ils ont une définition stricte de celles-ci et s’inquiètent de choix plus extensifs faits par les profileurs. Pour les comptables nationaux, les activités auxiliaires sont les activités de support dont la production est destinée à l’usage exclusif d’une ou plusieurs UAEL du même groupe, et qui sont indispensables à l’exercice des activités principales et secondaires des UAEL concernées. Font partie des activités auxiliaires (si elles satisfont exclusivement des besoins internes) : les achats et les ventes, le marketing, la comptabilité, le traitement de l’information, le transport, l’entreposage, la maintenance, le nettoyage, la sécurité…

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La première  difficulté reste que la concordance n’est pas parfaite entre les flux « internes / artificiels » que l’on élimine en retraçant l’entreprise profilée. 

Pour  chaque UL, on détermine par exemple si elle est « auxiliaire » (ou intra-groupe), commerciale ou productive, à partir de son APE. On considère comme auxiliaires, les UL classées en « holding » ou « sièges sociaux » ou «autres activités de soutien aux entreprises» .

Ainsi, l’identification des flux internes aux entreprises profilées (EP) qui relèvent d’activités non auxiliaires est fondamentale pour les comptables nationaux.

Mais les premières analyses des données d’entreprises profilées mettaient en évidence deux cas qui posent problème d’utiliser l’EP comme unité de référence du TES.

  • des cas possibles où l’activité secondaire d’une EP pourrait être de nature auxiliaire : activités de commerce, transport dédiées au groupe (en particulier dans les EP de taille moyenne : cible 2),
  • des cas à contrario où des activités non auxiliaires, telles que la R&D, sont consolidées; ceci peut avoir des conséquences sur le niveau du PIB (voir chapitre 9).

L’Insee retiendrait des activités dites « auxiliaires » des EP en fonction de seuils définis dans la cible 2 (profilage automatique)  : si une EP du commerce déclare dans l’enquête ESA une activité de transport pour 80 dans son chiffre d’affaires de 1000 et que le seuil est fixé à 10%, ce transport ne devrait pas être pris en compte comme activité secondaire, alors qu’il peut y avoir des flux de transport en dehors de l’EP. Si en revanche elle déclare 120, il sera retenu, sans qu’on sache exactement la part de l’activité secondaire et auxiliaire (échange entre deux UL de l’EP, dont l’une peut être une filiale étrangère).

 

 

3/ la mesure des ventes et de la production

Elle n’est plus la même pour l’ensemble de l’économie et par secteurs d’activité car elle est consolidée dans les EP (voir ci dessus). Les « profileurs », chargés de valider les comptes d’une EP, contrôlent de très près ceux ci (niveau des ventes et ventilation branche) de la cible 1. Mais ils ne vérifient que partiellement ceux des UL de contour. Or les ventes des ERE restent élaborés en base 2020 à partir des ventes des UL et non de celles des EP.

 

 

4/ La ventilation branche

Celle d’une EP n’a donc pas la même structure que celle des UL de contour. Dans les comptes nationaux français, c’est l’unité légale (UL) qui constitue l’unité statistique permettant de définir à la fois les UI (unités institutionnelles) du TEE et les UAEL du TES, aucune donnée sur les établissements n’étant mobilisée.

Si le TES devait continuer à être établi en branche homogène sur le mode actuel, ces branches ne pourraient être issues des statistiques d’entreprises établies sur la base des EP. Actuellement, les données Esane sont aussi produites en UL pour les besoins des comptes nationaux. Mais nous avons vu que la ventilation du chiffre d’affaires des UL qui ne répondent plus aux enquêtes annuelles depuis 2012 est obtenue en appliquant leur structure des ventes de l’enquête 2012.

Cette hypothèse conduit  à une matrice PSB dont la structure varie peu depuis plusieurs années. Or celle-ci évolue en réalité. Ne faut il pas alors s’appuyer sur la ventilation branche des EP ? Mais comment faire pour éviter une rupture de série de cette ventilation qui a toujours été faite en UL? C’est d’ailleurs l’intérêt de l’enquête thématique « Achats/production » de 2018 que de permettre de recalculer des branches homogènes de ces UL.

Or la ventilation branche doit être faite le plus correctement possible : elle permet de suivre précisément la production d’une branche, point de départ des ERE et des comptes de production et d’exploitation. Elle permet aussi de suivre la production par branche et par produit à travers la matrice de production « produit-branche ». Certes son évolution ne reflète pas  la diversification ou le recentrage des activités qui se fait au niveau de l’EP voire du groupe. Les tableaux d’Eurotat la publient  néanmoins par pays dans la nomenclature assez désagrégée en 65 produits-branches.

Or, il apparaît que la matrice des EP est moins diagonale que la matrice des UL de contours en 2013. Ceci ne se voit pas très bien quand on fait la comparaison sur l’ensemble de l’économie. Mais c’est plus net quand on s’intéresse aux seules EP et leur UL de contour (graphique suivant).

 

La production des groupes est nécessairement plus diversifiée que celle des entreprises profilées. Qu’en-est-il des EP par rapport aux UL ? Voici deux cas conceptuels extrêmes. Le premier où la matrice des EP est moins diagonale ; le second où elle est plus diagonale. D’autres cas se situent entre ces deux extrêmes, comme une UL de service absorbée par une EP de l’industrie.

 

 

 

 

 

5/ l’élaboration des comptes trimestriels et provisoires

Une autre difficulté opérationnelle à résoudre trouve son origine dans l’articulation de sources fondées sur des unités statistiques différentes : la statistique structurelle d’entreprise (Ésane) est désormais bâtie autour de la notion d’entreprise profilée, alors que la statistique conjoncturelle (IPI, indices de chiffre d’affaires) reste en UL. Quelles en sont les conséquences sur la “qualité” des comptes trimestriels et provisoires ? En effet les premières versions de ces comptes font largement appel aux statistiques conjoncturelles (Ésane n’étant de toute façon pas disponible) : estimations de la production ou de la demande via les statistiques conjoncturelles, puis passage aux estimations de valeur ajoutée. Cette approche est cohérente seulement si la production d’une branche issue des comptes annuels (via la statistique structurelle) correspond au même champ que les statistiques conjoncturelles relatives à la branche. Le fait que le profilage puisse faire apparaître des branches dont l’activité est de nature auxiliaire (comptabilité, transport pour compte propre, services de nettoyage,..) interpelle. Cette incohérence engendre un risque de révisabilité accrue des comptes trimestriels et provisoires.

 

 

 

 

 

6/ La mesure des variations de stock et notamment de l’appréciation sur stock

Au-delà de la consolidation des activités auxiliaires au sein d’un groupe, il reste encore de nombreuses questions opérationnelles à traiter. Par exemple l’impact potentiel du profilage sur des corrections essentielles du passage aux comptes, comme celle de l’appréciation sur stocks. Le profilage est neutre sur les variations de stocks totales, mais il peut amener à les requalifier (stocks utilisateurs / producteurs / marchandises) et à modifier les produits auxquelles elles sont associées et donc conduire à des résultats différents si les évolutions de prix par produit sont divergentes. On connaît déjà les difficultés pour mesurer les variations de stock utilisateurs notamment, et en particulier l’appréciation sur stock (voir page Variations de Stocks).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VI – UL OU EP COMME UNITÉS DE BASE DU TES ?

Du point de vue statistique, il y a neutralisation des flux commerciaux internes entre deux UL d’une entreprise profilée [7] ; donc la production baisse ainsi que les CI ; la valeur ajoutée doit rester la même, mais il peut y avoir déplacement de la valeur ajoutée d’un secteur d’activité si les UL ne sont pas dans le même secteur d’activité [8]. Le principe d’ESANE est donc de faire une consolidation du chiffre d’affaires (CA) pour l’affecter à l’EP. Les CA collectés dans les enquêtes annuelles de production (EAP) et dans les enquêtes sectorielles annuelles (ESA) sont ensuite agrégés par branche. On déduit ensuite les flux intra-branche. Cela suppose que le groupe ait fourni suffisamment d’éléments pour faire ce retraitement : sur quelle branche d’activité porte le flux interne et quel en est le montant ?

Or c’est justement la question comme on l’a vu : les ventes de branche, première ligne des équilibres-ressources-emplois (ERE), sont estimées à partir des ventes des UL. Celles ci sont elles bien estimées sachant que les « profileurs » de l’Insee ont pour objectif premier de vérifier correctement les ventes de l’EP non des UL ? Au final, dans ESANE, on a un CA consolidé par EP et sa ventilation par branche [9]. Le dernier acte du Colloque de l’association de comptabilité nationale a fait l’objet d’un document  [10].

 

 

 

1/ les UAEL et le profilage

L’UAEL est la “brique” élémentaire du TES (elle est proche de la notion d’établissement). C’est à ce niveau que doivent être évaluées la production, les consommations intermédiaires, la FBCF, la rémunération des salariés et l’EBE. Idéalement une UAEL produit un seul type de biens ou de services. Mais ce n’est pas toujours le cas. Si des activités principale et secondaires coexistent, il faut la scinder en autant de branches homogènes de production en distinguant les activités principale, secondaires et auxiliaires, ces dernières ne devant pas être décrites dans le TES.

L’UL est un proxy traditionnel de l’UAEL dans les comptes nationaux français, mais elle est imparfaite, car elle peut englober plusieurs établissements qui n’ont pas forcément la même activité. Il est donc nécessaire d’identifier les activités principales et secondaires, c’est le rôle des enquêtes de production. En revanche, lorsque l’activité principale d’une UL est de nature auxiliaire (cas d’UL créées spécifiquement pour gérer les achats, l’entreposage ou la paye, ou bien destinées à porter les actifs immobiliers), le traitement n’est pas satisfaisant, sauf dans certains cas particuliers identifiés de longue date.

De ce point de vue, l’EP serait un proxy globalement encore plus imparfait de l’UAEL du fait de la consolidation des flux internes ne relevant pas d’activités auxiliaires par la statistique d’entreprises, même si dans certains cas l’entreprise profilée sera plus proche de la notion d’UAEL que ne l’est l’UL, (par exemple des entreprises de petite taille réduites à deux UL dont l’une ne fait que porter les actifs immobiliers ; par exemple aussi des EP comme Bouygues-Télécom, Bouygues-Construction dont on pourrait penser que leurs activités secondaires ont un poids moindre que dans les UL de contour). Car ceci est le cas d’une UAEL par rapport à une UL.

Avec l’entreprise profilée, le TES change de sens : l’objectif du TES est de pouvoir retracer et modéliser l’ensemble de l’économie par l’approche des produits. Quel que soit le niveau de nomenclature ou la structure du TES (branche, secteur) retenue, on souhaite mesurer la production de tous les produits, qu’ils aient été consommés en interne aux EP ou non. Avec le profilage, une partie des produits devient inobservable (activités immobilières, activités des sièges sociaux, commerce de gros…, quand bien même elles ne constitueraient pas des activités auxiliaires) compte tenu de la consolidation de certains flux de production et de consommation intermédiaires : on ne répond donc plus à cet objectif actuel du TES.

 

 

2/ Faut il faire le TES à partir des EP ?

Dans ces conditions, il semble plus prudent de retenir les UL pour le TES, que celui-ci soit en branche ou en secteur d’activité,  et de le remplir en complétant  les données actuelles d’Esane par des enquêtes thématiques sur la production et les consommations intermédiaires, d’une périodicité à préciser qui permettraient de bien cerner les activités non auxiliaires et de mieux asseoir le tableau des entrées intermédiaires (TEI).

1/ D’une part la référence à l’UL reste conforme au SEC en ne consolidant pas les flux de plusieurs UL de contour d’une entreprise profilée.

2/ D’autre part, on a vu que les EP de la cible 2 prennent assez mal en compte les activités auxiliaires et secondaires même si il y aurait globalement compensation.

3/ Ensuite, l’EP est trop éloignée de l’UAEL (établissement) définie dans le SEC. La taille des UL permettait jusqu’à présent de penser que la notion de branche homogène, regroupement d’UPH, pouvait être approchée par la ventilation en produit de leur chiffre d’affaires. Il paraît en revanche difficile de penser que la ventilation du chiffre d’affaires des EP, consolidation du chiffre d’affaires de centaines d’UL, puisse servir de proxy à la production d’UPH.

4/ Enfin, et ce n’est pas le moins important, nous allons voir que la matrice passage secteur branche (PSB) d’une EP est moins diagonale que celle des UL, ce qui n’était pas évident du fait que les entreprises profilées sont définies par un domaine d’activité précis à partir de grands groupes présents dans plusieurs domaines d’activité.

Les deux questions – élaboration d’ un TES par branche ou par secteur d’activité (Q1) et comment traiter le profilage dans le TES (Q2) – sont différentes encore que leur réponse peut en partie dépendre de la comparaison des matrices PSB avant et après profilage des UL. Le SEC recommande de s’appuyer sur l’UAEL pour faire un TRE, donc à priori sur une unité dont les activités secondaires sont très faibles. Il faut donc vérifier si la matrice PSB des UL est plus diagonale que celle des EP. Si tel est le cas, il semblerait que l’entreprise profilée n’est pas la bonne unité de base pour faire un TES par secteur d’activité.

Toutefois dans le cadre des pratiques mondiales on peut quand même se poser la question d’autant que plusieurs pays et non des moindres (États-Unis, Pays-Bas, etc….) faisant un TRE en secteur d’activité, disent utiliser l’entreprise comme unité de base des TRE (voir page Tableau ressources emplois). S’agit-il alors de l’entreprise profilée ? La réponse n’est pas claire.

 

 

 

 

3/ TES en secteur d’activité et perspectives internationales

Dans les manuels internationaux,  le tableau des ressources et des emplois (le TES) est assis sur la notion de branche d’activité et il résulte d’une collecte statistique (voir page Tableau ressources emplois). Le tableau des entrées-sorties symétrique est quant à lui assis sur la notion de branche homogène et résulte d’une construction théorique avec des hypothèses et des postulats.

Actuellement, l’élaboration des comptes nationaux français (particulièrement dans la construction du TES) repose sur une notion de branche. Par conséquent, il apparaît que le TES français ne correspond pas aux préconisations des manuels. Cela dit, pour respecter les règles internationales, il faudrait conduire de nouvelles enquêtes au niveau des établissements, ce qui semble hors de portée.

Dans ce contexte, les comptables nationaux réexaminent la possibilité d’utiliser l’unité légale comme nouvelle approximation de l’UAEL. D’une part, on dispose effectivement des comptes complets des sociétés à ce niveau. Par ailleurs, le mouvement de filialisation des établissements rapproche l’établissement traditionnel de l’unité légale. Enfin, cela donnerait l’occasion de simplifier les processus et de rejoindre en un certain sens les préconisations des manuels.

 

 

a) Ce passage à un TES en secteur d’activité  pourrait présenter plusieurs avantages :

  • faciliter les comparaisons entre les différentes statistiques produites par l’Insee ou les SSM : la définition de branche d’activité s’en déduisant serait plus proche de la notion de branche utilisée dans de nombreuses statistiques (emploi, CA3…) ou même des branches professionnelles.- – de nombreux indicateurs utilisés par les comptes trimestriels sont de fait des statistiques établies en secteur ;
  • le travail sur les CorEsane serait nettement facilité dans un tel processus de production des comptes.
  • Lamatrice PSB ne servirait qu’à produire le seul TES symétrique. Toutefois elle devrait être élaboré pour un compte définitif (comme dans les autres pays) pour être transmise à Eurostat (tableau des ressources)
  •  les équipes du TES et du TEE des comptes nationaux partageraient la même unité statistique (UL),
  • l’évaluation des branches d’activité (fondée sur les liasses fiscales) serait indépendante du processus de profilage ;
  • améliorer la vision du champ complet de la comptabilité nationale (problèmes d’exhaustivité) et faciliter le dialogue avec le répertoire statistique SIRUS ;
  •  simplification de la reprogrammation de la chaîne de production rendue nécessaire (dans des conditions à définir.

 

 

b) Mais aussi quelques difficultés apparaîtraient :

  • complexification des traitements au sein des ERE (transferts importants dans le passage secteur → produit). Les enquêtes (ESA-EAP, Achat-Production) devraient permettre de guider ce travail) ;
  • quid des comptes des APU et des ISBLSM en secteurs d’activité ?
  • travaux de rétropolation (toujours délicats, comme pour un éventuel passage aux EP).

 

 

 

4/ Travaux internationaux sur l’évolution des TES

Plus fondamentalement, certains remettent en cause les hypothèses mêmes qui fondent le principe du TEI dans sa construction « franco-française » : la pertinence des fonctions de production que retrace chaque colonne du TEI n’est plus que relative face à la globalisation de la production et la fragmentation qui en découle. Ces comptables veulent promouvoir des usages nouveaux du TES dégageant des dimensions à leurs yeux plus essentielles.

L’OCDE anime ainsi depuis 2013 un groupe de travail sur les « TES étendus » plutôt de la sphère des études (voir page chaînes de valeur mondiales). Dans le cadre du projet TiVA (Trade in Value Added) l’OCDE préconise :

– le développement d’une table globale input-output inter-pays dans laquelle les flux d’échanges internationaux sont analysés d’un point de vue sectoriel ;

– une approche selon les caractéristiques des entreprises : TEC (Trade by Enterprise Characteristics) qui conduirait à distinguer parmi les entreprises des sous-populations selon les critères suivants :

  • entreprises multinationales étrangères, entreprises multinationales domestiques, autres entreprises ;
  • fortement ou faiblement exportatrices ;
  • fortement ou faiblement importatrices ;
  • taille : petite, moyenne, grande.

Dans ce cadre, des TES nationaux – ou des tableaux connexes décrivant les flux de ressources ou d’emplois – pourraient être développés selon certaines dimensions (caractéristiques de taille ou de catégories, selon les origines nationales, en fonction du positionnement sur les marchés) et dans divers systèmes de prix. Il s’agirait d’enrichir l’analyse de la chaîne globale de valeur à partir des sous-produits de la comptabilité nationale (ou d’autres sources retracées dans la base TiVA).

Les modes de production du TES actuel en France ne s’inscrivent pas vraiment dans cette démarche. L’alimentation automatique de ces tableaux à partir d’une base de données d’entreprises devra, le cas échéant, provenir d’une démarche sectorielle. Cela peut justifier qu’à terme la France rejoigne les pays développant des TES sectoriels.

 

 

 

 

 

 

 

 

VII – UL OU EP COMME UNITÉS DE BASE DES ÉQUILIBRES-RESSOURCES-EMPLOIS ?

Un des travaux essentiels des resposables-secteurs produits de l’Insee RSP est d’établir les équilibres ressources emplois (ERE) pour chaque produit en valeur et en volume (dans un détail variant selon les secteurs de l’économie). La première ligne des ERE (ventes des branches) est estimée par la ventilation en branches des chiffres d’affaires déclarés par les entreprises, issue du processus ÉSANE.

Chaque année depuis 2012, la DSE produit pour les besoins des comptes nationaux, parallèlement au traitement du processus ÉSANE en EP, des résultats partant des unités légales pour asseoir la ventilation branche du chiffre d’affaires de certaines UL du périmètre des EP de la cible 1 dont les données ne sont plus disponibles. Ce traitement repose sur la structure telle qu’en 2012 et devient de ce fait rapidement obsolète. Cette prestation est réalisée par la division ÉSANE.

L’objectif concret de l’enquête production de 2018 a été donc de permettre la fourniture d’un passage secteur branche rafraîchi par rapport à la base constituée en 2012.

Le passage au profilage peut modifier substantiellement cette ventilation : la consolidation des flux conduira à une production en branches et en produits plus faible et des branches ou produits sont (éventuellement) perdus. C’est l’ensemble du TES qui sera modifié.

 

 

1/ Plusieurs études de cas

S’agissant de la question des ventes de branche (première ligne de l’ERE), l’étude de quelques cas d’entreprises montre des cas divers. Par exemple, ces flux internes concerneraient plus des activités secondaires comme dans le cas de l’entreprise « France télécom ». Dans ce cas, cette entreprise profilée serait relativement plus mono-active que celle comme somme des unités légales (UL). Elle aurait une activité principale relativement plus importante : Il y aurait moins de branches secondaires. Le montant de flux internes sur le chiffre d’affaires est de l’ordre de 7 milliards d’euros (7,6 milliards en 2010 et 7 milliards en 2011). Près de 4 milliards de flux internes s’expliquent par la vente d’équipements entre filiales du contour. En 2010, le Chiffre d’affaire « Agrégation des liasses fiscales » est de près de 36 milliards et celui des comptes de l’Entreprise Profilée IFRS est de 28,4 milliards soit la différence de 7,6 milliards. Le profilage a pour effet de modifier les données des secteurs. Au niveau de l’ensemble de l’économie, le secteur de la téléphonie mobile 6120Z décroît au profit du secteur d’appartenance de l’entreprise profilée (6110Z) ; puisque la société Orange SA est intégrée au contour de l’entreprise profilée. Le niveau du chiffre d’affaires des branches est modifié du fait de la neutralisation des flux internes au contour.

Autre exemple, dans l’ entreprise profilée Lactalis, les branches qui disparaissent sont des activités secondaires. La disparition du commerce de gros s’explique par les flux importants entre toutes les sociétés de production et celles de commercialisation.

Il convient toutefois d’éviter de généraliser. Ainsi, pour Saint-Gobain Vitrage, c’est un peu différent. Les branches qui disparaissent sont en grande partie des produits du vitrage. Il s’agit dans ce cas d’une production intégrée. La production de verre plat est intégrée au processus de production (fabriquée par des filiales de l’EP et vendue à d’autres UL du contour); c’est donc un contre-exemple.

Ainsi, le profilage concerne «l’ intégration verticale » mais aussi des sociétés auxiliaires (holdings, sièges sociaux,) ou des UP qui exercent production et commercialisation « diversification horizontale » (voir les 2 exemples fictifs )un peu plus loin.

Concernant les profilées industrielles, l’INSEE a maintenu les enquêtes au niveau des UL car les groupes n’étaient pas capables de renseigner le questionnaire de l’EAP au niveau de la nomenclature Prodcom. De plus, ça présentait l’avantage de ne pas perturber les séries de l’IPI (le champ correspond à toute la production y. c. celle intégrée).

 

 

2/ E.R.E et profilage

Toutefois, le profilage ne remet pas en cause le principe du travail en branche homogène : les ERE déclinent de façon cohérente, en volume et en prix, la séquence « branche d’activité – branche homogène – produit », en utilisant intensivement les indicateurs conjoncturels « produit » et en intégrant des données exogènes « produit » (consommation des ménages, commerce extérieur). Même dans le cadre du profilage, on doit être en mesure d’établir des ERE en branches homogènes, plus petites et (éventuellement) moins nombreuses pour lesquelles on peut appliquer les indices de prix/volume eux-mêmes élaborés en produit/branche homogène. Toutefois, cela ne garantit pas un partage volume/prix du PIB identique dans une évaluation en UL et une évaluation en EP : en effet, la structure par branche de la VA est différente dans chaque évaluation et les évolutions de prix sont pondérées différemment dans les deux cas. Mais on pourrait dire qu’il s’agit d’un inconvénient du même ordre que la discussion sur les pondérations de l’IPI (par les productions – dé-consolidées – ou par les VA (naturellement consolidées).

Sous cette réserve, il n’y aurait pas de contre-indication majeure à poursuivre la construction d’un TEI en EP selon la même technique que jusqu’à présent.

À l’autre bout du processus, les comptes trimestriels s’appuient sur le (même) TEI (que celui) des comptes annuels, utilisent les mêmes indicateurs de court terme, les mêmes données « produit » exogènes. Toutefois, la mécanique bien rodée des comptes trimestriels devrait permettre aussi d’absorber des chocs qui seraient liés à une perte de cohérence des indicateurs : grâce à l’étape d’étalonnage, les comptables trimestriels savent entretenir le lien statistique entre les indicateurs et les comptes dont ils retracent l’évolution. Il reste que la robustesse de cette approche repose pour partie sur la cohérence des unités statistiques sous-jacentes aux statistiques de court terme, d’une part, aux sources utilisées pour produire les comptes annuels d’autre part. Une difficulté réelle devrait apparaître néanmoins dans la période de transition, compte tenu du manque de recul sur les données pour réaliser des étalonnages, qu’il conviendra d’anticiper.

 

 

 

 

VIII – UL OU EP COMME UNITÉS DE BASE DU TABLEAU ÉCONOMIQUE D’ENSEMBLE (TEE) ?

C’est dans le TEE qye les flux non consolidés sont le plus difficiles à interpréter (voir page Financiarisation). L’impact du passage à la définition économique de l’entreprise peut être séparé en deux effets majeurs5 :

  • un effet dit de « réallocation » : pour une entreprise donnée, les résultats de l’ensemble des unités légales qui la composent vont contribuer au secteur de l’entreprise, alors que dans la vision en unités légales, elles contribuaient à leur propre secteur ;
  • un effet de « consolidation » : une réduction liée aux flux intragroupe pour les variables non additives.

Pour ce qui concerne le chiffre d’affaires, l’effet de réallocation est beaucoup plus fort que l’effet de consolidation. L’industrie est le secteur dont le poids augmente le plus avec le passage à l’entreprise au sens économique. Ces entreprises industrielles rassemblent en leur sein  des unités légales industrielles, mais aussi de commerce et de services qui sont des activités « support » de l’activité principale industrielle de l’entreprise.

À l’inverse, dans le cas des dividendes, l’effet de consolidation est beaucoup plus important (le total des dividendes baisse de l’ordre de 43 % du fait de nombreux flux financiers intragroupes, contre 7 % pour le chiffre d’affaires) (graphqiue suivant). Par ailleurs, les titres sont souvent concentrés dans les unités légales têtes de groupes qui peuvent être de simples sociétés civiles immobilières et en général des holdings. En prenant en compte l’entreprise au sens économique, les caractéristiques de ces unités légales sont regroupées avec celles des unités légales « cœur de métier », ce qui conduit donc à une réallocation des produits financiers vers les secteurs « productifs » au détriment des facteurs financiers qui sont classés dans les services.

Impact de la prise en compte des groupes sur la répartition des dividendes par grands secteurs

 

 

 

 

 

 

1/ Consolidation des variables du bilan : l’exemple des dividendes et produits de participation

Soit une entreprise {A+B+C+D} constituée de quatre unités légales A, B, C, et D.

Produits de participation et dividendes au sein du groupe

L’unité légale A détient B à 100 % (on note WAB le taux de détention de A sur B) et D à 55 %. B détient 40 % de C et D, 30 % de C (figure). Chaque unité légale (A, B, C et D) reçoit des produits de partici‑ pation (PP) et distribue des dividendes (DI). L’algorithme a pour objectif d’estimer ces deux quantités au niveau de l’entreprise {A+B+C+D} en supprimant les échanges intragroupe.

 

Pour l’unité terminale C

Les produits de participation sont tous externes au groupe : Ppextra(C) = 30 000 euros Réciproquement l’unité terminale C verse des dividendes en partie internes à l’entreprise, au prorata de la détention que chaque niveau supé‑ rieur de cette unité terminale. Les dividendes extra‑groupe sont donc le complément : Diextra(C) = DI(C) – (WDC + WBC) * DI(C) = 10 000 – (40 % + 30 %) * 10 000 = 3 000 euros.

 

Pour les unités intermédiaires B et D

Elles reçoivent, d’une part, des produits de par‑ ticipation internes et, d’autre part, des produits de participation externes qui correspondent au solde de ce qu’elles ont reçu au total moins ce qu’elles ont reçu de l’interne :

Ppextra(B) = PP(B) – WBC * DI(C) = 85 000 – 40 % * 10 000 = 81 000 euros

Ppextra(D) = PP(D) – WDC * DI(C) = 75 000 – 30 % * 10 000 = 72 000 euros

Pour les dividendes versés, c’est la même formule qui est appliquée :

DIextra (B) = (1 – WAB) * DI(B) = (100 % – 100 %) * 40 000 = 0 euros

Diextra(D) = (1 – WAD) * DI(D) = (100 % – 55 %) * 25 000 = 11 250 euros

 

Pour la tête de groupe A

Pour les produits de participation, le raisonnement est le même que pour les unités intermédiaires :

Ppextra(A) = PP(A) – WAB * DI(B) – WAD * DI(D) = 100 000 – 100 % * 40 000 – 55 % * 25 000 = 46 250 euros

En revanche, les dividendes versés à l’extérieur sont les dividendes versés par A :

Diextra(A) = DI(A) = 80 000 euros

 

Au total, les dividendes et les produits de participation consolidés de l’entreprise correspondent à ceux réalisés à l’extérieur de l’entreprise et sont :

PP(E) = Ppextra(A) + Ppextra(B) + Ppextra(C) + Ppextra(D) = 46 250 + 81 000 + 30 000 + 72 000 = 229 250 euros

Diextra(E) = Diextra(A) + Diextra(B) + Diextra(C) + Diextra(D) = 80 000 + 0 + 3 000 + 11 250 = 94 250 euros

In fine la consolidation qui correspond à la somme des produits de participations des UL (100 000 + 85 000 + 30 000 + 75 000 = 290 000 euros) moins les produits de participa‑ tion consolidés (229 250 euros), soit 60 750 euros, représente une réduction de 21 % des produits de participations et 46 % des dividendes.

Produits de participation et dividendes au sein du groupe

 

 

 

 

 

 

 

2/ Le passage aux comptes nationaux avec des EP

Le passage aux comptes (PAC-ENF) à partir des données individuelles éventuellement corrigées enchaîne des traitements multiformes propres à prendre en compte certaines contraintes ou normes exogènes à la statistique d’entreprises :

– calage sur les données des finances publiques (impôts) ;

– complétude du champ (agriculture, action sociale) ;

– évaluation de la fraude et de l’activité non déclarée ; la sous-déclaration du CA, la sur-déclaration des CI, le travail au noir, l’écart TVA (entre TVA aux taux théoriques et TVA collectée), contrebande (tabac)  représentent quelque 6 % du PIB national ;

– nombreuses corrections « conceptuelles » : capitalisation des logiciels et de la R&D, passage aux prix de base, SIFIM, crédit-bail, primes d’assurances, appréciation sur variations de stocks…

– traitement de la masse salariale : c’est la source fiscale qui est privilégiée par rapport à d’autres sources pour assurer la cohérence avec les autres variables du compte.

Ces traitements peuvent dépendre directement du choix des unités statistiques retenues : c’est le cas au moins de deux d’entre eux:

– La correction au titre de la fraude ou de l’économie informelle repose sur l’application aux données de production ou de valeur ajoutée issues de la statistique d’entreprise des taux de redressements sectoriels issus d’informations sur les redressements fiscaux et d’ajustements économétriques. Un reclassement sectoriel peut donc modifier l’évolution globale de la valeur ajoutée.

– La correction pour appréciation sur stocks consiste à défalquer de l’évolution des stocks tout ce qui résulte de l’évolution des prix. Cette évolution de prix est liée au secteur d’appartenance de l’entreprise. Elle peut avoir un rôle important. Si une entreprise est reclassée avec ses stocks dans un autre secteur du fait du profilage, la valorisation de ses stocks et donc de sa valeur ajoutée peuvent en être modifiées

 

 

3/ Ne faudait-il-pas s’attendre à des difficultés pour le PAC basé sur les EP ?

– les contrôles seraient plus difficiles en partant des EP que des UL, y compris pour les rubriques « additives » VA ou masse salariale.

– il faudrait probablement recalculer de nombreux taux sectoriels (fraudes, pourboires, avantages en nature…).

Plus généralement, les travaux de passage aux comptes sont jugés lourds et doivent être reprogrammés chaque année : ils peuvent dépendre de questions liées à des mesures économiques ou fiscales circonstancielles toujours renouvelées. Au cas où il serait décidé de conserver un TES en unités légales, ne faudrait-l pas effectuer une double opération de passage aux comptes pour le secteur des ENF ?

 

3/ Cohérence temporelle et questions de champ.

Les questions de champ peuvent être à l’origine de ruptures temporelles dans la fourniture des données ÉSANE aux comptables nationaux, en raison de l’ajustement progressif du champ ÉSANE aux besoins de la statistique d’entreprises.

Des travaux sur le champ des sociétés financières n’ont guère avancé. Il reste que la frontière entre SNF et SF n’est pas encore clairement stabilisée dans ÉSANE, ce dont se plaignent à la fois les comptables natioanux (contour du sous-secteur S127 : Institutions financières captives et prêteurs non institutionnels) et les statisticiens d’entreprises (partage entre holdings financiers et holdings de service).

Le traitement des holdings dans le cadre d’une procédure de profilage est une pomme de discorde entre comptables nationaux et statisticiens : les premiers entendent explicitement tenir compte de la production de ces structures dans le décompte final de la production ; les seconds sont plutôt enclins à intégrer systématiquement les holdings aux entreprises profilées, sans les isoler. En unité légale, on devrait distinguer clairement des holdings « purs » à classer en institutions financières (comptes nationaux établis par la Banque de France) et les sièges sociaux qui relèvent des services aux entreprises (NAF 641Z qui correspond à un ERE des comptes des services). Les exercices de profilage ne respectent pas toujours cette distinction, car on se voit imposer un découpage par l’entreprise.

 

 

 

 

 

 

IX  – UN CAS THÉORIQUE À TRAITER : LA R&D

1/ Le traitement de la R&D dans le contexte du profilage

Un exemple de difficulté particulière dans l’évaluation de la production dans un contexte d’unités profilées est, selon les comptables nationaux, constitué par la recherche et développement. Ce cas ne semble pas négligeable dans le profilage. Depuis le SEC 2010, la R&D est reconnue comme formation de capital donnant lieu à des actifs de propriété intellectuelle. « Cette modification [est] enregistrée et incluse dans les comptes nationaux dès lors que les estimations des États membres [ont] atteint un niveau suffisant de fiabilité et de comparabilité ».

À ce titre, l’évaluation de la production de R&D dans ses diverses composantes fait l’objet d’un soin particulier. Elle repose essentiellement sur l’enquête R&D menée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Cette enquête menée aussi bien auprès des entreprises que des administrations publiques permet d’isoler les dépenses de R&D selon qu’il s’agit d’achats externes ou de R&D réalisée en interne. L’enquête porte également sur les dépenses de R&D pour compte propre. Les données se prêtent donc particulièrement bien aux différents retraitements à effectuer.

L’évaluation de la production de R&D doit être basée sur une analyse détaillée des processus internes aux entreprises et éviter au possible la consolidation (sauf dans le cas des dépenses en produit R&D de la branche R&D elle-même qui sont déduites de la dépense totale). Le SEC recommande de considérer les activités de R&D d’importance significative comme une activité secondaire de l’UAE locale.

Pour ces raisons, selon les comptables nationaux, il est à craindre que la mise en œuvre d’une unité profilée dans une enquête comme celle du MESR ne permette pas une évaluation de la R&D (donc du PIB) conforme aux recommandations du SEC.

 

 

2/ Un exemple fictif

Supposons une ventes de R&D d’une unité légale (A) à une unité légale (B) d’un montant de 100. Les deux unités définissant le contour d’une entreprise profilée. Il convient de traiter ce cas particulier en comptabilité nationale ou du moins de vérifier qu’il est bien traité.

En comptabilité d’entreprise on peut penser que ces achats de l’UL (B) seront dans le poste « autres achats et charges externes » (compte 61 du PCG). Du coup, la valeur ajoutée globale sera de 100 (UL (A)) plus 400 (UL (B)).

Le profilage conduit à une même valeur ajoutée mais la production de l’EP diminue de 100 par rapport à la production des deux unités légales. En comptabilité nationale, il faudra enregistrer en production marchande (P11) la production de l’EP, soit 500, mais il faudra rajouter une production pour emploi finale propre (P12) de 100 qui correspond à la FBCF de l’UL (B).

L’exemple fictif ci dessous reprend ces données.

Échanges entre deux UL d’une même EP dont la production de l’UL A correspond à de la production pour emploi final propre en R&D

 

 

 

 

 

 

 

X  – COMMENT FAIRE LES COMPTES À PARTIR DES ENTREPRISES PROFILÉES ?

1/ La base 2020

Ainsi, il semble que l’EP ne puisse servir d’unité de base pour élaborer le TES. D’une part disparaissent des flux entre UL. En outre, on ne maîtrise pas bien le partage entre activités « secondaires » et activités « auxiliaires » des EP de la cible 2. L’Insee fixe des seuils au dessous desquels une activité dite « auxiliaire » (pour simplifier un service non vendu) ne doit pas être prise en compte dans ses ventes : si une EP du commerce déclare moins de 10% de ventes de transport dans son CA, soit le seuil fixé, ce transport ne sera pas pris en compte si on prend comme unité l’EP pour faire les les équilibres-ressources-emplois (ERE) et le TES  (alors que les comptes nationaux qui se basent sur les ventes de l’UL devraient le prendre en compte). En revanche, si elle déclare en transport plus de 10% des ventes, celui-ci sera pris en compte, sans qu’on sache vraiment si une partie de ce transport se fait entre des UL de l’EP de contour, auquel cas c’est une activité « auxiliaire » (qui ne devrait pas être pris en compte dans les ventes consolidées de l’EP). A cela, certains répondent que l’un dans l’autre, ces flux se compensent entre le transport qui n’est pas pris en compte si il représente moins de 10% des ventes et celui qui est anormalement pris en compte dans le cas contraire.

Autre exemple, si ce service n’est pas du transport mais de la R&D, la FBCF en R&D sera sous-estimée si cette R&D se fait entre 2 UL de l’EP de contour. Pour ces diverses raisons assez complexes, l’EP ne serait pas la bonne unité de base pour élaborer les ERE.

Tout ceci peut expliquer une politique progressive de gestion et de diffusion des EP, et surtout la mise à disposition des résultats en UL en interne pour les comptes nationaux. On a vu que ces résultats onté été sujets à caution car pour les UL qui ne sont plus enquêtées, notamment dans la cible 1, l’Insee a pris leur structure du chiffre d’affaires (CA) par branche de la dernière année d’enquête, soit parfois 2011. L’enquête « achats/production » de l’Insee de 2018 devait toutefois en partie actualiser cette  structure.

Ce processus a été reconduit en Base 2020 des comptes nationaux.  Mais rien n’indique que pour la base suivante, on n’aurait pas un scénario intermédiaire à savoir l’unité EP  pour les comptes de secteurs institutionnels (TEE) et l’unité UL pour élaborer le TES, autant dire une source de complexité  pour les comptes nationaux : la productionconsolidée dans le TEE, n’aurait plus la même valeur que dans le TES.  Il reste que l’Insee diffuse depuis 2017 uniquement des résultats (Esane) pour l’ensemble des EP de la cible 1 et la cible 2, et les UL indépendantes, notamment  pour Eurostat. N’est ce pas là une raison supplémentaire de faire un TES par secteur d’activité ? Les comptables nationaux n’auront en effet pas à se soucier d’un calage en évolution entre les données Esane (en secteur d’activité) diffusées en EP et les comptes (en secteurs d’activité) s’appuyant sur des UL.

 

 

2/ L’avenir

Ainsi les principaux  arguments pour ou contre l’utilisation des EP comme unités statistiques des tableaux de comptabilité nationale sont de cohérence interne du système de comptabilité nationale que les changements d’unité statistique doivent contester le moins possible. Ce qui a conduit les comptables nationaux français  à présenter plusieurs scénarios plus ou moins conservatoires, dont la caractéristique commune est qu’ils ne peuvent s’affranchir de l’usage de l’unité légale pour l’élaboration du TES. Ces scénarios supposent donc que les statisticiens d’entreprises continuent de fournir qux comptables nationaux, à côté de la production officielle en EP, une livraison ÉSANE (avec branches) en unités légales.

Sur cette base, le premier scénario (d’attente) réplique le processus actuel de production des comptes et présente l’avantage de garantir la pleine cohérence de la donnée utilisée en input du TES et de la cible de valeur ajoutée fournie par le PAC. C’est le scénario de la base 2020.

Un deuxième scénario (dit intermédiaire) revient à introduire l’EP comme unité institutionnelle pour les comptes de secteurs, mais à conserver l’UL (comme proxy de l’UAEL) pour l’élaboration du TES. C’est donc un scénario partiel d’intégration des EP. Il présente l’avantage de faire reposer l’estimation de la VA des ENF en valeur (et donc du PIB en valeur) sur la version ÉSANE officielle (en EP), c’est-à-dire celle sur laquelle les contrôles de qualité effectués sont les plus poussés.

Enfin, un troisième scénario (maximaliste) consisterait à ne plus retenir que l’entreprise profilée comme proxy de l’unité institutionnelle et de l’UAEL. Un tel scénario conduirait à une révision radicale des objectifs des comptes nationaux, laquelle pouvant d’ailleurs s’accompagner d’une élaboration du TES en secteur d’activité.

 

 

 

 

 

Michel Braibant
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BIBLIOGRAPHIE

[1] Présentation de ESANE, le dispositif rénové de production des statistiques structurelles d’entreprises, P. Brion,  Colloque ACN, Juin 2012, https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2506363/acn14-session3-1-texte.pdf

[2] Profilage, normes IFRS et Comptabilité Nationale, P. Teillet, Colloque ACN, Juin 2012, https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2506363/acn14-session3-2-diaporama.pdf

[3] Le profilage eropéen, CNIS, P. Teillet, mai 2012, https://www.cnis.fr/wp-content/uploads/2017/10/DC_2012_1re_reunion_COM_entreprises_profilage_europeen.pdf

[4] Le profilage à l’Insee : une identification plus pertinente des acteurs économiques, O. Haag, Courrier des Statistiques, juin 2019, n° 2, Insee, https://www.insee.fr/fr/information/4168409?sommaire=4168411 voir aussi De la définition juridique à la définition économique de l’entreprise : méthode et mode d’emploi https://www.insee.fr/fr/statistiques/4255789?sommaire=4256020

[5] De nouvelles données issues du profilage des groupes : une part accrue de l’industrie, des entreprises
plus performantes, mais une capacité à financer l’investissement et un endettement plus dégradés, J. Deroyon, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1906511?sommaire=1906539

[6] https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1665; Vertus, limites et perspectives de la comptabilité nationale – 16e colloque de l’Association de Comptabilité Nationale Insee Méthodes n° 134 – juillet 2019, R. Mahieu, E. Kremp, G. Houriez.

[7] Depuis trente ans, les grandes entreprises concentrent de plus en plus d’emplois, V. Cottet, N° 1289 – AVRIL 2010, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1287328

[8] Un tissu productif plus concentré qu’il ne semblait,  Nouvelle définition et nouvelles catégories d’entreprises JM Béguin, V. Hecquet, J. Lemasson, direction des Statistiques d’entreprises, Insee Première, N° 1399 – MARS 2012, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281373

[9] Le profilage et son impact sur la représentation de l’appareil productif, Contribution au colloque de l’Association de Comptabilité Nationale, juin 2010, V. Hecquet, https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2506388/texte-hecquet.pdf

[10] Vertus, limites et perspectives de la comptabilité nationale 16e colloque de l’Association de Comptabilité Nationale, INSEE, 2019, https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/4191118/imet134-m.pdf

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)